14 mars 2025 5 14 /03 /mars /2025 06:52

Film américain britannique et hongrois de Brady Corbet (2024)

 

Avec Adrien Brody, (László Toth) Felicity Jones, (Erzsébet Toth) Guy Pearce (Harrison Van Buren) Joe Alwyn (Harry van Buren), Araine Lebed (Zsófia en 1980), Stacy Martin (Maggie van Buren), Isaac Bankolé (Gordon)

 

 

Prix Mostra de Venise 2024 Lion d’Argent du meilleur réalisateur, 
BAFTA 2025 (meilleur réalisateur, meilleur acteur, meilleure musique, meilleure photographie)
Oscars 2025 (meilleur acteur, meilleure musique, meilleure photographie)

 

Fuyant l'Europe des années 40  l'architecte juif hongrois László Toth arrive en Amérique pour y reconstruire sa vie, sa carrière et son couple que la Seconde Guerre mondiale a gravement  mis à mal...

The brutalist

Composé de deux parties, (l’énigme de l’arrivée 1947-1952, la quintessence du beau 1953-1960), suivies d’un épilogue (Biennale d’architecture Venise 1980) et que séparait un entracte de 15’ (une photo fixe alors que défile le compte à rebours, telle une bombe à retardement ?) ce film tourné en Vistavision (procédé de défilement horizontal de la pellicule 35 mm) auréolé de nombreux prix  a suscité un engouement tel que l’égratigner serait frappé de suspicion… Et pourtant !


Certes le plan séquence introductif va encoder partiellement (et magistralement ?) le film Voici une caméra comme collée au dos d’un personnage (on pense au Fils de Saul) qui tente de s’extraire du chaos ambiant, traversant des couloirs aux couleurs sombres, sans profondeur de champ, puis à l’avant du bateau, sur le ponton, il émerge vers la lumière alors que s’impose à son regard la statue de la Liberté …à l’envers… Tout cela accentué par la musique de Daniel Blumberg.

Le prologue ou les prémices d’un cauchemar ? Effondrement du « rêve américain » ? Oui le parcours de cet architecte hongrois (qu’incarne avec maestria Adrien Brody), formé au Bauhaus, rescapé des « camps de la mort » censé se « reconstruire », se doublera d’une « déconstruction » quasi méthodique des Etats Unis triomphants de l’après-guerre. 


Mais autant la première partie qui s’attaque soit frontalement soit de façon biaisée aux traumas de la Shoah (dont l’impuissance sexuelle), aux difficiles conditions de vie et survie de l’immigrant sur le sol américain, aux espoirs d’une reconquête de soi, aux jeux de pouvoir du capitalisme triomphant (incarné tant par le père faussement débonnaire que par le fils trumpien avant l’heure) serait assez convaincante autant la seconde partie verse dans le didactisme « facile » (lequel va culminer dans un épilogue théâtral …discutable)
 

Autant l’alternance entre les séquences au rythme rapide (excavations, chantier aux silhouettes quasi dantesques, conduites à vive allure, défilements comme ininterrompus) et celles plus statiques (dialogues qui opposent ou confrontent des points de vue) crée une forme de tempo, autant le traitement de toutes les scènes consacrées au sexe ou à la toxicomanie pèchent par un excès de lisibilité au premier degré (pour exemple la scène de viol prétendue métaphore des rapports entre l’art et le capitalisme)
 

Un film censé s’attaquer à la « mère des arts » l’architecture, à sa forme avant-gardiste, et qui opte pour une forme de classicisme narratif, loin d’un dispositif -attendu ??- plus conceptuel… ? Quand bien même les génériques imitent une graphie stylisée penchée contrastant avec la verticalité du béton, quand bien même la recherche ingénieuse de la lumière préside aux constructions quasi cyclopéennes de Toth (et d’ailleurs la croix inversée qui orne la chapelle ne serait-elle pas l’écho de la Statue du prologue ?)  Soit l'alliance entre gigantisme  et minimalisme? Pourquoi pas? 
 

