14 novembre 2024 4 14 /11 /novembre /2024 05:28

Documentaire réalisé par  Piero Usberti (Italie France Palestine 2023)

 

 

présenté au festival Cinéma du réel France 2024 (Compétition)

À Gaza, il faut arriver le soir au printemps, s’enfermer dans sa chambre et écouter les sons qui entrent par les fenêtres ouvertes. Nous sommes en 2018. J’ai 25 ans et je suis un voyageur étranger qui rencontre de jeunes Palestiniens de mon âge. Ils m’ont amené dans leur quotidien qui s’est rapidement teinté d’une portée très politique. Une vie telle qu’on ne l’imagine pas toujours. » (Piero Usberti)

Voyage à Gaza

2018. Piero Usberti (alors âgé de 25 ans) est accueilli par Meri Cavelli (fondatrice du centre italien d’échange culturel). La voix off du documentariste philosophe -que rythment des percussions- sera notre guide 


Voici des restaurants des appartements voici une foule grouillante ou des portraits de jeunes et moins jeunes au visage souriant, filmés en plan américain, voici tout un tissu urbain (qui hélas 6 ans après n’existe plus..) voici un champ de fraises bio à Beit Lahya, voici le café Al Baqa en bord de mer Une mer et ses couchers de soleil somptueux une mer (le plan sera récurrent) où se glisse -de la surface jusqu’en ses profondeurs abyssales une scène d’indomptabilité à forte imprégnation mythologique, une mer toujours recommencée …malgré le blocus imposé

(Le Hamas - il est bon de le rappeler -n’existait pas en 1948. Créé en 1987 il fut élu en 2007 pour gérer la bande de Gaza) . Eux les Gazaouis commémorent la Nakba « catastrophe » et c’est lors d’une manifestation «pacifique » que Yasser Mourtaja photoreporter palestinien fut tué le 6 avril 2018 alors qu’il portait le badge « presse » et couvrait la « marche du retour » Nous assistons à ses funérailles


‘Ma voix off ne vise pas à donner un cours d’histoire, mais je pointe des faits : Israël a mené un projet d’occupation puis d’expulsion des Palestiniens, en 1948, explique Piero Usberti. Il n’y a rien de haineux à dire cela. 


J’ai pensé à une phrase de la photographe Susan Meiselas, qui dit que la caméra donne un moyen d’être là où je n’appartiens pas, et me donne la bonne distance pour rencontrer l’autre Tant il est vrai que le « texte » qu’il lit est empreint d’émotion (celle d’un  " modeste"  humain parmi les "humains"  d'un "humain" qui  respecte  toute vie humaine……à bon entendeur !!!) 
 

Piero Usberti est accompagné de Sara, 25 ans à l’époque – qui officiait dans un centre d’entraide pour des femmes. "Je vis à Gaza City"  elle lui (nous) explique le verrouillage de la « bande » : au sud, la porte de Rafah à la frontière avec l’Egypte, au nord, Erez à la frontière avec Israël. Car Gaza est assurément la plus grande prison à ciel ouvert. Et les bruits permanents des drones de surveillance et/ou de combat (que d’emblée le cinéaste reporter oppose aux drones-caméras), les coupures d’électricité (une constante dans le quotidien des habitants) , ces jeunes interviewés donnent l’impression de s’en accommoder …certains tentent de s’évader par la littérature (voyez Mohanad, communiste, montrant son étagère couverte de livres dont certains  "interdits".) ou par des « projets » (Jumana, professeure d’anglais et de natation, rêve de devenir journaliste) (on apprendra que  Sara partira en Italie pour ses études. que Mohanad vit en Belgique depuis 2022. que Jumana est restée encore 7 mois après le 7 octobre 2023 avant de se rendre en Egypte…)

 


Et j’ai voulu montrer la beauté de Gaza, qui ne se réduit pas à une terre où le pire arrive


Oui en procédant par petites touches (que renforcent le tremblé de la caméra au poing et le format carré) ce documentaire "défait" "l’essentialisation"  d’une zone uniformisée pour l'extérieur en pure «zone noire».
 

Oui Voyage à Gaza individualise singularise les êtres alors que  les discours sur les habitants de cette "prison à ciel ouvert"  tendent à les « engloutir sous la seule appellation de « terroristes » (justifiant à bon compte l’injustifiable !!!)
 

D’une façon plus générale le « dispositif » même du cinéma -grâce à son rapport au temps à l’espace aux corps aux imaginaires- va à l’encontre d’un storytelling -celui qui domine dans les discours officiels, dans les médias mainstream et les réseaux sociaux- storytelling qui se plaît à « invisibiliser » une Histoire -assez longue-  dans laquelle s’inscrit le 7 octobre 2023
 

 

Un documentaire à ne pas rater !!

