10 juillet 2025 4 10 /07 /juillet /2025 16:17

De D. John Haugerud (Norvège 2024)

 

avec Andrea Bræin HovigTayo Cittadella JacobsenMarte EngebrigtsenMarian Saastad OttesenLars Jacob Holm (le psy de Rêves) 

Sur un ferry qui les ramène à Oslo, Marianne,  urologue, retrouve Tor, infirmier dans l’hôpital où elle exerce. Il lui raconte qu’il passe souvent ses nuits à bord, à la recherche d’aventures sans lendemain avec des hommes croisés sur des sites de rencontre. Ces propos résonnent en Marianne, qui revient d’un blind date organisé par sa meilleure amie et s’interroge sur le sens d’une vie amoureuse sans engagement. Mais ce soir-là, Tor succombe au charme de Bjorn, qui lui résiste et lui échappe…

La trilogie d'Oslo: Amour

Dans ce volet de la trilogie Oslo s’impose tel un personnage à part entière. Ole, un des protagonistes évoque avec amour sa pierre, ses strates (à un moment au commentaire d’une maquette se superposera un baiser la surplombant) de même la guide Haidi (séquence d’ouverture) commente des sculptures -insistant sur les bienfaits de l’amour, de l’amour libre, du triolisme.

Oslo et son architecture, filmée souvent de  nuit

Oslo qui avec le ferry (allers et retours répétés Oslo/Nesodden, comme autant de chassés croisés) va « métaphoriser » la « construction » de liaisons amoureuses.

Dès le début du film s’invite ainsi l’érotisme qui mêlé aux détails architecturaux impulse simultanément le chant d’amour du cinéaste à sa ville dédié (telle une ode) et la psychologie (complexe) des deux protagonistes : Marianne (Andrea Bræin Hovig), urologue, et Tor (Tayo Cittadella Jacobsen), infirmier, incarnant deux façons d’aimer, que le  "discours"  et sa  "concrétisation" (contrariée ou non) exhaussent à l’universel.

Déclinées avec délicatesse très souvent (cf le duo que formera Tor et le psychologue, qui vient de subir une prostatectomie, cf les réticences de Marianne dont les pleurs disent le refus d’usurper la place censée revenir en priorité à la fille d’Ole…), incarnées avec subtilité (cf le jeu tout en nuances d’Andrea Bræin Hovig) ces constructions amoureuses  soulèvent les questions sur l’efficacité ou l’incongruité des applis de rencontres (Tinder  Grindr) ou du cruising, sur l’acceptation ou le refus des "normes"  dans la quête amoureuse. Questions que les personnages incarnent tels des archétypes ou tels les acteurs d’un théâtre qui est rarement celui de la cruauté et que scande l’éphéméride solaire de ce mois d’août à Oslo !

 

Amoureuses, amoureux de l’Amour, ce film vous séduira

 

Colette Lallement-Duchoze

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9 juillet 2025 3 09 /07 /juillet /2025 06:40

De Tarzan et Arab Nasser (Palestine 2024)

 

avec Nader Abd Alhay,(Yahya)  Majd Eid, (Osama)  Ramzi Maqdisi (Abou Sami)

 

Musique Amine  Bouhafa

 

 Prix de la mise en scène dans la sélection Un certain regard. Festival Cannes 2025

Il était une fois, à Gaza  2007. Yahya, étudiant rêveur, se lie d’amitié avec Osama, dealer charismatique au grand cœur. Ensemble, ils montent un trafic de drogue, caché dans leur modeste échoppe de falafels. Mais ils croisent le chemin d’un flic corrompu venu contrarier leur plan...

Once upon a time in Gaza

D’origine palestinienne les frères jumeaux Nasser ont tourné ce film (avant octobre 2023) en Jordanie où ils sont réfugiés depuis 2012 et comme dans leurs précédents films (Dégradé Gaza mon amour) l’humour (noir ou grinçant) est censé dédramatiser la tragédie…

Un éléphant se cache derrière un poteau. Personne ne peut le voir. Comment est-ce possible ? Parce qu’il est bien caché". Et Osama de se gausser face à l’hébétude de Yahya qui ne comprend pas…Vers le dernier tiers du film,  un flash-back rappelle la rencontre entre l’étudiant qui se rendait à l’université et le chauffeur Osama …alors que nous avons vu évoluer  les deux complices dans l'étroitesse d'une  échoppe de falafels…où l’on introduit des cachetons de tramadol.  …achetés"  légalement" en pharmacie ... à partir d’ordonnances  "volées" …

