17 avril 2025 4 17 /04 /avril /2025 19:32

De  Darren Aronofsky (USA 2000)  version restaurée 

 

Avec Jared Leto, Ellen Burstyn, Jennifer Connelly et Marlon Wayans 

 

Présenté au festival de Cannes 2000 Hors compétition

 

Harry, toxicomane passe ses journées en compagnie de sa petite amie Marion et de son meilleur pote. Sara la mère d'Harry, souffre elle aussi d'une dépendance: la télévision. Elle s'astreint à un régime draconien quand elle est invitée à participer à son jeu télévisé favori

Requiem for a dream

Vite, vite, encore quelques séances pour voir ou revoir requiem for a dream. Ce film fête ses 25 ans dans une version restaurée alors que la Cinémathèque accueille le cinéaste Darren Aronofsky. Un cinéaste au style reconnaissable : celui de l’extrême   -  outrances formelles qui ne sont pas boursouflures-,  et  thématique dérangeante (celle de  l’addiction.).

 

Nous allons suivre la descente aux enfers,  de quatre personnages, au cours de 4 saisons -signalées par des encarts, annoncées par une bande-son couperet,- et avec la reprise récurrente du très gros plan sur l'œil (cf affiche). Sara, la mère,  et ses TCA, une accro de la télévision , son fils Harry junkie, sa petite amie Marion ainsi que son pote Tyrone… Après le  paradis artificiel et le trafic de drogue florissant, une guerre des gangs ....et ce sera le manque… Et quand la drogue vire à l’obsession c’est la spirale infernale (toute relation amoureuse s’en trouve contaminée les  je t’aime de la mère au fils, du fils à la mère, du fils à son amie ne sont plus que des échos feutrés ou suspendus) Sara sombre dans la folie, Marion se  "prostitue" Harry et Tyrone "ratent" leur coup et leur voyage en Floride tournera mal..  …

 

Le corps se gangrène (gros plan sur le bras de Harry avant son amputation) ou subit des électrochocs. La mort en héritage...Le film lui-même est à la fois viscéral organique trash. Il "chante" un  requiem sans motet ni absoute. Le rêve s'en est allé 

 

Et toutes les ressources stylistiques cinématographiques sont exploitées avec un rythme souvent endiablé;  elles illustrent  les affres de la douleur, celle du manque, et  la thématique de la  "décomposition" : split-screens, effets de ralentis et d'accélérés, intrusion du fantastique, (un frigo devenu monstre, une pluie de donuts), mélange du morbide et de la poésie (cf la scène de rêve);  le montage est  frénétique et  l'accompagnement musical époustouflent  (musique de Clint Mansell)

 

Une inventivité de tous les instants et un jeu d’acteurs souvent impérial. 

Un film  qui fait mal ou du moins qui met mal à l’aise 

 

Requiem for a dream ? Un film culte à ne pas manquer 

 

Colette Lallement-Duchoze

 


 

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17 avril 2025 4 17 /04 /avril /2025 05:10

De Sophie Deraspe (Canada, France 2024)

Adapté du livre de Mathyas Lefébure « D’où viens-tu berger ? » (2006) et tourné dans les Alpilles.

 

Avec Solène Rigot (Elise) Félix-Antoine Duval (Mathyas) Guilaine Londez (Cécile Espiroux) David Ayala (Dudu) Younès Boucif (Yassim) Aloïse Sauvage (Clotilde) Bruno Raffaelli (Gérard Tellier) Véronique Ruggia (Agnès Tellier) Michel Benizri (Ahmed)

 

 

Prix du meilleur film canadien au TIFF (Festival  international du film de Toronto)

Sur un coup de tête, Mathyas troque sa vie de publicitaire à Montréal pour celle de berger en Provence. Il espérait trouver la quiétude, il découvre un métier éreintant et des éleveurs souvent à bout. Mais quand il rencontre Élise qui, elle aussi, vient de tout quitter, ils se voient confier un troupeau de 800 moutons et s’engagent dans une transhumance. Ensemble, ils vont traverser les épreuves de la montagne et se façonner une vie nouvelle

Bergers

 Un plan fixe prolongé sur une montagne enneigée à la sidérante beauté, ouvre  le film, avant qu’en fondu enchaîné n’apparaisse le visage de Mathyas (Félix Antoine Duval) et que se succèdent plus ou moins rapidement quelques plans sur la ville d’Arles (arènes toits ruelles bars).

C’est ainsi que le spectateur est pris à partie dès le début alors que la voix off de Mathyas annonce sa décision surprenante   : tout quitter (il était publiciste à Montréal) et devenir berger en Provence.

 

Son approche intellectuelle du pastoralisme (il a beaucoup lu) est l’objet de railleries (de la part de la  "communauté "  mâle des bergers ainsi que de la  "fonctionnaire" …qui doit lui délivrer un certificat de séjour…) 

Nous allons assister à un authentique parcours du "combattant" semé d'embûches si déceptives que Mathyas, dépité, risque(rait) d’abandonner son rêve …(il est confronté à la folie de certains bergers qui maltraitent les animaux, et surtout à la rudesse d’une tâche souvent ignorée du public). Mais l’épisode de la transhumance sera comme le point d’orgue, une épiphanie, -et en compagnie d’Elise-, ce qui justifie l’emploi du pluriel Bergers, avant que…hélas.