 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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11 novembre 2024 1 11 /11 /novembre /2024 08:05

D'Icíar Bollaín (Espagne 2023)

 

 

avec  Mireia Oriol, Urko Olazabal et Ricardo Gómez 

 

festival Saint Sébastien (septembre 2024)

À la fin des années 1990, Nevenka Fernández, issue de la bourgeoisie conservatrice locale,  est élue à 25 ans conseillère municipale auprès du maire de Ponferrada, le charismatique et populaire Ismael Alvarez membre éminent du Partido popular (PP), situé à droite.  C'est le début d'une descente aux enfers pour Nevenka, manipulée et harcelée pendant des mois par le maire. Pour s'en sortir, elle décide de dénoncer ses agissements et lui intente un procès

L'affaire Nevenka

L'Affaire Nevenka (Soy Nevenka Je suis Nevanka) inspiré de  faits  réels (cf synopsis) révèle le premier cas de #MeToo politique en Espagne 

 

En optant pour la « circularité » du récit -le film est un (trop ?) long flash-back, avec quelques allers retours entre passé et présent de la narration-,   la réalisatrice adopte d’emblée le « point de vue » de Nevenka: c’est par elle, c’est de son point de vue, que tout sera « revécu » : « complexité » des faits rapportés, scènes de « charisme » -lequel se mue d’ailleurs en emprise- l’incompréhension des uns l’empathie des autres (rares…), les accusations faisant de la « plaignante victime » la seule responsable, l’accumulation de « fake news »  dans la campagne de dénigrements-, etc.. Or c’est précisément cela que permet la fiction (à la différence du documentaire qui n’aurait pas pu -de par son essence même- « capter » tous les moments du ressenti profond.  En pénétrant la "psyché" de Nevenka, en situant le film au moment des « faits » -soit à la fin des années 1990, Iciar Bollain laisse au spectateur le soin  de s’interroger sur « ce qui n’a pas fondamentalement changé » en dépit de la libération de la parole et de la notion de consentement qui n’est plus perçue de la même manière … Il est vrai que l’on est enclin à « juger » à l’aune des années 2010 

 

La talentueuse Mireia Oriol a su rendre compte (cf les gros plans sur son visage ou la focalisation sur ses gestes les mains en particulier) du passage progressif de  " l’entente cordiale" à l’enfer, du rayonnement à la déchéance, en passant par des phases de " confusion"  et de doutes réitérés- jusqu’à la prostration …avant l’acte ultime de  "survie"  (aidée en cela par son compagnon et son avocat) de "déposer une plainte", d’intenter un  "procès"  (lequel sera restitué mot pour mot d’après les archives…quolibets inversion des « rôles » éructations de l’avocat général …) 

*Oui Nevenka est bien le premier cas #Me Too politique en Espagne, Et lourdes seront les conséquences (cf le générique de fin) pour la plaignante qui a voulu préserver sa "dignité" 

 

Cela étant, malgré une mise en scène (assez académique avouons-le sans ambages) qui mêle chronique sociale (l’omnipotence du patriarcat, la prégnance de la religion) chronique politique (transactions immobilières alimentant la "bulle"  qui explosera vers 2008, par exemple) et thriller psychologique (anatomie de tous les rouages de la "manipulation"  qui préside au harcèlement, rouages étroitement liés à "l’exercice du pouvoir") on est en droit de déplorer certaines insistances (complaisantes ?) Pour exemple une opposition de traitement. Voici une mini scène traitée avec une sobriété telle qu’elle n’en sera que plus convaincante (le maire en arrière-plan se penche vers des vigiles qui immédiatement avec des battes de base-ball vont chasser des opposants faisant de la pub pour un autre bar que …le sien…) opposons cette mini scène (mais passerait elle inaperçue ?) à toutes celles -traitées souvent tels des instantanés certes -où le prédateur, souvent en gros plan, se comporte en  "parrain mafieux" dispensant privilèges et sourires mielleux…

 

Nous venons d’assister à la démonstration même de ce qu’est le harcèlement  dira l’avocat de la défense auquel on reproche de ne pas avoir répondu aux propos de l’avocat général (coléreux il éructait sa vindicte !) 
 

Un film d’utilité publique ? je vous laisse juge…

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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9 novembre 2024 6 09 /11 /novembre /2024 05:29

De Sean Baker (USA 2023)

 

Avec Mikey Madison ( Ani) Mark Eydelshteyn (Ivan) Youri Borissov (Igor) Vache Tovmasyan (Garnick) Paul Weissman (Nick) Karren Karagulian (Toros)

 

 

Palme d'Or Festival de Cannes 2024

Argument: Anora, jeune travailleuse du sexe de Brooklyn, se transforme en Cendrillon des temps modernes lorsqu'elle rencontre le fils d'un oligarque russe. Sans réfléchir, elle épouse avec enthousiasme son prince charmant, mais lorsque la nouvelle parvient en Russie, le conte de fées est vite menacé.

Anora

S’il est bien une constante dans la filmographie de Sean Baker c’est l’intérêt porté aux marginaux (rappelez-vous Tangerine, Le prince de Broadway ou encore Florida project) et la façon dont sa caméra épouse leurs parcours chaotiques, c’est aussi cette folle énergie qui habite chacun de ses protagonistes. Déterminée et fragile à la fois Anora rejoint la cohorte des autres personnages du panthéon du cinéaste


Anora ? Elle préfère Ani. Prostituée ? Non « stripteaseuse » Et pour incarner ce personnage survolté l’actrice talentueuse Mikey Madison par son jeu à fleur de peau et de braillements, par son corps aussi souple que la fluidité de la narration est très convaincante !


