15 juin 2025 7 15 /06 /juin /2025 06:00

De Kiyoshi Kurosawa, (Japon 2024)

 

avec Masaki Suda (Ryōsuke 'Ratel' Yoshii), Kotone Furukawa,(Akiko)  Daiken Okudaira (Sano), Amane Okayama( Miyake), Yoshiyoshi Arakawa, Masataka Kubota  

 

Sélection: 

Mostra de Venise 2024 : en Fuori Concorso et Oscar du meilleur film international :

Ryosuke plaque tout pour vivre de la revente en ligne. Mais bientôt, certains clients menaçants resserrent l'étau autour de lui sans qu'il en comprenne les raisons. Son rêve d'indépendance vole en éclats. Dans un Japon hyperconnecté, fuir est impossible. Surtout quand on ignore les règles du jeu.

Cloud

Après Chime (sorti le 28 mai) voici tel un second volet, ou une seconde approche ( ?) dans la dénonciation du "capitalisme" qui "favorise" des comportements déviants sur internet. -acheter des produits, les revendre aussitôt et ce dans un cycle sans fin, le personnage étant subjugué aimanté par le processus lui-même ad libitum, ad nauseam

D’un format plus conventionnel (long métrage) le film procède par étapes -nous suivons en effet le parcours de Ryosuke et de sa compagne Akiko -depuis la démission du poste de modeste employé jusqu’à la folie vengeresse de concurrents, vengeance qui se mue en chasse à l’homme- (un "jeu" affirme un des poursuivants) Pour chacune de ces étapes (comme autant de phases dans la déshumanisation) le film adopte un "genre" particulier (chronique familiale et sociale, comédie noire, film d’horreur et thriller survivaliste) Quant au titre Cloud il renvoie à la fois au brouillage qui indifférencie les limites et au dispositif numérique supposé réunir désormais toutes les données et toutes les caractéristiques des existences humaines, sous un nom qui est lui-même un leurre.

Si les cadrages sont toujours très rigoureux si les lumières -souvent glaçantes-  participent de cette attente paralysante, si le rythme épouse la montée de la "paranoïa"  chez le protagoniste -et sa transformation  en "tueur"- on peut déplorer  une certaine complaisance (maniement des instruments de la mort,  bande-son,  course-poursuite) quand bien même elle serait au service d’une "démonstration"  : comment les échanges numériques dans leur perversité même sont facteurs de déshumanisation (la contamination de cette logique du profit affectant la relation amoureuse; le seul personnage féminin Akiko est d'une redoutable duplicité... )

Au final Cloud peut se lire comme un "conte" cruel cauchemardesque certes mais qui- hélas ! (dé)montre plus (et parfois même jusqu’à la caricature) qu’il ne suggère…

 

Colette Lallement-Duchoze

Partager cet article
Repost0
13 juin 2025 5 13 /06 /juin /2025 13:43

De Hur Jin-Ho (Corée du sud 2024)

 

avec Sul Kyung-Gu (Jae-Wan) Jang Dong-Gun (Jae Kyu) Kim Hee-AE (Yeon Kyeonog) Soo-Hyun (Ji Soo)

Deux frères, un avocat matérialiste et un chirurgien idéaliste, se retrouvent régulièrement avec leurs épouses pour dîner dans un restaurant chic de Séoul. Lorsqu’une affaire criminelle qui les implique explose sur la scène médiatique, leur sens de la morale va être mis à l’épreuve.

A normal family

Une introduction fracassante : scène de rue, altercation entre deux chauffeurs, invectives d’une violence inouïe (encore que…sous d’autres cieux…) et passage à l’acte, l’un des conducteurs écrase volontairement l’autre qui le menaçait de briser le pare-brise : mort brutale, fille/ gamine gravement blessée-, mère désemparée.

Scène de déflagration qui va  encoder le film ?

Oui nous irons de rebondissements en rebondissements, dont la cruauté affecte propos et agissements, avec des retournements notoires dans les prises de position… (en écho à cette séquence liminaire répondra d’ailleurs la toute dernière scène).

Mais d’un point de vue purement narratif le prologue va mettre au premier plan le rôle éminent de deux frères (ennemis…), l’un avocat véreux, âpre au gain  défend le chauffard tueur (arguments fallacieux au cynisme implacable); l’autre chirurgien « idéaliste » met tout en œuvre pour  "sauver" la gamine…Entre les deux une mère sénile et ingrate. Eux-mêmes parents de jeunes désorientés (le fils du chirurgien est victime de harcèlement au lycée, la fille de l’avocat conspue sa belle-mère et considère son père comme un "tiroir-caisse") Une famille normale…. (la toute dernière image après le générique de fin,  image qu’auront ratée les spectateurs pressés de quitter la salle,  remet à l’endroit ce qui aurait dû être mais qui restera cliché pour les générations à venir, le film s’étant ingénié à craqueler puis faire voler en éclats un vernis de façade, sourires de gens liés par le sang…)  Famille(s)  je vous hais !

