4 janvier 2025 6 04 /01 /janvier /2025 05:03

D'Andrea Arnold ( G-B 2024)

 

avec Nykiya Adams (Bailey) Franz Rogowski (Bird) Barry Keoghan (Bug) Jason Buda (Hunter) 

 

Festival de Cannes 2024 Compétition Officielle

 

Présenté au festival "ths is England" à Rouen,  soirée d'ouverture le 16 novembre 2024  

Argument: Bailey 12 ans vit avec son frère Hunter et son père Bug, qui les élève seul dans un squat au nord du Kent. Bug n’a pas beaucoup de temps à leur consacrer et Bailey, qui approche de la puberté, cherche de l’attention et de l’aventure ailleurs. Elle croise la route de Bird 

Bird

Après le documentaire Cow (http://www.cinexpressions.fr/2022/12/cow.html la cinéaste britannique s’intéresse de nouveau avec Bird aux défavorisés, aux exclus de la société ; mais l’aspect social se double ici d’envolées oniriques et ce dès les premières séquences où tout semble encodé : portable double de la caméra, oiseau, insectes captés dans leur immobilité ou leur envol, jeune fille au visage mutin ou rayonnant, regard aimanté vers un ailleurs à déchiffrer, relation familiale déstabilisante -un père immature- avec lequel elle vit dans un squat ; le point de vue sera donc celui de Bailey et la thématique majeure sera celle d’une émancipation, d’un passage de l’adolescence vers l’âge « adulte » ; aidée en cela par un être énigmatique (et peut-être purement imaginaire… ) Bird 

 

Les trois acteurs sont formidables de justesse. Barry Keoghan en père immature voire irresponsable, au corps tatoué d’insectes, convaincu que la bave d’un crapaud drogué sera source de profit, à condition de lui chanter du Blur et du Coldplay. Nykiya Adams qui est quasiment de tous les plans crève l’écran de ses moues d’enfant de ses rêves d’ado de ses révoltes et rebellions .Franz Rogowski qui incarne ce « bird », être hybride en quête de ses origines, capable de métamorphose, samaritain défenseur des « orphelins » de cœur.  On retrouve dans la façon de filmer les extérieurs, la tonicité et les atmosphères de Cow ou des Hauts de Hurlevent - mugissement du vent frémissement de la lande claquement de branches ou cette impétuosité des flots-. Ajoutons cette bande-son (une playlist très « énergisante » qui séduira certains spectateurs) le rythme qui ne faiblit pas, les audaces de couleurs flashy (intérieurs et vêtements) le mélange de violence (sociale et/ou humaine) et de douceur (quand l’adolescente Bailey dispense une quiétude maternelle à ses tout jeunes frère et sœurs par exemple), tout cela devrait entraîner l’adhésion…

 

Et pourtant….

 

L’impression bizarre d’inabouti- superposition virevoltante et imaginaire (?) de deux façons de filmer (celle de Bailey comme prolongement de celle de la cinéaste ? ) - entache le simple plaisir de voir …une  "caméra dynamique"

Une difficulté par trop évidente à faire coexister réalisme et onirisme (la rencontre avec Bird, les différents r-v, et la métamorphose sous le regard ébahi de Bailey  -gros plan sur le visage puis plan américain sur le dos – frise le ridicule…)

Un espace (social et imaginaire) saturé ad infinitum (pour ne pas dire ad nauseam) de symboles clichés : le cheval, les contreplongées récurrentes sur Bird, si haut perché, les gros plans sur les cuisses de Bailey maculées du sang de ses menstrues, l’opposition (facile) entre une forme de liberté incarnée par les nombreux oiseaux ou insectes qui traversent le film de leurs fulgurances immobiles ou non – et la liberté des personnages si difficile à conquérir dans l’âpreté du quotidien, même si les slogans qui tapissent les murs du squat sont porteurs d’espoir… 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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3 janvier 2025 5 03 /01 /janvier /2025 06:47

Documentaire réalisé par Raoul Peck  (2024 France Etats Unis)

 

 

Festival de Cannes 2024 Oeil d'Or (prix du meilleur documentaire)