Le film obéit à un schéma narratif assez simple fondé sur la binarité. Après une sorte de prologue qui immerge le spectateur dans le quotidien des « travailleuses du sexe » -couleurs bleutées ondulations des fesses circulation de l’argent pour satisfaire une appétence sexuelle-, nous assistons à la genèse d’une union qu’un mariage (improbable) va sceller ; l’union Ani/Yvan ressemblerait elle à un « conte de fées ? En apparence seulement (des motivations plus triviales animent aussi ces deux jeunes partenaires) …Mariage et Faste …(le jeune homme est le fils d’un oligarque russe) Mais le rêve va s’écraser dans les considérations faites de « turpitudes » propres aux « grands » de ce monde (grands par leur puissance financière et leur conservatisme idéologique…) Deux longues séquences  d’anthologie : celle dans le huis clos de la maison avec ses cocasseries diverses, suivie d’une autre non moins étonnante : la course effrénée dans la nuit new yorkaise (rythme lumières milieux interlopes) est à « couper le souffle » (sens propre et figuré) ; le film se clôt sur un épilogue en forme  d'ouverture ( ?)


Si Sean Baker a déjà abordé le thème de la « prostitution » il l’inscrit ici dans la perspective d’un « conte »  en « faisant sortir » la stripteaseuse Anora hors de son milieu social, MAIS à l’inverse de Pretty Woman le rêve caressé et momentanément réalisé à grand renfort d’invraisemblances assumées, se heurte au bloc de l’immanence (ce qui justifie la binarité à la fois dans le jeu d’oppositions et dans la structure narrative) Construction et déconstruction ; rêve et réalité ; transcendance et immanence. 
 

Au statisme apparent (Ani est bâillonnée recroquevillée sur le canapé) s’oppose un bouillonnement intérieur et la disparité entre Toros (ce religieux mafieux payé par le couple milliardaire russe pour canaliser les emportements de leur fils) et ses deux sbires (aux allures comiques de personnages de BD) fait basculer le « faux » drame dans une comédie de pacotille  …HORMIS le fait que l’acharnement des trois, en soi assez comique avec ses rebondissements et/ou sa répétitivité et les problèmes de communication liés à la barrière de la langue, dit l’impossibilité de l’effacement : on ne DOIT PAS pactiser avec les « classes dites laborieuses » 
 

La toute dernière séquence ne peut-elle se donner à lire comme les prémices d’un nouveau conte ?  Celui du  triomphe de l’émotion (jusque-là jugulée par les convenances ou contenue par la pudeur) Une ouverture palpable dans l’enserrement même de l’étreinte …. Igor/Ani
Et la neige floconneuse s’en vient saluer un cœur mis à nu..

 

Certes on peut déplorer des longueurs, des « effets » d’insistance « faciles », de même souligner la superficialité du scénario, mais Anora n’en reste pas moins un film à VOIR que je vous recommande (même si personnellement j’ai préféré Prince de Broadway

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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5 novembre 2024 2 05 /11 /novembre /2024 05:50

 

Le festival This is England -dont c'est la 13ème édition- se déroulera  du 16 au 24 novembre 2024 dans toute la Normandie

 

À travers une compétition de courts-métrages et la diffusion de longs-métrages inédits en ouverture et en clôture, le festival This is England propose chaque année de se plonger dans la richesse du cinéma britannique.



 

Festival This is England

Depuis sa création en 2012, le festival est organisé par l'association Rouen-Norwich Club et accueilli par le cinéma Omnia République de Rouen. Depuis 2019, le cinéma Kinepolis accueille également la manifestation, avec pour effet une dynamique de l’événement sur les deux rives de la ville. Fier de faire perdurer la relation historique entre la Normandie et le Royaume-Uni sous un angle cinéphile, This is England a ainsi présenté plus de 500 films, invité leurs réalisateurs, producteurs ou scénaristes à venir échanger avec le public et a offert plus de 25 000 € de prix aux lauréats. En constante augmentation, la fréquentation du festival a atteint un nouveau record lors de la dernière édition où plus de 23 000 festivaliers sont venus découvrir les films de la programmation.

 


 

L’édition This is England 2024 propose cette année une séance de six courts-métrages de fiction et animation, en version originale sous-titrée en français, permettant de confronter les élèves à des supports authentiques et d’appréhender la diversité et l’originalité de la production culturelle britannique.