Au moins The Brutalist aura-t-il illustré avec plus ou moins de panache (grâce au jeu des trois acteurs Guy Pearce, Adrien Brody, Felicity Jones) à la fois les propos de Le Corbusier l’urbanisme est brutal parce que la vie est brutale et l’affirmation cynique du protestant Harrison Van Buren nous vous tolérons …

 

Colette Lallement-Duchoze
 

The brutalist
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9 mars 2025 7 09 /03 /mars /2025 06:46

Documentaire réalisé par Nada Riyadh & Ayman El Amir (Egypte, Qatar, Arabie Saoudite  2024)

 

Récompense: Œil d’or au  Festival de Cannes  2024 (prix du meilleur documentaire)

Dans un village du sud de l'Égypte, une bande de jeunes filles se rebelle en formant une troupe de théâtre de rue. Rêvant de devenir comédiennes, danseuses et chanteuses, elles défient leurs familles coptes et les habitants de la région avec leurs performances audacieuses. 

Les filles du Nil

Filmée de dos une jeune fille (Majda) traverse un espace « public » (ruelles) largement investi par les hommes -de tous âges- Nous sommes à Deir  El Bersha (village copte à 200 kms au sud du Caire) et nous en saisissons la quintessence de l’intérieur (en écho inversé à la toute fin du film ce village sera filmé de l’extérieur tel un monolithe étagé mais vidé de sa substance vivante sonore …délimitant the brink of dreams ?  titre originel ) 

 

Majda s’apprête à réaliser un spectacle « vivant » (précisément « à l’ombre » de ces cours ruelles maisons) dont les sujets abordés sont essentiellement féministes car ils remettent en cause les diktats du patriarcat : le refus du mariage précoce par exemple


Le film sera traversé par deux forces antagonistes – soumission, imposée par un frère un futur époux les institutions, émancipation grâce à l’art vivant qu’est le théâtre
 

Au premier tableau   "hors les murs"  baigné de lumière et de vie (herbes hautes et folles, eaux du Nil au pouvoir lustral, rires fougueux) répondent tous ceux consacrés au théâtre de rue où les jeunes filles, "actrices" devenues, interpellent le public mi complice mi réprobateur -à propos de thèmes qui fâchent…

Et parallèlement la caméra va capter le "quotidien" de trois d’entre elles qui vont connaître le "statut" d'épouses...(Rappelons que  les réalisateurs filmant sur quatre années, ont suivi les jeunes filles  qui deviennent "femmes").  La scène où le "fiancé"  joue verbalement le futur époux autoritaire, rompant ainsi avec ses promesses, frappe par son ambigüité … celle où une des jeunes filles arrache la télécommande pour  "choisir" son programme ou encore celle où le  "fiancé"  exige que sa  "compagne"  efface du répertoire  tous les numéros de ses amies du théâtre,  illustrent cette forme de subordination…Un père aimant toutefois fait figure d’exception…

 


Question impérieuse cruciale :  hors de l’espace domestique y a-t-il un destin pour la femme ? (dans certains pays??  ou certaines contrées??)
Le théâtre  «miroir de nos sociétés et lieu de débats et de réflexion ? Le théâtre 
ré-enchantement du monde ?

 

Une réponse dans ce documentaire – à ne pas rater-  !!

 

Colette Lallement-Duchoze
 

 

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7 mars 2025 5 07 /03 /mars /2025 09:19

de Guan Hu. (Chine 2024)

 

Avec Zhang Yi, Jing Liang, Eddie Peng, Liya Tong, Jia Zhangke 

 

Festival Cannes 2024 Prix Un Certain Regard

 

 

Lang revient dans sa ville natale aux portes du désert de Gobi. Alors qu'il travaille pour la patrouille locale chargée de débarrasser la ville des chiens errants, il se lie d'amitié avec l'un d'entre eux. Une rencontre qui va marquer un nouveau départ pour ces deux âmes solitaires.

Black dog

Une séquence d’ouverture à « couper le souffle » D’abord un  long panoramique suivi d’un lent travelling latéral sur un paysage rocailleux à l’ambiance quasi sépulcrale ; puis déboule avec fracas une horde de chiens -sont-ils enragés ?, simultanément une tempête venteuse arrache des lambeaux de végétation, et à cause de ce brouillard  de poussière, un accident : un bus se renverse….
Et ce sera l’entrée en scène du personnage principal Lang, (Eddie Peng) ex-star locale de rock, il sort de prison  Retour à Chixia (aux abords du désert de Gobi)  et promesse d’un futur meilleur ? 

 


Le paysage rappelle ceux des romans « post apocalyptiques » de Volodine (immeubles désertés aux façades comme éventrées, ruines, vestiges dérisoires d’un temps révolu couleur charbonneuse - identique à celle du lévrier malingre qui sera le compagnon de Lang ?

