5 mars 2025 3 05 /03 /mars /2025 09:12

Film d'Hélen Doyle (Canada 2024)

 

Présenté dans de nombreux festivals (en France en Grèce au Canada au Kurdistan aux USA, en Italie) ce film a obtenu : 


🏆Prix de l'UNAFORIS, Prix CNAHES - Fonds de dotation Françoise Tétard, Prix de l'URIOPSS Île-de-France
Festival de cinéma de Castel Volturno (Italie) 2024
🏆PRIX DOCUMENTAIRE FCCV pour le meilleur documentaire en compétition
Festival du Film Indépendant de Rome (Italie) 2024
🏆Prix du meilleur documentaire international
 

Présenté à l'Omnia Rouen dimanche 2 mars (dans le cadre du festival de femmes "elles font leur cinéma") en présence de la réalisatrice 

Au terme d'un périple dantesque, des femmes venues du Nigéria arrivent seules et de plus en plus jeunes en Italie en quête d'une vie meilleure. De la traite humaine à l'esclavage sexuel qui les attend, on propose des récits poignants, mais dont la pudeur épargne l'insoutenable.

Au lendemain de l'Odyssée

Une rencontre marquante avec la photographe Letizia Batatglia (décédée en 2022) , une question affolante à propos des migrants de plus en plus jeunes  « mais où sont les filles » et ce sera le point de départ de cette "quête /enquête" (ainsi s’exprimait la cinéaste québécoise Helen Doyle  invitée par l’association  "elles font leur cinéma"  dimanche 2 mars à l’Omnia)

 


Voici des sculptures qui en une longue théorie balisent les eaux du Saint Laurent, voici des barques immergées dans les "abysses", barques où les corps minéralisés de femmes aux yeux mi clos habitent une mémoire collective (musée à Lanzarote) . Voici des gouttes d’eau qui se transforment s’anamorphosent tels des corps flottants. Ces images, très stylisées, reviendront à intervalles réguliers, tels des leitmotive (qui scandent la narration), telle la patience des traces  (symbole), telle une sororité universelle (message) 


Trois témoignages - celui de Stéphanie la plus jeune qui a quitté seule le Nigeria à 14 ans, qui a vu la mort de tous les passagers , qui a vécu un calvaire en Libye, filmée souvent de dos,  Celui de Joy filmée en frontal elle qui a choisi la prostitution veut témoigner à visage découvert. Celui de Sabrina l'écrivaine "fière" d'avoir deux mères elle sera la mémoire vivante de tout un peuple.  trois témoignages trois parcours mais où cardinale  s’impose la volonté  de retrouver LA, SA dignité. Trois histoires de  "courage"  (malgré les atrocités  subies - froid faim viol prostitution - une foi inébranlable en un avenir plus clément, foi dictée par cette pulsion de vie ? Simultanément trois histoires « d’accueil  J’ai choisi l’angle de la rencontre pour traiter le problème complexe de la migration. Enchevêtrement et entrelacement dans des mouvements ascensionnels (du fond des abymes vers l'azur) ou dans des affrontements sur une surface faussement étale !  

 

Car Au lendemain de l’Odyssée n’est pas un énième documentaire sur la  traite  l'esclavage sur les réseaux mafieux la surexploitation (rembourser les 50 000 euros, alors que la passe se monnaye à 5 euros…)   En refusant le voyeurisme , le misérabilisme, la fausse compassion, et l'aversion scopique  de la mort;  Helen Doyle a trouvé la "juste distance" celle qui lui fait dépasser le strict constat du documentaire ; embrassant une réalité (politique autant que sociale) elle suggère l'horreur  -qui  n'en sera que plus  terrifiante ...!!

C'est plutôaffirme-t-elle un film sur la société civile qui se mobilise. Sur la solidarité ou l’accueillance Oui ces femmes   accueillantes, travailleuses humanitaires, artistes, journalistes sont préoccupées avant tout par l’altérité, la rencontre avec l’autre dans toute sa différence Filmées en plans rapprochés (parfois de gros plans sur leurs visages  souriants alors que...) elles sont tout simplement cette part frémissante d'humanité à préserver coûte que coûte...

 


Un film à ne pas rater !!

 

 Colette Lallement-Duchoze
 

Partager cet article
Repost0
4 mars 2025 2 04 /03 /mars /2025 05:53

La 19ᵉ édition du Festival À l'Est se tiendra du 3 au 16 mars 2025,

mettant à l’honneur le cinéma d’Europe centrale, orientale et d’Amérique latine.

