21 décembre 2024 6 21 /12 /décembre /2024 05:55

De Matthew Rankin  (Canada 2024)

Scénario Matthew Rankin, Pirouz Nemati, Ila Firouzabadi

 

Avec Rojina Esmaeili (Negin), Saba Vahedyousefi (Nazgol), Mani Soleymanlou (Iraj Bilodeau), Matthew Rankin (Matthew/Massoud), Pirouz Nemati (Massoud/Matthew).

 

Cannes 2024 Quinzaine des cinéastes Prix Public Chantal Akerman

 

Sélectionné pour les Oscars 2025

Argument: Afin de revoir sa mère malade, l’introverti Matthew quitte Montréal où il travaillait pour retourner dans son Winnipeg natal. L’espace-temps paraît bouleversé et tout le monde parle désormais persan dans la métropole canadienne

Une langue universelle

Autobiographie hallucinée; comédie de désorientation (propos du réalisateur)


Oui ce film s'inspire de souvenirs très personnels (dont le billet de banque à extraire de la glace) oui ce film à l’étrangeté parfois expérimentale est dans la ligne droite de Tati (humour décalé distancié)  ; le cinéaste revendique  en outre une certaine parenté avec le cinéma iranien dit de la nouvelle vague (Pinahi Kiarostami le ballon blanc, le goût de la cerise  où est la maison de mon ami  ) auquel il rend hommage


Oui ce film pince sans rire nous entraîne dans un monde loufoque (parfois foutraque) où le bizarre va de soi : une dinde passagère d’un autocar ? (normal elle a payé sa place,..) On peut jouer et gagner toute une vie de kleenex ? (normal on est mélancolique, normal des larmes sont stockées dans des bocaux…) Dans une classe -où le professeur de français arrive en retard et prend un plaisir sadique à humilier ses élèves,  on placardise (sens premier) d’emblée  un gamin déguisé en Groucho Marx, avant de renvoyer toute la classe dans ce cagibi… Une pierre tombale gît au milieu de nulle part ? mais n’est-elle pas  au carrefour  d’un vaste réseau et trafic routier ? comme si toutes les villes convergeaient vers une seule métropole … 


Et comble d’une métamorphose « espace/temps » : les horloges comme dans certains tableaux surréalistes sont orphelines de leurs aiguilles... Temps suspendu? Mathew (interprété par le cinéaste lui-même) en  "retrouvant " sa mère après tant et tant d’errances, (il vient de Montréal) assiste impuissant à son éviction,  "remplacé" par  Massoud, son  "double" … auquel la voix chevrotante dédie des mots d’amour…dans la pénombre d’une chambre à la lumière tamisée

 


Bienvenue à Winnipeg (capitale du Manitoba) où l’on s’exprime en farsi- (avec quelques tournures de français mais où l’anglais n’existe plus). Bienvenue dans un univers où domine le beige -celui de ces édifices de type brutaliste- beige et gris sans oublier le blanc de l’enneigement permanent, et la bande-son restitue le crissement des pas, ceux  des promeneurs (enfants touristes particuliers )  ils   déambulent  tels  des vagabonds en bordure de cadre,  ils  courent ,  quand ils ne sont pas figés  -filmés de profil ou en frontal. Déambulation qui d’ailleurs va épouser les différences de niveaux et d'échelles du  décor "urbain" géométrique : surplomber ou se fondre s’évanouir dans la brique la pierre avant de  "réapparaître"   en sens inverse dans le plan suivant 

 

Je vous invite à pénétrer dans cette  "bulle iranienne,  cet  univers parallèle" (?)  à  vous laisser  guider par l’extravagance des saynètes ,  à  déguster cette   pizza hawaïenne ...
(certains spectateurs réfractaires resteront peut-être à quai...)

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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20 décembre 2024 5 20 /12 /décembre /2024 04:39

de Victor Rodenbach (France 2024)

 

avec  Vimala Pons  (Nora) William Lebghil (Henri)  Jérémie Laheurte (François) Pauline Bayle (Lou) 

Argument: Depuis des années, Henri et Nora partagent tout : ils s'aiment et elle met en scène les pièces dans lesquelles il joue. Quand Henri décroche pour la première fois un rôle au cinéma, la création de leur nouveau spectacle prend l'eau et leur couple explose.