 

Voici un  film dégagé de tous les oripeaux du folklorisme - même si dans les échanges persistent çà et là des formules clichés énoncées avec violence (cf Dudu ou Tellier) sur la ruralité ou l’éradication du loup malfaisant par exemple, même si la traversée des villages par la marée ovine renvoie elle aussi à certaines photos-clichés. Mais la séquence de l’orage, celle de l’agnelage, les vues en contre plongée et plongée sur les paysages, la fusion ocreuse entre les peaux animale et humaine, les effets des lumières comme diffractées (intérieurs de cabanes ou extérieurs panoramiques) le jeu convaincant de certains acteurs, tout cela n’est-il pas au service d’un  "apprentissage" -doublé d’une quête existentielle-  bien éloigné d’une pastorale bucolique ? 
 

Encore faut-il accepter le « pacte initial » (le bobo canadien ignare qui veut devenir berger) et faire abstraction de quelques longueurs ou insistances (plan prolongé sur le dos de Mathyas qui envahit l’écran, vue en plongée sur la masse processionnaire des brebis) du traitement de la relation amoureuse (trop souvent  mal menée) et de la prose    "ampoulée" de ce  berger  consignant ses impressions dans un carnet…
 

Colette Lallement-Duchoze

 

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16 avril 2025 3 16 /04 /avril /2025 14:37

D'Hernán  Rosselli (Argentine 2024)

 

Avec Maribel Felpeto (Maribel), Alejandra Cánepa (Alejandra), Hugo Felpeto (Hugo), Leandro Menendez (Leandro), Juliana Inae Risso (Juliana), Marcelo Barbosa (El Mago) Javier Abril Rotger (Facundo) 

 

Festival Cannes 2024 Quinzaine des Cinéastes

 

Présenté le 15 mars 2025 à Rouen (Omnia) dans le cadre du festival A l'Est

Dans une banlieue populaire de Buenos Aires, les Felpeto ont leur business de paris sportifs clandestins bien rôdé. À la mort du père, la mère et la fille reprennent en main les affaires. Mais on parle de purges dans la police, d'importantes sommes d'argent déplacées, de perquisitions dans le quartier… La famille se prépare au pire alors qu’un lourd secret menace d’être dévoilé.

Quelque chose de vieux, quelque chose de neuf, quelque chose d'emprunté

Un film qui d’emblée frappe par le statut accordé à l'image: un dispositif  très particulier et déroutant  ! un procédé qui peut  tout autant séduire qu'irriter 

En mêlant plusieurs "sources"  le cinéaste rend poreuse la frontière entre le documentaire et la fiction d’autant que le réel investit le champ fictionnel et ce faisant,  la compréhension est souvent malaisée. Choix  délibéré : laisser le spectateur en état d’alerte permanent (jeu d’ellipses, éclatement de la chronologie, entremêlement de plusieurs thématiques sur l’Argentine, acteurs non professionnels : la famille Felpeto)


Voici des photos de famille et des extraits de vidéos (VHS), commentés par une voix off, celle de la   "fille" ; datant de plusieurs décennies ces documents appartiennent à Maribel Felpeto -artiste plasticienne et voisine du réalisateur qui se les  "approprie"  pour son long métrage ; voici des images de caméras de surveillance , de sites Internet et les images de la fiction dans laquelle Maribel et ses parents vont jouer le rôle d’une famille de « bookmakers ».  (Un jeu étonnant et convaincant pour des non professionnels)

Si l’on ajoute le va et vient constant entre passé et présent, la reprise de mini scènes identiques mais avec angles et points de vue différents, la prégnance d’une bande son -les sanglots gémissements du chien (ou de la chienne Luna) et du Bach revisité à l’orgue électrique, ainsi que le format choisi (4,3) celui de l’enfermement et la brusquerie dans les raccords, tout semble mis au service d’une vision éclatée mais  "objective"  (sens premier de vision extérieure) de la réalité,  ce qui exige une attention soutenue de la part du spectateur (lequel doit aussi questionner sans cesse le « hors champ ») 

 

On (r)accorde les touches d’un orgue électrique (plan d’ouverture) , tout comme on va  (r)accorder  ce qui a priori ne peut l’être que par le truchement d’une fiction-puzzle ; à l’instar du titre à rallonge ? (un titre moins programmatique que discursif ?:

Et si se  détacher  à la fois de l’emprise du passé (figure tutélaire du père) et du présent (figure castratrice de la mère ?) était le parcours de Maribel ? (la figure centrale de ce long métrage) 

 

Un film à ne pas rater 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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10 avril 2025 4 10 /04 /avril /2025 03:25

de Mike Leigh (G-B 2024)

 

avec Marianne Jean-Baptiste (Pansy) , David Webber (son mari Curtley) Tuwaine Barrett (leur fils Moses )  Michele Austin (Chantelle la soeur) , Ani Nelson (Kayla ) et Sophia Brown (Alaisha).( les  deux filles de Chantelle)

 

Musique Gary Yershon

 

 

Pansy est rongée par la douleur physique et mentale et son rapport au monde ne passe que par la colère et la confrontation. Son mari Curtley ne sait plus comment la gérer, tandis que son fils Moses vit dans son propre monde. Seule sa sœur, Chantal, la comprend et peut l’aider.