 

 

 

"Malgré les vents contraires nous avons choisi de maintenir cette 19ème édition du Festival à l'Est. Face à l'interruption soudaine d'une subvention essentielle à notre survie, notre engagement envers le cinéma et les publics de notre territoire reste intact " (David Duponchel directeur du festival)


 

FESTIVAL A L'EST  19° EDITION

                                               

 

                                                     PROGRAMME

Lieux 
 

Auditorium des Beaux-Arts 26 bis rue Lecanuet Rouen
 

Cinéma l’Omnia rue de la République Rouen
 

Cinéma l’Ariel Place Colbert Mont Saint Aignan

FESTIVAL A L'EST  19° EDITION

Projection spéciale :

20 jours à Marioupol de Mstyslav Chernov (Ukraine, 2023, 92 min), 
Omnia République | Lundi 10 mars | 20h

Projection suivie d’un débat en présence de :Anna Koriagina, journaliste et traductrice ukrainienne et Emmanuel Grynszpan, reporter au service international du Monde, spécialiste sur l'Ukraine. 

  

Kafka, de l’écrit à l’écran

 

Nicolas Geniex,  animera une discussion sur les enjeux de l'adaptation au cinéma 

•    Le Procès d’Orson Welles (6 mars, 20h00 – Studio, Le Havre)
•    Amerika de Vladimír Michálek (15 mars, 15h00 – Auditorium du Musée des Beaux-Arts)
•    L’Audience de Marco Ferreri (12 mars, 19h30 – Cinéma Ariel)

 

En complément, lecture de textes par Thomas Rollin, Angelique Ristic et Daniela Postolkova  
à La Baraque, bar associatif , 59 rue du Pré de la Bataille,  ROUEN

jeudi 13 mars 19h
 

Partager cet article
Repost0
3 mars 2025 1 03 /03 /mars /2025 08:51

Documentaire réalisé par Shiori Ito (Japon 2023)

 

Présenté au Festival Sundance en 2024, 

Meilleur documentaire et Prix du public lors du Festival du Film de Zurich.

Prix human rights festival international du film documentaire de Copenhague

 

Présenté samedi 1 mars cinéma Omnia (dans le cadre  du festival "elles font leur cinéma")

 

Depuis 2015, Shiori Itō défie les archaïsmes de la société japonaise suite à son agression sexuelle par un homme puissant, proche du premier ministre. Seule contre tous et confrontée aux failles du système médiatico-judiciaire, la journaliste mène sa propre enquête, prête à tout pour briser le silence et faire éclater la vérité.

Black box diaries

On n'a cessé de me répéter que ce qui se passe dans une pièce close est inaccessible à une tierce personne, Le procureur a qualifié cette situation de "black box", boîte noire.

 

Saluons le courage de cette jeune femme -quand on sait qu'au Japon  seulement 4% des victimes signaleraient leur agression à la police. Réduites au silence, les victimes -et leur entourage- craignent aussi le jugement populaire et la stigmatisation (voire l’ostracisation) sociale (cf la mini séquence où Shiori Ito doit affronter quolibets accusations, crachats, jugements infondés mais si révélateurs d’une tendance aux relents sexistes machistes bien ancrée dans les esprits « elle l’aura bien cherché …Elle a simulé… pour son avancement professionnel )


Shiori Ito a donc bravé le silence. Pendant des années -et quasiment seule- elle mène l’enquête pour faire éclater la vérité pour que justice soit faite (en avril 2015 dans une chambre de l’hôtel Sheraton Miyako Tokyo, elle est droguée puis violée par Noriyuki Yamaguchi, « dinosaure de la télévision locale, et biographe du premier ministre japonais Shinzō Abe »). Ce sera d’abord un récit « la boîte noire »; paru au Japon en 2017 (alors qu’en Occident éclate l’affaire Harvey Weinstein et que déferle le mouvement #MeToo;) 2019 pour la traduction française. Puis ce sera ce documentaire Black box diaries (qui sortira en salle le 12 mars) 


Documentaire qui s’ouvre par l’écoute d’un message sonore dans un tunnel sombre. (l’image du tunnel  sera reprise presqu’au terme d’une enquête mais avec des connotations différentes) 
Serait-ce la matrice d’un « montage » ? 
Un montage qui mêle témoignages, archives, investigation, éléments écrits et sonores, (enregistrements réalisés parfois en secret lors d’entretiens) vidéos, un montage qui fait alterner caméra virevoltante et plans fixes, qui fait la part belle à ce visage où se lisent tant d’émotions, un visage face caméra, (Ito Shiori étant à la fois victime enquêtrice, journaliste, réalisatrice, narratrice de son propre vécu, elle se met à nu face à tous ses adversaires -individus, entourage proche, représentants de l’ordre, des médias, du pouvoir, institutions- )

