Tu dois te défendre ! Plus tu es docile, plus ils en profitent. J’ai compris ça depuis peu».( Mahin à la jeune fille incriminée .... )
2022 éclate le mouvement Femme, vie, liberté (suite à la mort de Mahsa Amini); Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha sont alors en plein tournage -sans autorisation- de mon gâteau préféré ; certains de l’équipe sont dans la rue et manifestent, d’autres sont arrêtés et emprisonnés ; le couple décide de terminer coûte que coûte ; ce sera leur soutien au mouvement. Car ce que "montre" ce film est précisément interdit voire condamné par le régime: : des femmes sans hidjab, l’arrestation, par la police des mœurs, de jeunes filles "mal voilées" et on entend l’injonction de Mahin qui "ose" affronter la police 'Tu dois te défendre ! Plus tu es docile, plus ils en profitent. J’ai compris ça depuis peu" On danse, on boit du vin, on s’exprime sans fard (politique mariage raté) tout en se sachant "épié" on contourne, on brave certains interdits. …
Après la sélection en compétition de la Berlinale, en février 2024 ce sont les mesures de rétorsion: confiscation des passeports, perquisition (chez le monteur) et le couple est interdit de « quitter le territoire » mais grâce à des copies piratées le film aura son public en Iran…
Tenir compte de ce contexte influera inévitablement sur le commentaire et la critique sera bienveillante….saluant avant tout le courage (exemplaire) des cinéastes
Ce film que l’on peut assimiler à une comédie romantique du troisième âge joue sur la dualité opposant forme et fond (soit légèreté et gravité); la fausse innocence, l’apparence ludique voire inoffensive maquille en fait des problématiques douloureuses (bien imbibés les deux septuagénaires se gaussent de leurs mini forfaits (distiller… malgré la loi sur l’abstinence ; remettre en cause le mariage imposé).
Plans fixes (intérieur de la maison) et cloisonnement sont en harmonie avec la lenteur des déplacements de Mahin (Lili Farhadpour) son corps se meut avec difficultés, son sommeil est fortement perturbé (elle s’endort au petit matin et à midi elle est encore alitée). Mais ses rondeurs -accumulées par l’âge et la gourmandise- séduisent ce chauffeur de taxi qu’elle a osé inviter chez elle pour la soirée et pourquoi pas ....la nuit ?
Ce corps Mahin le pare de plusieurs atours dans un élan oblatif tout comme elle maquille son visage dans un élan de séduction ; ce corps elle l’accorde au chant et à la danse tout comme ses mains cherchent celles de Faramarz , et si l’épisode de la douche tient du burlesque on ne se moque pas, car la pudeur est toujours aux aguets
Justesse du ton (même paradoxalement dans l’onctuosité); on rit de bon cœur, on partage tendresse et …audaces…dans la montée du désir !
Mais quand l’amour naissant (?) bascule dans le conte tragique (dernier quart du film) on s’interroge ; on peut déplorer qu’un tel choix n’ait pas permis d’explorer tous les possibles de la transgression, à moins que le "virilisme" ne serve de repoussoir ou encore que l’épilogue renoue avec ce qui était précisément dénoncé…(cf le lamento de Mahin et le très gros plan final sur son dos qui envahit l’écran…)
A vous de juger !!!
Colette Lallement-Duchoze
On s'attendait à un film tire-larmes et un peu "déjà vu" sur la solitude de deux septuagénaires iraniens, de sexe opposé. Il n'en est rien. Efficace témoignage de de la réalité de la vie en Iran aujourd'hui pour cette infirmière veuve d'un mari militaire, et un chauffeur de Taxi, ancien militaire lui aussi, désespérément seul, confrontés au mal universel de la solitude des vieux, de la difficulté d'une rencontre ; cette réalité se croise avec les préjugés sociétaux, religieux, de la population iranienne, alliée du régime Tout est parfaitement juste et surprenant. Un film romantique, drôle, au beau et riche contenu joué par des acteurs vent debout contre la dictature, et terriblement touchants à l'écran.
A ne pas manquer ! En ce moment au cinéma.
Serge Diaz
dimanche 9 février