Deux sœurs

Invectives vociférations imprécations  et ce, quelle que soit la situation, -en famille chez le dentiste chez le médecin dans un salon de coiffure, à la caisse d’une supérette… quels que soient les personnages rencontrés - c’est ainsi que se présente Pansy au quotidien -du moins dans un premier temps  A l’opposé de sa sœur Chantelle (Michelle Austin) -qui élève seule ses deux filles- et qui n’est que sourire et bienveillance…Quel contraste aussi entre son appartement très coloré « convivial » et le pavillon propret de Pansy aux couleurs froides
 Deux sœurs c’est le titre français mais ô combien plus signifiant le titre original « hard truths »  cruelles vérités . Celles qui se cachent derrière les façades de ces maisons (lents travellings latéraux sur l’environnement urbain) derrière la propreté surannée de cet intérieur glaçant, celles enfouies à jamais au profond ?....


Au début nous rions, tant peut surprendre la saveur caustique et truculente des audaces verbales - proférées avec force gestes et grimaces (ce qu’accentuent les gros plans sur le visage, les lèvres, les yeux). On retiendra ce sarcasme destiné à un chauffeur « t’as les couilles tellement bouchées que t’as du sperme dans le cerveau » On sera plus dubitatif quand Pansy vitupère le savoir-faire de la dentiste ou de la doctoresse ( tendance fâcheuse à l’hypocondrie ??) Le rire (ou le sourire) cède la place à un agacement voire un malaise -d’autant que le directeur de la photo Dick Pope « enferme les personnages dans des décors qui retranscrivent l’enfermement mental de l’héroïne , avant que la volcanique Pansy (excellente Marianne Jean-Baptiste) ne se métamorphose. 

  Aux injures du début répondent les silences, à la voix tonitruante le mutisme ou les larmes , à la posture agressive un corps blotti d’humanité apeurée L’aveu si chaleureux de la sœur Je te comprends pas, mais je t’aime " le spectateur est tenté de le faire sien Une « accalmie » qui coïnciderait avec la fête des mères et la visite au cimetière ? 
 

 

Mais ne pas verser dans la psychologie (en s’interrogeant par exemple sur les causes d’un mal-être qui menace d’embraser voire de consumer Pansy.) Or  des indices suffisamment éloquents évitent de verser dans le misérabilisme à force de déambuler tu seras arrêté pour vagabondage cette remarque/constat destinée au fils Moses induirait un semblant de critique sur la ségrégation sociale dont Pansy elle-même aurait été victime ?  -(à noter que le fils tout à l’écoute d’un « autre » univers trimbale, flegmatique, sa surcharge pondérale son mutisme -même quand il est humilié par des jeunes provocateurs....). Le métier de plombier que continue à exercer le mari et qui le brise, n’évoque-t-il pas l’âpre dureté du contexte social ? 
 

 

Rappelons que l'unique préoccupation de  Mike Leigh  est de  "créer des personnages" Ecoutons-le  Je commence le travail individuellement avec chaque comédien, en lui demandant de faire une liste de personnes réelles qu'il connaît et je pioche parmi ces propositions. C'est ce qui constitue la base des personnages ;puis ils vont travailler ensemble pendant plusieurs semaines avant la phase d’écriture du scénario. . "Je cherche à obtenir d’eux qu'ils soient complètement vrais et vivent leurs personnages, en trois dimensions et en temps réel

 

Et dans cette captation d’un absolu présent  voici le regard du taiseux mari, la déclinaison d’une partition de musique par son acolyte, les mensonges d’Alaisha et voici des visages (celui de Pansy surtout) filmés comme des paysages que traversent des tempêtes ….alors qu’un bouquet de fleurs accompagne la mémoire de la mère disparue et qu’un autre jeté à même le gazon, en  pâture … n’aura pas vécu l’espace d’un matin…

 

Un film à ne pas manquer

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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8 avril 2025 2 08 /04 /avril /2025 17:11

 

Du jeudi 24 au samedi 26 avril 2025

 

8ème édition du festival Ciné Friendly  LGBTQIA+ 

 

au cinéma Omnia (Rue de la République ROUEN)

 

 

Organisé par l’association Pix’m en collaboration avec le cinéma Omnia République, cet événement, né en 2015, est porté par une équipe passionnée déterminée à offrir au public une sélection cinématographique LGBTQIA+ rare et inclusive.

 

 

Ciné Friendly 2025 : 8ème édition du festival LGBTQIA+

PROGRAMME

 

Jeudi 24 avril
 

19h – Ouverture officielle et projection du documentaire « Act-Up ou le chaos »
https://www.youtube.com/watch?v=Z6t3nZdxPLU

Réalisé par Pierre Chassagnieux et Matthieu Lere, ce documentaire d’une heure retrace les 35 ans de lutte de l’association Act Up-Paris contre le sida, son militantisme radical et son héritage toujours vivant.
📍 Échange avec les réalisateurs et Daniel Boudraf, ancien président d’Act Up Rouen, à l’issue de la projection.