 
On ne peut être que pétrifié d’admiration face au combat mené contre les pressions torturantes, les embûches permanentes, les trafics d’influence en haut lieu- (David contre Goliath) 

 

Alors même si l’on devine ou relève çà et là quelques « ratés » (Ito Shiori n’est pas cinéaste !) gardons au moins et précieusement l’image d’un bloc jusque-là immuable, qui se fissure avant d’être ébranlé …à jamais…

 
Et par-delà le cas exemplaire de la journaliste japonaise Black box diaries  rend hommage au courage des victimes qui se battent pour faire changer le monde, à toutes ces femmes qui n’ont d’autres choix que de se soutenir et faire front ensemble, face à une justice qui, trop souvent, les abandonne.

 

Un documentaire à ne pas rater ! 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

"Cela fait quatre ans que je n'ai pas fait hanami  avec mes amis», (Shiori Ito interviewée en 2019 par Libération (hanami : regarder les fleurs) 

Black box diaries
Partager cet article
Repost0
2 mars 2025 7 02 /03 /mars /2025 09:15

De Marianna Brennand, (Brésil 2024)

 

co produit par les frères Dardenne et Walter Salles

 

avec Jamilli Correa (Tielle) Rômulo Braga (Marcílio le père) Fátima Macedo (Danielle la mère) Dira Paes (Aretha la policière)

 


Prix du scénario 37e édition des Rencontres cinématographiques de Cannes, 
Prix de la réalisation lors de la Giornate degli autori à Venise 
Prix du public au Festival des 3 continents à Nantes.

 

Présenté  vendredi 28 février à l’Omnia, soirée d’ouverture Festival « elles font leur cinéma »

 

Marcielle (Tielle), treize ans, vit sur l'île de Marajó, au cœur de la forêt amazonienne avec ses parents, ses frères et sa petite sœur. Elle grandit avec des rêves d’émancipation, inspirée par le départ de sa sœur aînée ; mais, sur les barges le long de la rivière, ses illusions commencent à s'effondrer, révélant un monde d'exploitation et d'abus qui gangrènent sa communauté. Elle est déterminée à se protéger et à accéder à un avenir meilleur…

Manas

Comment dire l’indicible, montrer ce que personne ne veut voir? comment ne pas ajouter de la violence à la violence en faisant raconter face à la caméra par les victimes elles-mêmes leurs propres expériences traumatiques ? 
j’ai opté pour la fiction…
(ainsi s’exprimait à distance Marianna Brennand  vendredi 28)


Le plan d’ouverture qui divise en deux l'écran illustre une dichotomie au cœur de cette« fiction » (aux allures parfois de documentaire…) voici comme miniaturisés deux univers légèrement décalés  le bois et l’eau, la cabane et le Rio Japura, l’enfermement et l’échappée vers un ailleurs ; puis sur le « ponton » voici la mère enceinte voici ses deux filles dont Tielle -le ponton et l’embarquement le ponton et l’étendoir à linge ; on se drape dans un immense morceau de tissu fleuri ; comme on se voile….En écho inversé à la fin le même ponton les deux gamines filmées de face -dos au fleuve- dans le grand dévoilement ,regard résolu et mains serrées dans l’inébranlable sororité …Entre ces deux plans nous aurons suivi Tielle dans son quotidien en famille, dans ses activités, à l’école, dans sa quête d’un ailleurs concrétisée par l’hommage qu’elle rend à sa sœur aînée « déifiée » mais surtout assisté à une exploitation sexuelle que le père pratique sans vergogne face à une épouse soumise du moins en apparence (mais on devine une rage intérieure…) exploitation qui hélas « gangrène » l’île de Marajo et semble la norme (cf la scène qui se répète(ra) avec la plus jeune sœur gamine, mais …. dont le « courage » sera plus fort que cette « loi du silence »  ) … 


En suggérant plus qu’elle ne montre, en jouant avec les ellipses, en scandant son propos d’un mouvement qui ira  crescendo, en exploitant toutes les ressources sonores (musique minérale des baies d’açaï, clapotis plus ou moins impétueux du Rio Japura,  respiration de plus en plus haletante du père censé initier sa fille à manipuler un fusil de chasse, …) en opposant deux univers puis par un mouvement dialectique en les rapprochant (les bas-fonds visqueux glaiseux de l’eau, les pièges de la forêt dans sa compacité émeraude, la barge et la corruption, la « corde » objet récurrent compromis dans sa fonction réparatrice (attacher le hamac) le bleu céruléen qui soudainement se raye de stries grisâtres tout dans ce film témoigne d’une volonté de « briser le silence », un silence que la circulation des regards rendait presque insupportable (et pour les « victimes » et pour le spectateur)
 