Une blague dont l’absurdité fait écho au sort absurde des habitants de Gaza. Si le titre il était une fois renvoie à l’univers du conte, si les trois personnages principaux (Osama, Yahya et Abou Sami le flic corrompu) rappellent le bon la brute et le truand, il est bien question d’une tragédie qui transformera Gaza en un champ de ruines

Nous sommes en 2007 soit au lendemain de la victoire du Hamas, soit pour les Gazaouis le début de l’enfermement  (blocus imposé par Israël), détonations des raids israéliens, coupures de gaz ou de courant, effondrements d’immeubles, embrasement, ponctuent la narration.

Narration qu'une  même séquence enferme  en l’encadrant : voici une foule qui acclame son héros mort en résistant (compacité, cercueil, slogans, effigie du martyr héroïsé, ) une scène agrandie aux dimensions de l’écran mais qui (r)étrécie aux dimensions de la tv s’inscrirait (?) dans un faux film d’action des années 80 comme le suggère une bande-annonce "voici le premier film d'action à Gaza"  

Si Once upon a time in Gaza a le mérite de confronter catastrophe et pouvoir de la fiction (en empruntant à plusieurs "genres"  dont le polar le western et la comédie), de nous "montrer" Gaza avant sa dévastation, et tel un apologue de prôner l’amitié comme (seul ?) moyen de survie, force est de reconnaître que l’ensemble donne la fâcheuse impression d'inabouti, ou du moins  d'être  bancal  à l’instar d’ailleurs du film dans le film : deux ans après avoir été témoin du crime d’Osama, Yahya est embauché (casting sauvage) pour incarner le rôle principal dans un film supervisé par… Abou Sami C’est un piteux acteur, faute de budget les accessoires seront de « vraies » armes, les figurants ne comprennent pas qu’ils sont dans une fiction, les soldats palestiniens jouent à contre cœur le rôle de soldats israéliens etc..

 

Colette Lallement-Duchoze

 

NB  la déclaration de Donald Trump du  6 février 2025 (Gaza  et Riviera) a été ajoutée in extremis en début de film

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6 juillet 2025 7 06 /07 /juillet /2025 08:12

De Dag Johan Haugerud (Norvège 2025)

Avec Ella ØverbyeAne Dahl TorpSelome Emnetu

 

Ours d’Or Berlinale 2025

Johanne tombe amoureuse pour la première fois de sa vie, de sa professeure. Pour conserver une trace de ses sentiments, elle relate ses émotions dans un carnet. Quand sa mère et sa grand-mère lisent ses mots, elles sont d’abord choquées par leur contenu intime mais ne tardent pas à en reconnaître le potentiel littéraire. Tandis qu’elles s’interrogent, entre fierté et jalousie, sur l’opportunité de publier le texte, Johanne se démène entre la réalité et le romanesque de son histoire....  Les trois femmes sont ainsi confrontées à leurs propres rêves et aspirations inassouvi.es.

 

La trilogie d'Oslo: Rêves

Premier volet à être diffusé en salles mais dernier dans la conception de la trilogie Rêves frappe par son dispositif narratif astucieux efficace intelligent. Il enchâsse plusieurs procédés  (dont le monologue intérieur, la voix off ), entremêle plusieurs points de vue, fait coexister réalité et fantasme, passé proche ou lointain et moment présent, tout en questionnant la dualité de l’autofiction (récit de l’intime devenu objet littéraire)-témoignage personnel et portée universelle et si l’on ajoute un parti pris transgénérationnel (mère et mère-grand sont convoquées à la fois comme  "témoins" du trouble amoureux de leur fille et petite-fille et comme sujets des intermittences de leur propre cœur ) ainsi que l’apport contrasté de la musique (la compositrice Anna Berg  "arrange" parfois du Britten) ou plus encore celui des "ambiances"  (étonnant travail sur les lumières en intérieur comme en extérieur) on ne pourra qu’être séduit par ce "spectacle total"  (plénitude que d'aucuns pourtant jugeront  rébarbative voire ennuyeuse à cause de l'importance cardinale accordée au "discours", aux "mots" )

Le psy que consulte Johanne (dernière partie de Rêves) insiste sans ambages sur la banalité de l’expérience amoureuse qu’a vécue si intensément la jeune fille persuadée de son caractère exceptionnel….