 

21h – Avant-première de « Transmitzvah » de Daniel Burman
Ce long-métrage argentin (1h40) met en scène Mumy Singer, une artiste trans de retour en Argentine pour renouer avec sa famille juive et organiser une cérémonie inédite : une Trans-Mitzvah.
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Vendredi 25 avril

 

19h – Projection du film « Shameless » de Konstantin Bojanov
Ce drame puissant (1h54) explore la fuite de deux femmes en Inde, liées par un amour interdit. Un échange avec Amnesty International Rouen suivra la projection.

21h30 – Avant-première du documentaire « Trans Memoria » de Victoria Verseau
Ce film suédois (1h12) revient sur le parcours de transition de la réalisatrice et rend hommage à son amie disparue, Meril, dans une quête mêlant deuil et espoir à travers la Thaïlande.
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Samedi 26 avril
 

13h50 – « Si je meurs, ce sera de joie » d’Alexis Tailland
Ce film français (1h20) donne la parole à des personnes âgées LGBTQIA+ qui repensent l’amour et la sexualité avec audace et humour, au-delà des stéréotypes liés à l’âge.

 

15h50 – Documentaire « Lesvia » de Tzeli Hadjidimitriou
Réalisé en Grèce (1h17), ce documentaire retrace la formation d’une communauté lesbienne dans le village d’Eressos sur l’île de Lesbos, entre mémoire, liberté et sororité.

 

17h40 – « Egoist » de Daishi Matsunaga
Dans ce film japonais (2h00), un éditeur raffiné tombe amoureux de son coach sportif. Un drame poignant sur l’intimité, la perte et les émotions cachées.

 

 

21h – Soirée de clôture et remise du Prix du Public

La soirée finale mettra à l’honneur les courts métrages et clips hauts en couleur du cinéaste Alexis Langlois (De la terreur mes sœurs, Les démons de Dorothy, etc.) lors d’un programme éclectique de plus de deux heures.

 

📍 L’événement se poursuivra au bar Le Milk (1 bis rue du Père Adam, Rouen) pour célébrer cette 8e édition avec toute l’équipe.

 

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6 avril 2025 7 06 /04 /avril /2025 07:07

De Jean -Claude Barny (France 2024)

 

avec Alexandre Bouyer : (Frantz Fanon) Déborah François : (Josie Fanon) Stanislas Merhar : (le sergent Rolland) Mehdi Senoussi : (Hocine) Olivier Gourmet : (Darmain)  Arthur Dupont : (Jacques Azoulay) Salomé Partouche : (Alice ) Cherki Salem Kali : (Abane Ramdane) Sfaya Mbarki : (Fari) Nicolas Buchoux (Ferrere) 


 Musique Thibault Kientz-Agyeman et Ludovic Louis

1953 Frantz Fanon, un psychiatre français originaire de la Martinique, vient d'être nommé chef de service à l'hôpital psychiatrique de Blida en Algérie. Ses méthodes -sociothérapie ou psychothérapie institutionnelle- qu’il adapte à la culture des patients musulmans algériens, contrastent avec celles des autres médecins dans un contexte de colonisation. Et ses idées vont s'opposer aux thèses racistes de l'École algérienne de psychiatrie d'Antoine Porot.

Fanon

 Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l'accomplir ou la trahir. Moi, comme vous.  


Des flots couleur vert bleu dont le mouvement ondoyant va crescendo…Un enfant intrigué puis stoppé net face aux pinces géantes d’un crabe ; coup de feu, écran rouge, couperet. Ces deux plans d’ouverture, reviendront vers la fin du récit lestés d’un autre « poids » - métaphore de la maladie pour le second ; mais d’emblée ils orientent sous forme allégorique la pensée du cinéaste et de Fanon (mer d’exil mer de séparation, et gigantisme d’une force prédatrice …) 

 

Voici un biopic dont la linéarité (hormis quelques images souvenirs ou la relecture de séquences à l’aune d’un présent éclairant) et l’académisme formel (qui ne versera jamais dans le voyeurisme facile) peuvent susciter l’ire de certains spectateurs qui s’offusquent aussi de la lenteur et de  l’idéalisation du personnage éponyme (biopic hagiographique ?)… Et pourtant…


Ce film est à la fois puissant et intelligent. Pourquoi ? Il met en forme en scène et en images un discours de la psychiatrie qui s’inscrit dans la critique du colonialisme –. Soigner le patient doit passer par un changement de regard du psychiatre sur lui. Faire réaliser au colon que lui aussi est aliéné et qu'on ne peut pas soigner l'un sans l'autre, c'est le défi qui nous attend Par là même, la décolonisation doit passer par un changement de regard du Blanc sur le Noir. "


Formellement la dialectique médecin/patient est illustrée par deux décors en alternance : l’hôpital psychiatrique avec ses cloisons (enfermement) et son  "blanc  mercure", et les paysages extérieurs (immensités vastitudes ocres ; le film a été tourné en Tunisie) ; or l’antagonisme n’est qu'apparent, car même dans les seconds on assistera à la traque organisée par l’armée française et aux tueries sans procès, et dans les premiers un semblant de liberté (foot, jeux, carré de verdure dédié au jardinage) sera à la moindre occasion métamorphosé en son contraire.