Avec Manas, (qui aura demandé presque 10 ans de recherches sur les abus sexuels sur les mineures dans certains villages de la forêt amazonienne) je veux donner la parole à ces femmes et filles qui autrement ne seraient jamais entendues, en honorant les histoires qu’elles ont partagées avec moi. Briser un tabou qui entoure cette dure réalité…


Un film à ne pas manquer lors de sa sortie en salle le 26 mars 2025

 

Colette Lallement-Duchoze

Manas
Partager cet article
Repost0
28 février 2025 5 28 /02 /février /2025 09:35

D'Ariane Lebed (G-B 2024)

 

avec Mia Tharia (July), Pascale Kann (September), Rakkee Thakrar (Sheela la mère)

 

 

Sélection Cannes 2024 un Certain Regard 

July fait face à la cruauté du lycée grâce à la protection de sa sœur aînée September. Sheela, leur mère, s’inquiète lorsque September est renvoyée et July en profite pour affirmer son indépendance. Après un événement mystérieux, elles se réfugient dans une maison de campagne, mais tout a changé…

September & July

Film étrange non seulement par l’enjeu scénaristique (une sororité mise à mal, un trio fantasque, une emprise) mais par cette façon de filmer qui juxtapose « faux naturalisme » et « fantastique » soit un « conte » cruel -avec quelque afféterie ou provocation capillotractée certes,  mais de bout en bout assez convaincant (quand bien même on se sentira bousculé dans son confort intellectuel puisque le film nous contraint à « revisiter » des prémices) et si le non-dit  reste tapi dans les interstices, la finale insistante est  "prévisible"

 
September et July deux prénoms qu’une mère (pour le moins fantasque) a donnés à ses deux filles nées d’un père différent (July la plus jeune porte en héritage ses origines indiennes, July   "la bêbête"  qui fait littéralement corps avec  September, l’aînée celle qui protège, celle qui dicte ses lignes de conduite et de vie, celle qui sera hostile à son "émancipation " ; cf son regard sadique quand la cadette, après hésitation se soumet à ses diktats).

Vampirisation qui affecte aussi la mère déboussolée (au point de voir ses filles transformées en makis sur le canapé et  mettre "tout sens dessus dessous")

 


Dès le premier plan, le déguisement imposé aux deux gamines par la mère (voix off) -et le  "sang" qui gicle renvoient à l’univers de Shining… mais après tout Sheela (Rakhee Thakrar) n'est-elle pas  créatrice de vêtements styliste, et ne prend-elle pas plaisir à "mettre en scène" ses créations?  Puis un comportement "bizarre" et "violent" dans le milieu scolaire   (retranchement et inadaptation) les jeux pervers (car il y va de la vie et de la mort)  tout incite la mère (en proie d’ailleurs à une dépression) à un  déplacement géographique autant que mental et c’est dans cette maison (familiale ?) en bord de mer en Irlande, que tout va basculer 

 

Oui Ariane Lebed (actrice d'origine grecque qui signe ici son premier long métrage) emprunte certains codes au  " fantastique"  qu’elle va  méticuleusement décliner   : le rôle du hors champ, le changement de format, une plongée dans l’univers du conte teinté de psychanalyse (cf l’obscurité des tunnels -lieux du refoulé( ?) tout en étant des lieux de transition ? ) névrose (et son cri primal), effets spéculaires (certains trop accentués : aux gestes "maladroits" mais "significatifs" de la  mère dans la supérette répondent en écho  ceux de la fille  sous emprise...), part d’animalité très prononcée chez les "sœurs" qui aiment communiquer par cris sifflements onomatopées,  distorsion de la chronologie dans un récit ….apparemment linéaire
 

Oui tout cela peut provoquer  une forme  de malaise …. 

Mais troubler, déranger n’est-ce pas une des fonctions de l’art en général ???