Ernest Cole, photographe sud-africain, a été le premier à exposer au monde entier les horreurs de l'Apartheid. Son livre House of Bondage, publié en 1967 alors qu'il n'avait que 27 ans, l'a conduit à s'exiler à New York et en Europe pour le reste de sa vie, sans jamais retrouver ses repères. Raoul Peck raconte ses errances, ses tourments d'artiste et sa colère au quotidien, face au silence ou la complicité du monde occidental devant les horreurs du régime de l'Apartheid

Ernest Cole photographe

Un travail colossal : à partir de milliers d’images, du livre House of Bondage,  de textes,  du témoignage du neveu  et d’archives filmées (puis la découverte dans une banque suédoise de 60 000 négatifs en 2017) Raoul Peck va « reconstituer » l’itinéraire de celui qui « fut le premier à exposer au monde entier les horreurs de l’Apartheid » contraint à l’exil en 1967. Aux USA même s’il fréquente d’autres exilés (Miriam Makeba) s’il travaille un temps pour le New York Times il sera en proie à la solitude fondamentale, au taedium vitae, suspect quand il photographie les formes les plus patentes du racisme américain à l’encontre des « Noirs » (cf les lois Jim Crow) et surtout quand il les met en parallèle avec l’apartheid… Meurtri à jamais! Une fin plus que tragique ; solitaire clochardisé mort à 50 ans d’un cancer du pancréas…


Le documentariste a opté pour une voix off (la sienne ?) à la première personne comme s’il s’agissait d’une autobiographie post mortem ; et de fait la raucité de cette voix, la récurrence du lamento (l’exil et la douleur du never more ), les questionnements -qui sont autant d’accusations de tous les pays complices de l’apartheid- dont la violence éclate dans ces photos (prises très souvent à hauteur d’homme comme pour éviter de se « faire prendre ») peuvent corroborer une telle illusion : l’œuvre d’un « survivant » …Une telle approche immersive rompt ainsi avec les interviews face caméra où chaque intervenant dira son « point de vue » contribuant à cette fâcheuse atomisation du propos  (une exception ici l’interview du neveu) Mais surtout ce « je » censé être celui du photographe et du citoyen penseur que fut Ernest Cole, n’est-il pas aussi par extension celui du réalisateur lui-même haïtien d'origine et celui du spectateur ?  Personne ne regarde le ciel à New York. »  cette remarque d’Ernest Cole se superpose aux images de Soweto (tout comme Raoul Peck est hanté par la mort de ses frères en Haïti…) l’exil vous ronge… et l’apartheid ne sévit-il pas  encore au XXI° siècle? sous d’autres formes certes mais qui n’en sont pas moins humiliantes déshumanisantes pour les victimes …


Raoul Peck va « réinventer » des cadrages en jouant sur les valeurs de plan ; il peut agrandir un détail avant de le replacer dans le format original ou le juxtaposer avec d’autres images (grâce  aux split screens et mosaïques) il passe du noir et blanc  (statique mais avec l'illusion du mouvement) à la couleur (pour des images et films d’archives).  Ce faisant il met à la fois en évidence et en perspective le travail d’Ernest Cole photographe-reporter obstiné, et sa « trajectoire » d’homme apatride à jamais blessé 


Ernest Cole photographe :ou le « devoir de mémoire »

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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2 janvier 2025 4 02 /01 /janvier /2025 12:11

De Luigi Comencini (Italie 1969) version restaurée

 

avec Philippe Leroy, Paola Pitagora, Sara Franchetti, Giorgio Piazza 

Argument: Une dame âgée, qui avait souscrit à une assurance vie, meurt dans des conditions suspectes. Nanni Brà (Philippe Leroy), fonctionnaire de la compagnie d’assurances, est missionné pour tirer au clair les causes du décès. Il rentre en contact avec la famille et se rapproche de Cinzia (Paola Pitagora), l’une des filles de la défunte. Leur relation va prendre un tour inattendu.

Sans rien savoir d'elle

"un giallo atypique et méconnu, signé Comencini, qui superpose intrigue policière et histoire sentimentale dans un jeu de la vérité au final inattendu." C’est ainsi que La Cinémathèque ( qui consacre une rétrospective à Luigi Comencini du 9/01/25  au 3/03/25 )  présente ce film 

 

Et de fait mêlant plusieurs genres le film débute comme un « polar » (enquête, filature savoureuse, proie énigmatique… difficile à saisir) se prolonge comme une romance romantique avec inversion des rôles (le prédateur devenu proie, les promesses les clichés du discours amoureux revisités) et se termine en tragédie.  