C’est que précisément de la banalité a surgi la singularité

Une passerelle métallique vue en contre plongée dans une atmosphère pâle givrée et comme embuée  (nous sommes en hiver) ouvre le film et ce n’est pas un hasard…Qu’elle soit filmée en plongée (en écho au tout début) , qu’elle serve de support aux rêves de la grand-mère (–dans l’horizontalité verticale la femme tente d’agripper des hommes dont les bras s’ouvrent en une oblation chorégraphiée aux couleurs safran ou mordorées-), qu’elle soit déclinée dans sa fonction métonymique ou métaphorique, elle sera notre guide dans l’appréhension du parcours amoureux (parcours amoureux à mettre en parallèle d’ailleurs avec le parcours d’une ville, Oslo, quand à un moment Johanne arpente la capitale  pour se rendre au domicile de sa professeure, sa voix off dit par le menu l’itinéraire emprunté et le spectateur découvre en même temps une géographie urbaine en mutation et l’exploration/variation du sentiment amoureux, tant la symbiose est patente)

Mais le regard d’autrui peut aussi nous " déposséder" de notre propre vécu, du moins du sens que nous lui accordions …Une expérience amoureuse entre une ado de 17 ans et une femme mature de 30 ans, redoutable, dangereuse toxique? Que la relation  soit restée platonique,  qu'elle fût à sens unique - quand bien même Johanne aura interprété (sinon vécu) silences étreintes regards comme autant d’appels à la sensualité voire à la sexualité- ce qu’a  "lu" la mère, ne peut qu’accuser la professeure (et le face à face qui oppose les deux femmes  est très éloquent : filmée en frontal Johanna évacue tout soupçon, toute accusation avec parfois un cynisme assez désarmant)

La parenthèse "enchantée"  -malgré ses tourments- se ferme,

Johanne quitte (définitivement?) le domicile du  psy...

"vivre" un autre  enchantement ….?

A ne pas rater

 

Colette Lallement-Duchoze

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5 juillet 2025 6 05 /07 /juillet /2025 06:05

De Quentin Dupieux (2025)

 

avec Adèle Exarchopoulos Jérôme Commandeur Sandrine Kiberlain Karim Leklou 

Magalie est une star du web hors sol et sans morale qui gagne des fortunes en postant des contenus choc sur les réseaux sociaux. Après un accident grave survenu sur le tournage de l'une de ses vidéos, Magalie s'isole à la montagne avec Patrick, son assistant personnel, pour faire un break.

L'accident de piano

Composé de trois "actes", chacun entrecoupé de flashbacks (les premières vidéos de Magalie,  son ICD, ses automutilations,  ou encore le tournage de "l'accident de piano" ) le dernier film du prolifique Dupieux (à la fois réalisateur monteur et musicien) est moins déjanté  frappadingue ou foutraque que certains autres films mais il poursuit  l’attaque en règle de la société de spectacle …(cf Yannick  Le Deuxième Acte)  là où ça fait mal. (pour parodier un slogan -victimaire ?- que brandit un fan  tu fais du bien là où ça fait mal )

Chacun d’entre nous est concerné. Voyez cette foule de décérébrés, agglutinés derrière des barreaux saluant de slogans et de pancartes le passage de la star ……Ou encore ce lourdaud (Karim Leklou ) qui,  à la recherche d’un selfie avec l’idole, entrera  dans le chalet léchant voracement sa déesse agrandie par l’affiche. Ecoutez cette journaliste guindée, corsetée dans des  "principes", des formules convenues à la Léa Salamé ou à la Drucker tout en pratiquant le chantage…, Suivez ce  factotum servile flagorneur et veule au service d’une maîtresse revancharde inculte tyrannique (cracher dans le yaourt ? la belle affaire) Mais cerise sur le pot de yaourt voici la truculente Adèle Exarchopoulos  qui incarne Magaloche, youtubeuse richissime, - sa prestation dans Mandibules avait déjà exigé une déformation du faciès, de l’élocution -, et ça tombe bien car il s’agit ici de se trimbaler avec minerve, plâtre, appareil dentaire, avec des vêtements qui fagotent plus qu’ils n’habillent, un corps qui dit l’enfer d’une société dégénérée ? 

Le long face à face Sandrine Kiberlain/ Adèle Exarchopoulos restera dans les annales…(et les changements d’angles de vue les légers décalages dans les positions évitent une forme de statisme) L’image du piano suspendu  (un clin d’œil à Bunuel ?) vite contextualisée se déleste de toute interprétation surréaliste,  elle s'inscrit dans un making of (présence sur le plateau de la maquilleuse et du grutier pour le tournage d’une séquence qui va virer à la tragédie). Ou est-ce un ici-bas infernal en ses mesquineries répétées vues d’en haut, grâce au regard en surplomb qui précisément serait le plus apte à les « transformer en spectacle » ? ???