La mise en scène est léchée avec ses longs plans fixes, ses découpages tranchants, ses décors froids et glacés . Les dîners rituels (fil rouge du roman du Néerlandais Herman Koch dont s’inspire le cinéaste coréen) dans l’espace aseptisé d’un restaurant ultra chic de Séoul tournent vite au pugilat ; paroles comminatoires arguments spécieux; et quand les enfants sont impliqués dans le meurtre d’un SDF les parents affrontent leurs démons intérieurs ; entraînant le spectateur dans la valse des "bons et mauvais sentiments" . L’astuce du cinéaste est d’avoir d’abord insisté sur les faux airs de famille (hypocrisie dévastatrice de l’intérieur) avant d’impliquer les mêmes protagonistes face à des choix qui opposent morale justice et liens du sang

Las ! après le basculement - changements de prises de position-  le film patauge s’embourbe dans l’accumulation de  "clichés" (sur la rédemption la culpabilité le pardon la violence) et l’on en vient à proférer des "menaces de mort" (je te tuerai si… dit explicitement l’épouse à son mari, le  chirurgien, puis ce  même  chirurgien à son frère…)

Reste le portrait glaçant d’une jeunesse qui loin d’être déboussolée (comme le pense la génération des aînés) incarne décomplexée, une dérive morale Non ce ne sont pas les délinquants (stéréotypes attendus), mais à la fois les produits d’un environnement privilégié ultra sécurisé et  les acteurs d’une sauvagerie inexplicable…   Dans mon pays, les enfants et les adultes ne se parlent plus beaucoup, Mais c’est la faute des adultes. Ils ne voient pas les enfants comme des personnes à part entière ; les adultes, les parents, sont persuadés d’avoir toujours raison puisqu’ils ont l’expérience. Les enfants, eux, sont éduqués en grande partie par YouTube par eux-mêmes 

Oui derrière les clichés (dans les deux sens du terme) d'une  normal family se cachent  des monstres.

Constat philosophique qui s’enrichit d’une approche plus sociétale.

Constat politique qui hélas dépasse les frontières (hiérarchisation des individus ; pouvoir macabre de l’argent-roi)

En tout être sommeille un chauffard …barbare ! était-ce  la "leçon" du prologue ???

 

Colette Lallement-Duchoze

Partager cet article
Repost0
13 juin 2025 5 13 /06 /juin /2025 05:55

De Laura Donoso Toro (Chili 2023)

 

Avec Martina González,(Sariri) Catalina Ríos (Dina), Paola Lattus (Mara) Enzo Escobar (Héctor), Luis Jimenez (Jairo), Catalina Vasquez (Coni), Emilia Colivoro (Lucia), Belén Herrera (Noelia), Rafael Cerda (le pasteur), Paula Yemen Dinamarca (Corina), Claudio Riveros (Emilio), Muriel Piña (Muriel), Camila Vega (Teresa)

 

 

 

Miami International Film Festival 2024 | Sélection Officielle

Festival de Cine Iberoamericano de Huelva 2024 | Sélection Officielle

Festival Cinélatino rencontres de Toulouse 2023, Grand prix Cinéma en Construction #42

Dans un petit village minier, La Làgrima, au cœur du désert d’Atacama dans le nord chilien, les femmes sont soumises aux diktats imposés par les hommes. Dina (16 ans), confrontée à une grossesse non désirée, prévoit de partir à la ville, fuyant le machisme. Sa jeune sœur Sariri vient d’avoir ses premières règles jugées malignes par la gent masculine. Elle devra donc quitter le village pour un parcours solitaire dans le désert. Dina ne veut pas laisser sa sœur subir la violence de ces rapports masculin-féminin....

Sariri

Ce premier long métrage de la jeune cinéaste Laura Donoso Toro (26 ans) est d’une beauté à la fois âpre et sidérante Voici une chronique sociale filmée sans pathos au plus près de chacune des deux sœurs dans la lumière crue (soleil aveuglant) d’extérieurs aux couleurs sable et ocre du paysage désertique (filmé tel un personnage), sous un ciel d’un bleu marial, ou dans les teintes mordorées d’intérieurs de maisons fragiles en pierres sèches, clairs obscurs suite aux pannes d’électricité à répétition.