Bien plus  l’entremêlement des  "genres" s’apparente  très vite à un brouillage, ce qui ne peut que séduire…Le réalisateur brosse parallèlement un portrait de femme magistralement interprété par Paola Pitagora. Si l’on ajoute l’élégance de la mise en scène, la musique de Morricone (dont cet Ostinato  leitmotiv lancinant telle une ritournelle)  l’audace de certains cadrages, l’auscultation de la société milanaise (en harmonie d’ailleurs avec l’atmosphère brouillardeuse de certaines séquences en extérieur) on est étonné d’apprendre que ce film ne soit pas sorti en France en 1969…(et comme le rappelle le générique au début c'est grâce aux Films du Camélia  à partir d’une copie neuve fraîchement restaurée par la Cinémathèque de Bologne que ce film fut exhumé...

 

Jeu constant de masques, changements de tonalités (aux simagrées aux calculs doucereux succèdent des propos aussi « violents » que le ton )  et que lit-on dans le regard de « l’accusée » et que signifie sa propension à battre sa coulpe ? sa versatilité ? son art de « renverser » la situation ? 
 

Jeu de rôles aussi sur le vaste échiquier qui représente le théâtre des sentiments 
 

 

A ne pas rater

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Séances Omnia vendredi 17h15, samedi 11h, dimanche 17h15 mardi 15h45

 

 

 

Sans rien savoir d'elle
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30 décembre 2024 1 30 /12 /décembre /2024 14:08

De Nabil Ayouch (Maroc 2024) 

 

avec Nisrin Erradi, Joud Chamihy, Jalilan Tiemsi 

 

Présenté au festival de Cannes 2024 (Cannes Première)

 

Festival d'Angoulême 2024

 

Argument: Touda rêve de devenir une Cheikha, une artiste traditionnelle marocaine, qui chante sans pudeur ni censure des textes de résistance, d'amour et d'émancipation, transmis depuis des générations. Se produisant tous les soirs dans les bars de sa petite ville de province sous le regard des hommes, Touda nourrit l'espoir d'un avenir meilleur pour elle et son fils. Maltraitée et humiliée, elle décide de tout quitter pour les lumières de Casablanca.

Everybody loves Touda

Certes la prestation de Nisrin Erradi (qui interprète Touda) est exemplaire.  Certes le cinéaste (avec sa compagne Maryam Touzani) continue à explorer disséquer la société marocaine en s’intéressant aux femmes combattantes et à toutes les entraves qui les corsètent les musèlent comme autant de freins à leur liberté. Et l'on sera une fois de plus sensible au chatoiement très sensuel des ambiances nocturnes ainsi qu'aux diktats qu'imposent ces relents de patriarcat éhonté. Dans "everybody loves Touda"  un cas unique tant il  se veut exemplaire, celui d’une jeune femme  (Touda) qui a toujours rêvé d’être chanteuse  mais dans  la tradition des cheikhas Nous la suivons dans les différentes étapes de ce parcours qui souvent s’apparente à un calvaire (ce dont témoigne le prologue; cette scène liminaire d’une violence insoupçonnée, le viol…une scène qui d’ailleurs encode tout le film : réaliser un rêve (et particulièrement devenir cheikha, autrefois adulée honnie aujourd’hui), c’est mettre tout son être en danger … 

 

Le cinéaste cherche à mener de front deux thématiques  en entrecroisant deux fils narratifs : la volonté d’émancipation de son « héroïne » et un état des lieux du paysage musical marocain. Or en ce qui concerne le premier objectif (largement développé) nous assistons à quelque chose d’assez convenu répétitif qui met en exergue la témérité quasi inébranlable de Touda (le titre du film n’en sera que plus ironique…  ) Le « classicisme » de ce parcours fait d’espoirs et de désillusions est accentué par les métaphores ô combien faciles des « montées »et « descentes »  et des « ascenseurs » … Ajoutons le handicap de l’enfant (un fils sourd et muet) que Touda élève seule, et l’on n’est pas loin de verser dans le mélo…

Quant au second objectif écrasé par le premier , il reste à l'état de balbutiement..

quid de la force révolutionnaire de la aïta ?(le CRI)  chantée par ces femmes qui parlent haut et fort pour résister dénoncer ?  