On pourra déplorer un enfonçage de portes ouvertes (rôle vénéneux des réseaux sociaux, omnipotence malsaine de la « représentation », toute puissance de l’argent, amoralité et immoralité, vision pessimiste, etc…) . Notre " humanité" n’aurait-elle qu’un seul visage celui de " l’inhumanité"?

Interrogeons-nous plutôt sur ces deux déclarations -qui ne sont pas seulement des boutades (?)

Spielberg ? Un mec qui faisait des films avant (répond la maquilleuse à la question de l’inculte Magaloche)

J’utilise le mot artiste parce que je fais une activité qui ne demande aucun effort  (Magalie)

 

Un film à ne pas manquer

Colette Lallement-Duchoze

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3 juillet 2025 4 03 /07 /juillet /2025 14:51

De Jan-Ole Gerster (Allemagne 2025)

 

avec Sam Riley (Tom), Stacy Martin ( Anne),  Jack Farthing : (Dave) Dylan Torrell : (Anton) Pep Ambròs :( Jorge) Bruna Cusí : (Maria)  Ramiro Blas : Mazo Ahmed Boulane : Rafik Fatima Adoum : Amina

 

 

Grand prix du meilleur film au  Festival du film policier Reims Polar 

 75e Festival international du film de Berlin dans le cadre de Berlinale Special le 16 février 2025

Coach de tennis dans un complexe hôtelier, Tom mène une vie sans attaches au rythme de virées nocturnes alcoolisées et de cours monotones sous le soleil de Fuerteventura. Un jour, parmi le flot incessant des vacanciers, débarque sur l'île Anne, accompagnée de son fils et de son mari. Tom accepte de jouer le guide touristique pour la famille et très vite d'étranges liens commencent à se nouer entre eux

Islands

Une immensité désertique dans la lumière aurorale, un creux où est lové un personnage qui émerge avec difficulté de sa torpeur C’est le plan d’ouverture et la dichotomie vastitude/enfermement s’impose à nos yeux. Lui c’est Tom. (et il sera de tous les plans). Le corps allongé en différents lieux improbables ou non reviendra en leitmotiv comme pour scander un parcours -qui va au-delà du passage de la léthargie à l’éveil, ou de la nuit à l’aube (idem pour les scènes  de boîte de nuit, qui répétitives balisent l'immuabilité du parcours quotidien)

La première partie du film -qui prend le temps de nous "présenter" le personnage-, illustre en une succession de tableautins (comme dans Oh Boy) un quotidien en mettant l’accent sur le flegme, la (fausse ?) indifférence au monde, sur les retards réitérés dus à ses beuveries ; le visage, les yeux hagards, une déambulation nonchalante accentuent cet aspect de sa personnalité. Tom a-t-il conscience de la vacuité de son existence ? le décor (une île des Canaries) ne serait que façade ? ou miroir de cette vacuité ?  L’arrivée de touristes (Anne Dave et leur fils) bouleversera-t-elle son existence ? on a l’impression que Tom/Ace (ainsi surnommé depuis que l’on a appris qu’il avait joué contre Nadal) mise sur cette « opportunité » Il s’investit (sans rien demander en retour -surtout ne pas monnayer ses services) il s’interroge sur les dysfonctionnements du couple (qui cache un secret). Mais assez vite, de chronique sociale le film va basculer  dans le « thriller » quand disparaît Dave le mari (suite à une soirée bien imbibée et à une énième provocation dans le couple).

Le cinéaste refuse le sensationnalisme, le bavardage facile. (comme dans oh Boy https://www.cinexpressions.fr/article-oh-boy-24-heures-a-berlin-118663237.html) ou Lara Jenkins https://www.cinexpressions.fr/2022/02/lara-jenkins.html)

Avançant à rebours de certains présupposés et façon puzzle (les infos sont livrées avec parcimonie) il est censé provoquer un trouble chez Tom/Ace, lui-même censé le communiquer au public (impossibilité d’un amour ?  manipulation ? résurgence d’un drame passé ? dissimulations ?). Au cœur même de l’évidence solaire ou policière, tout serait en suspens voire suspect (avec parfois des situations qui relèvent de la comédie : on a trouvé quelque chose  et face au déploiement gigantesque (hélicoptère quadrillage qui monopolise tant de gendarmes policiers scaphandriers) alors que l’on s’attendait à voir le corps mort de Dave, c’est celui …de la chamelle ( ?) qui avait fugué…