 

Colette Lallement-Duchoze

Partager cet article
Repost0
26 février 2025 3 26 /02 /février /2025 06:40

De Francesca Comencini (Italie France 2024)

 

avec Fabrizio Gifuni, Romana Maggiora Vergano, Anna Mangiocavallo

 

Mostra de Venise 2024

Un père et sa fille habitent les mondes de l'enfance. Il lui parle avec respect et sérieux, comme à une grande personne, il l'entraîne dans des univers magiques débordants de vie et d'humanité. Il est le grand cinéaste de l'enfance et travaille sur Pinocchio. Un jour, la petite fille devient une jeune femme et l’enchantement disparait. Elle comprend que la rupture avec l’enfance est inéluctable et a le sentiment qu’elle ne sera plus jamais à la hauteur de son père. Alors elle commence à lui mentir et se laisse aller, jusqu’au bord du gouffre. Le père ne fera pas semblant de ne pas voir. Il sera là pour elle, tout le temps qu’il faut

Prima la vita

Emerveillement, rupture et incompréhension, et réconciliation, telle serait l’évolution (apparente) des liens qui unissent père et fille (et qu’à 64 ans Francesca Comencini porte à l'écran), évolution dictée   par le passage de l’enfance à l’âge adulte. (en écho d’ailleurs avec les troubles politiques de l’époque, dont le rôle des Brigades rouges) Amour paternel- Amour filial ....avec le cinéma en « héritage ».

 
La vie d’abord   Soit une relation fusionnelle avec le père. Une figure bienveillante (on voit le père s’immiscer dans la vie scolaire de sa fille pour protester contre les railleries qui fusent à l’encontre d’un gamin, ou encore houspiller le premier assistant lors d’un tournage en extérieur, rappelant cette évidence « c’est notre équipe  qui empiète sur l’intimité des habitants c’est à nous d’être humbles »)

Et pourtant une figure ô combien encombrante pour l’adolescente déjà mature et  addict à l'héroïne (cf le face à face à même le parquet du couloir quand Francesca déplore sa nullité     a conscience de ne pas être à la hauteur…de son père)

 

Relation filmée le plus souvent dans ces intérieurs feutrés certes mais cloisonnés (l’appartement familial avec son couloir et les effets de profondeur de champ, avec ses portes que l’on ferme pour s’isoler) et le jeu de distanciation (recherché ?) est accentué par les effets de flouté ; deux personnages qui se cherchent s’observent, se trouvent s’éloignent se fuient et se retrouvent. Le visage de l’un ou de l’autre peut envahir l’écran (gros plan) quand ils ne sont pas cadrés dans le même plan


La vie d’abord certes mais avec le cinéma. Ce n’est pas pur hasard si le film s’ouvre sur le préparation du feuilleton les aventures de Pinocchio que Luigi Comencini (admirablement interprété par Fabrizio Gifuni) tourne au début des années 1970 pour la télévision  Et que vers la fin c’est la fille (sous l’égide paternelle) qui tourne son premier ( ?) film. Le générique de fin mentionne en outre le rôle déterminant de Luigi Comencini dans la conservation des films muets (cinémathèque de Milan) et dont nous verrons quelques extraits, les mêmes d’ailleurs à des moments importants en écho au récit (souvenir d’enfance du père enchâssé dans les souvenirs de la fille, interprétée avec justesse par la talentueuse Romana Maggiora Vergano)

 


Le cinéma, moyen d’expression, doit-il  passer après la vie » (comme le recommandait le père à ses quatre filles )?  oui mais pour l’agrandir ? ce qui justifierait a posteriori cet hommage..

Un hommage tant au père qu’au cinéaste (Francesca Comencini ne dissocie pas les deux); de facture très (trop) académique il souffre de longueurs, d’immodération (dans les "bons sentiments") … Quant à l’envolée lyrique et onirique finale, elle manque de pertinence …(et c'est un euphémisme). 

 

A vous de juger 

 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

Partager cet article
Repost0
25 février 2025 2 25 /02 /février /2025 10:15

de Frederic Farrucci (2024)

 

Avec Alexis Manenti (Joseph Cardelli) Mara Taquin (Vanina) Jean Michelangeli (Jean Marc) Marie Pierre Nouveau (Stéphanie) Paul Garatte (Pierre)

 

Musique originale : RONE

En plein cœur de l'été, Joseph, l'un des derniers bergers du littoral corse, voit son terrain convoité par le milieu pour un projet immobilier. Il refuse de céder. Cela signerait la fin d'un monde.

Le Mohican

Je voulais revisiter la légende des westerns américains, dans notre époque où le capitalisme balaie tout 

 

Et de fait Joseph ce berger installé dans le sud de la Corse sera le « héros » défenseur de ses biens propres et de ceux de la communauté. Il élève des chèvres sur un territoire convoité par la mafia locale et il va  RESISTER  DIRE NON 
.Après une entrevue avec le caïd mafieux « chef » du projet immobilier, qui se solde par un meurtre (-la scène reste hors champ, seul retentit le coup de feu), va débuter la cavale de ce Mohican que le cinéaste capte dans sa course, ses essoufflements, ses haltes obligées suite à ses blessures.