C’est que tout est voué à disparaître, un vaste plan de « refonte urbaine » a fait fuir les habitants, l’espace est désormais occupé par des chiens errants (que la municipalité se doit d’enfermer dans des chenils) et par…une population trop pauvre et  comme bloquée dans son passé … les laissés-pour-compte 


Nous sommes en 2008. A quelques semaines de la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques de Beijing.  On attend aussi une éclipse de soleil « historique » (et les rares animaux -dont un tigre de Mandchourie, famélique- qui survivaient dans le zoo plus ou moins abandonné franchissent les portes ouvertes…). 


D’emblée la charge politique est patente : le cinéaste propose une image de la Chine aux antipodes de celle que les JO devaient imposer à l’imaginaire planétaire  et pour les habitants, les locaux surtout, les promesses d’un mieux être social ne sont que billevesées  Le dilemme auquel Lang est confronté (tuer la bête peut-être enragée et en cela agir comme le gouvernement qui laisse mourir ses citoyens ou au contraire la protéger mais en risquant sa propre vie…) le choix qu'il a opéré,  et son itinéraire (ses virées à moto, sa connivence avec le lévrier le black dog, sa rencontre amoureuse, l’aide qu’il prodigue tel un samaritain à son voisin) tout cela n'illustre-t-il pas  une forme d’indépendance et le refus de la « rentabilité » à tout prix ?

"Marcher la tête haute"  ? Exit son passé  tumultueux,   place désormais aux formes d’affection humaine ou canine désintéressée
Le prix obtenu à Cannes serait-il plus étroitement lié à ce « message » ? qu’à des qualités purement cinématographiques ? La comparaison (inévitable ?) avec le film hongrois White God ne plaiderait pas en sa faveur… Pourquoi ? Illustration sonore trop envahissante, insistance quasi tautologique sur des lieux inhospitaliers, contrastes complaisants avec des récurrences / éparpillements, etc…

 

Toutefois le « désespoir » est largement compensé par la force explosive de l’humour (cf la guerre de territoire à l’urine entre Lang et son chien, ce black dog aussi hilarant parfois que des acteurs comiques professionnels, la séance photo …) et il est comme détrôné par les rires et quelques gestes de cette jeune fille dont la témérité et la conscience aigüe du temps désarment Lang


Un film à voir certes ….malgré tous les malgré…

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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5 mars 2025 3 05 /03 /mars /2025 09:12

Film d'Hélen Doyle (Canada 2024)

 

Présenté dans de nombreux festivals (en France en Grèce au Canada au Kurdistan aux USA, en Italie) ce film a obtenu : 


🏆Prix de l'UNAFORIS, Prix CNAHES - Fonds de dotation Françoise Tétard, Prix de l'URIOPSS Île-de-France
Festival de cinéma de Castel Volturno (Italie) 2024
🏆PRIX DOCUMENTAIRE FCCV pour le meilleur documentaire en compétition
Festival du Film Indépendant de Rome (Italie) 2024
🏆Prix du meilleur documentaire international
 

Présenté à l'Omnia Rouen dimanche 2 mars (dans le cadre du festival de femmes "elles font leur cinéma") en présence de la réalisatrice 

Au terme d'un périple dantesque, des femmes venues du Nigéria arrivent seules et de plus en plus jeunes en Italie en quête d'une vie meilleure. De la traite humaine à l'esclavage sexuel qui les attend, on propose des récits poignants, mais dont la pudeur épargne l'insoutenable.

Au lendemain de l'Odyssée

Une rencontre marquante avec la photographe Letizia Batatglia (décédée en 2022) , une question affolante à propos des migrants de plus en plus jeunes  « mais où sont les filles » et ce sera le point de départ de cette "quête /enquête" (ainsi s’exprimait la cinéaste québécoise Helen Doyle  invitée par l’association  "elles font leur cinéma"  dimanche 2 mars à l’Omnia)

 


Voici des sculptures qui en une longue théorie balisent les eaux du Saint Laurent, voici des barques immergées dans les "abysses", barques où les corps minéralisés de femmes aux yeux mi clos habitent une mémoire collective (musée à Lanzarote) . Voici des gouttes d’eau qui se transforment s’anamorphosent tels des corps flottants. Ces images, très stylisées, reviendront à intervalles réguliers, tels des leitmotive (qui scandent la narration), telle la patience des traces  (symbole), telle une sororité universelle (message) 