 

Impression plus que mitigée…

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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29 décembre 2024 7 29 /12 /décembre /2024 06:47

Documentaire réalisé par Leon Gast (1996 USA) Version restaurée

 

Festival Sundance 1996

Oscar du "meilleur documentaire"  1997

Argument: En 1974, à Kinshasa, capitale du Zaïre, a lieu une rencontre historique entre les deux poids lourds les plus réputés des Etats Unis, Mohammed Ali, alias Cassius Clay, et George Foreman. A trente-deux ans, Ali va tenter de reconquérir le titre de champion du monde face à Foreman, vingt-cinq ans, auréolé de ses victoires sur Frazier et Norton. Le 30 octobre, le stade de Kinshasa ouvre ses grilles à 4 heures du matin.(pour  "coller" à l’heure américaine…)

When we were Kings

Pour fêter les 50 ans (30 octobre 1974) du duel "historique"  Rumble in the Jungle -, est sortie en salle une version numérique restaurée du documentaire réalisé par Leon Gast (un travail étalé sur 20 ans…) 

 

En 1974 le pari était audacieux, combiner un événement sportif opposant deux Afro-Américains et un festival musical autour d’artistes noirs, éminemment politique (Ali vient combattre sur la terre de ses ancêtres), impudent aussi (le dictateur Mobutu en finançant le projet instrumentalisait l’événement  …)

Et rappelons que le cinéaste Leon Gast  s’était rendu au Zaïre (aujourd'hui RDC) pour filmer le black Woodstock …mais… Bien plus, les dés semblaient pipés "Nous regardions un homme qui allait à l’échafaud" dit un témoin tant le contraste était patent entre l’adipeux Mohamed Ali et l’"invincible" (?) Foreman âgé de 25 ans et donné favori…et pourtant…. Politiquement les  "deux poids lourds"  sont opposés : Ali ou le porte étendard du contre-pouvoir, Foreman plus conforme aux valeurs américaines (leur attitude réciproque avec les Zaïrois avant le match est finement analysée dans ce documentaire.) 

 

Mêlant habilement images d’archives et témoignages (recueillis dans les années 1990 ceux de Norman Mailer, Spike Lee, George Plimpton) avec le souci constant de la contextualisation (le Zaïre de Mobutu dictateur cruel, par exemple) faisant la part belle aux propos militants et savoureux du vibrionnant Mohamed Ali (entre autres sur ses frères autochtones ou afro américains) ainsi qu’à la musique (James Brown, BB King, the Spinners,  Myriam Makeba, ) when we were kings par ses fulgurances au rythme trépidant, ses  audaces au montage (coexistence présent passé et futur), illustre cette adéquation entre fond et forme, gage d'une qualité indéniable et raison suffisante pour ne pas rater un tel événement 


De ce documentaire foisonnant d’archives  "qui parle autant d’une époque que d’un combat",  on pourra retenir ces propos de Cassius Clay devenu Mohamed Ali (après son refus de faire la guerre au Vietnam et sa conversion à l’islam)  "Je me suis battu contre un alligator, j’ai lutté contre une baleine, j’ai attrapé un éclair, emprisonné la foudre… la semaine dernière, j’ai tué un roc, blessé une pierre, envoyé une brique à l’hôpital"  " hier soir, j’ai éteint la lumière; j’étais au lit avant qu’il ne fasse noir!"
 

Un film à la gloire d’Ali ? peut-être ! sûrement ! 
 

Mais  loin de sortir ko de la projection, on aura eu loisir de s’interroger aussi sur un "désastre"  psychologique et humain et sur le futur de ces épousailles entre cinéma et boxe …

 

A ne pas manquer ! 