Un travail étonnant sur la lumière et les contrastes, contrastes qui participent pleinement d’ailleurs aux "oppositions narratives" du film. Mais on pourra deviner en filigrane (et pourquoi pas dans l’interprétation de ces  "yeux" rouges) l’omniprésence d’un regard masculin et productiviste posé tant sur la mine que sur les femmes… Ce film ne serait-il  pas aussi  en résonance avec les luttes sociales qui ont secoué le Chili ces dernières années, notamment en 2019 (droit à l’avortement entre autres)? 

 

Au son étrange d’un volatile ( ?) d’un animal ( ?) qu’imite Diana, la scène inaugurale nous introduit dans l’intimité de la jeune fille -un miroir, une chambre au mobilier rudimentaire… Et avec sa sœur Sariri en feuilletant des magazines, elle envisage de participer à un concours et avec le pactole de vivre ailleurs une autre vie que celle imposée par des traditions ancestrales édictées par les hommes, traditions  qui privent la femme d’exercer son libre arbitre sur son propre corps…

 Dina va devoir  lutter contre sa grossesse non désirée (elle aura recours à des moyens abortifs ou préconisés comme tels,  jusqu’à mettre en évidence une preuve irréfutable :  au grand dam d’Hector, le mari…) La toute jeune Sariri, quant à elle doit quitter provisoirement le hameau au prétexte que ses premières règles risquent de  "contaminer la mine"  Une traversée du désert ... en solitaire, Sariri minuscule dans l'immensité, Sariri magnifiée quand s'impose en gros plan  son visage ou qu'en plan moyen  se détache sa silhouette d'adolescente

J’ai réalisé Sariri pour parler de la situation des femmes vivant sous ces traditions machistes, liberticides et pour dénoncer ces croyances ancestrales qui sont à la base des rapports hommes /femmes dans nos sociétés. Ainsi, depuis toujours les hommes se sont servis des menstruations des femmes pour les diminuer, allant même jusqu’à considérer que ce sang était le marqueur d’un côté diabolique de la femme… »

La lagrima un patronyme ô combien symbolique! 

Un très gros plan sur le visage de Dina où perle un pleur (de tristesse et de joie mêlées) ne relève nullement d’une quelconque mièvrerie ou afféterie dans le final de ce film que je vous recommande

 

Colette Lallement-Duchoze

 

NB projeté dans le cadre de La séance indépendante  ce film sera visible à l'Omnia République Rouen samedi 13h30, dimanche 18h15, lundi 15h30, et mardi 16h15 salle 8

 

Partager cet article
Repost0
9 juin 2025 1 09 /06 /juin /2025 11:02

Kobe, en été  Pendant leurs grandes vacances, trois jeunes écoliers en mal d'aventures se questionnent sur la mort  et se passionnent peu à peu pour le jardin abandonné d'un ermite qui les fascine

Jardin  d'été (The friends)

Espionner un vieillard pour voir comment un homme meurt, tel était le projet initial de Kiyama, Kawabe et Yamashita trois écoliers de Kobe, habités par cette curiosité morbide : Comment ça fait de toucher un cadavre ? …Mais après une période d’apprivoisement réciproque, les trois vont s’ingénier à métamorphoser la bicoque, le jardin en friche du vieil homme solitaire, mais surtout de confidences en confidences c’est tout un pan du passé qui est restitué capable de transformer un futur aussi bref soit-il… (en organisant "d’improbables retrouvailles"… !!)

Surnommés Sumo, Lunettes et Sac d’os, ils entraînent le spectateur dans leur connivence avec Grand-Père (une voix off parfois nous guide) le font pénétrer dans un univers qui tient à la fois du réalisme et de la magie (cf le puits et l’envol au final de ces myriades de papillons). Sueurs et cris d’enthousiasme, mouvements vibrionnants alternant avec poses (et pauses) contemplatives, questions sur l’intime, impression d’accomplir une mission, rien ne semble échapper à leur précoce sagacité

Conscience d’une finitude, la mort est omniprésente dans ce film. Soit dans la figuration métaphorique du jardin abandonné, de la perte des idéaux -rappel du trauma dû à la guerre du Pacifique – soit dans le rouge flamboyant du ciel comme illustration d’une incinération, soit dans cette façon si provocatrice de la défier -quand Kawabe (Lunettes) est sur un muret comme happé par le vide ; alors qu’au final les trois « gamins » seront confrontés à la douleur de la perte -leur tentative désespérée de ranimer le « mort » est tout simplement poignante

Jardin d’été, un récit d’apprentissage, un conte initiatique où la cruauté et le morbide s’effacent au profit de la délicatesse, où l’émerveillement a vite remplacé la rudesse initiale (cf la séquence d’ouverture, un match de foot avec ces tacles qu’accentue le visqueux tourbeux de la pluie).