 

Soirée d’ouverture samedi 16 novembre Omnia 20h
Soirée de clôture samedi 23 novembre  Kinepolis 20h

 


Programme 

This is England 2024

Festival This is England
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4 novembre 2024 1 04 /11 /novembre /2024 14:20

Film documentaire de Gilles Perret  et François Ruffin (2023)

 

avec François Ruffin Sarah Saldmann

C’est quoi ce pays d’assistés ? De feignasses ? » Sur le plateau des Grandes Gueules, l’avocate parisienne Sarah Saldmann s’emporte: « Le Smic, c’est déjà pas mal. » D’où l’invitation du député François Ruffin : « Je vous demande d’essayer de vivre, madame Saldmann, pendant trois mois, avec 1 300 €. - Admettons, mais une semaine, ça sera déjà pas mal. » Alors : peut-on réinsérer les riches ?

Au boulot!

Reportage, documentaire ?... peu importe, mais certainement pas fiction, le film de François Ruffin et Gilles Perret qui passe très vite (1 h 25) est une petite merveille d'intelligence politique.

On connaît plus ou moins la vie des pauvres en France mais très mal celle des riches. L'idée de "réinsérer les riches," selon l'expression du réalisateur,  est toute simple : prendre une avocate ultra-libérale, Sarah Saldmann, chroniqueuse aux Grandes Gueules en 2023 sur RMC puis à Cnews et la plonger quelques jours dans les métiers manuels de ceux qu'elle accuse d'être des feignasses, gavés aux aides sociales.

Le film est drôle d'emblée, à la manière de "Merci Patron". On croit rêver en entendant  les propos pleins de mépris sur les assistés que cette jeune femme assène sur les ondes. Mais elle accepte de jouer le jeu, et la voilà avec ses talons hauts et vêtements de grandes marques, prête pour une journée de livraison. La caméra de Gilles Perret la suit sans malveillance, épuisée au bout de la matinée. "J'ai 70 points de livraison à effectuer, mais on a pris du retard, 15 ce matin seulement alors que d'habitude j'en ai déjà fait 50 ! ...dit le livreur sous le regard abattu de Sarah Saldmann.

 

On s'attend après l'avoir vue peiner et découvrir le métier d'ouvrière dans une usine de harengs fumés, celui d'agricultrice, d'aide à domicile, serveuse en brasserie, bénévole au Secours Populaire, etc...qu'elle prenne conscience de la réalité des métiers durs où les gens sont abîmés physiquement par leurs tâches.

Certes notre bourgeoise émet quelques regrets sur ses déclarations intempestives, réactionnaires et surtout bâties sur l'ignorance de la vie des pauvres, "j'ai merdé là dessus" avoue-t-elle, mais la rédemption durable se fait toujours attendre....

Ruffin évite le tourisme social. Leurs discussions à ce sujet recadrent l'objectif du propos et sont parlantes. Il mêle habilement toutes sortes de catégories parmi ces personnages réels à qui on confie la “stagiaire”. Si fait qu'il démolit au passage tous les préjugés sociaux et racistes contre les immigrés, les femmes seules chargées de famille, les hommes jeunes des banlieues, précaires, qui habitent toujours chez leurs parents faute d'avoir les moyens pour se payer un loyer, ou les vieux cassés par des années de travail éreintant.

 

Le spectateur découvre ou redécouvre la condition de la classe ouvrière. Très bien filmé, au style alerte, enlevé, nous passons du rire aux larmes sans aucune lourdeur ni voyeurisme. Ruffin a de l'empathie à revendre et sait la communiquer, aidé en cela par l'adresse de son complice cinéaste- cameraman Gilles Perret (auteur du fameux documentaire sur la Sécurité Sociale").

Le final du film est festif, original et inattendu car il y a toujours de la surprise, de la fantaisie et de l'espoir dans les films de François Ruffin. Son œuvre cinématographique est unique par son style et ses scénarios. Il parvient une fois de plus à redonner le souffle et l'élan pour combattre les injustices aux spectateurs qui ont politiquement le moral en berne.

 

Un film d'utilité publique ! A voir et faire voir dès sa sortie nationale le 6 novembre.

 

Serge DIAZ

 

 

 

PS : Contrairement aux usages en général, le film n'a été pré-acheté par aucune télé, brûlot trop efficace sans doute contre les alliés du système capitaliste actuel.

Sarah Saldmann, avocate et chroniqueuse télé,  est la fille d'un riche propriétaire de cliniques privées à Paris, et auteur à grand succès de livres sur le jeûne. On la voit dans une boutique de luxe regarder une veste qui lui plaît de 2990 € et dire face à la caméra "ça va, elle n'est pas chère" sans plaisanter.

 

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3 novembre 2024 7 03 /11 /novembre /2024 07:12

Documentaire réalisé par   Joseph Paris, 2023

 

avec Logan de Carvalho (le narrateur) et Yasser Louati, 

Argument: Yasser est militant des droits de l'homme. Joseph est cinéaste. Ensemble, ils interrogent, des années 80 à aujourd'hui, le phénomène du repli identitaire en France, la montée du racisme et les restrictions des libertés. Ils délivrent la parole qu'on ne veut pas entendre, en décortiquant le discours médiatique et politique, confrontant l'actualité aux archives.