Mais  il est un plan qui l'exprime le mieux  celui où l'on  voit de dos le sergent Rolland le tortionnaire, où l'on devine le corps du torturé, alors que  retentit la voix de Fanon qui vient d’entrer et  découvre - en même temps que le spectateur-  des corps "en enfilade"  " Ce que vous leur faites là, ça vous détruit de l'intérieur" 


 Ainsi la pensée de Fanon (consignée par l’épouse qui sous sa dictée, en tape les énoncés sur une machine -où le cliquetis des touches submerge délibérément le didactisme de façade-) , est intégrée dans la mise en scène et dans la musique : le compositeur Thibault Kientz-Agyeman fait dialoguer la trompette du jazzman Ludovic Louis avec des sonorités maghrébines et orientales. 

Et c’est précisément en cela que le film est "original": la pensée en actes et en action ; l’expérience clinique de différents  "cas " - le traumatisé qui bégaie la même phrase, le sergent qui obéit aux ordres en torturant à mort les fellaghas, le gamin qui tue son ami d’école pour venger la mort des siens-  la prise de conscience d’une fracture opérée en soi au profond, par l’Histoire, tout cela doit contribuer à une forme d’émancipation (briser les entraves tout comme Fanon dès le début a brisé les chaînes de certains  malades - les colonisés les fellaghas, les a sortis des cachots où ils croupissaient, au grand dam du directeur Darmain (Olivier Gourmet). Lui médecin français d’emblée chosifié, humilié par les soldats français à cause de la couleur de sa peau- (le rejet s’appuyant sur une philosophie essentialiste qui dégouline des pires préjugés racistes, …liés précisément à la ….colonisation) 


Le plan final  -au centre un arbre , le vert en écho au bleu vert de la mer au loin, quelques hommes récitant la Fatiha (?) et portant le cercueil de Fanon, est sidérant de beauté ritualisée dans son message. Oui Fanon -à sa demande - a été  enterré en Algérie ,  ce pays  qui aura inspiré son œuvre…et selon le rite musulman !

 

  je suis mort un an avant l’indépendance  

 


Un film à ne pas manquer

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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4 avril 2025 5 04 /04 /avril /2025 06:17

De Pier Paolo  Pasolini ('Italie 1969), version restaurée

 

Avec Pierre Clémenti (le jeune cannibale) Jean Pierre Léaud (Julian) Alberto Lionello (M Klotz le père de Julian) Ugo Tognazzi (Herdhitze)  Anne Wiazemsky (Ida) Marco Ferreri (Hans Günther) Ninetto Davoli (Marachione) Franco Citti (un cannibale) Margarita Lozano (Mme Klotz) 

Deux histoires parallèles, à une époque indéterminée et dans l'Allemagne contemporaine : celle d'un rebelle cannibale retranché dans le désert et celle du fils d'un industriel qui a une passion secrète pour les porcs…

Porcherie

Conte apocalyptique à la Lautréamont ? message de désespoir ? et si le  Sébastien maniériste  était Pasolini lui-même ?? On aura reconnu çà et là les angoisses du cinéaste (1922-1975) sa haine de la société, son marxisme, son sens ambigu de la « grâce » (cf la confession répétée trois fois « j’ai tué mon père j’ai mangé de la chair humaine j’ai frissonné de joie) ses clins d’œil à Brecht (distanciation) 

 

Une voix -off- (un récitant censé lire un message comme gravé dans le marbre ( ?) dit le mal qui sévit dans la société (post nazi) avant que n’apparaisse le plan liminaire. C’est le prologue : et alors que défile le générique, voici des porcs filmés en groupe dans leur porcherie ; de gros plans sur leurs groins leur queues en tire-bouchon; on entend leurs grognements (le même plan en écho vers la fin)

Puis voici un jeune homme (Pierre Clémenti) qui court avec une grâce quasi incandescente sur les bords escarpés de l’Etna ; il ne se nourrit que de plantes d’insectes de serpents avant de découvrir les plaisirs  du "cannibalisme"  et de les  partager avec des "compagnons"  ; nous assisterons à leur condamnation (atrocité du châtiment) avec des références au Christ après celles en clin d’œil à ses comparses  ou à la fuite de Marie sur son âne. Voici Julian (JP Léaud) qui ne peut épouser la jeune intellectuelle militante (Anne Wiazemsky) car il est épris de ….porcs, s’en " nourrit" et vit le reste du temps dans une forme de "catatonie " (la zoophilie comme conséquence du nazisme mal digéré ?) 

 

Ainsi pour  illustrer la violence animale d’une société qui dévore les siens quand ils ne se plient pas à ses diktats, le cinéaste a choisi de mener en parallèle  deux récits, dans un montage alterné (avec des échos de plus en plus visibles lisibles  : nudité des porcs et des humains, omnivorisme,  déflagration des cratères au moment où le père "apprend" la zoophilie de son fils, désir ...  Echos internes  ou la complémentarité des deux  récits -malgré les dissemblances formelles   

L’un est quasiment  muet, (le seul langage sera celui de l’errance, du cliquetis des lames, des cris des "victimes" puis des  gesticulations de marionnettistes avec les membres des corps dévorés).  L’autre est en revanche  très prolixe  : propos comminatoires échangés entre les deux magnats, dont un ex nazi,  propos plus poétiques et philosophiques entre Julian et Ida la fiancée, la promise !!!)