Le beau rôle

Un baiser Plan resserré sur deux acteurs. Ça manque de fougue dit excédée la metteuse en scène Nora (pétulante Vimala Pons) ; et de montrer elle-même à (et sur) l’acteur Henri (le lunaire William Lebghil) ce qu’est le BAISER le VRAI celui qui dit " je veux fuir avec toi je veux tout détruire pour mieux me reconstruire avec toi "

 

Une scène de répétition (Ivanov) qui est aussi la scène inaugurale de ce film, telle une mise en abyme…(?)  Rencontre amoureuse, (?) plénitude -ou non-  du toujours recommencé, (?)  Et parce qu’Henri accepte un "rôle"  (le beau rôle ??) au cinéma, la « permanence » va-t-elle glisser dans l’impermanence ? le couple peut-il  "résister"   à une fêlure ? Couple si fusionnel qu’il communiquait en dehors de  tout système (et l’astuce est d’afficher sur l’écran -à destination du spectateur- la "traduction" de cette communication non verbale…)

 
Et voici que les allers et retours entre Reims et Paris,(comme autant d’itinéraires pour se séparer se perdre ou se retrouver) les bifurcations entre théâtre et cinéma, l’investissement dans l’un ou l’autre, à défaut (ou dans l’impossibilité) de l’un ET l’autre semblent avoir raison de la « solidité » du couple…

Or nous "assistons" à une "comédie romantique" .


Certes l’amour est momentanément mis à mal. Mais tous les clichés " attendus" (sur la jalousie par exemple ) le seront eux aussi Car le réalisateur et les acteurs (dans les deux sens du terme celui qui tient un « rôle » sur scène ou à l’écran et celui qui « agit » sur son propre destin) prouvent par leur énergie de tous les instants que la désunion conjugale dans le milieu artistique (et l’on pense inévitablement à Septembre sans attendre) peut être assumée, et que l’on peut « reconfigurer » « reconstruire » un « scénario »: après tout cela n’est-il pas « inscrit » dans le (leur) métier…?

 

Est-ce soluble dans la "vraie vie" ?  Tel est bien l’enjeu de ce film porté par un duo d’acteurs étonnant 

 

Un film qui fait  la part belle aux "rôles secondaires" ( de beaux rôles aussi) incarnés par Jérémie Laheurte, Pauline Bayle ou encore Salif Cissé

 

On se laissera donc séduire par cette dynamique quasi explosive où l’expression  avoir le beau rôle a perdu de sa superbe 

Le beau rôle ou l’équilibre entre soi et soi, entre soi et l’autre ???
 

Colette Lallement-Duchoze

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19 décembre 2024 4 19 /12 /décembre /2024 06:37

De Philippe Van Leeuw  (2024 Belgique USA)

 

avec Vicky Krieps (Jessica Comley), Steve Anderson (Adam Comley), Mike Wilson (Jose Edwards), Ezekiel Velasco (Zeke le petit fils )..

Argument: Jessica Comley fait partie de la police des frontières américaine entre l'Arizona et le Mexique. Dans ce désert impitoyable, elle est fière et déterminée à défendre par tous les moyens l'Amérique contre les trafiquants de drogue et l'immigration clandestine. Lors d'un déploiement, elle tire sur une personne

The wall

"Vous mettez tellement de foi dans la loi que vous ne voyez plus les gens." ces propos de l’aîné amérindien à la longue chevelure blanche résument assez bien la « dynamique » interne de ce film incarnée par l’agente Comley, elle-même représentante d’une Amérique bigote et xénophobe (à la Trump) 


Un crucifix dans l’habitacle de la voiture ; premier indice…Un soin tout particulier accordé à passer l’uniforme (et le reflet dans la glace duplique le sentiment de satisfaction) symbole d’une mission dont l’agente Jessica Comley se sent investie : chasser le migrant (forcément un drogué un passeur un être maléfique) qui s’en vient souiller le sol américain… Un homme à la peau colorée monnayé tel un otage sexuel (cagoulé il le restera jusqu’à sa chambre, puis après les « ébats », tenu en respect avant d’être invité à déguerpir) Des hurlements sauvages à l’encontre de son collègue qui l’invite à la « modération » 


C’est Comley dans l’exercice de ses fonctions …garder la frontière entre le Mexique et l’Amérique (Arizona). Personnage interprété par l’épatante Vicky Krieps elle est de tous les plans, elle distille par son jeu subtil toutes les nuances d’une haine viscérale, ou quand elle est en famille du moins avec sa belle-sœur les marques d’une bienveillance amicale ou les sanglots de la tristesse due à la perte de l’être cher