Las ! loin d'un traitement  (suggéré) en pointillés et  malgré le choix du scope (qui précisément ou paradoxalement accentue l’isolement de l’individu dans la vastitude des paysages volcaniques) l’abus de métaphores faciles (l’île et l’enfermement, île microcosme d’une société en vase clos, les fugues comme prémisses et prémices,  le volcan en éruption, l’aliénation moderne, le passé revisité de l’actrice Anne) ou de contrastes trop appuyés (faille vs repère, lumière extérieure vs matité intérieure) la complaisance sur l’indolence, tout cela donne la fâcheuse impression d'un engluement dans le dispositif choisi ….et c'est assez décevant....

 

Colette Lallement-Duchoze

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2 juillet 2025 3 02 /07 /juillet /2025 03:44

D'Hélène Cattet & Bruno Forzani ( Belgique - Luxembourg - Italie – France 2025)

 

avec  Fabio Testi (John âgé), Yannick Renier(John jeune), Koen de Bouw (le milliardaire) , Céline Camara, Maria de Medeiros (l’autrice) , Thi-Mai Nguyen (Serpentik)

 

Sélection officielle compétition Berlinale 2025

Hallucinations Collectives, le festival de l'Autre Cinéma de Lyon, édition 2025.

Suite à la disparition soudaine de sa voisine de chambre, un ancien agent secret, reclus dans un palace de la Côte d'Azur, s'imagine que ses ennemis jurés refont surface. Surtout la redoutable Serpentik, qu'il n'a jamais réussi à démasquer. Oscillant entre présent et passé, il remonte le film de sa vie, au risque de découvrir qu'il n'y tenait pas forcément le meilleur rôle. Et que les diamants sont loin d'être éternels.

Reflet dans un diamant mort

Costume blanc, panama, sourcils en broussaille, voici Monsieur Diman (Fabio Testi) ex espion qui sirote sur la plage d’un grand hôtel de la côte d’Azur où il réside… La vision (vue en plongée) de cette jeune femme s’en vient ressusciter tout un pan de son passé, les gouttes d’eau qui perlent sur les seins de la belle « endormie » se sont métamorphosées en diamants …(purs ?)

Dès lors le film va fonctionner en allers et retours, entre moment présent et passé (les méandres d’une mémoire), mais aussi entre rêve et fiction (une réalité fantasmée par le souvenir?)  à un rythme effréné avec la récurrence de zooms sur les yeux (couleur et viscosité idéalisées en reflets adamantins) de très gros plans sur la moquette à la Vasarely (op art, cinétisme et parcours dédaléen) sur les strates de masques dont on extirpe les résines, (Serpentik -qu'exécrait tant John D.-,  multiple, insaisissable à la chevelure blonde  ou noire; asiatique ou occidentale, virtuose en arts martiaux) masques et chausse-trappes, masques et jeux réitérés de dupes (tant pour l’espion que pour l’octogénaire censé se souvenir que pour le spectateur … )

Bienvenue au pays des agents secrets du cinéma des années 60, que reflet dans un diamant mort revisite avec force audaces visuelles sous forme d’un kaléidoscope (et quand bien même on ne dispose d’aucune référence, le film se prête aisément à plusieurs niveaux de lecture, à l’instar d’un diamant taillé ….aux multiples facettes…)

Laissez-vous déconcerter (cf le faux générique à l’envers du tout début…) éblouir voire trépider par cette fragmentation défragmentation où tout vole en éclats, souvent kitsch ; depuis ces cocktails sucrés ou empoisonnés, cette écume de mer en cachet effervescent, ces gadgets innommables (bague avec œil incrusté) cette robe Paco Rabanne aux pastilles métalliques jusqu’à ces  gestuels chorégraphiés, ces instants où l’on passe de vie à trépas dans la frénésie du rouge Martini, des ongles crocs vampiriques et d’une musique illustrative, avant les pauses de pseudo making of, ou de film dans le film ou encore de film en train de se faire…

Vous l’aurez compris reflet dans un diamant mort se veut jubilatoire en nous invitant à une expérience sensorielle (avec tous ces effets d’optique) et qui se double(ra) d’une autre expérience pour les adeptes des films d’espionnage

Un tel  délire psychédélique  ne saurait laisser indifférent…

 