Et le passage  de l’un à l’autre  se fera plus rapide quand la portée symbolique sera plus évidente

Deux histoires éloignées dans le temps -l'une  se situerait à une époque reculée du Moyen Age ou de  la Renaissance ( ?) si l’on se réfère aux "costumes", l'autre en Allemagne de l’Ouest (après la Seconde Guerre mondiale).

Deux histoires éloignées aussi dans l’espace (un paysage volcanique sombre charbonneux sauvage, un château aux couleurs pastel, avec son plan d’eau et aux intérieurs dorés et lambrissés-)

Deux histoires que relient d'une part  la thématique de la "porcherie" (prédation  par rébellion contre les figures de l’autoritarisme,  et  métaphore du capitalisme ) et d'autre part la présence dans l’une et  l’autre du  jeune homme Marachione (Nineto Davoli) observateur témoin et  in fine narrateur (le sort réservé  à Julian, restera ainsi hors champ) 
 

L’histoire de Julian dit clairement que les vrais coupables ce sont les pères : le sien grand capitaine d’industrie a fait fortune grâce au nazisme ; désormais impotent, il porte toujours la moustache…. Mais ce sera le fils qui paiera  à la fois par ses "fantasmes" et son mode de vie,  lesquels  l’engloutiront ! 
 

 

Est-ce un hasard, -pure coïncidence-, si Marco Ferreri interprète le rôle du conseiller (lui qui portera à l’écran « la grande bouffe »1973  illustration d'une autre forme du capitalisme dévorant  ??) 
L’adversaire de Klotz (Ugo Tognazzi) a changé de look et d’identité (tout comme une religion -ou une société- peut changer de normes, décréter non coupable ce qui était hérétique à une époque antérieure…) il veut faire oublier son rôle de tortionnaire nazi et de « prétendu » scientifique – lui qui collectionnait des “têtes de commissaires communistes  juifs” pour les étudier…

 

Et le doigt sur ses lèvres closes , - le "chut"  final - (s’il n’y a aucune trace de la présence de Julian, dévoré par…,  ne serait-ce qu’un bouton, alors "ne dites rien"  ) dit à la fois la permanence de la "porcherie" et le rôle de  nos « storytellings »… ceux d’hier et encore plus ceux d’aujourd’hui….

 

A ne pas manquer (malgré des aspects parfois  bancals ...:cadre raccords voire discours)

 

Colette Lallement-Duchoze

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3 avril 2025 4 03 /04 /avril /2025 05:58

De Mahdi Fleifel (2024 Grèce Palestine)

 

Avec Mahmood Bakri (Chatila), Aram Sabbagh (Reda), Mohammad Alsurafa (Malik), Angeliki Papoulia (Tatiana), Mouataz Alshalton (Abu Love), Mohammad Ghassan (Yasser), Monzer Reyahnah (Marwan). Manal Awad (La tante de Malik)

 

Festival Cannes 2024 La Quinzaine des Cinéastes

 

Festival Angers Premiers Plans 2025 Grand Prix 

Chatila et Reda sont deux cousins palestiniens réfugiés à Athènes. Ensemble, ils multiplient les combines pour rassembler une importante somme qui leur permettra d'acquérir de faux passeports, sésame vers l'Allemagne où ils rêvent de pouvoir enfin construire leur vie. Mais cette quête les pousse à franchir leurs limites, laissant derrière eux une part d'eux-mêmes dans l'espoir d'un avenir meilleur.

Vers un pays inconnu

Le film s’ouvre sur une citation dont la résonance dans le contexte actuel fait frémir   Le destin des Palestiniens est en quelque sorte de ne pas finir sur leurs terres d’origine, mais plutôt dans un endroit inattendu et lointain » (Edward Saïd 1935- 2003).

Le film s’inscrira ainsi dans le tragique du sort palestinien, depuis la Nakba 

 

Voici un « tandem » (clin d’œil à Macadam cowboy ?)  d’origine palestinienne -le finaud Chatila la tête pensante  au prénom si révélateur et son cousin Reda --premier skateboarder de Palestine-  et ici un accro de la drogue.  Un duo qui croupit dans un squat miteux à Athènes…attendant le moment propice pour émigrer en Allemagne. (ce que promet régulièrement Chatila à son épouse restée dans le camp de réfugiés au Liban) Mais il faut de l’argent ! Comment s’en procurer ?