 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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28 décembre 2024 6 28 /12 /décembre /2024 05:56

Film documentaire réalisé par  Kilian Armando Friedrich et Tizian Stromp Zargari (2023 France Allemagne)

 

 

avec Jérôme Biemon,  Vincent Jouet,  Florian Wernert  et Marie-Laure Porcher  

 

 

En compétition :  6e édition de CitéCiné Festival International du Film Politique de Carcassonne 2024 (janvier) 

 

  Festival international Jean Rouch 2023  Prix Gaïa (IRD, Institut de recherche pour le développement)

 

A  voir sur Artekino jusqu'au 31 décembre 2024

https://www.arte.tv/fr/videos/ 121747-000-A/nomades-du-nucleaire

Marie-Lou, Florian, Jérôme et Vincent sont employés par des sous-traitants de l’industrie nucléaire française. Leur travail consiste à effectuer la maintenance et le remplacement du cœur des réacteurs chaque fois que cela est nécessaire. Pour ce faire, toujours prêts à être envoyés en mission, ils vivent dans des camping-cars devant les centrales. Tous luttent contre la solitude et l’incertitude auxquelles leur travail les expose. Et rêvent de leur vie future, loin des aires de parking et des centrales

Nomades du nucléaire

Commentaire du jury Jean Rouch

 

Dans ce film, les réalisateurs ont choisi de s'intéresser à la vie et au travail des "invisibles" du nucléaire, ces précaires qui vont de centrale en centrale effectuer des travaux de maintenance. Leur vie est pleine d'incertitudes sur le lieu de travail, si bien qu'ils vivent dans des camping cars, sur des aires d'autoroutes ou des campements de gens du voyage, avec comme horizon les tours de refroidissement de centrales nucléaires dans lesquelles la caméra ne pénètre jamais.

Les doses de radiation reçues, ou "LA dose", constituent la deuxième incertitude qui déterminent la vie des protagonistes. Pourront-ils travailler le lendemain, la semaine ou le mois suivant ?

 Les chemins de vie s'entrelacent en montage parallèle sans pour autant se rencontrer puisque l'enjeu est de témoigner d'une vulnérabilité profonde dans ces activités qui ne créent plus de sociabilité dans le travail, où les projets familiaux se retrouvent fragilisés par ces ruptures successives où le travail devient un sacrifice.

 

Le jury a particulièrement apprécié l'engagement ethnographique des cinéastes, qui filment au plus près leurs personnages, dans leur intimité, leur quotidien. Ils les laissent exprimer leurs rêves, leurs envies de construire leur "après nucléaire".
 

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27 décembre 2024 5 27 /12 /décembre /2024 06:22

D'Edward Berger (USA, GB 2024)

 

avec Ralph Fiennes (Thomas Lawrence) Carlos Diehz ( Benetz) Stanley Tucci (Bellini) John Lithgow (Tremblay) S Castelitto (Tadesco) Isabella Rossellini (Mère Agnès)  

Argument: Alors que le pape vient de mourir de façon inattendue et mystérieuse, le cardinal Lawrence est chargé — malgré ses réticences — de superviser le conclave. Des cardinaux venus du monde entier doivent voter pour la succession. du souverain pontife. Ce poste de chef de l’Église catholique attire les convoitises et va intensifier les stratagèmes politiques au sein du Vatican. Lawrence par ailleurs  se rend compte que le défunt leur avait caché un secret qu'il doit découvrir avant qu'un nouveau Pape ne soit choisi.

Ce qui va se passer derrière ces murs changera la face du monde....

Conclave

Servi (ou desservi ?) par une affiche racoleuse Conclave plébiscité par une bonne partie de la presse et du public n’est-il pas avant tout un  "divertissement aux accents de thriller"?  Les premiers plans où la caméra semble coller au dos à la nuque du doyen organisateur nous invitent à pénétrer les arcanes d’un  "monde"  hermétique  habituellement fermé (interdit) au profane…