Le récit "bifurque" ou du moins fait se "croiser"  Comley et un membre de la communauté des Tohono O’odham, Zeke (Ezekiel Velasco) lui qui arpente le chemin de la "séparation"  MAIS dans une perspective humanitaire aider les migrants déshydratés,  n'est-ce pas  d’un point de vue narratif opposer la froideur glaçante à l’humanisme samaritain; d’un point de vue symbolique métaphoriser la conflictualité et d’un point de vue dramatique illustrer  "la stratégie des deux poids deux mesures" ? cet Amérindien aurait été témoin d’un  "crime gratuit" ? ce sera  "sa parole contre la nôtre" ….On conclura à la légitime défense… l’honneur est sauf (c’est l’essentiel dit le père…) 

 

Aridité des paysages et âpreté de la vie de Jessica présentée tel un bourreau. Envahie par la haine de l’autre,  l’étranger (haine que lui a inculquée l’éducation) elle transforme son crime en  "erreur "  -qu'elle déplore- mais n'a cure  de la « vie humaine » de ces « étrangers » (état d’esprit qui hélas n’est pas l’apanage des Américains….)

Le réalisateur d’une famille syrienne (cf http://www.cinexpressions.fr/2017/09/une-famille-syrienne.html, ) s’attaque ici et ainsi à cette  "haine tenace, ce racisme viscéral, nourri.es par une foi aveugle"

 

Le mur ? Oui c’est bien évidemment celui érigé par Trump (triomphe d’une forme de patriotisme …) 
Mais n’est-ce pas aussi l’ensemble de tous ces murs qui en cartographiant le « réel » le «balafrent » de revendications qui sont souvent à la limite du « supportable »? 
Et la séquence finale où l’agente est filmée de face arborant le sourire à l’écoute des  "consignes"  en dit long sur tout " dérapage éventuel"  à venir…

 

Le mur ou la banalisation du mal ?

 

Colette Lallement-Duchoze

 

PS Mike Wilson:  Amérindien ,  a été soldat pendant 20 ans au Salvador, devenu pêcheur, puis a milité dans une association déposant des réserves d'eau pour les migrants et des médicaments (comme dans le film) il écrit, donne des conférences,  a une présence et une beauté fascinantes; "cet homme est une somme d'humanité"  (Philippe Van Leeuw)
 

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17 décembre 2024 2 17 /12 /décembre /2024 10:45

de Carolina Cavalli (Italie 2022)

 

 

avec Benedetta Porcaroli , Galatea Bellugi , Michele Bravi , Monica Nappo , Margherita Missoni , Giovanna Mezzogiorno

 

Présenté à la 79ème Mostra Venise section Orizzonti Extra

Toronto section Contemporary World Cinema.

A voir dans le cadre de Arte kino 2024

https://www.arte.tv/fr/videos/121569-000-A/amanda/

 

 

Argument: Issue d'une riche famille dysfonctionnelle, une femme de 24 ans en quête d’amitié, s'efforce de convaincre une connaissance de son passé qu'elles ont été et sont toujours de grandes amies…

Amanda

Un prologue énigmatique : vue en plongée sur une gamine allongée sur un matelas gonflable de piscine alors qu’une autre se prélasse sur un transat. Un « plouf » La femme de ménage apporte des boissons fraîches… Un hurlement « Amanda » Ecran noir. Que s’est-il passé ? (nous l’apprendrons au cours du récit…) la bande son insiste sur le fracas de verres brisés dont les éclats semblent rebondir !!!

 

Nous retrouvons Amanda x années plus tard. Du moins nous entendons sa voix qui « raconte »; elle évoque l’impossibilité d’une rencontre authentique suite à des prémices dans un salle de cinéma; c'était il y a 5 ans à Paris; les « spectateurs » qui font la queue devant la cinémathèque sont comme figés… …à l'instar de sa propre quête
Dans la vaste salle à manger  d’un manoir( ?) attablée elle subit l’opprobre - de la famille (de la mère en particulier) ou se croit victime…

