De Karim Moussaoui (Algérie France 2024)
Avec Sammy Lechea, Zar Amir Ebrahimi, Idir Chender, Hamid Amirouche, Nassima Benichou
Présenté en compétition au Festival d'Angoulême 2024
Réda vit chez ses parents dans un quartier bourgeois d'Alger. Il occupe un poste dans la plus grande entreprise d'hydrocarbures du pays dirigée par son père, un homme froid et autoritaire. Sous tous ces vernis apparents, Réda dissimule un mal-être profond. Un jour, le père meurt et un événement inattendu se produit : le reflet de Réda disparaît du miroir.
Comment concilier tradition et modernité ? (dans la société algérienne entre autres) telle était la thématique du très original En attendant les hirondelles .( https://www.cinexpressions.fr/2017/11/en-attendant-les-hirondelles.html En mêlant plusieurs genres (réalisme cru et fantastique entre autres) en faisant éclater la chronologie (cf le prologue où le fils à l'écart, à l’ombre regarde sur écran une interview de son père en gros plan en pleine lumière et séquence finale en flash back) en refusant des indices traditionnellement attendus, et en évitant les pièges du manichéisme, le réalisateur poursuit ce questionnement dans L’Effacement mais en insistant sur "le désarroi de la jeunesse algérienne" à travers l'itinéraire de Reda
Ce personnage sera de tous les plans (le jeu de l’acteur Sammy Lechea est absolument convaincant) Nous allons assister à sa descente aux enfers, --alors qu’était "attendu" un "autre parcours initiatique". Les tableaux se succèdent -Reda et sa relation au père Reda et son frère Faycal, Reda au bureau Reda et sa préparation militaire Reda au reflet effacé -; Reda et son apparente impassibilité, Reda le taciturne, Reda le mutique. Un rythme assez lent et une métamorphose qui en fait un être violent , un tueur…La mort du père, les sévices corporels (préparation militaire), se donnent à voir, à lire tels des traumas …et l’esquisse d’une romance avec une restauratrice (excellente Zar Amir Ebrahimi, vue dans Les nuits de Maashad) apparaissait tel un contrepoint…Mais
Comment la violence s’est emparée de ce jeune algérois, fils d’une famille bourgeoise (le père est PDG de la Sonapeg) promis à un bel avenir ; tel est bien l’enjeu d’un film qui dénonce entre autres les carcans familiaux, mais à travers ce portrait (qu’accompagne un prélude de Chopin) le cinéaste fait celui d’une génération qui hélas ne trouve pas sa place dans son pays (le frère Faycal ne fuit-il pas tout autant un père autoritaire auquel il a su résister, que son pays qu’il abandonne définitivement ?) Se soumettre ou partir tel est le dilemme auquel serait confrontée la jeunesse
Les contrastes entre la plénitude ressentie dans la vastitude d’un désert ocre et rougeoyant (avec Malika) et l’absence à "soi-même" - comme à son "propre désir" d’ailleurs – et dont l’effacement, sens propre et figuré, est la métaphore-, la séquence finale, (alors que Reda vient de commettre l’irréparable) flash back sur le « mariage arrangé » - -où le hagard côtoie le festif, , tout cela crée une tension trouble illustrant d’ailleurs le rôle néfaste d’un pays qui aura sacrifié sa jeunesse….
Mon film ne dit pas autre chose que ce désarroi d’une jeunesse algérienne qui ne trouve pas sa place et l’urgence d’accorder enfin à l’individu le droit de se construire par lui-même
A voir
Colette Lallement-Duchoze