Trois témoignages - celui de Stéphanie la plus jeune qui a quitté seule le Nigeria à 14 ans, qui a vu la mort de tous les passagers , qui a vécu un calvaire en Libye, filmée souvent de dos,  Celui de Joy filmée en frontal elle qui a choisi la prostitution veut témoigner à visage découvert. Celui de Sabrina l'écrivaine "fière" d'avoir deux mères elle sera la mémoire vivante de tout un peuple.  trois témoignages trois parcours mais où cardinale  s’impose la volonté  de retrouver LA, SA dignité. Trois histoires de  "courage"  (malgré les atrocités  subies - froid faim viol prostitution - une foi inébranlable en un avenir plus clément, foi dictée par cette pulsion de vie ? Simultanément trois histoires « d’accueil  J’ai choisi l’angle de la rencontre pour traiter le problème complexe de la migration. Enchevêtrement et entrelacement dans des mouvements ascensionnels (du fond des abymes vers l'azur) ou dans des affrontements sur une surface faussement étale !  

 

Car Au lendemain de l’Odyssée n’est pas un énième documentaire sur la  traite  l'esclavage sur les réseaux mafieux la surexploitation (rembourser les 50 000 euros, alors que la passe se monnaye à 5 euros…)   En refusant le voyeurisme , le misérabilisme, la fausse compassion, et l'aversion scopique  de la mort;  Helen Doyle a trouvé la "juste distance" celle qui lui fait dépasser le strict constat du documentaire ; embrassant une réalité (politique autant que sociale) elle suggère l'horreur  -qui  n'en sera que plus  terrifiante ...!!

C'est plutôaffirme-t-elle un film sur la société civile qui se mobilise. Sur la solidarité ou l’accueillance Oui ces femmes   accueillantes, travailleuses humanitaires, artistes, journalistes sont préoccupées avant tout par l’altérité, la rencontre avec l’autre dans toute sa différence Filmées en plans rapprochés (parfois de gros plans sur leurs visages  souriants alors que...) elles sont tout simplement cette part frémissante d'humanité à préserver coûte que coûte...

 


Un film à ne pas rater !!

 

 Colette Lallement-Duchoze
 

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4 mars 2025 2 04 /03 /mars /2025 05:53

La 19ᵉ édition du Festival À l'Est se tiendra du 3 au 16 mars 2025,

mettant à l’honneur le cinéma d’Europe centrale, orientale et d’Amérique latine.

 

 

 

"Malgré les vents contraires nous avons choisi de maintenir cette 19ème édition du Festival à l'Est. Face à l'interruption soudaine d'une subvention essentielle à notre survie, notre engagement envers le cinéma et les publics de notre territoire reste intact " (David Duponchel directeur du festival)


 

FESTIVAL A L'EST  19° EDITION

                                               

 

                                                     PROGRAMME

Lieux 
 

Auditorium des Beaux-Arts 26 bis rue Lecanuet Rouen
 

Cinéma l’Omnia rue de la République Rouen
 

Cinéma l’Ariel Place Colbert Mont Saint Aignan

FESTIVAL A L'EST  19° EDITION

Projection spéciale :

20 jours à Marioupol de Mstyslav Chernov (Ukraine, 2023, 92 min), 
Omnia République | Lundi 10 mars | 20h

Projection suivie d’un débat en présence de :Anna Koriagina, journaliste et traductrice ukrainienne et Emmanuel Grynszpan, reporter au service international du Monde, spécialiste sur l'Ukraine. 

  

Kafka, de l’écrit à l’écran

 

Nicolas Geniex,  animera une discussion sur les enjeux de l'adaptation au cinéma 

•    Le Procès d’Orson Welles (6 mars, 20h00 – Studio, Le Havre)
•    Amerika de Vladimír Michálek (15 mars, 15h00 – Auditorium du Musée des Beaux-Arts)
•    L’Audience de Marco Ferreri (12 mars, 19h30 – Cinéma Ariel)

 

En complément, lecture de textes par Thomas Rollin, Angelique Ristic et Daniela Postolkova  
à La Baraque, bar associatif , 59 rue du Pré de la Bataille,  ROUEN

jeudi 13 mars 19h
 

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3 mars 2025 1 03 /03 /mars /2025 08:51

Documentaire réalisé par Shiori Ito (Japon 2023)

 

Présenté au Festival Sundance en 2024, 

Meilleur documentaire et Prix du public lors du Festival du Film de Zurich.