Pour mettre en évidence la quête fébrile de l’amitié de l’amour (afin de vaincre une solitude fondamentale) la réalisatrice (c’est presque contrainte que Carolina Cavalli a mis en scène son propre scénario …) passe du réel à l'imaginaire sans les repères attendus ; ainsi un plan succède à l’autre dans une sorte de continuum, obéissant en cela à l’itinéraire « mental » du personnage ; Amanda se nourrit de chatRoulette s’invente des relations ou poursuit dans l’imaginaire ce qui a été esquissé dans la réalité… Un cheval un ventilateur led; une maison bunkerisée des rues désertes, l’enseigne d’un hôtel, des escaliers qui descendent au tréfonds, un lit immense tel le reposoir de rêves ou cauchemars, c’est l’univers "familier" (?) d’Amanda ; souvent acariâtre désagréable 

 

Mais dès l’instant où elle est persuadée que Rebecca (cloîtrée) fut son amie d’enfance (cf prologue) elle n’aura de cesse de revitaliser cette supposée amitié. Affinité élective absurde? le film va démontrer moins le contraire que la tentative parfois désespérée de « créer » une relation authentique fondée sur la confidence le partage la complicité

Le plan final où les deux femmes cheminent sur une route au milieu d’une nature luxuriante et lumineuse - l’une habillée l’autre dévêtue pourrait jouer le rôle d’épilogue- avant que n’apparaisse le nom de Paolo Sorrentino 
Oui il y a cette ironie mélancolique propre au réalisateur de « la grande Bellezza »  plus que l’héritage de Wes Anderson (cf les cadrages symétriques ou la patine pastel)

 

Un film que je vous recommande

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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14 décembre 2024 6 14 /12 /décembre /2024 06:43

De Louise Courvoisier (2024 France)

 

avec Clément Faveau, Maïwène Barthèlemy, Luna Garret, 

 

Présenté au festival de Cannes 2024  Un Certain Regard  Premier prix de la jeunesse 

Totone, 18 ans, passe le plus clair de son temps à boire des bières et écumer les bals du Jura avec sa bande de potes. Mais la réalité le rattrape : il doit s'occuper de sa petite sœur de 7 ans et trouver un moyen de gagner sa vie. Il se met alors en tête de fabriquer le meilleur comté de la région, celui avec lequel il remporterait la médaille d’or du concours agricole et 30 000 euros

Vingt dieux

Ce comté, avec ses cratères. Il ressemble à mes personnages et à leurs fêlures.


Ancrer l’histoire dans un territoire familier (en l’occurrence le Jura natal de Louise Courvoisier) filmer un personnage « qui essaye de s’en sortir en trouvant des outils d’émancipation à travers la fabrication de ce comté » (attention! non pas tant qu’il atteigne la perfection mais qu’il aille au bout de ce fromage). Tel était le pari de la jeune réalisatrice qui a d’ailleurs participé au casting sauvage (et les acteurs ne sont pas des professionnels) Un pari réussi…

Le film est encadré par deux plans séquences en écho : La caméra suit pendant quelques minutes un homme le père (filmé de dos) qui avance d’un pas alerte jusqu’au rassemblement des comices ; au final, la caméra suit Totone même plan et angle de vue juste après la fête impressionnante de « stock car » avant qu’un appel ne lui enjoigne de se retourner …et auquel il répond le visage illuminé par le sourire  Une circularité (narrative) qui épouserait, serait-on tenté de dire, la forme ronde de la meule du comté ?  (et voyez Totone déposer la meule qu’il a fabriquée avec sa petite sœur au pied d’un autel de paille où le veau nouvellement né a capté le souffle de la vie.. une meule telle une icône en hommage à cette agricultrice, cette figure féminine qui l’aura aidé dans son « émancipation ». i Totone -- tendre avec sa petite sœur, certes- n’en cherche pas moins les occasions de castagnes tout comme  il « profite » de certaines opportunités pour « voler » le lait (le seul qui fleure la qualité nécessaire pour décrocher une prime de 30 000 euros) 

 

Teigneux et fragile cruel et tendre , c'est (c'était?) Totone 

 

La couleur cuivre (celle de la cuve, celle de la croûte) ou mordorée (paille, tignasse de Totone) domine ; elle triomphe dans la séquence de stock car avec ces gros plans sur les visages à la beauté brute mordue par le soleil  Mais par des panoramiques la caméra  restitue aussi les paysages jurassiens dans leur verdeur ou leurs brumes matinales 

 