Tout ce qui était en friche (maison jardin mais aussi espace mental et psyché du vieillard) miraculeusement se transforme…La musique du guitariste et compositeur brésilien Sérgio Assad, l’interprétation des quatre personnages principaux, les ruptures de rythme et d’ambiance (chaleur torride, typhon), le recours aux panoramiques ou aux plans séquences, tout dans ce film (jamais diffusé en France jusqu’à cette année) concourt à cette métamorphose filmée à hauteur d’enfant…

Jardin d’été un film à ne pas manquer !

(quand bien même certains -détracteurs invétérés-, vont déplorer les "figures" du  puits- tombeau- réservoir de toutes les âmes … de la mémoire oubli et promesse  …de l’éros- thanatos  dans leur connexion conjuguée,  ainsi que la lenteur calculée de certaines séquences )

 

.Colette Lallement-Duchoze

 

Partager cet article
Repost0
8 juin 2025 7 08 /06 /juin /2025 05:29

Documentaire réalisé par Chloé Barreau (Italie France 2023)

 

 

20 -ème édition des Giornate degli Autori dans la section Nuits Vénitiennes 2023

Depuis ses 16 ans, entre Paris et Rome, Chloé a filmé ses amours. Coup de cœur adolescent, relation à distance, passion charnelle : alors qu'elle vivait une histoire, elle en fabriquait déjà le souvenir. Mais de quoi se souviennent ces ex ? Quelle est leur version des faits ?

Fragments d'un parcours amoureux

Clin d’œil -appuyé, élogieux , ironique?-  à Roland Barthes, que ce glissement (sémantique) de discours à parcours ?

Le documentaire de Chloé Barreau n’est pas une exploration du sentiment amoureux mais un questionnement à travers la voix de 12 personnes qui l’ont aimée, à travers leurs témoignages, sur la façon dont  "nos histoires sentimentales façonnent notre mémoire" (que reste-t-il de nos amours …) Sébastien, Jeanne, Laurent, Ariane, Rebecca, Anne, Jean-Philippe, Anna, Bianca, Marina, Marco et Caroline filmé.es successivement par la journaliste Astrid Desmousseaux (le nom apparait au générique de fin) de jour ou de nuit, dans leur "chez-soi" , en un seul plan fixe. Leurs visages comme autant de figures de l’amour, de fragments qui jalonnent un parcours et leur regard comme une scansion, une ponctuation.

 Je ne sais pas si j’ai envie d’aimer ou si j’ai envie qu’on m’aime. Je crois qu’après tout, c’est un peu la même chose. C’est sur cet aveu de Chloé Barreau -que l’on voit adolescente cigarette à la main-, que s’ouvre ce documentaire. Un documentaire qui fait alterner (ou coexister) les "interviews/entretiens" de ces 12 jeunes devenus adultes, les images (photos, extraits de films, vidéos d’époque exhumant leur passé d’ados), les lettres (avec zooms parfois sur des phrases très poétiques que « récite » une voix off), alors qu’une musique (assez surabondante…il est vrai) va jouer le rôle de rhapsode (au sens de rhapto : coudre) Façade du lycée Henri IV, appartements squattés, boîtes de nuit, quartier du Transtevere, ruelles, ponts, cathédrale en feu etc. .défilent au gré de l’effervescence et de l’insolence qui les habitaient s’inscrivant dans un montage de type télévisuel, délibérément haché, comme le suggère le titre « fragments »

Les archives visuelles impressionnantes, la cinéaste -qui a très tôt  "documenté" sa vie (cf le synopsis) -,   les met au service d’un dispositif tel que non seulement il confronte présent et passé, -pour chacun.e des 12 interviewé.es, mais aussi tel qu’il invite le spectateur (forcément impliqué) à croire en une forme de permanence dans l’impermanence, et en l’universalité de ce qui est singulier, la sphère du privé… Et dès lors peu lui « chaut » d'identifier des visages connus, (actrice cinéaste ou poète) l’essentiel est ce qui se livre en creux : le portrait d’une amoureuse de l’amour  et SURTOUT  le lien très étroit entre art et existence (à la manière de Sophie Calle?) 

Sa vie est son œuvre" dit Marco (en écho les propos de la cinéaste elle-même "Je n'avais rien vécu tant que je ne l'avais pas raconté."