Colette Lallement-Duchoze

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30 juin 2025 1 30 /06 /juin /2025 07:33

De Mike Flanagan (USA 2024)

 

avec Tom Hiddleston (Chuck), Chiwetel Ejiofor (Marty Anderson), Karen Gillan (Felicia Gordon), Jacob Tremblay, Mark Hamill, Benjamin Pajak, Annalise Basso, Pocket Queen Kate Siegel (Miss Richards)

 

Septembre 2024  Festival de Toronto People’s Choice Awards

La vie extraordinaire d'un homme ordinaire racontée en trois chapitres. Merci Chuck

Life of Chuck

Adaptant une nouvelle de Stephen King (parue en 2020) le cinéaste Mike Flanagan adopte le parti pris du romancier : commencer par la fin --qui est aussi la fin du monde

Son film comprend trois parties réparties en trois actes, (III, II, I)  chacun a sa tonalité particulière (mais aussi son format d’image…); dans chacun une voix off commente explicite anticipe aussi ; certaines séquences plus amplement traitées vont se faire écho d’un acte à l’autre et la philosophie ( ?) empruntée à Walt Whitman, -extrait du Chant de moi-même,  je contiens des multitudes- sert de fil directeur ; une leçon d’optimisme : chaque personne est sa propre galaxie.  Chaque être est composé de tout ce qu’il voit, entend et pense. -donc sa disparition est celle d’un monde entier, métaphorique... il en irait de même pour des énoncés plus scientifiques (présence humaine appréhendée à l’aune de l’âge de l’univers) et le contraste avec une fin du monde annoncée n’en serait que plus saisissant

Voici un comptable sans prétention Charles Krantz, dit « Chuck » (Tom Hiddleston), que nous découvrons en même temps que Marty Anderson, professeur de lycée et son amie Felicia,  sous forme de spectre publicitaire merci pour ces 39 années  La gamme chromatique est particulièrement exploitée dans cet acte III pour le rendu d’une ambiance apocalyptique jusqu’à l’extinction des étoiles dans le firmament ….que nous contemplons en compagnie du couple tel un tableau surréaliste !!

Progressivement se dessine la  "personnalité" de cet homme mort prématurément, quand nous remonterons le cours du temps …

Certes les acteurs  qui interprètent Chuck  enfant, ado, adulte, Mia Sara et Mark Hamill- dans le rôle des grands-parents - Katie Siegel en Miss Richards  Chiwetel Ejiofor  le prof Marty Anderson,  sont tous épatants, et la séquence de danse dans la rue (plus de 8’) qui sert de pivot entre les actes III et I, restera dans les mémoires, certes le fantastique (coupole reliquaire, coupole pythonisse, dans la maison victorienne, interdite d’accès à l’enfant) est traité avec sobriété -la vision est plus l’effet d’une caméra subjective ou peut s’interpréter comme une mise en abyme de la finitude , de l'existence en général, de celle de Chuck en particulier,

Mais  tout en étant sollicité dans la re-connexion des éléments du puzzle, on sera forcément déçu par une inégalité (et c’est un euphémisme) de traitement (la dernière partie -acte I- la plus longue est assez (trop) laborieuse, elle se veut trop explicative,  éclairante 

Dommage -eu égard aux suggestions du tout début !!

 

Colette Lallement-Duchoze

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28 juin 2025 6 28 /06 /juin /2025 06:49

Documentaire réalisé par Pierre Carles (France/Colombie 2024)

 

2024 • Cinéma du réel • Paris (France) • Front(s) populaire(s) 

2024 • IFFR - International Film Festival Rotterdam • Rotterdam (Pays-Bas) • Harbour - Première mondiale

Retour sur 50 ans de vie de la guérilla colombienne. Des femmes et des hommes, qui ont pris les armes dans un contexte de profondes inégalités sociales et de violence politique, racontent leur vie de combattants et leur sortie du maquis, sans se renier. Depuis le début des négociations de paix en 2012, jusqu'à l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement progressiste en 2022, l'histoire d'un nouveau combat

Guérilla des FARC, l'avenir a une histoire

Un arbre -un guayacan jaune- auprès duquel se recueille Pierre Carles, à ses pieds   les "cendres" de son beau-père le cinéaste colombien  Duni Kuzmanich, (décédé en 2008)  C'est la scène  d'ouverture. Le documentaire s'inscrira ainsi dans le cadre de l'intime

Et simultanément en s'interrogeant , sur la genèse du mouvement des Farc , sur 50 ans de combats, en "contextualisant"  Pierre Carles offre à cette plongée dans l'intime une sorte de   sur cadre historique.