Qu’en est-il ? Sur le fond ? hormis le twist final (ultime rebondissement ...ne pas spoiler) affirmer que « les cardinaux sont des hommes comme les autres » (entendons qu’ils ont leurs défauts …) la belle affaire !!!… L’intervention du cardinal traditionaliste italien Tadesco -qui rappelle les pires déclarations de Matteo Salvini -frise la bouffonnerie …Montrer de l’intérieur, (dans le huis clos des coulisses aux vitres scellées) les querelles intestines et les tractations auxquelles se livrent les « papables » et leurs « supporters » (manipulations, propos comminatoires,  accusations de simonie , egos hypertrophiés , semonces,  enquêtes menées par le doyen devenu momentanément «Hercule Poirot ») on connaissait l’adage vaticanesque « qui entre pape au conclave en sort cardinal » devenu presque un « marronnier »  … Quant à l’irruption d’attentat islamiste ( ?) dont la déflagration s’en vient briser carreaux et maculer la pourpre cardinale, elle relève de l’absurde. Et tout cela filmé pour mettre sur le devant de la scène le jeu d’acteurs et saluer leurs prestations (cf Sergio Castellito en cardinal Tadesco ou Lucas Msamati en cardinal conservateur nigérian Andeyemi) L’homélie du cardinal Lawrence (le pire ennemi ce sont les certitudes) et ses propres interrogations, (il se dit taraudé par le doute…moins dans la foi que dans l’Eglise) ? Plaquées et non abouties, elles sont loin d’être convaincantes … (rien à voir avec Habemus papam). Opposition entre conservateurs et progressistes ?? une grossière galéjade là où on était en droit d’attendre une réflexion plus métaphysique ou théologique…tout en conservant les sinuosités d’un argumentaire.

Après tout l’intrigue de Conclave ne déparerait pas à l’Assemblée juste avant un vote ou chez les mafieux au lendemain de la mort du Parrain souverain...

 


Quant à la forme ! que de complaisance ! que de surcharges inutiles ! tout semble surdimensionné. A commencer par la musique (très démonstrative, trop illustrative). Des gros plans insistants mais à l’évidente vacuité (l’anneau que l’on arrache du doigt du pontife décédé, un fragment de fresque, des doigts gonflés de bijoux etc..) des ralentis certes spectaculaires mais plus expressifs que signifiants ! Clinquant (rutilance) fortement théâtralisé dans quelques profondeurs de champ, quelques travellings latéraux et dans ces vues en plongée (où la ronde en blanc et rouge est censée chorégraphier les pas cadencés des cardinaux) ; un goût prononcé pour la symétrie les cadres; tout cela conjugué ne fait qu’accentuer la rigidité de l’étiquette (le décorum surtout déjà bien exploité dans les films consacrés au Vatican) et une mise en scène assez  "pompière " 

 

Un film qu’on « peut éviter » 

 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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26 décembre 2024 4 26 /12 /décembre /2024 06:01

De Hiroshi Okuyama  (Japon 2024)

 

avec Sosuke Ikematsu (Arakawa l’entraîneur) , Keitatsu Koshiyama (Takuya) Kiara Nakanishi (Sakura)

 

Présenté au festival de Cannes 2024 Un Certain Regard

Argument: Sur l’île d’Hokkaido, l’hiver est la saison du hockey pour les garçons. Takuya, lui, est davantage subjugué par Sakura, tout juste arrivée de Tokyo, qui répète des enchaînements de patinage artistique. Il tente maladroitement de l’imiter si bien que le coach de Sakura, touché par ses efforts, décide de les entrainer en duo en vue d’une compétition prochaine… À mesure que l’hiver avance, une harmonie s’installe entre eux malgré leurs différences. Mais les premières neiges fondent et le printemps arrive, inéluctable.

My Sunshine

Il était une fois en hiver. C’est l’histoire de … Serait-on tenté d’écrire tant le film a les allures d’un conte. Un conte initiatique. 
 

Le format choisi 4,3 (enfermement dans un monde intérieur ?) la dominante pastel, l’impression de flouté - halos d’irréalité onirique, ou lumière cotonneuse-, l’apprentissage sur une glace qui crisse et se strie, une glace tout à la fois étincelante et tranchante, dans une patinoire/sanctuaire, la circulation de regards, des paysages traités telles des estampes, les non-dits et les ellipses qui infusent les silences,  tout dans ce film  renvoie au monde de l’enfance avec ses épiphanies dont la découverte de l’amour  et avec son douloureux passage vers  le monde dit "adulte" ! ( la séquence finale est délibérément équivoque - le bégaiement de Takuya est devenu aphasie, submergé par l’émotion-, il est incapable  face à Sakura, de dire  je t’aime  ou son contraire , ce qu'illustre cette chanson dont le texte s’affiche en même temps que le générique de fin)
 