Chloé a élu domicile en Italie. Exil sentimental affirme Rebecca Zlotowski...(le terme exil serait à méditer...)

Je vous invite à souscrire aux propos d’Anna (Mouglalis) "Plus on aime, plus on aime"

Et pourquoi pas à sa façon d’appréhender à la fois le passé et le film

J’ai décidé d’appréhender ma mémoire comme mon imaginaire. On s’invente son passé

Un documentaire que je vous recommande

 

Colette Lallement-Duchoze

 

NB programmé dans la section "la séance indépendante" Omnia salle 8 

 dimanche 8  à  18h, lundi 9 à 13h45, mardi 10 à 18h

Partager cet article
Repost0
6 juin 2025 5 06 /06 /juin /2025 16:09

De Piero Messina (Italie France G-B 2024)

 

avec Gael Garcia Bernal, Bérénice Béjo, Renate Reinsve

 

Festival de Berlin 2024

Après avoir survécu à l'accident qui a coûté la vie à la femme qu'il aimait, Sal ne vit plus que dans ses souvenirs. Il s'engage alors dans l'expérience Another End, qui promet d'atténuer le deuil en réanimant temporairement la conscience des personnes disparues. Sal retrouve ainsi l'âme de Zoé au travers d'une autre femme. Ce qui était brisé semble pouvoir reprendre vie.

Another end

Une technologie post mortem pour atténuer la souffrance du nevermore…Pourquoi pas ? c’est presque devenu un "marronnier" (mythologie, littérature et cinéma de science-fiction) avec ce questionnement ô combien existentiel  "que reste-t-il de l’amour lorsque l’être aimé n’est plus, mais que son souvenir persiste, réincarné et artificiellement prolongé"  Et voici que s’impose la figure de la femme aimée  disparue "ressuscitée" "(Eurydice Béatrice Rebecca ou Vertigo) même si dans ce film de Piero Messina la femme a un autre corps …

Une scène d’ouverture comme promesse augurale? . Une porte un judas un dos qui envahit l’écran et quand la porte s’ouvre la voisine accueille Sal avec déférence ; il va réparer la douche,  le  "mari" que l’on voit comme figé dans une lumière orangée, assis sur un fauteuil, n’y parvient pas…. Sal est décontenancé, le spectateur aussi quand quelques instants plus tard ce "mari" est dénudé emporté par des infirmiers, recouvert de la housse mortuaire, -l’épouse aura baisé tendrement ses lèvres. Profondeur de champ de l’obscur désormais, mélange de réalisme et de fantastique, comme si tout allait de soi…….

Dévasté par la douleur Sal acceptera le marché (dont sa sœur est la convaincante vrp )…mais en exigeant plus que le contrat …Bienvenue dans Another end cette entreprise commerciale, qui permet à une personne dévastée par la mort d’un proche d’atténuer sa douleur en réanimant temporairement la conscience et les souvenirs des personnes disparues en les transplantant dans des corps d’employé·es loués pour l’occasion

Las ! Malgré les belles interprétations de tous les acteurs - mention spéciale à Philipp Rosch dans le rôle du père de Zoé -,-malgré une mise en scène très "léchée", malgré la netteté et la rigueur des "cadres", malgré cette recherche d’une harmonie entre les décors aseptisés, les lumières diffuses, les mouvements feutrés et l’aspect flottant des personnages, malgré une tendance esthétique à la  " corporalité /corporéité"  dans l’épisode de Zoé/Ava en putain stripteaseuse, - on taira le twist final, prévisible et alambiqué à la fois,  malgré……l’ensemble peine à transmettre le frisson attendu, ou du moins à faire accepter l’invraisemblance dans un réel  revisité ou dans un réel devenu irréel (que la séquence liminaire avait illustré...)

Que dire par exemple de ces lits mortuaires à la verticale qui au début envahissent l’écran ? de ces couleurs mordorées des intérieurs avec ce filet de lumière sur les cheveux ou une partie du visage ? de ces propos du psychologue de pacotille (mais dont les contreplongées sont censées renforcer le rôle, le pouvoir du verbe ….dans les limites du contrat, bien entendu) de la trop grande importance accordée aux scènes "dissertatives" ? de ces "faux jeux de piste" que déclinent les angles droits croisés ou les effets spéculaires? une surenchère qui nuit au propos?

En voulant faire cohabiter conte philosophique, thriller sentimental et récit d’un désenchantement (sur l’amour ?) le film restera celui d’un paradoxe (à tel point que dans la seconde partie la traque nocturne s’épuise fébrile dans le grotesque après ….une apparition toute en lucioles de la stripteaseuse sortant des "ténèbres" )

Dommage !!