Prix human rights festival international du film documentaire de Copenhague

 

Présenté samedi 1 mars cinéma Omnia (dans le cadre  du festival "elles font leur cinéma")

 

Depuis 2015, Shiori Itō défie les archaïsmes de la société japonaise suite à son agression sexuelle par un homme puissant, proche du premier ministre. Seule contre tous et confrontée aux failles du système médiatico-judiciaire, la journaliste mène sa propre enquête, prête à tout pour briser le silence et faire éclater la vérité.

Black box diaries

On n'a cessé de me répéter que ce qui se passe dans une pièce close est inaccessible à une tierce personne, Le procureur a qualifié cette situation de "black box", boîte noire.

 

Saluons le courage de cette jeune femme -quand on sait qu'au Japon  seulement 4% des victimes signaleraient leur agression à la police. Réduites au silence, les victimes -et leur entourage- craignent aussi le jugement populaire et la stigmatisation (voire l’ostracisation) sociale (cf la mini séquence où Shiori Ito doit affronter quolibets accusations, crachats, jugements infondés mais si révélateurs d’une tendance aux relents sexistes machistes bien ancrée dans les esprits « elle l’aura bien cherché …Elle a simulé… pour son avancement professionnel )


Shiori Ito a donc bravé le silence. Pendant des années -et quasiment seule- elle mène l’enquête pour faire éclater la vérité pour que justice soit faite (en avril 2015 dans une chambre de l’hôtel Sheraton Miyako Tokyo, elle est droguée puis violée par Noriyuki Yamaguchi, « dinosaure de la télévision locale, et biographe du premier ministre japonais Shinzō Abe »). Ce sera d’abord un récit « la boîte noire »; paru au Japon en 2017 (alors qu’en Occident éclate l’affaire Harvey Weinstein et que déferle le mouvement #MeToo;) 2019 pour la traduction française. Puis ce sera ce documentaire Black box diaries (qui sortira en salle le 12 mars) 


Documentaire qui s’ouvre par l’écoute d’un message sonore dans un tunnel sombre. (l’image du tunnel  sera reprise presqu’au terme d’une enquête mais avec des connotations différentes) 
Serait-ce la matrice d’un « montage » ? 
Un montage qui mêle témoignages, archives, investigation, éléments écrits et sonores, (enregistrements réalisés parfois en secret lors d’entretiens) vidéos, un montage qui fait alterner caméra virevoltante et plans fixes, qui fait la part belle à ce visage où se lisent tant d’émotions, un visage face caméra, (Ito Shiori étant à la fois victime enquêtrice, journaliste, réalisatrice, narratrice de son propre vécu, elle se met à nu face à tous ses adversaires -individus, entourage proche, représentants de l’ordre, des médias, du pouvoir, institutions- )

 
On ne peut être que pétrifié d’admiration face au combat mené contre les pressions torturantes, les embûches permanentes, les trafics d’influence en haut lieu- (David contre Goliath) 

 

Alors même si l’on devine ou relève çà et là quelques « ratés » (Ito Shiori n’est pas cinéaste !) gardons au moins et précieusement l’image d’un bloc jusque-là immuable, qui se fissure avant d’être ébranlé …à jamais…

 
Et par-delà le cas exemplaire de la journaliste japonaise Black box diaries  rend hommage au courage des victimes qui se battent pour faire changer le monde, à toutes ces femmes qui n’ont d’autres choix que de se soutenir et faire front ensemble, face à une justice qui, trop souvent, les abandonne.

 

Un documentaire à ne pas rater ! 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

"Cela fait quatre ans que je n'ai pas fait hanami  avec mes amis», (Shiori Ito interviewée en 2019 par Libération (hanami : regarder les fleurs) 

Black box diaries
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2 mars 2025 7 02 /03 /mars /2025 09:15

De Marianna Brennand, (Brésil 2024)

 

co produit par les frères Dardenne et Walter Salles

 

avec Jamilli Correa (Tielle) Rômulo Braga (Marcílio le père) Fátima Macedo (Danielle la mère) Dira Paes (Aretha la policière)

 


Prix du scénario 37e édition des Rencontres cinématographiques de Cannes, 
Prix de la réalisation lors de la Giornate degli autori à Venise 
Prix du public au Festival des 3 continents à Nantes.