 

Une île. Les premiers flocons Ceux que devine,  rêveur , Takuya les yeux levés au ciel au lieu de se concentrer sur le baseball, puis sur le hockey… qu’il pratique sans conviction apparente. Regard subjugué et comme ébloui par ce "soleil",   cette jeune Sakura qui évolue avec grâce sur la piste de la patinoire. Regard du coach -lui qui a préféré vivre son homosexualité loin des métropoles ( ?) n’est-il pas attiré par cet ado ? son double ? ou ne projette-t-il pas sur lui sa  conception de l’amour (j’ai senti en Takuya la force d’un amour total avoue-t-il à son compagnon C’est grâce à vous que Takuya a réussi dira-t-il à Sakura…). 
Gestes à fleur de peau, sourires -éclats de rire devenus, quand les trois "répètent" en extérieur sur un lac gelé (acmé du film ou la réunion "synchrone" des trois "danseurs".. avant … cette pointe de misogynie (Sakura, jalouse,  accuse son coach d’être  dégueulasse et on devine le rôle majeur qu’elle a dû jouer dans son éviction )

 

Malgré la délicatesse et une forme de grâce voire d’évanescence (qui peut envahir le paysage) malgré l’insertion musicale de Clair de lune,   malgré la dénonciation, tout en retenue certes, d’une société homophobe, malgré tout cela, il manque un quelque chose qui entraînerait une entière adhésion … Des glissades ? de subtiles harmoniques ? peut-être Je ne sais..

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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24 décembre 2024 2 24 /12 /décembre /2024 11:28

De Gilles Deroo et Marianne Pistone (France 2024)

 

avec Julien Nortier, Jade Laurencier, Michael Mormentyn, Dany Hermetz Thierry Zirnheld

Mathurin Milan, mis à l’hôpital de Charenton le 31 août 1707 : "Sa folie a toujours été de se cacher à sa famille, de mener à la campagne une vie obscure, d’avoir des procès, de prêter à usure et à fonds perdu, de promener son pauvre esprit dans des routes inconnues et de se croire capable des plus grands emplois."

La vie des hommes infâmes

Quel film !!

Plans fixes (la durée de certains  risque d'irriter des spectateurs),  minimalisme des dialogues (et quand certains personnages s'expriment nous entendons une voix de récitant, théâtrale, comme venue d’un ailleurs ..) plans conçus comme des tableaux (répartition des couleurs, de la lumière, de l’espace, position du personnage) lenteur des mouvements de groupe (défilés à l’instar de théories à l'antique) lenteur de tous les mouvements que les deux cinéastes ont pris soin de décomposer (hormis la fougue qui anime Mathurin après une première  "libération" courant dans cette forêt tutélaire où il a précieusement et provisoirement  enterré  le bulbe qui va faire éclore la « tulipe ») etc.

Oui la comparaison avec Bresson est justifiée

 

Face à une immense porte (qui envahit tout l’écran) on entend une voix (celle de Gilles Deroo ?) qui lit une archive de la Bastille 1707 concernant un certain Mathurin Milan (énoncé des chefs d’inculpation motivant l’enfermement) ; voix relayée par celle de Marianne Pistonne ( ?) lisant un extrait d’un ouvrage de Michel Foucault, « Dits et écrits »…fragment  dont s’inspire le film,  qui insiste sur l’émotion ressentie par le philosophe. Une émotion. Maître mot. Il présidera à l’illustration de ce qui fut considéré comme infâme…

Le procès va commencer...