 

Colette Lallement-Duchoze

Partager cet article
Repost0
6 juin 2025 5 06 /06 /juin /2025 06:12

Documentaire réalisé par Alexe Poukine (Belgique Suisse France 2024)

 

 

Cinéma du Réel 2024 – Prix du jury jeune Ciné + et Mention spéciale du prix des bibliothèques Festival de Douarnenez 2024 festival Résistance 2024 Cinémonde 2024 Festival du film social de Nice 2024 Festival du film d’éducation 2024 Festival Filmer le travail 2025

 

Présenté à Rouen mercredi 4 juin,  avec l'association MOTS- prendre soin des soignants, en présence des docteurs Boyer et Durand-Réville

 

 

À l'hôpital, soignants et soignantes interrogent leur pratique lors d'ateliers de simulation avec des comédiens. Pour annoncer un cancer ou accompagner ses proches, l'empathie avec le patient se travaille. Mais l'idéal relationnel prôné en formation est-il applicable dans un système hospitalier de plus en plus à bout de force ? Peu à peu, la simulation devient un exutoire aux malaises qui rongent l'institution

Sauve qui peut

Soit j’ai de la merde dans les yeux soit il est mort. C’est ce qu’a entendu Alexe Poukine, enceinte de trois mois lors d’une échographie …

C’est le constat que "la violence à l’hôpital est partout"  à commencer dans les mots

Ce sera le point de départ de son documentaire  "Sauve qui peut"

Son propos ? " remettre un peu d’empathie dans la relation patients -soignants".

Comment ? en captant dans plusieurs établissements "la simulation humaine" -procédé théâtral par excellence Et nous allons pénétrer dans ces ateliers,  assister à ces simulations suivies de leurs commentaires (débriefings méticuleux ô combien salutaires)

Et voici que s'ajuste la pratique de l'empathie, Où est  "la bonne distance" ? quel sera le mot "juste" ? quid de l’émotion face à un patient condamné ? ou de ces situations de "drague"  évidente ?

 On travaille aussi à déconstruire les préjugés susceptibles de nuire à la justesse de l'analyse médicale (cf les préjugés sur la vie sexuelle des séniors et la réponse à la fois ironique et pleine de bon sens de la commentatrice chargée de  la réunion/bilan)

Tous les cas de figure semblent passés au peigne fin. Avant que le documentaire ne pointe la souffrance subie au quotidien par les soignants eux-mêmes (néo libéralisme du système hospitalier que résume ce constat glaçant le seul vrai problème de l’hôpital, c’est qu’il y a des patients. Ils sont devenus la variable d’une machinerie qui nous les fait oublier tout le temps. 

Ainsi on passe de l’éducation à l’empathie (car cette capacité à "se représenter ce que l'autre ressent"  n'est pas innée ) à sa difficile "concrétisation"  à l’intérieur d’un système trop enclin à la maltraitance (due essentiellement au manque de temps et de ressources humaines)  

Un documentaire "coup de poing" par moments (qui peut abolir les frontières du réel…)

Un documentaire qui par effets de miroir ausculte un grand malade en se penchant à son chevet  "l’hôpital"

Un documentaire à ne pas manquer

 

Colette Lallement-Duchoze

Partager cet article
Repost0
4 juin 2025 3 04 /06 /juin /2025 07:53

De Wes Anderson (2024 USA) 

 

Avec Benicio Del Toro, Mia Threapleton, Michael Cera, Richard Ayoade, Scarlett Johansson, Benedict Cumberbatch, Rupert Friend,  Bill Murray, Mathieu Almaric

 

Compétition Festival de Cannes 2025

Le riche homme d'affaires Zsa-zsa Korda désigne sa fille unique, une religieuse, comme seule héritière de son patrimoine. Alors que les Korda se lancent dans une nouvelle entreprise, ils deviennent rapidement la cible de magnats intrigants, de terroristes étrangers et d'assassins déterminés.

The Phoenician Scheme

Le pitch rend compte uniquement de la « trame » générale (1950 Korda industriel puissant et véreux victime d’attentats ciblés sentant sa mort prochaine veut faire de sa fille, une nonne, l’unique héritière de son empire…Son projet pharaonique Phoenician scheme -développer un territoire oublié mais hautement stratégique, la Phénicie- est  perturbé à cause de la flambée des prix des rivets nécessaires à la construction du chantier … …Comment combler le gap ?  Comment convaincre les partenaires financiers (tous aussi véreux …)

Or dès le prologue nous pénétrons dans un univers très particulier :  décor-intérieur d’un avion- au cadre millimétré, aux couleurs dénaturées,  statisme apparent (comme une vignette de BD) puis l’explosion du cadre (l’assistant de Korda est éjecté tout comme va l’être le pilote,… de son siège) ellipse sur le crash de l’avion particulier ….avant qu’une superbe lumière zénithale ne nous montre Korda - comme ressuscité- immergé dans son bain,  alors que défile le générique….