Le repli

Retracer la montée du racisme en France et de l’islamophobie, analyser le recul des libertés individuelles en « rembobinant » jusqu’aux années 1980 (grèves des ouvriers immigrés). De l’instauration de l’état d’urgence en 2015 (et ses dérives avec entre autres  les perquisitions abusives à répétition) jusqu’à la loi sur la sécurité (2107 ) Oui ce film documentaire va  décortiquer certains discours politiques ‘(Sarkozy Hollande Macron)  donner la parole à des  victimes d'abus "légitimés" par les lois liberticides...,  ainsi qu'à des  chercheurs historiens penseurs  (saluons au passage l’analyse de Mireille Delmas-Marty 1941 2022,  de Vanessa Codaccioni, ou de Thomas Deltombe) mais surtout  "œuvrer" avec  Yasser Louati à la fois acteur et témoin (commentateur sur les chaînes télévisuelles du monde entier et bénévole associatif contre l’islamophobie en France) que la caméra suit  à Paris Nice Calais…


Quand fond et forme sont d’une puissance démonstrative implacable !! un tel film documentaire devrait être  "montré" en haut lieu (Assemblée nationale, Sénat) comme à tout citoyen …


Recours au noir et blanc, rythme soutenu, morcellement fragmentation de l’image, archives confrontées au regard critique de "spécialistes" (non pas ceux qui pullulent à longueur de plateaux complaisants imbibés de la doxa ambiante mais  ceux qui "osent" mettre en perspective …) Une  démarche quasi artisanale de l’art vidéo (dans les années 60/70 des cinéastes new yorkais recherchant de nouvelles formes de créations d’images récupéraient des pellicules dans les poubelles pour les assembler en les transformant) Nous voyons Joseph Paris (réalisateur/vidéaste) projeter d’abord l’archive brute, puis ses mains qui coupent, grattent déchirent, jusqu’à crever les yeux des "discourants " (en réponse à la violence symbolique qui abonde sur les chaînes de télévision ???) puis il va associer les images, les remonter, les détourner à son tour (ainsi il est à même d’en révéler  les amalgames et les contresens) pour finalement les projeter en animation… Un tel dispositif est assez singulier (serait-ce aussi sa "limite" ? pour "dénoncer" le pouvoir subversif de l'image?)   Ajoutons les montages parallèles  le recours aux split screen (censés épouser la division de la société ?). et cette voix off d’un narrateur (Logan de Carvalho)  " double "  du réalisateur - qui avec  "pédagogie" va expliquer  ce que l'image est "censée montrer," alors que Yasser Laouti dissèque les propos rapportés…L'image de l'oignon que l'on pèle   corrobore la fonction  de "dissection" (épluchage)


Les passe-droits accordés depuis 1980 (et ce quel que soit le pouvoir en place) sont hélas devenus "permis de tuer" La défense de la laïcité (certains politiques dont le premier ministre Manuel Valls éructent hystériques) a été sciemment détournée…Rupture de l’égalité des citoyens ? c’est à n’en pas douter la restriction pour TOUS des libertés individuelles. Etat de droit en danger ? à plus ou moins long terme c’est le triomphe de l’autoritarisme  (principe moteur de l’autocratie)   
 

La France est devenue incapable "de se voir comme un nous", avec ses enfants de toutes origines, (sociales et autres...)….
 

Un documentaire (cri d'alerte en forme d'uppercut ) à ne pas rater (malgré certains malgré)

 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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1 novembre 2024 5 01 /11 /novembre /2024 02:47

De Lila Aviles (Mexique 2023)

 

Avec Naima Senties (Sol) Montserrat Maranon (Nuria) Marisol Gasé (Alejandra) Mateo Garcia (Tonatiuh) Lazua Larios (Lucia) Alberto Amador (Roberto) 

 

Festival international du film de Berlin 2023

Festival les reflets du cinéma ibérique et latino-américain de Villeurbane 2024

Argument: Dans un quartier tranquille de Mexico, la famille de Sol, sept ans, prépare l’anniversaire de son père gravement malade. Tandis que les adultes s’affairent, la jeune fille les observe avec attention....

Totem

Unité de lieu, unité de temps,  caméra au plus près des personnages (format 4,3) la cinéaste dans ce deuxième long métrage (cf  La Camarista - Le blog de cinexpressions ) adopte le point de vue d'une gamine de 7 ans pour brosser le portrait d'une famille. Sol vient d’être déposée par sa mère dans la demeure du grand-père, elle va suivre les préparatifs d’une fête en l’honneur de son père  et y participer le soir venu.  Elle qui est en osmose avec sa mère (cf la scène liminaire et le spectacle duo/totem) va évoluer seule au milieu d’une « ruche »,  consciente de la mort prochaine de son père (qui est alité dans une chambre). Sur son visage  filmé en gros plan se lit le passage de la joie de vivre à la gravité, deux composantes du film qui oscille constamment entre ombre et lumière, vie et mort et les questions posées (mort de la mamie, mort prochaine du père, fin du monde), ont l’accent poignant de qui s’interroge sur la finitude inexorable de l’être humain…quand bien même Sol communique avec ChatGPT La fête anniversaire en l’honneur du père sera-t-elle une cérémonie d’adieu ? (avec comme prémices le gâteau qui brûle, et comme métaphores inversées le laryngophone du grand-père psychanalyste au visage buriné par la mauvaise humeur et le rôle de la chamane convoquée pour « chasser les mauvais esprits »)