 

Et voici restitués sous forme de « tableautins » des épisodes de la vie de Mathurin Milan. Ecran noir quand on passe de l’un à l’autre. Forêt, intérieurs de maison, taverne, tribunal, cloître/prison, cellules, costumes, coiffes et perruques, on est à la fois hic et nunc, à peine dépaysé. On aura reconnu l’infâmie au cœur d’un système où  juges et notables -aux perruques mal ajustées- se comportent en scélérats. La folie de Mathurin? son anticonformisme  Trahi par les siens, traqué par des  "policiers" (à pied et à cheval) il va faire corps avec cette Nature Prodigue (panthéisme? animisme? ) à la fois naturans  et naturata 

 

On retiendra Magdeleine parlant à son troupeau, Magdeleine telle une pietà caressant un veau, Magdeleine pétrissant de la pâte entre ses cuisses nues, Mathurin contemplant un insecte sur son bras, le peintre qui exécute en quelques traits un portrait ô combien ressemblant ….alors que les remarques d’un chasseur accompagné de son chien -tout droit sorti d’un tableau de Carpaccio- en faisaient une icône chtonienne  – Il (Mathurin) semble sortir du sol qui s’étale à ses pieds, et qui semble être le prolongement de son corps. Ils sont de la même couleur, de la même espèce, telluriques et silencieux. Mais quand il bougeait, il était souple et obligeant. Comme si le vent agissait sur lui 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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23 décembre 2024 1 23 /12 /décembre /2024 06:38

De Tyler Taormina (2024 USA)

 

 

avec Matilda Fleming (Emily), Michael Cera (Officer Gibson), Francesca Scorsese (Michelle), Gregg Turkington (Sergeant Brooks), Elsie Fisher (Lynn), Sawyer Spielberg (Splint), Maria Dizzia (Kathleen)

 

Présenté au festival de Cannes  2024 Quinzaine des Cinéastes

et  en compétition au festival du cinéma américain de Deauville (2024)

Argument: Tyler Taormina filme un réveillon qui réunit les membres d’une famille italo-américaine de classe moyenne (Les Balsano) . C'est dans la banlieue résidentielle de Long Island. Ce sera sans doute le dernier réveillon: la matriarche ne peut plus vivre seule dans cette immense maison...  Alors que la nuit avance et que des tensions éclatent, l’une des adolescentes s’éclipse avec son ami pour conquérir la banlieue hivernale

Noël à Miller's Point

 La bande annonce était séduisante ainsi que le synopsis Une boule de Noël irisée, à la fois réconfortante et crépusculaire

Hélas !!

 

Nous voyons défiler une succession de vignettes certes très colorées (à l’instar de toutes les préparations culinaires qui défilent en travelling latéral, de toutes les décorations  de tous les cadeaux qui s'amoncellent sous le sapin.)..Mais des vignettes qui semblent provenir de camescopes différents… elles ne se suivent pas ne se complètent pas à tel point que le spectateur reste(ra) extérieur (un parti pris ? peut-être ! sûrement) à cette « fête » de famille dans une maison où des abat- jour à franges, des bibelots plastique, des napperons sont le syllabaire du passé, d’un passé saturé de « souvenirs »


Voici une prolifération de personnages censés participer à un film choral . Or la caméra se pose (furtive et fugace le plus souvent) mais sans capter  une personnalité ; le cinéaste ayant préféré l’éclatement à une narration , les dissonances seront légion …Dissonances et non tonalités différentes au service de... Car ici l’atomisation met à mal la cohérence d’une polyphonie maîtrisée. On pourra toujours rétorquer que ce choix s’inscrit dans celui plus vaste de la « nostalgie du souvenir » n’empêche :  cet éparpillement s’épuise assez (trop) vite 


Les différences de rythme ? trépidant mais aussi mollasson, il est censé coller aux différences de génération (course des gamins, palabres d’adultes dont ne nous parviendront que des bribes) 

 

La présence de flics ? l’insolite est moins la permanence de leur être là que ce mutisme impavide qui tranche (c'est le côté burlesque )  avec l’ambiance exubérante de la famille (dont ces rires déformant des bouches lippues) bien avant que l’officier Gibson ne se lance dans une tirade sur un ton monocorde - « avance » non déguisée destinée à son complice… 


Présence d’une pin-up (en carton) que l’on trimballe soit en arrière-plan soit floutée … ???

 

Dans la dernière partie on est invité à quitter la maison et suivre de jeunes couples, censés s’adonner aux plaisirs de la chair dans les réceptacles refuges que sont les voitures ….Mais cette suite de plans sur les variations amoureuses n’est pas suffisamment (ou mal) exploitée pour entraîner une quelconque adhésion 

 

A vous de juger…

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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