 La structure  du film semble obéir aux plans successifs imaginés par Chatila pour l’obtention de faux passeports, avec un crescendo vers l’innommable (d’un point de vue strictement  "moral"  ) et procéder par sauts ( qui  rappellent sans leur ressembler ceux  de Reda si alerte sur son skate, dont il ne se sépare jamais ) avec un jeu d'embardées, de caches, de cache-cache, de courses,  dans les ruelles aux murs tagués 

Dans un premier temps nous assistons à leurs larcins (vol à l’arraché) à leurs combines (passes dans le jardin public)  mais Reda a dilapidé la cagnotte. -astucieusement planquée  Puis ce sera le (trop) long épisode qui implique le jeune gazaoui Malik et Tatiana (séduite par Chatila …)  ou comment soutirer de l’argent à la tante en Italie ; et après un échec retentissant le dernier mouvement -ou la "traite" d’êtres humains (des réfugiés syriens) …

 

Chaque mouvement a une coloration et une dynamique particulières : réalisme social en I qui rappelle le documentaire, thriller sordide en III ; et dans chacun un bilan sans concession un aveu  nous sommes des monstres, nous sommes devenus des animaux 


La lumière et le bleu du ciel s’en sont allé.es. Nouvelle plongée dans les abysses du cauchemar…Et si le désespoir était le seul horizon ? Ce que confirmeraient les propos du poète Mahmoud Darwich (1941-2008)? cité par Abou Love le pourvoyeur de drogue -Tu n’as pas de frère mon frère, pas d’ami mon ami, pas de citadelles, (…) pas de front, pas d’arrière, (…) fais de chaque barricade un pays


Ne nous leurrons pas. Les deux cousins savent que leurs actes sont immoraux (cf les réticences réitérées de Reda et les confessions de Chatila)  et le réalisateur ne cautionne pas leurs actes. 
 En revanche son film ne propose-t-il pas une lecture plus politique (comme le suggérait d'emblée la citation en exergue) où l'inconnu de la destination que mentionne le titre désigne précisément l'immoralité d'une situation historique à la brutalité indépassable ?

 

A ne pas manquer

 

Colette Lallement-Duchoze

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2 avril 2025 3 02 /04 /avril /2025 05:22

D'Alonso Ruizpalacios  (Mexique USA 2024)

 

avec Raúl Briones (Pedro) Rooney Mara (Julia) Anna Díaz (Estela ) Motell Gyn Foster (Nonzo ) Laura Gómez (Laura) Oded Fehr (Rashid) James Waterton (Mark)

 

Prix Barrière du 50e anniversaire Festival du cinéma américain de Deauville 2024 :

Présenté en avant-première mondiale au 74e festival international du film de Berlin le 16 février 2024.

 

Grand prix festival A l’Est Rouen ( mars 2025  ) 

C’est le coup de feu dans la cuisine du Grill, restaurant très animé de Manhattan. Pedro, cuisinier rebelle, tente de séduire Julia, l'une des serveuses. Mais quand le patron découvre que l’argent de la caisse a été volé, tout le monde devient suspect et le service dégénère.

The grill

Adapté de la pièce The Kitchen d’Arnold Wesker, ce  huis clos  ( l’essentiel se passe dans les coulisses du restaurant The Grill) au rythme parfois échevelé,  serait-il le microcosme d’une société ?   Les cuisines sont un bon moyen de comprendre les dynamiques que nous vivons dans les rues,  Ce sont des lieux où la pression est très très forte (...)  (propos du cinéaste)

 

Une séquence dans le train, l’arrivée à Manhattan c’est le prologue. Nous suivons Estela (Anna Diaz), qui vient de quitter le Mexique pour New York, elle ne parle pas anglais, elle doit contacter un certain Pedro. Cette séquence liminaire informe à la fois sur une façon de filmer (images déformées, noir et blanc, format de l’image 4,3) et sur les espoirs de migrants (des sans-papiers) habités par  le "rêve américain" . Déboussolée, Estela sera paradoxalement "notre guide" (dans un premier temps) de même qu’elle sera de bout en bout témoin abasourdi plus qu’acteur. 

 

Bienvenue dans les coulisses de la cocina (titre original) où s’affairent cuisiniers et serveuses-, avec cette répartition des tâches que Pedro revendique avec fierté et …violence. Empiéter sur ses "plates-bandes" ? Chacun à (a) sa place. …
Voici une "micro société" en ébullition (et le mot est à prendre dans ses  sens propre et figuré)  Même si une intrigue amoureuse (et un prétendu vol) sert de "fil conducteur"  (relation frénétique   elle aussi entre le cuisinier rebelle Pedro d’origine mexicaine et la serveuse Julia (américaine), c’est bien le multilinguisme (Albanais Italiens Mexicains),  le métissage  (Blancs, Noirs, ) l’exploitation des "sans papiers" , les "tensions" au sein des relations humaines qui sont mis.es constamment en exergue et le contraste entre une main d’œuvre étrangère (que l’on berne par des promesses jamais tenues) et le calme quasi flegmatique des  "convives" (rares incursions dans la salle de restaurant) n’en sera que plus saisissant… … 

 

Effervescence -propre à une fourmilière- soutenue par le rythme souvent endiablé,  le thème musical lancinant –(Tomas Barreiro) , c’est ce qu'illustre un long plan séquence impressionnant  :  serveuses qui ne cessent de courir, cuisiniers affairés chacun dans un espace exigu, chorégraphie des plateaux qui s’entrechoquent, cliquetis des caisses enregistreuses…Tout doit aller très très vite…Frénésie qui contraste avec les temps de pause en extérieur (on clope on se raconte ses rêves et l’un va servir de "révélateur": le  "rayon vert"  (seule couleur  dans le noir et blanc si l'on excepte le bleu de la chambre froide) Le vert et sa polysémie - couleur subjective, reflet de l'état d'âme de Pedro,  couleur  de l’espoir, couleur de la carte (green card) brandie comme un sésame -car on peut douter de la sincérité de Pedro…