Bien sûr on retiendra les étapes de fabrication de comté, la course rodéo, le vêlage... De  belles séquences car  à chaque fois la réalisatrice évite le côté « reportage » Ainsi  pour la première l’essentiel était de mettre en évidence la texture de la pâte de filmer la gestuelle technique ainsi que les regards  et pour la seconde dans l’ovale du champ de course c’est bien la circulation des regards des « locaux » avec de gros plans sur des visages- cartographiant un vécu (intériorisé….jusque-là) qui fera écho à ce « show roues dans roues, portières contre portières, pare-chocs contre pare-chocs, une course infernale faite d’accrochages, de bousculades, de tonneaux, de situations invraisemblables

 

A ne pas manquer

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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12 décembre 2024 4 12 /12 /décembre /2024 08:05

de Marcia Romano et Benoît Sabatier (2024 Fr)

 

avec Christophe Paou (Raoul ) Roxane Mesquida (Lala)  Angèle Metzger ( Tina) John Arnold (Lekooze ) Edgar Allender (Informaticien 1) Emma Amaretto (Voix d'Agnès)

 

ACID Cannes 2024

Raoul débarque à Marseille où sa fille est morte. Tout ce qu'elle lui avait raconté de sa vie ? Un tissu de mythos. En tentant de recoller les morceaux, il découvre qu'elle avait enregistré un disque avec une bande de filles. Il se met alors en tête de remonter ce groupe, coûte que coûte. Et en slip s'il le faut.

Fotogenico

Vous souhaitez déambuler dans la cité phocéenne de façon inédite ? (avec ses terrains vagues, ses boîtes interlopes et ses plages populaires), alors ce film aux accents pop rock  queer et un peu punk choisi par l’ACID (festival de Cannes 2024)  est pour vous. 


Couleurs flashy, extravagance de tous les instants, personnages hors… du commun (dont ce dealer âgé qui ,persuadé de son talent de poète, gribouille des liasses de papier, dont l’ex compagne d’Agnès, qui malgré tous les malgré sera son « mentor » dans le brouhaha diurne et nocturne) situations pour le moins saugrenues (Raoul est spolié dès le début de sa voiture puis de ses vêtements et c’est en slip  -du moins pendant un certain temps- qu’il mène son enquête  Enquête sur sa fille morte " il y a juste un an" qui deviendra quête de soi dans un décor saturé de couleurs et de musique 

 

Oui Fotogenico est un film qui « électrise »

 

Il est porté par Christophe Paou, (que nous avions vu dans le film de Guiraudie " l’inconnu du lac"  et dans  " oranges sanguines"  entre autres) L’acteur est de tous les plans il imprime l’écran de sa sveltesse de son comique foutraque de sa marginalité de ses addictions et de son humanisme (voyez-le engloutir « son » vin à chaque étape de son « parcours labyrinthique », voyez-le pratiquer à l’instar de sa fille comme pour la rejoindre les mêmes gestes de qui est addict de « drogue dure »)

 

L’intrigue a priori relève du drame (un père entreprend un pèlerinage sur les traces de sa fille morte prématurément d’overdose) mais c’est bien à une comédie que nous assistons. Et ce, grâce à l’humour (cf l’esprit qui habite les dialogues et le comique de situations) et à la fantaisie (accessoires couleurs vêtements maquillages outranciers affiches) dans un décor -qui tient de Los Angeles et d’Istanbul- où règne la musique tel un personnage à part entière. Et ça pullule de pochettes de disques dont celle de fotogenico au sous-texte underground, toxico que tient amoureusement Raoul, à la fois preuve de fétichisme et gage de permanence d’un temps jusque-là désaccordé

 

Si un grand film se mesure à la façon dont il traite l'espace, le temps et les corps Fotogenico mérite ce  "label"

 

Colette Lallement-Duchoze » 
 

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9 décembre 2024 1 09 /12 /décembre /2024 08:36

De Rodrigo Areias  (Portugal 2023)

 

avec Albano Jeronimo (CAH), Scott Coffey (Ruskin), Edward Ashley (Dante Rossetti), Victória Guerra (Lizzie Sidall), Scott Coffey, Christian Vadim (La Rothière), Carmen Chaplin,(Lady Posselthwaite) Simon Paisley Day, Jean-François Balmer (comte Henri de Pourtalès) Edgar Morais (Simeon Solomon) 

 

IFFR – Festival International du Film de Rotterdam 2024 Compétition Big Screen

 

 

A voir sur arte (arte kino 2024)

https://www.arte.tv/fr/videos/121262-000-A/le-pire-homme-de-londres/

 