 

Présenté  vendredi 28 février à l’Omnia, soirée d’ouverture Festival « elles font leur cinéma »

 

Marcielle (Tielle), treize ans, vit sur l'île de Marajó, au cœur de la forêt amazonienne avec ses parents, ses frères et sa petite sœur. Elle grandit avec des rêves d’émancipation, inspirée par le départ de sa sœur aînée ; mais, sur les barges le long de la rivière, ses illusions commencent à s'effondrer, révélant un monde d'exploitation et d'abus qui gangrènent sa communauté. Elle est déterminée à se protéger et à accéder à un avenir meilleur…

Manas

Comment dire l’indicible, montrer ce que personne ne veut voir? comment ne pas ajouter de la violence à la violence en faisant raconter face à la caméra par les victimes elles-mêmes leurs propres expériences traumatiques ? 
j’ai opté pour la fiction…
(ainsi s’exprimait à distance Marianna Brennand  vendredi 28)


Le plan d’ouverture qui divise en deux l'écran illustre une dichotomie au cœur de cette« fiction » (aux allures parfois de documentaire…) voici comme miniaturisés deux univers légèrement décalés  le bois et l’eau, la cabane et le Rio Japura, l’enfermement et l’échappée vers un ailleurs ; puis sur le « ponton » voici la mère enceinte voici ses deux filles dont Tielle -le ponton et l’embarquement le ponton et l’étendoir à linge ; on se drape dans un immense morceau de tissu fleuri ; comme on se voile….En écho inversé à la fin le même ponton les deux gamines filmées de face -dos au fleuve- dans le grand dévoilement ,regard résolu et mains serrées dans l’inébranlable sororité …Entre ces deux plans nous aurons suivi Tielle dans son quotidien en famille, dans ses activités, à l’école, dans sa quête d’un ailleurs concrétisée par l’hommage qu’elle rend à sa sœur aînée « déifiée » mais surtout assisté à une exploitation sexuelle que le père pratique sans vergogne face à une épouse soumise du moins en apparence (mais on devine une rage intérieure…) exploitation qui hélas « gangrène » l’île de Marajo et semble la norme (cf la scène qui se répète(ra) avec la plus jeune sœur gamine, mais …. dont le « courage » sera plus fort que cette « loi du silence »  ) … 


En suggérant plus qu’elle ne montre, en jouant avec les ellipses, en scandant son propos d’un mouvement qui ira  crescendo, en exploitant toutes les ressources sonores (musique minérale des baies d’açaï, clapotis plus ou moins impétueux du Rio Japura,  respiration de plus en plus haletante du père censé initier sa fille à manipuler un fusil de chasse, …) en opposant deux univers puis par un mouvement dialectique en les rapprochant (les bas-fonds visqueux glaiseux de l’eau, les pièges de la forêt dans sa compacité émeraude, la barge et la corruption, la « corde » objet récurrent compromis dans sa fonction réparatrice (attacher le hamac) le bleu céruléen qui soudainement se raye de stries grisâtres tout dans ce film témoigne d’une volonté de « briser le silence », un silence que la circulation des regards rendait presque insupportable (et pour les « victimes » et pour le spectateur)
 

Avec Manas, (qui aura demandé presque 10 ans de recherches sur les abus sexuels sur les mineures dans certains villages de la forêt amazonienne) je veux donner la parole à ces femmes et filles qui autrement ne seraient jamais entendues, en honorant les histoires qu’elles ont partagées avec moi. Briser un tabou qui entoure cette dure réalité…


Un film à ne pas manquer lors de sa sortie en salle le 26 mars 2025

 

Colette Lallement-Duchoze

Manas
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28 février 2025 5 28 /02 /février /2025 09:35

D'Ariane Lebed (G-B 2024)

 

avec Mia Tharia (July), Pascale Kann (September), Rakkee Thakrar (Sheela la mère)

 

 

Sélection Cannes 2024 un Certain Regard 

July fait face à la cruauté du lycée grâce à la protection de sa sœur aînée September. Sheela, leur mère, s’inquiète lorsque September est renvoyée et July en profite pour affirmer son indépendance. Après un événement mystérieux, elles se réfugient dans une maison de campagne, mais tout a changé…

September & July

Film étrange non seulement par l’enjeu scénaristique (une sororité mise à mal, un trio fantasque, une emprise) mais par cette façon de filmer qui juxtapose « faux naturalisme » et « fantastique » soit un « conte » cruel -avec quelque afféterie ou provocation capillotractée certes,  mais de bout en bout assez convaincant (quand bien même on se sentira bousculé dans son confort intellectuel puisque le film nous contraint à « revisiter » des prémices) et si le non-dit  reste tapi dans les interstices, la finale insistante est  "prévisible"

 
September et July deux prénoms qu’une mère (pour le moins fantasque) a donnés à ses deux filles nées d’un père différent (July la plus jeune porte en héritage ses origines indiennes, July   "la bêbête"  qui fait littéralement corps avec  September, l’aînée celle qui protège, celle qui dicte ses lignes de conduite et de vie, celle qui sera hostile à son "émancipation " ; cf son regard sadique quand la cadette, après hésitation se soumet à ses diktats).