 

Joseph traqué  par deux sbires.

Joseph dont le portrait va se fondre dans l’élément minéral balisant les chemins. Ne serait-ce pas l’illustration d’une révolte ??? Car la nièce, Vanina, aura su, via les réseaux sociaux, « héroïser » le personnage en donnant un contenu politique au NON affiché et assumé . Certes il a tué, mais c’était pour tenir tête aux mafieux locaux.

 

Deux trajectoires vont ainsi dynamiser le film (qui tient autant du documentaire que de la fiction) l’une visible (la course frénétique d'un homme traqué, blessé) l’autre moins frontale mais efficace (l’héroïsation de Joseph, étroitement liée à l’indignation de voir l’équilibre quasi apollinien de l’île rompu par l’avidité, l’appât du gain)…En étant si proche du berger dans sa course nous voyons effectivement ce littoral littéralement grignoté par les villas de vacanciers (Joseph dévale saute atterrit dans une villa avec piscine puis dans une autre jusqu’à cette plage envahie par les touristes effarés en train de danser en plein air )


Joseph interprété par Alexis Menenti, anti-héros,  légèrement bedonnant, au visage enfantin au regard inquiet que le cinéaste a choisi pour son « mélange d’archaïsme et de modernité » La peur le doute l’accaparent en permanence (inutile de les verbaliser tant ses silences sont éloquents ! 

 

Le Mohican un film que je vous recommande (malgré certains bémols que vous découvrirez assez vite tant ils sont patents…)

 

Colette Lallement-Duchoze
 

Partager cet article
Repost0
23 février 2025 7 23 /02 /février /2025 09:23

de Robert Minervini (Italie USA 2024)

 

avec Jeremiah Knupp, René W. Solomon, Cuyler Ballenger, Noah Carlson, Judah Carlson, Tim Carlson

 

Un certain regard Cannes 2024 prix de la meilleure réalisation

Hiver 1862. Pendant la guerre de Sécession, l'armée des Etats-Unis envoie à l'Ouest une compagnie de volontaires pour effectuer une patrouille dans des régions inexplorées. Alors que leur mission change de cap, ils questionnent le sens de leur engagement.

Les damnés

La séquence d’ouverture va encoder tout le film. Voici des loups qui se « partagent » la dépouille d’un autre animal ; crocs acérés gueules ouvertes, querelles avant éviscération méthodique. 
Une approche sensorielle lucide brute au service de l’idéologie « l’homme (con)damné à être un loup pour l’homme ?

 

Oui nous sommes invité en suivant un  groupe d’éclaireurs …à « toucher au plus près » une douloureuse expérience   défendre -coûte que coûte- un espace, un territoire -encore sauvage – dans l’Ouest américain, en pleine guerre de Sécession contre …l’ennemi.. (présent dans son invisibilité même) 


Etirer le temps, et l’attente en sera d’autant plus angoissante (on pense immanquablement au désert des Tartares) décomposer par le menu les activités quotidiennes (alentissement des mouvements , des gestes,  dans le nettoyage des armes, les soins apportés aux chevaux, les corvées de bois , les ablutions, ou même dans les tours de garde où le cinéaste filme le soldat en faction comme momifié) ; des face à face,  des dialogues certes minimalistes mais dont les questionnements sont majeurs  : la foi, le bien-fondé de la guerre. Et même si le paysage dans sa  diversité (vastitude ou enfermement )  peut rappeler certains films américains, -encore qu"ici il soit appréhendé   moins dans sa  magnificence que dans ses  aspects hostiles-,  on est loin -pour ne pas dire aux antipodes- des « clichés » de la guerre, de son habillage idéologique (patriotisme) de sa mystique et de son traitement spectaculaire 
 

Le refus de l’héroïsation est patent dans cette façon de passer d’un soldat à un autre ; le traitement est identique pour chacun (qu’il soit filmé de près en duo ou en groupe) même si le « commandement » incombe au gradé…Le refus du spectaculaire (une seule scène dite d’action) éclate dans le choix de silhouetter les adversaires , de ne pas  privilégier l"horreur et sa charge émotionnelle,  après quelques coups de feu dont les flammèches vont s’incorporer à une atmosphère embuée,; le brouillage de repères participe d’ailleurs à cette " absurdité" de la guerre -que veut dénoncer le cinéaste italien
 

 

Ainsi le cheminement de ces yankees (ah les tuniques bleues !!!) est moins un mouvement ascensionnel vers la Victoire que la remise en question de croyances …jusque-là chevillées au corps et jugées indéfectibles (cf les propos du "croyant dunker" et ceux du plus jeune patrouilleur)…
 

Que signifie dès lors le mot  " paix"  crié dans l’exaltation  sur ce sommet enneigé alors que le précipice…. ???
 