Hommage au disparu réappropriation de l'histoire politique colombienne , telle est bien la  double dynamique 

 

Le réalisateur fait alterner sa voix off (elle commente interroge interprète) les témoignages des "révolutionnaires" (paroles qu'il a recueillies entre 2012 et 2022), des extraits du film Canaguaro  réalisé par  Duni Kuzmanich, du documentaire Rio Chiquito de Bruno Muel et Jean-Pierre Sergent , et des images d’archives (entre autres négociations pour la paix 2012 2015 2016 ou l’élection récente de Gustavo Petro en 2022, ex militant du mouvement de guérilla urbaine M-19, avec la restitution de l’épée de Bolivar…) 

Tout cela participe d'une  volonté affichée de  remettre les pendules à l’heure, (une constante dans sa filmographie) Le documentariste  propose un contre discours qui  confronte remet en cause  réfute celui qui avait prévalu (et prévaut encore par la matraque en dictature par la propagande en démocratie) réduisant les FARC à d’affreux narcotrafiquants terroristes.

Et simultanément n’est-ce pas la possibilité de regarder vers l’avenir et d’envisager une poursuite pacifique de la lutte pour davantage de justice sociale? 

Oui l’avenir a une histoire (cf le sous-titre) (C’est avec l’histoire qu’on arrive à comprendre le présent et l’avenir.) .

Un documentaire passionnant

A ne pas rater

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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27 juin 2025 5 27 /06 /juin /2025 04:11

De Karan Kandhari (Inde 2024)

 

Avec Radhika Apte (Uma) Ashok Pathak (Gopal) Chhaya Kadam (Sheetal) Smita Tambe (Reshma) Navya Sawant (Aditi) Dev Raaz (Ramu)

 

Musique originale composée par Paul Banks (Motörhead, Buddy Holly, Sinn Sisamouth...)

 

 

Festival de Cannes 2024 – Quinzaine des Cinéastes,

Les Arcs Film Festival – Sélection Playtime 

 Festival international du film fantastique de Bruxelles

 

 

 

Uma débarque à Mumbai après un mariage arrangé. Dans son taudis, elle découvre la réalité de la vie conjugale avec un mari lâche et égoïste. Refusant de céder à l’enfer de son couple, Uma laisse libre cours à ses pulsions et, la nuit venue, se transforme en une figure monstrueuse et inquiétante…

Sister midnight

Film surprenant tant par ce mélange audacieux de burlesque de fantastique et d’horreur que par cette façon de filmer particulière -les saynètes se succèdent  telles des vignettes avec fondus au noir, plans fixes en frontal, des chutes à répétition qu’accentue la bande-son ; une bande-son elle-même détonnante (du punk-rock, du blues; et le titre clin d’œil à Iggy Pop? ) , :les personnages déambulent  comme des mécaniques (à la Buster Keaton):Uma et son balai Uma et ses chèvres Uma et ses concoctions) quand ils ne sont pas figés dans des positions à la Kaurismaki…

Un visage paré des perles nacrées du serre-tête, un corps ceint d’un sari rouge c’est la première apparition d’Uma la jeune épousée assise dans ce train aux couleurs flashy, qui la conduit avec son époux -si peu dégourdi- jusqu’à un gourbi de la mégapole Mumbai. Ennui : solitude de la femme contrainte aux travaux domestiques,  le mari est au travail il rentre tard souvent imbibé, les deux corps cohabitent sans les attouchements attendus… Quand le film bascule - -horreur du monstre assoiffé de sang (des oiseaux d’abord, puis le mari taxidermisé…) on continuera malgré tout à « sourire » : Uma se pare les ongles et les lèvres de noir…elle exerce sur les autres son pouvoir de sorcière elle est le guide suprême de la gent bêlante

Certes cette fable sociale et féministe -qui flirte avec des films de vampire… " revisités"   n’est pas exempte de maladresses, --certains déploreront   longueurs et répétitions-  certes la toute dernière partie peut décevoir;  mais ce premier long métrage de Karan Kandhari peut être salué comme un ofni au ton persifleur pince sans rire de bout en bout qui propose un regard inattendu sur la mégapole 

 

Colette Lallement-Duchoze

Ps attention une seule séance par jour en salle 8 vendredi 13h30 samedi17h50 dimanche 15h40 lundi 20h30 mardi 13h30