Vampirisation qui affecte aussi la mère déboussolée (au point de voir ses filles transformées en makis sur le canapé et  mettre "tout sens dessus dessous")

 


Dès le premier plan, le déguisement imposé aux deux gamines par la mère (voix off) -et le  "sang" qui gicle renvoient à l’univers de Shining… mais après tout Sheela (Rakhee Thakrar) n'est-elle pas  créatrice de vêtements styliste, et ne prend-elle pas plaisir à "mettre en scène" ses créations?  Puis un comportement "bizarre" et "violent" dans le milieu scolaire   (retranchement et inadaptation) les jeux pervers (car il y va de la vie et de la mort)  tout incite la mère (en proie d’ailleurs à une dépression) à un  déplacement géographique autant que mental et c’est dans cette maison (familiale ?) en bord de mer en Irlande, que tout va basculer 

 

Oui Ariane Lebed (actrice d'origine grecque qui signe ici son premier long métrage) emprunte certains codes au  " fantastique"  qu’elle va  méticuleusement décliner   : le rôle du hors champ, le changement de format, une plongée dans l’univers du conte teinté de psychanalyse (cf l’obscurité des tunnels -lieux du refoulé( ?) tout en étant des lieux de transition ? ) névrose (et son cri primal), effets spéculaires (certains trop accentués : aux gestes "maladroits" mais "significatifs" de la  mère dans la supérette répondent en écho  ceux de la fille  sous emprise...), part d’animalité très prononcée chez les "sœurs" qui aiment communiquer par cris sifflements onomatopées,  distorsion de la chronologie dans un récit ….apparemment linéaire
 

Oui tout cela peut provoquer  une forme  de malaise …. 

Mais troubler, déranger n’est-ce pas une des fonctions de l’art en général ???

 

Colette Lallement-Duchoze

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26 février 2025 3 26 /02 /février /2025 06:40

De Francesca Comencini (Italie France 2024)

 

avec Fabrizio Gifuni, Romana Maggiora Vergano, Anna Mangiocavallo

 

Mostra de Venise 2024

Un père et sa fille habitent les mondes de l'enfance. Il lui parle avec respect et sérieux, comme à une grande personne, il l'entraîne dans des univers magiques débordants de vie et d'humanité. Il est le grand cinéaste de l'enfance et travaille sur Pinocchio. Un jour, la petite fille devient une jeune femme et l’enchantement disparait. Elle comprend que la rupture avec l’enfance est inéluctable et a le sentiment qu’elle ne sera plus jamais à la hauteur de son père. Alors elle commence à lui mentir et se laisse aller, jusqu’au bord du gouffre. Le père ne fera pas semblant de ne pas voir. Il sera là pour elle, tout le temps qu’il faut

Prima la vita

Emerveillement, rupture et incompréhension, et réconciliation, telle serait l’évolution (apparente) des liens qui unissent père et fille (et qu’à 64 ans Francesca Comencini porte à l'écran), évolution dictée   par le passage de l’enfance à l’âge adulte. (en écho d’ailleurs avec les troubles politiques de l’époque, dont le rôle des Brigades rouges) Amour paternel- Amour filial ....avec le cinéma en « héritage ».

 
La vie d’abord   Soit une relation fusionnelle avec le père. Une figure bienveillante (on voit le père s’immiscer dans la vie scolaire de sa fille pour protester contre les railleries qui fusent à l’encontre d’un gamin, ou encore houspiller le premier assistant lors d’un tournage en extérieur, rappelant cette évidence « c’est notre équipe  qui empiète sur l’intimité des habitants c’est à nous d’être humbles »)

Et pourtant une figure ô combien encombrante pour l’adolescente déjà mature et  addict à l'héroïne (cf le face à face à même le parquet du couloir quand Francesca déplore sa nullité     a conscience de ne pas être à la hauteur…de son père)

 