Bienvenue dans ce nouvel opus de Wes Anderson où le discours logorrhéique est à l’image de la pléthore du casting, où les "rebondissements" dans ce parcours méditerranéen qu’entreprend l’homme d’affaires (avec sa fille et son acolyte l'entomologiste) auprès de ses partenaires financiers a les allures d’une comédie noire stylisée au récit sinusoïdal …où triomphe le goût  pour la symétrie (plans) et où se mêlent habilement critique de l’affairisme à l’échelle planétaire et crise familiale

Oui chaque rencontre a ses transactions plus ou moins grotesques  ou burlesques (transfusion de sang, demande en mariage, points marqués au basket ) Oui les "résurrections" successives de Korda justifieraient ces passages au paradis en noir et blanc (avec Bill Murray dans le rôle de Dieu) Oui l’espace vital et professionnel après moult déboires et fracas se resserre, au final, sur le duo père fille (où paradoxalement l’exiguïté du bar restaurant sera saturée d’objets)

Oui la grammaire cinématographique si originale de Wes Anderson (où chaque plan est travaillé avec méticulosité) a son égal dans le sens évident du rythme et les ambiances sonores signées Alexandre Desplat

Oui… Mais.. On peut déplorer l’absence notoire d’émotion, la froideur et l’hermétisme

Un film à voir,, c’est une évidence,  avec ces réserves déjà évoquées ici même

(https://www.cinexpressions.fr/2021/11/the-french-dispatch.html  https://www.cinexpressions.fr/2023/06/asteroid-city.html 

 

Colette Lallement-Duchoze

Partager cet article
Repost0
2 juin 2025 1 02 /06 /juin /2025 07:07

De Margarethe  von Trotta (2023 Allemagne)

 

avec Vicky Krieps, Ronald Zehrfeld, Tobias Resch 

 

Berlinale 2023

A 30 ans la poétesse autrichienne Ingeborg Bachmann est au sommet de sa carrière quand elle rencontre Max Frisch (célèbre dramaturge suisse) . Leur amour est passionné mais des frictions apparaissent .

Ingeborg Bachmann

Le film de Margarethe von Trotta n’est pas un biopic -au sens traditionnel et académique du terme-. En s’intéressant à la relation avec Max Frisch (dramaturge suisse) -relation que d’aucuns vont réduire à des "querelles" d’egos entre écrivains reconnus- , en privilégiant dans le cursus littéraire le "passage"  (difficile ?) de la poésie au roman (cf lors  des séquences de lecture/dédicace les questions de lectrices  et les réponses réitérées "Arracher  les mots à la nuit ; Toute personne qui tombe a des ailes ) la cinéaste illustre ce qui fut comme la quintessence de toute l’œuvre d’Ingeborg Bachmann -1926-1973 (hélas trop peu connue en France !) à savoir la continuation de la guerre, de la torture, de l’anéantissement, dans la société, à l’intérieur des relations entre hommes et femmes  (propos d’Elfried Jelinek)

Ce qui au niveau formel se double d’une approche beaucoup plus subtile que ne le suggère le sous-titre Reise in die Wüste, “voyage dans le désert” Télescopage de deux temporalités -la seconde placée sous le signe de la liberté (désert en Egypte) - écho inversé  de la première (?) -, est aussi le "commentaire"  par l’ami Adolf Opel  de ce qu'il  est censé entendre ou avoir entendu,  les   confessions-souvenirs  d’Ingeborg  que le spectateur  lui voit  ou a vu  illustré.es à l’écran)

Télescopage qui ira se diffractant par le jeu constant (trop répétitif pour certains) de flashbacks et flashforwards (analepses et prolepses) comme autant de  "miroirs brisés"  dans cette alternance d’époques et de milieux qui dialoguent …au service d’une sensibilité à vif ( ?) (cf la scène "liminaire" très théâtrale où la silhouette de plus en plus spectrale contraste avec la main qui décroche le téléphone alors que sardonique retentit le rire de Max/Mephisto ; cf aussi  le cauchemar prémonitoire de la robe qui s’enflamme ou encore ce réveil d'un corps -comme momifié - dans le désert)

Les choix musicaux (dont le trio pour piano et cordes de Schubert ) le jeu impeccable dans le mélange d’opacité et de transparence de Vicky Krieps, les audaces visuelles (échappées dans les dunes fouettées par le vent) les "reconstitutions" (décors à Paris Zürich Rome)- le travail sur les couleurs et les lumières, la diversité des robes portées avec élégance par l’actrice, tout cela ferait de ce film un joyau ….