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26 juin 2025 4 26 /06 /juin /2025 06:27

 de Laurent Cantet (scénario) et Robin Campillo (réalisateur) France 2024

 

avec Eloy Pohu (Enzo) ,  Maksym Slivinskyi, (Vlad, maçon dans la vraie vie) , Elodie Bouchez (la mère)  et Pierfrancesco Favino (le père)

 

Festival Cannes 2025 Quinzaine des Cinéastes 

Enzo, 16 ans, est apprenti maçon à La Ciotat. Pressé par son père qui le voyait faire des études supérieures, le jeune homme cherche à échapper au cadre confortable mais étouffant de la villa familiale. C’est sur les chantiers, au contact de Vlad, un collègue ukrainien, qu’Enzo va entrevoir un nouvel horizon.

Enzo

Alors que défile le générique on entend la stridulation des cigales et le crissement (plus délicat) de truellées ; puis  le film s’ouvre sur un chantier auquel participe Enzo comme apprenti. Aux parpaings que l’on aligne et cimente pour ériger un mur, aux pierres choisies pour le pourtour d’une piscine, répondrait en écho  la « mosaïque » de sentiments (naissance d’un désir homosexuel surtout) qui s’emparent de l’ado, bien décidé à rompre avec son milieu familial. Un milieu familial dont la villa d’architecte -avec ses grandes baies vitrées, sa piscine, sa vue sur la mer est la métaphore.

Un gosse de riche qui se rêve maçon ? (donc en creux il s'agit bien de la thématique de la reproduction sociale des classes avec l’exclusion "éventuelle ou programmée"  menaçant celui qui veut mettre à bas cet ordre).

Or un travelling ascendant très lent- de la paroi ocre brun vers le ciel bleu azuréen- (auquel fera écho un autre travelling ascendant de l’élément végétal jusqu’au bleu céruléen), un gros plan sur ses mains meurtries disent de façon explicite que l’ado de 16 ans n’est pas à l’aise dans ce  "boulot" ; de même que le choix (contraint ?) du champ contre champ dans le face à face avec le père oppose moins deux êtres (père bienveillant aimant, fils ingrat) qu’une incompréhension fondamentale à laquelle Laurent Cantet avait habitué son public depuis Ressources humaines (rappelez-vous cet antagonisme filmé de l’intérieur et non de façon « spectaculaire »)  

Laurent Cantet qui hélas n’a pu  "réaliser" ce film dont il avait écrit le scénario (il meurt à 63 ans en avril 2024) c’est son ami Robin Campillo qui en sera le réalisateur

Un film ovationné… Osons quelques bémols dans le concert (trop) dithyrambique de la critique

Moins la lenteur (encore que..), moins la prédilection pour l’organique (minéral ou humain) option en elle-même justifiée et flatteuse à condition que...,  moins le jeu de l’acteur dans le rôle-titre, que cette co-existence trop souvent maltraitée -quand bien même son traitement formel pourrait séduire- qui fait se télescoper naissance du désir (Enzo attiré par Vlad) , rejet du milieu d’origine (« transfuge de classe »), pulsion de mort, contexte de la guerre en Ukraine (Vlad est Ukrainien certes… mais la scène finale rattachée au hors champ des bombes - Enzo les entend  au téléphone- cf affiche   frise le grotesque, alors qu’il visite en Italie les ruines/vestiges d’un passé en allé, tout comme il avait justifié son choix de maçon : poésie des murs qui resteront quand le reste aura disparu…), la bienveillance des parents, avec ce rôle caricatural dévolu à la  mère …plus compréhensive…,  parents silhouettés derrière les baies de la villa qui s’embrase du rougeoiement du soleil couchant (un plan au chromatisme de carte postale). Une ambivalence trop artificielle (rêve vs mal être, matière vs pensée, mystère de l’existence vs mystère de l’adolescence), un parallèle trop appuyé entre les bâtiments et le corps d'un ado en "construction",  pour entraîner l’adhésion

Un film sur le désenchantement ? Si Enzo au final donne raison au père (formidable Pierfrancesco Favino) c’est au prix de la perte (définitive ?) de la folie apanage de l'enfance et de l'adolescence, (ce qu’avait d’ailleurs prédit la mère, remarquablement interprétée par Elodie Bouchez …) et dont semble s’accommoder le fils….

Un film à l’image de ce mur de guingois –?  qui d'emblée  avait provoqué l’ire du contremaître….

 

Colette Lallement-Duchoze

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