Cela étant, n’y a-t-il pas quelque surenchère dans le traitement de l’image (ses déformations et anamorphoses), quelque complaisance dans celui de la  "relation prétendue amoureuse" ,  quelque insistance inutile dans la séquence de l'inondation au coca-cola -quand bien même il s'agirait de la métaphore du "débordement" du gaspillage inutile, -ou dans celle de "pétage des plombs", alors que le  thème de l'avortement -si prégnant dans le film-   est  traité uniquement  du point de vue de Julia  et souvent  dans ses non-dits....


 

 

Colette Lallement-Duchoze

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30 mars 2025 7 30 /03 /mars /2025 09:32

De Maura Delpero (Italie 2024)

 

avec  Giuseppe di Domenico (Pietro), Tommaso Ragno (Cesare Graziadei le père) , Martina Scrinzi  (Lucia) Sara Serraiocco (Anna Pennisi) Roberta Rovelli (la mère) Rachele Potrich (Ada) Anna Thaler(Flavia) Patrick Gardner : (Dino) 

 

Grand Prix du Jury de la Mostra de  Venise 2024

Dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, Pietro, un déserteur sicilien, trouve refuge auprès d’une grande famille de Vermiglio, une bourgade du Trentin nichée au cœur des Alpes. Cesare, le patriarche et instituteur du village, accepte d’abord d’héberger l’étranger qui a sauvé la vie de son neveu. Or, l’arrivée de Pietro bouleverse la dynamique familiale lorsqu’il s’éprend de Lucia, la fille aînée.

Vermiglio ou la mariée des montagnes

Vermiglio ou la chronique d’une famille (les Graziadei)  d’un village (Vermiglio) enclavé dans la rudesse des montagnes du Trentin, d'une  microsociété au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Hiver 1944 retour du neveu accompagné de son sauveur Pietro -un déserteur sicilien -… accepté par le "patriarche" mais sa présence  va tout bouleverser ! 


Ce qui frappe d'emblée est la lenteur du rythme. Rythme scandé par les saisons (les 4 de Vivaldi ?). Saisons qui sont aussi des états d’âme (le printemps et la liesse du mariage par exemple ) . Etats d'âme des personnages que l’on verra souvent filmés en des postures théâtrales voire figées en plans fixes. Rythme scandé aussi par les naissances et les départs, par les allées et venues du facteur. Les plans traités comme des tableaux se succèdent en tableautins (Cesare et l'école, le café du village, l'église, les intérieurs de la maison familiale) , tableaux  à la composition très soignée, (cadrage répartition dans l'espace effets de la lumière premiers et arrière plans) mais qui rappelle trop souvent (hélas !) le chromatisme des cartes postales. 


Les trois plans qui se succèdent en ouverture- chambre où repose dans un même lit la sororité- Lucia l’aînée trayant la vache -petit déjeuner partagé, illustrent de façon explicite une façon de filmer et de « raccorder » : la  constance dans l’implicite; fluidité dans la succession malgré une ellipse temporelle ;et le raccord sera assuré soit par un personnage, soit par  la musique (le père aime Chopin et Vivaldi…quitte à investir son argent dans les nouveautés plutôt que "nourrir" sa smala comme le lui reprochera sa femme) soit encore par un commentaire (à noter que les  "infos" venues de l’extérieur sont souvent lues, paraphrasées ou expliquées par les enfants ; quête de savoir ( ?) ou forme de métalangage qui s’incorporerait à celui de l’image (image à lire à deux niveaux ?) 


Ce film peut ainsi se lire comme un album de famille que l’on feuillette (certaines photos le seront en catimini à l’instar de celles cachées dans un tiroir du bureau du père, à l’instar des non-dits, des « désirs » inavoués,  comme autant d'appels de la chair 


Certes on devine la tendresse de Maura Delpero pour ses personnages (sa caméra caresse le ventre arrondi, surprend des regards furtifs, accompagne la révolte de Dino toujours blâmé par le père (excellent Tommaso Ragno, en Cesare omnipotent) ou le retour à l’animalité fangeuse de Lucia (Martina Scrinzi) la mariée… outrageusement trompée ! Certes la cinéaste accorde un rôle  majeur  aux femmes (la mère et les trois sœurs), certes par-delà l’histoire d’une famille c’est bien l’Italie mussolinienne rurale qui est suggérée


Toutefois ce drame familial et historique à la fois, se présente plus comme un «enchaînement » (parfois entremêlement) de cartes postales où la froideur de l’environnement (linceul de neige en hiver , verticalité dévorante des arbres dans leur compacité émeraude au printemps, etc..)  et la « distanciation » des interprètes le disputent en âpreté à la succession de souffrances et/ou de désillusions ; mais surtout et c’est là où le bât blesse , ce film tant vanté –il concourait d’ailleurs pour les Oscars -,  n’a-t-il pas tendance à s’enliser dans une forme de facilité voire de complaisance ? 

 


A vous de juger !!

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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