Relation filmée le plus souvent dans ces intérieurs feutrés certes mais cloisonnés (l’appartement familial avec son couloir et les effets de profondeur de champ, avec ses portes que l’on ferme pour s’isoler) et le jeu de distanciation (recherché ?) est accentué par les effets de flouté ; deux personnages qui se cherchent s’observent, se trouvent s’éloignent se fuient et se retrouvent. Le visage de l’un ou de l’autre peut envahir l’écran (gros plan) quand ils ne sont pas cadrés dans le même plan


La vie d’abord certes mais avec le cinéma. Ce n’est pas pur hasard si le film s’ouvre sur le préparation du feuilleton les aventures de Pinocchio que Luigi Comencini (admirablement interprété par Fabrizio Gifuni) tourne au début des années 1970 pour la télévision  Et que vers la fin c’est la fille (sous l’égide paternelle) qui tourne son premier ( ?) film. Le générique de fin mentionne en outre le rôle déterminant de Luigi Comencini dans la conservation des films muets (cinémathèque de Milan) et dont nous verrons quelques extraits, les mêmes d’ailleurs à des moments importants en écho au récit (souvenir d’enfance du père enchâssé dans les souvenirs de la fille, interprétée avec justesse par la talentueuse Romana Maggiora Vergano)

 


Le cinéma, moyen d’expression, doit-il  passer après la vie » (comme le recommandait le père à ses quatre filles )?  oui mais pour l’agrandir ? ce qui justifierait a posteriori cet hommage..

Un hommage tant au père qu’au cinéaste (Francesca Comencini ne dissocie pas les deux); de facture très (trop) académique il souffre de longueurs, d’immodération (dans les "bons sentiments") … Quant à l’envolée lyrique et onirique finale, elle manque de pertinence …(et c'est un euphémisme). 

 

A vous de juger 

 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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25 février 2025 2 25 /02 /février /2025 10:15

de Frederic Farrucci (2024)

 

Avec Alexis Manenti (Joseph Cardelli) Mara Taquin (Vanina) Jean Michelangeli (Jean Marc) Marie Pierre Nouveau (Stéphanie) Paul Garatte (Pierre)

 

Musique originale : RONE

En plein cœur de l'été, Joseph, l'un des derniers bergers du littoral corse, voit son terrain convoité par le milieu pour un projet immobilier. Il refuse de céder. Cela signerait la fin d'un monde.

Le Mohican

Je voulais revisiter la légende des westerns américains, dans notre époque où le capitalisme balaie tout 

 

Et de fait Joseph ce berger installé dans le sud de la Corse sera le « héros » défenseur de ses biens propres et de ceux de la communauté. Il élève des chèvres sur un territoire convoité par la mafia locale et il va  RESISTER  DIRE NON 
.Après une entrevue avec le caïd mafieux « chef » du projet immobilier, qui se solde par un meurtre (-la scène reste hors champ, seul retentit le coup de feu), va débuter la cavale de ce Mohican que le cinéaste capte dans sa course, ses essoufflements, ses haltes obligées suite à ses blessures.

 

Joseph traqué  par deux sbires.

Joseph dont le portrait va se fondre dans l’élément minéral balisant les chemins. Ne serait-ce pas l’illustration d’une révolte ??? Car la nièce, Vanina, aura su, via les réseaux sociaux, « héroïser » le personnage en donnant un contenu politique au NON affiché et assumé . Certes il a tué, mais c’était pour tenir tête aux mafieux locaux.

 

Deux trajectoires vont ainsi dynamiser le film (qui tient autant du documentaire que de la fiction) l’une visible (la course frénétique d'un homme traqué, blessé) l’autre moins frontale mais efficace (l’héroïsation de Joseph, étroitement liée à l’indignation de voir l’équilibre quasi apollinien de l’île rompu par l’avidité, l’appât du gain)…En étant si proche du berger dans sa course nous voyons effectivement ce littoral littéralement grignoté par les villas de vacanciers (Joseph dévale saute atterrit dans une villa avec piscine puis dans une autre jusqu’à cette plage envahie par les touristes effarés en train de danser en plein air )


Joseph interprété par Alexis Menenti, anti-héros,  légèrement bedonnant, au visage enfantin au regard inquiet que le cinéaste a choisi pour son « mélange d’archaïsme et de modernité » La peur le doute l’accaparent en permanence (inutile de les verbaliser tant ses silences sont éloquents ! 

 

Le Mohican un film que je vous recommande (malgré certains bémols que vous découvrirez assez vite tant ils sont patents…)

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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