Dans le Londres victorien, au centre de la communauté artistique et des conspirations politiques, se trouve un homme à l'esprit aventureux et plein d'esprit : Charles Augustus Howell, le Portugais, né à Porto d'une mère portugaise et d'un père anglais. Agent de grands artistes et marchands d'art, agent secret et maître du chantage

 

Le pire homme de Londres

Le réalisateur emprunte le titre de son film à Arthur Conan Doyle qui avait fait de Charles Augustus Howell   un personnage de Sherlock Holmes, le décrivant comme le pire homme de Londres

 

Par deux fois Charles Augustus Howell (qui signe CAH) évolue dans un jardin labyrinthique -qui n’est pas sans rappeler  « meurtre dans un jardin anglais » -seules les deux têtes (CAH et le poursuivant) émergent de ces masses végétales sculptées grâce à ce fameux art topiaire ; parcours sinueux s’il en fut avec impasses et fausses pistes comme autant de possibles égarements (pour la première occurrence) mais qui (pour la seconde alors que s’affrontent deux visages) n’en cherche pas moins à « égarer » (espace temps) ; ces deux scènes ne seraient -elles pas comme une mise en abyme de tout le film (avec cette ponctuation bémol qui aura mis en évidence les difficultés auxquelles est confronté CAH mais qui pervers jusqu’au bout aura réussi à les surmonter…)
 

Affaires conclues ou à conclure, transactions dans le milieu huppé de l’art (luxe et décadence nocturne) et amoral menaces, propos comminatoires, circulation de billets (CAH achète les dessins de Dante Rossetti et lui permet ainsi d’acheter sa « drogue ») le pire homme de Londres est comme un intermédiaire sur l’échiquier de ces transactions douteuses voire illégales- mettant en danger la vie de certains (Lizzie et Dante par exemple) "Quelle bande de vampires !"constatait Dante dès le début. Il semble en outre incarner tous les traits du monde de l'art de l’époque : ses travers, parfois ses bons côtés, ses palabres incessantes et, parfois, l'art lui-même (cf conversation avec le réalisateur)
 

Avec ses costumes ( Susana Abreu) ses ambiances remarquablement re(con)stituées (séquences de vernissages raouts) le film se présente lui-même comme un « tableau » qui alterne scènes d’extérieur et d’intérieur certes mais où les premières de nuit ont le pouvoir maléfique de la conspiration satanique et où les secondes mettent au grand jour (et ici le rôle du chef op Jorge Quintela est primordial) la vilénie évidente ou latente et que CAH saura faire surgir du magma …

 

Un film à voir!!

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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8 décembre 2024 7 08 /12 /décembre /2024 09:17

De Laura Luchetti  (Italie 2023)

 

avec Yile Yara Vianello (Ginia) , Deva Cassel, (Amelia) Nicolas Maupas, Alessandro Piavani, Adrien Dewitte 

Turin 1938. Ginia mène une vie sage entre son travail de couturière, l’appartement qu’elle partage avec son frère, débarqué comme elle de la campagne pour gagner leur vie en ville, et leur petit groupe d’amis. Un jour, elle rencontre Amelia, une jeune femme évoluant dans un univers tout à fait différent du sien. À son contact, sa vie commence à changer…

La bella estate

La bella estate, le bel été Un titre ironique ? quand des bribes du discours de Mussolini transpercent les cloisons quand les chemises « noires » par métonymie renvoient au fascisme ? Un bel été étincelant avant « l’obscurité de la guerre » ? Dans cette adaptation du roman de Cesare Pavese (1949) la réalisatrice va faire de  cet été, léger chaud, insouciant,  la matrice d’une émancipation Et de fait dominera une délicatesse lumineuse  celle du visage sensuel de Ginia (Yile Yara Vianello), (filmé de près, alors qu'elle est  assise dans le bus, il rappelle des peintures de la Renaissance italienne ou un mélange de diaphanéité et de corporéité) celle d’ambiances aux couleurs pastel ou mordorées, celle d’une nature qui offre bienveillante ses tapis de verdure aux jeunes pique-niqueurs. Le bel été?  celui du désir inavoué puis assumé (il culmine dans l’étreinte des deux corps féminins- Ginia et Amelia-  dansant sur une piste alors que la caméra zoome sur les lèvres qui lentement enserrent la languide sensualité)

 