Un film à ne pas manquer

 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

Partager cet article
Repost0
22 février 2025 6 22 /02 /février /2025 04:35

De Rúnar Rúnarsson (Islande 2024)

 

avec Elín Sif Halldórsdóttir (Una) Katla Njálsdóttir (Klara)  Mikael Kaaber (Gunni) Ágúst Örn B. Wigum (Basse) Gunnar Hrafn Kristjánsdóttir (Siggi) Baldur Einarsson (Diddi)

 

 

Festival Cannes 2024 Un Certain Regard

Le jour se lève sur une longue journée d’été en Islande. D’un coucher de soleil à l’autre, Una, une jeune étudiante en art, rencontre l’amour, l’amitié, le chagrin et la beauté...

When the light breaks

Un film sur l’intime : la confrontation avec la mort, la douleur de la perte ; un chagrin personnel (une promesse qui s’éteint avec la disparition de l’être aimé) mais qui doit être vécu en retrait (Una n’était pas la compagne officielle de Diddi) jusqu’à s’effacer devant la douleur collective (celle de ces étudiants, de ces jeunes gens, dont Klara, dévasté.es par une tragédie incompréhensible mais qui continueront à célébrer la vie, d’où l’alternance entre scènes d’absolue tristesse (des larmes perlent sur tous les visages) et de grande liesse (rires et boissons) et c’est bien par le langage corporel que le cinéaste appréhende le trauma dans sa complexité


La ténuité scénaristique apparente est largement "compensée" par une approche formelle singulière.

Le film obéit à une  construction circulaire : il s’ouvre sur un coucher de soleil et se clôt sur le même  "motif"  le lendemain,  avec ces variantes - un couple vu de dos (cf l'affiche) , l'autre  vu de face-  le soleil  au  "sang qui se fige" dans l’océan  et  des éclats de lumière scintillant sur  deux corps. Voici en outre deux couples lovés quasiment dans la même position, et deux séquences dans la campagne islandaise avec des trouées lumineuses dans  le ciel avant l’embrasement dans le tunnel (prologue) ou ces étincelles rougeoyantes dans le vert sombre (précédant  la dernière séquence), deux accompagnements musicaux cordes et voix artificielle (?) de femme  

(https://www.youtube.com/watch?v=nQG6qLpo9Nc  )
 

Le cinéaste affiche un goût prononcé pour les reflets (vitres, miroirs, dédoublements spéculaires) en accord d’ailleurs avec l’interprétation odi et amo du compositeur Jóhann Jóhannsson, avec la dualité (douleur fulgurante et liesse) et avec le portrait en creux de Diddi (amant de deux femmes, ado attardé déifié par ses camarades qu’il entraînait dans les "performances")


Et parmi les "performances" il convient de signaler  l'"apprentissage du vol"  que précisément Una va transmettre à Klara. Ne serait-ce pas l’acmé du film,  préfigurant d'ailleurs la séquence finale -où triomphe la sororité? (Una après avoir accepté l’effacement, remplace Diddi dans le rôle d’initiateur) et d’un point de vue formel c’est assurément la rencontre audacieuse entre une impressionnante contre-plongée (façade de l’église) et un léger mouvement horizontal (oui Klara s’est momentanément affranchie des lois de la pesanteur …)
 

Ajoutons la sublime interprétation de Elin Sif Halldórsdóttir -au look à la Jean Seberg - que la caméra de Rúnar Rúnarsson  magnifie par les gros plans
 

 

Mais le primat accordé aux façades de verres, aux effets spéculaires -accentué d’ailleurs par la fixité des plans et le silence- car l’essentiel est souvent dans le non-dit- ce jeu d’écho entre soi et l’autre, entre soi et l’image de soi vire au procédé, ou du moins est-il perçu comme tel - métaphore par trop insistante dans ce glissement de l'esthétique vers l' esthétisant!  