Totem ou le portrait en mosaïque d’une famille. Pénétrant interstices et coulisses  la  gamine notre guide observe  -sa famille aux liens parfois grinçants ou distordus.. La perruque multicolore aux différents matériaux qu’elle portera pour le « spectacle » serait comme la métaphore de la mosaïque, alors que  chaque personnage observé filmé en plan rapproché participe peu ou prou au jeu des dissonances  :  la tante Nuri fait des gâteaux, et …boit en cachette, sa fille Esther veut aider sa mère, et… faire boire du café au chat, la tante Alejandra doit se teindre les cheveux, et avec la chamane  chasser les mauvaises énergies, l’âme errante de la mère décédée, l’oncle Napo (il est arrivé en retard) convoque la maisonnée pour une « thérapie quantique » …

Totem célèbre aussi le monde  animal et végétal : (cf la calligraphie originale du générique de fin, la toile réalisée par le père où  le bestiaire aimé de sa fille est scrupuleusement représenté, le bonzaï/cadeau  du grand-père, un très gros plan sur un insecte dans une anfractuosité quand, au petit matin, la maison sera désertée par les hommes quand un lit vide ressemble à un linceul) Sol est passionnée par cet univers dont la confrontation avec le monde des humains est constamment sinon rappelée du moins suggérée.  Le mot "totem" est d'ailleurs décliné en ses sens propre et figuré et illustré par la fusion mère/enfant en  un  mât costumé.

Et sans extrapolation ne pourrait-on pas superposer à la coexistence humains, animaux, plantes, vie, mort dans le huis clos d’une demeure (même si le soir venu la présence de tous les invités dépasse le cloisonnement des 4 murs et que le cadre s’est élargi au jardin) une autre mosaïque celle d’un pays le Mexique ??

 

Un film à voir !!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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31 octobre 2024 4 31 /10 /octobre /2024 04:57

De Clint Eastwood (USA 2023)

 

 

Avec Nicholas Hoult (Justin Kemp) , Toni Collette, Zoey Deutch   Gabriel Basso Kiefer Sutherland JK Simmons

Argument Alors qu'un homme se retrouve juré d'un procès pour meurtre, il découvre qu'il est à l'origine de cet acte criminel. Il se retrouve face à un dilemme moral, entre se protéger ou se livrer.

Juré n°2

 la vérité n'est pas toujours juste;

la justice juge bien des faits et non la vérité  

(paroles de jurés)

 

Un gros plan sur le visage  de Thémis,  déesse de la justice les yeux bandés  et sur les deux plateaux de la balance, c'est   l'ouverture du film ; une telle entrée en matière, déjà signifiante, va se lester d’autres signifiés quand dans la séquence suivante  on voit une femme les yeux bandés, enceinte,   guidée par la main protectrice de son époux…  elle va  "découvrir"   la chambre du futur bébé  …chambre que le père formidable (tu es parfait!) a minutieusement préparée. Thématique du regard ? Cécité aveuglement ? Vérité qui crève les yeux ? Au sein d’une famille nucléaire américaine… .Famille  dont le lissé propret masque  en fait quelques craquelures....

Soucieux de l’avenir de sa famille, de la santé de son épouse,  Justin Kemp souhaite être récusé comme  juré (ma femme est enceinte, une grossesse à risque, je veux être à ses côtés…) ; arguments refusés : il sera le "Juré n° 2" …

Les faits ? Un homme est accusé du meurtre de sa compagne suite à une violente altercation, lui James Sythe  dealeur imbibé d’alcool est le coupable idéal !!  sauf que…le juré n°2 non seulement était présent dans le bar au moment de la dispute mais aurait "malencontreusement  écrasé" la femme en fuite - persuadé jusqu’alors  qu’il s’agissait d’un cerf…éventualité confirmée par le  panneau de signalisation plusieurs fois montré en gros plan (reconstitutions mentales en flash back  telles de fracassantes réminiscences)  Ses pleurs (on comprendra les causes de son inquiétude ce jour-là...) mêlées au ruissellement de la pluie gênent sa vision de chauffeur,  le regard furtif sur la photo de l’épouse qui l’accompagne dans l’habitacle,  une seconde d’inattention et vacarme des freins….

Un Juré (le n°2)  nommé à  un procès de  son ....propre crime....