Dans une Italie où la puissance du mâle ne saurait être remise en question (Ginia se doit de préparer les repas pour son frère, de travailler pour assurer l’intendance ; les dandys peintres bohême ont un rapport de dominant avec leur modèle) vibrer de tout son être pour une personne du même sexe a ce quelque chose d’inconvenant d’immoral mais que revendique et que vivra intensément Ginia (au point de perdre son emploi à cause de ses retards à répétition…) alors que le frère (étonnant Nicolas Maupas)  incarne le traditionalisme de la ruralité
 

 

Et pourtant malgré une interprétation admirable (surtout celle de Yila Yara Vianello de loin supérieure à celle de Deva Cassel, fille de Vincent Cassel et Monica Bellucci) malgré le soin apporté aux lumières, malgré la subtile dialectique (habiller- c’est le métier de Ginia dont le talent de couturière est apprécié- déshabiller, se décorseter de tout ce qui entrave à la fois la frénésie du désir et la soumission à certains diktats) malgré l’importance accordée au passage à l’âge adulte qu’illustre entre autres la longue séquence de la défloraison , le film manque de tonicité, les costumes sont trop « bien repassés et portés » les discours fleurent un académisme suranné, la « reconstitution » d’un passé turinois est ou trop bien léchée ou simplement « scolaire » -et de ce fait La bella  estate ne saurait nous transporter,  nous habiter...

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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7 décembre 2024 6 07 /12 /décembre /2024 07:41

D'Emmanuel Courcol (2023)

 

 

avec Benjamin LavernheThibaut Desormeaux Pierre Lottin Jimmy Lecocq Sarah Suco Sabrina Jacques Bonnaffé Gilbert Woszniak Clémence Massart-Weit Claudine Anne Loiret Claire

 

Présenté au festival de Cannes 2024 (Sélection Officielle)

Thibaut est un chef d’orchestre de renommée internationale qui parcourt le monde. Lorsqu’il apprend qu’il a été adopté, il découvre l’existence d’un frère, Jimmy, employé de cantine scolaire et qui joue du trombone dans une fanfare du nord de la France. En apparence tout les sépare, sauf l’amour de la musique. Détectant les capacités musicales exceptionnelles de son frère, Thibaut se donne pour mission de réparer l’injustice du destin. Jimmy se prend alors à rêver d’une autre vie ... 

En fanfare

Généreux, populaire -au sens noble ( ?) du terme, bouleversant, le film est plébiscité, à la fois par le public et la critique. ! (Film intergénérationnel, plein de « bons sentiments », il réconcilie la musique classique et la musique de fanfare, tout en développant le thème « universel »( ?) de deux frères séparés à la naissance) Soit deux destins sur fond de crise sociale (fermeture d’usine) deux types de culture musicale, deux manières de parler (dont gouaille et verdeur avec  l’excellent Pierre Lottin) tout en évitant des clichés faciles, mais en recherchant l’équilibre entre comédie et drame, afin de « mieux explorer » la question de l’héritage « génétique et culturel dans la destinée des hommes »  telle est bien la démarche revendiquée par Emmanuel Courcol


Un film qui s’ouvre et se clôt sur deux séquences « musicales » « magistralement interprétées » (la seconde sert de « finale » avec un triomphe en fanfare alors que le contexte humain individuel -greffe de la moelle osseuse -, collectif et social -situation économique- vire au cauchemar…)


Un film où le public pourra se délecter en entendant Aznavour et Ravel, du jazz (saxophoniste Benny Golson) et Verdi, où il sera au cœur d’un orchestre symphonique dirigé par …Benjamin Lavernhe, ou parmi les instrumentistes d’une fanfare locale dont le truculent Jacques Bonnaffé . Oui la musique nourrit le propos et toute la dramaturgie de ce film -dont le titre se débarrasse bien vite d’oripeaux peu flatteurs. La musique ou l’art de « fédérer et réconcilier les contraires » ??? 

 


S’il fait la part belle à la « fraternité », si les deux interprètes emportent l’adhésion du spectateur, s’il cherche autant à faire rire (humour et comique de situation) qu’à émouvoir (importance des rôles secondaires, solidarité) force est de reconnaître que le traitement du « déterminisme social est appuyé (sans verser toutefois dans la caricature !) et que de ce fait, l’émotion suscitée est « forcée »

Oui la « culture cloisonne les gens » « toi à 3 ans on t’a mis au piano moi on m’a mis chez Claudine » On ne peut « renverser la courbe du destin ». Jimmy (qui a pourtant l’oreille absolue) en fait la douloureuse expérience dans cette séquence où le cadrage, la répartition dans l’espace, l’anonymat (le tromboniste est filmé de dos face à un jury invisible) les marches d’un escalier que le frère Thibaut descend alors qu’ils matérialisaient un mouvement ascensionnel, renforcent cette injonction/couperet « tu ne peux te mesurer à ces premiers prix de Conservatoire » 