Dommage

 

Colette Lallement-Duchoze
 

Partager cet article
Repost0
19 février 2025 3 19 /02 /février /2025 04:12

De Saïd Hamich Benlarbi  (France 2024 )

 

avec Ayoub Gretaa (Nour) Grégoire Colin (Serge) Anna Mouglalis (Noémie) 

 

Festival Cannes 2024 Semaine de la Critique

Prix du public festival Mannheim-Heidelberg

Nour, 27 ans, a émigré clandestinement à Marseille. Avec ses amis, il vit de petits trafics et mène une vie marginale et festive. Mais sa rencontre avec Serge, un flic charismatique et imprévisible, et sa femme Noémie, va bouleverser son existence. De 1990 à 2000, Nour aime, vieillit et se raccroche à ses rêves

La mer au loin

Les journées sont infinies, et les années filent

 

L’exil cristallise le moment où s'éteignent les fantasmes qu'on peut avoir sur le départ et le retour. Parce qu'on ne se sent jamais chez soi et que quand on revient dans son pays, on n'est plus chez soi non plus, et on a l’impression d’avoir été comme trahi. Tout ce qu’il reste à faire, c’est construire une nouvelle vie (Saïd Hamich Benlarbi)


Composé de 4 parties (Nour, Serge, Noémie, le retour) suivies d’un épilogue ce film sur l’exil (le double) dont la mer au loin est l’allégorie, a pour cadre Marseille et se déploie sur 10 ans -1990/2000. D’une partie à l’autre (une ellipse de deux ans entre chacune) la tonalité et le contexte diffèrent (délire festif en I gravité en II mélancolie en IV) alors que s’impose une façon de vivre « originale » incarnée par le couple Serge (un flic bisexuel) et Noémie (loin d’être laxiste elle vit intensément un amour qui est au-delà de tous les préjugés présupposés et clichés) Et ce couple pour la narration joue le rôle de « matrice » « Dans l’exil, les personnes que vous côtoyez deviennent une projection de ce que vous cherchez à atteindre. Ils incarnent votre terre d’accueil » et comme Nour vient de la marge « il doit pouvoir accepter d’autres marges. Je trouve beau que Nour accepte ce couple qui n’a rien de traditionnel (Saïd Hamich Benlarbi)

 

Simultanéité entre un parcours individuel (celui de Nour) et l’histoire collective (les relations entre la France et le Maghreb en cette fin du XX° sont suggérées à l’instar d’autres « marqueurs historiques» signalés tels des clins d’œil -assassinat du chanteur Cheb Hasni, victoire sportive de l’OM en 93-, alors que les problèmes sociétaux (mariages blancs, mariages de complaisance, sida, abus policiers) sont traités avec justesse -sans complaisance ni insistance …
La Cité phocéenne,  bordélique , devient personnage à part entière ; enfermée entre mer et montagnes, (il suffit de quelques plans révélateurs pour établir une connexion entre deux « formes » d’enfermement), cette ville cosmopolite, voit cohabiter des " diasporas" tout en souffrant d’un racisme rampant larvé qui peut faire surface (le bouc émissaire à tous les maux quand viennent des lendemains qui ne chantent pas ou plus ?? ce sera le Nord-Africain !!) un racisme qui deviendra  ordinaire, décorseté, débarrassé de son étiquette, quand il s’appuie sur une philosophie essentialiste banalisée (quelques propos s’insinuent, venimeux, dans les discours  officiels ou les conversations anodines  "oh les Arabes...le problème avec vous les Arabes est que…" 

 

Mer et ciel, bleu azur et lumière, un bateau fend les flots, c’est le plan d’ouverture ; clichés ? chromatisme de carte postale ? La caméra se pose sur le visage de Nour - un regard qui semble contempler un lointain (désormais inaccessible ?)

Mais très vite s’imposera la dialectique de l’ouvert et du fermé, du plein et du vide et dominera le contraste « ombre et lumière ». 
Et si la musique raï est quasi omniprésente -c’est qu’elle a  explosé à la fin des années 80 à Marseille ; elle illustrait la mélancolie … 

 

Un enchâssement de deux dynamiques -voyage initiatique de l’exilé qui s’inscrit dans la durée (la référence à Flaubert, phrase conclusive de L’Education sentimentale n’est pas anodine) et chronique plus sociale que politique- tout cela porté par le jeu des trois interprètes talentueux (mention spéciale à Anna Mouglalis), oui La mer au loin est un film à voir!!

 

Colette Lallement-Duchoze
 

Partager cet article
Repost0

Mode d'emploi

Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

Envoyez vos articles ou vos réactions à: artessai-rouen@orange.fr.

Retrouvez aussi Cinexpressions sur Facebook

 

 

Recherche