Mais (car immanquablement, il y a des  "mais") il est des bémols, aussi incontournables que les dièses…( ?)

 

Cela étant, Ingeborg Bachmann est un film à ne pas manquer

 

Colette Lallement-Duchoze

Partager cet article
Repost0
1 juin 2025 7 01 /06 /juin /2025 14:33

Girl in the Hallway  Canada, 2019, 11 minutes

  • Réalisation : Valerie Barnhart Écriture : Valerie Barnhart, Jamie DeWolf
  • Image, animation et montage : Valerie Barnhart Son : Pat Mesiti Miller
  • Voix off : Jamie DeWolf Musique originale : Alex Mandel
  • Production : Valerie Barnhart

 

À l’occasion du festival d’animation d’Annecy qui débute le 8 juin, Mediapart et Tënk vous proposent de découvrir le puissant film de Valerie Barnhart, primé en 2019. Illustration d’un fait divers qui interroge l’inaction et le poids de la culpabilité.

 

https://www.mediapart.fr/studio/documentaires/culture-et-idees/la-fille-dans-le-couloir-quand-le-silence-est-violence

 

 

Un homme témoigne des circonstances qui entourent la disparition d'une enfant et porte avec difficulté le lourd poids de son silence et de son inaction.
La fille dans le couloir

C’est l’histoire d’une porte fermée. Un conte de bêtes affamées et d’ogres. Un souvenir de loups armés. Le récit d’un artiste qui se retrouve au cœur d’un fait divers. Il témoigne des circonstances qui entourent la disparition d’une enfant et porte avec difficulté le lourd poids de son silence et de son inaction. « Parce qu’il y a des petites filles qui ne reviennent jamais de la forêt. »

Quinze ans après, la petite fille du couloir le hante toujours. Cet homme, c’est Jamie DeWolf. Il était le voisin de Xiana Fairchild, âgée de 7 ans au moment de sa disparition. C’est son récit qu’on entend du début à la fin du film. Écrivain, cinéaste, performeur, il est réputé pour ses slams poétiques, dont celui qui sert les dix minutes de bande-son du film.

Un texte qu’il jouait depuis longtemps sur scène et dont la réalisatrice Valerie Barnhart s’empare pour son premier court métrage. Elle utilise le tout premier enregistrement public, le plus fragile, le plus torturé, chancelant et âpre. La jeune illustratrice canadienne le sublime à l’image par une animation en stop motion 2D, une technique qu’elle a apprise en réalisant ce film. Confrontant la mémoire douloureuse de Jamie DeWolf avec un travail au fusain et au pastel sur papiers découpés qui s’autodétruisent au fur et à mesure. Un chaos cauchemardesque d’ombres et d’éclats rouges qui collent parfaitement avec la scansion de la voix et la noirceur du texte. 

« Les aveux de Jamie sont incroyablement intimes. J’ai senti qu’en disant ces mots pour la première fois, Jamie avait créé quelque chose de brut et imparfait. Et qui permet de se projeter. C’est très facile de voir le background de cette histoire et pourquoi il a, malheureusement, pris ces décisions. Il y a un peu de nous tous en Jamie. Le silence et l’inaction sont une forme passive de violence. Le mal devient banal lorsqu’il est toléré par ceux qui le rencontrent », détaille la réalisatrice dans un entretien avec Nicolas Bardot.

Si l’histoire personnelle est terrible et dépeint une réalité très (trop) sombre, habitée par la peur de l’autre, la crainte générale du monde extérieur, dénuée de toute lueur d’espoir, de foi dans une humanité minée par la violence, sa grande force est d’être un avertissement contre nous-mêmes. Contre les dynamiques du silence, contre toutes les souffrances à côté desquelles nous passons sans y prêter attention ou, pire, en les ignorant sciemment. C’est ce sentiment qu’on ressent dans l’urgence de la voix à dénoncer le loup qui sommeille en nous.

Mediapart et Tënk

Le festival international du film d’animation d’Annecy se déroule cette année du 8 au 14 juin, retrouvez ici l’intégralité de la programmation 2025.

Partager cet article
Repost0

Mode d'emploi

Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

Envoyez vos articles ou vos réactions à: artessai-rouen@orange.fr.

Retrouvez aussi Cinexpressions sur Facebook

 

 

Recherche