 

Et pourtant Jimmy avait répété des nuits durant du … Mahler (symphonie n°3) 

 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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6 décembre 2024 5 06 /12 /décembre /2024 11:35

d'Adam Koloman Rybanský - République Tchèque  2022 

 

 

avec Michal Isteník  Standa  Miroslav Krobot  Broňa Anna Polívková  Jana l'épouse de Standa Vladimir Škultéty Jiří Vymětal Martin Šesták Václav Hrzina Marek Pospichal

 

Présenté au 72ème festival de Berlin 

à voir sur 
 

https://artekinofestival.arte.tv/

 

 

Arte festival kino 2024 (du 1 au 31 décembre) 8ème édition 


Standa et Bronya sont pompiers volontaires dans un petit village. Alors que Standa, maladroit, attend avec impatience la naissance prochaine de son fils, Bronya, son ami plus âgé, ne profite plus de la vie car sa femme est décédée récemment. Mais quand un véhicule fonce sur la foule, s’encastre dans la fontaine municipale, .heurte un habitant les pompiers veulent prouver qu’ils se soucient de la sécurité….
 

Somewhere over the Chemtrails (Kdyby radsi horelo)

"les gens sont si stupides qu'ils croiront n'importe quoi" 

 

Pour dénoncer la xénophobie et toute forme de racisme le réalisateur a opté pour une démonstration par l’absurde, l’humour pince sans rire et le rire "jaune"  Voici une fable dans la tradition humoristique tchèque (cf entretien avec le réalisateur) Un village apparemment sans histoire …mais…où la contamination ….ressemble  à une "traînée chimique"  (chemtrail)


Terre et ciel, village et cimetière, maisons et place du village, intérieurs et voisinage proche, arbre à abattre ou élaguer et arbre tutélaire tel un mémoriel, scies haches gourdins, le film nous entraîne de l’un.e à l’autre  alors que la caméra est souvent fixe filmant les personnages en frontal (aussi raides dans leur verticalité que les façades des maisons) et ce, dans un laps du temps assez court -du vendredi saint au lundi de Pâques (temps signalé par des encarts et relayé par la voix d’un « héraut » souvent le maire). Un duo au "comique grinçant"  sert de  "fil conducteur" : hébété souvent hagard c’est Standa, visage grimaçant de rides colériques c’est Bronya ! 

 

Chaque personnage semble incarner un archétype et le réalisateur va jouer des liens qui se tissent se serrent se desserrent se distendent entre ces références archétypales  : le curé incarne la "raison" et le "pardon" dont témoigne son homélie -vite inaudible pour les "fidèles"  ; il saura garder -du moins pendant un temps-,  le « secret » de la confession (le vrai coupable est un habitant du village) Bronya le vétéran des pompiers volontaires et qui semble avoir beaucoup d’ascendant sur ses congénères décrète ex abrupto que l’accident  "ne peut avoir été perpétré que par des basanés des noirs des salauds d’Arabes"  -même s’il n’a pu identifier le chauffeur de la camionnette…; Standa - nonchalant et maladroit- tergiverse, serait enclin à suivre son mentor…alors que son épouse plus raisonnable (et rationnelle) lui enjoint de ne pas céder aux voix (voies) maléfiques voire plus…D’autant que des traînées blanches "maculant"  le  bleu céruléen du ciel  (plusieurs occurrences) alimentent la théorie conspirationniste des chemtrails (mot valise anglais, construit par la contraction de « chemical trail », soit « traînée chimique ») et que Standa persuadé des vertus thérapeutiques du vinaigre en vient à asperger aliments objets et corps pour éviter toute contamination…
 

Contamination ici-bas -où les préjugés racistes s’épandent à la vitesse des bières que l’on ingurgite- en écho à la contamination chimique dans le ciel...
 

Et quand la vérité éclate dans sa surprenante évidence, que les villageois ont retrouvé une certaine « joie de vivre » (où continue à sévir le racisme sexuel…propos qui essentialisent la (les) femme(s) ) voici des rebondissements aux conséquences insoupçonnées avant le twist final…(à ne pas spoiler) 
 

Un film à ne pas rater !!

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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