 L’enjeu du film est d’entraîner le spectateur dans les méandres assez retors d’une conscience. Taraudé par un dilemme (dire la vérité mais ce serait sacrifier famille et avenir, ou laisser accuser un innocent mais ce serait contrevenir aux fondamentaux de la justice; intérêts personnels vs intérêts collectifs), Justin Kemp   "manœuvre" ;  à la fois contre les jurés persuadés ( ?) de la culpabilité de l’accusé, (mais s'il était injustement accusé, laissons lui une chance...) et contre tous les soupçons qui engagent sa responsabilité, quitte à être démasqué... On lit dans le regard et sur le visage de l'acteur Nicholas Hoult  la déchirure qui habite et  lacère le personnage. Sa démarche parfois "potache" (se planquer pour une « contre-enquête ») peut être machiavélique (laisser tomber la liasse de documents fournis par un juré complice, convaincu de l’innocence de l’accusé, juré qui  d'ailleurs sera …renvoyé…)

Et ce procès que certains souhaitent "bâcler"  ou "utiliser" (la procureure corsetée dans son tailleur comme dans ses certitudes, en fait un tremplin pour sa carrière d'élue politique) va s’éterniser …jusqu’au triomphe d’une certaine vision du mal et du bien…

Mais la mise en scène de cette énième méditation sur la justice est bien trop classique et par moments osons l’épithète mollassonne. L’alternance entre scènes de prétoire, scènes de "reconstitution" du drame, par flashbacks, scènes d’intérieur, si elle crée un certain tempo n’a absolument rien d’original (même dans les films dits de procès) il en va de même pour cette  progression/tension  dont les étapes scandent la narration !!

Une "tempête sous un crâne",  un face à face permanent avec soi-même, avec les autres, avec une société dont on prétend défendre les  "valeurs",  auraient mérité (à mon humble avis !) un autre traitement

Restera gravé cependant le dernier plan où un champ contre champ oppose deux visages glacés de silence ….complice …et ….réprobateur

 

Colette Lallement-Duchoze

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28 octobre 2024 1 28 /10 /octobre /2024 08:41

D'Emanuel Parvu (Roumanie 2023)

 

avec Ciprian Chiujdea (Adi) Valeriu Andriuta (le chef de police) Ingrid Berescu (Llinca) Bogdan Dumitrache (le père)  Adrian Titieni (le prêtre) Laura Vasiliu (la mère)

 

Festival Cannes 2024 Queer Palm 

Adi 17 ans passe l’été dans son village natal niché dans le delta du Danube. Un soir il est violemment agressé dans la rue. Le lendemain son monde est entièrement bouleversé. Ses parents ne le regardent plus comme avant et l’apparente quiétude du village commence à se fissurer

Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde

Ténuité de l'intrigue scénaristique, longs plans séquences, importance de la parole comme substitut de l’image, choix de cadrages particuliers pour éviter le statisme, ces « constantes d’un certain cinéma roumain » (Marita baccalauréat Illégitime Par-delà les collines) au service de dénonciations plus ou moins acerbes de dysfonctionnements de la société nous les retrouvons dans ce film d’Emanuel Parvu. Avec cette originalité, le jeu inattendu sur le bord cadre (souvent à droite) et l’intention assumée maîtrisée de faire du village un personnage à part entière -bruits et clapotis, tremblements de la végétation sous le souffle du vent, couleurs lumières chemins/ruelles– un village filmé comme un écrin paisible si convoité par les touristes, mais dont la sérénité bucolique contraste avec les vilénies humaines et  que le cinéaste oppose aux intérieurs (cloisonnés) symboles de l’étouffement

Pour démonter les rouages d’un mécanisme verrouillé, celui d’une société moins traditionaliste que rétrograde qui enferme (sens propre et figuré) ligote musèle martyrise un adolescent homosexuel, pour mettre à nu l’homophobie, le cinéaste opte pour une mise en scène « théâtrale » :Un théâtre de la cruauté où les personnages incarnent  des « fonctions » (parentale politique religieuse) où les « étapes » sont soigneusement mises en évidence -de la déposition en bonne et due forme suite au tabassage (hors champ) , jusqu’à son abandon en passant par des voltefaces, astucieusement préparées manigancées à coup d’arguments souvent fallacieux pour ne pas dire spécieux. Ce dont témoignent les dialogues ciselés où à peine insidieuse s’exerce la manipulation de l‘information (on minimise les faits on déforme la « réalité » par extension ou détournement de sens, on menace par des propos comminatoires, on joue le casuiste bref on travestit la vérité). L’homosexualité ? une maladie une tare une souillure; dont le village doit se prémunir comme d’un opprobre…Les parents, le prêtre, le policier, le père des agresseurs et... potentat local, vont œuvrer avec zèle dans ce sens (cf la séquence d’exorcisme où Adi muselé ligoté tente de se débattre alors que les parents, le prêtre et son acolyte impassibles récitent les formules expiatoires et propitiatoires). Honte peur mais aussi intérêts bassement égoïstes autant de « motivations » qui alimentent l’homophobie… et que  "stigmatise"  avec intelligence ce film,  -- l'absence de musique  -hormis dans le dernier plan-séquence- accentue cette "stigmatisation" 

Et l’agressé ? la victime ? Le spectateur  "lit" sur les ecchymoses du corps et sur le visage tuméfié l’empreinte de l’agression. Filmé de face avec les effets spéculaires du miroir, Adi semble interpeller le public…  C'est qu'il subit aussi l’agression de la communauté,  de ses parents en particulier. Dès le moment où il est "châtié" (enfermement confiscation du portable) il opte pour le silence…un silence lourd de " révélations" : n’incarne-t-il pas avec Llinca  « l’humain »  dans ce microcosme des turpitudes ?…Le dernier plan séquence  lui offre (ainsi qu’au spectateur) une énorme bouffée de vie, une respiration … à 3km du village.... là où la terre cède la place à la mer, là où l’eau et le ciel célèbrent leurs épousailles, c’est l’ouverture vers un ailleurs…qui restera hors champ…

Un film à ne pas rater !!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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27 octobre 2024 7 27 /10 /octobre /2024 06:24

De Gilles Lellouche (2023)

 

avec Adèle Exarchopoulos, François Civil, Mallory Wanecque, Malik Frikah Alain Chabat, Benoît Poelvoorde, Vincent Lacoste, Elodie Bouchez, Karim Leklou, Jean Pascal Zadi

 

 

Compétition Officielle  Festival de Cannes 2024 

argument: Les années 80, dans le nord de la France. Jackie et Clotaire grandissent entre les bancs du lycée et les docks du port. Elle étudie, il traîne. Et puis leurs destins se croisent et c'est l'amour fou. La vie s'efforcera de les séparer mais rien n'y fait, ces deux-là sont comme les deux ventricules du même cœur...

L'Amour Ouf

Composé de deux parties le film  est censé explorer la genèse et l’accomplissement d’une passion amoureuse qui défie tous les "attendus ": deux enfants évoluant dans deux milieux sociaux opposés (filmés en montage alterné et/ou parallèle;  ici les « trucages » cosmétiques sur Alain Chabat ou Elodie Bouchez feront ricaner);  deux adolescents dissemblables mais dont le regard (zooms puis infographie…sur l’organe musculaire qu’est le cœur) va tout faire exploser …(les deux interprètes sont étonnants de fraîcheur et de véracité surtout Malik Frikah), deux "cursus"  dissemblables, (Clotaire, accusé d'un crime qu'il n' a pas commis est incarcéré , Jackie se marie "sans conviction")  deux adultes toujours en quête l’un de l’autre malgré tous les malgré. Une playlist éclectique et variée (The Cure dont le morceau A Forest), Deep Purple, Daft Punk, mais aussi la chanson  d’Yves Simon…)

Or puisque "Bien c’est pas suffisant"  (Jackie à son mari) Gilles Lellouche a misé sur l’excès, le paroxysme

Ouf !  sera le soupir  de soulagement après 2h46 dont plus des deux tiers marqués du sceau de l’hubris…

Passons outre les références (revendiquées assumées) à Tarantino, Scorcèse,  West Side Story …

Quelle surenchère dans le traitement ; tout est exagéré ! « trop » de ….travellings circulaires et latéraux, ralentis, split-screen (avec coexistence de deux temporalités ou concomitance de propos en écho ou encore larmes synchro) des lumières trop irréalistes, trop de mouvements de caméras virevoltantes, à l’endroit, à l’envers, trop d’images criardes, trop de longueurs et d'inutiles insistances  … On a la fâcheuse impression que ce film (adapté d’un roman irlandais et transposé dans les Hauts de France) se doit d’épuiser tous les champs du possible cinématographique tout en mélangeant les genres (romance,  thriller, comédie…musicale). Trop de facilités -scénaristiques et autres- dans un film constamment survolté. Et même l’environnement si cher à Gilles Lellouche (la ville portuaire de Dunkerque dont l’usine filmée en frontal impose une stature couleur brique mordorée), ne saurait décliner âpreté, rudesse, ni se métamorphoser en théâtre de la passion sinon toxique du moins orageuse     Tout cela se répercute sur le jeu des acteurs, surtout dans la seconde partie où François Civil n’est pas  toujours convaincant, où Poelvorde est trop caricatural …où même Adèle Exarchopoulos est par moments décevante …

Le ton est donné dès le prologue assez « spectaculaire » : choix de déroulés chorégraphiés même sans pas de danse (au « ballet » des «hommes/ bandits » répond celui de voitures dans un tunnel) choix d’un rythme trépidant dans une ambiance bleutée  choix d’une bande-son vrombissante, fracas de métal,  de coups de feu ; en extérieur une femme (Adèle Exarchopoulos) tente de téléphoner d’une cabine…mais le chauffeur et commanditaire du braquage (François Civil) ne répond pas…Explosions et sang…la mort à portée des flaques. Une symphonie du massacre… La même séquence sera reprise MAIS avec une issue plus moralisante…ah les sortilèges de l’amour ouf ! Le prologue n’était donc qu’un « artifice d’intrigue »…

L’amour ouf ou la voracité à la mesure d’ailleurs du budget …pharaonique (plus de 35 millions d’euros…)

On pourra toujours objecter que la démesure -traitée ici comme un feu d’artifice pétaradant  - correspond à tout ce qui est paroxystique en Amour  comme dans la quintessence du cinéma, peut-être. Mais la surenchère -à presque chaque instant aura vite fait de terrasser et ensevelir ces  partis pris, projet !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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