13 mai 2024 1 13 /05 /mai /2024 04:04

de Stéphane Demoustier  (2023)

 

avec Hafsia Herzi, Moussa Mansaly, Florence Loiret Caille Michel Fau Louis Memmi

Melissa, 32 ans, surveillante pénitentiaire expérimentée, s'installe en Corse avec ses deux jeunes enfants et son mari. L'occasion d'un nouveau départ. L'intégration de Melissa est facilitée par Saveriu, un jeune détenu qui semble influent et la place sous sa protection. Mais une fois libéré, Saveriu reprend contact avec Melissa. Il a un service à lui demander. Une mécanique pernicieuse se met en marche.

Borgo

Ici, ce sont les détenus qui surveillent les gardiens et non l’inverse

Un film dont la dynamique interne repose sur une forme de dualité, d’ambivalence grâce à des effets spéculaires : Voici la Corse en tant que territoire et en miroir la prison, tel son microcosme avec ses codes sa hiérarchie ses non-dits. Voici l’enquête sur un double assassinat, menée par le commissaire et le décrypteur de caméras de surveillance et en parallèle la « vie » de Melissa à la fois familiale et professionnelle comme matonne à la prison Borgo. Soit deux temporalités traitées en montage alterné, temporalités d’abord éloignées l’une de l’autre et de plus en plus intégrées au « présent ». Sur le plan formel cette  « apparente dualité » se manifeste aussi dans le télescopage des images prises in situ avec celles visionnées sur écran.

Mais la dynamique principale est bien le glissement d’abord pernicieux puis assumé vers l’illégalité (Melissa se sent « redevable » - son voisin de palier raciste n’importunera plus son mari, grâce aux « potes » détenus de la prison- et malgré des réticences elle consentira à divulguer des infos ….sans connaître leur issue tragique)

Oui le film est bien mené (tant en extérieur qu’à l’intérieur de ces murs qui crissent ou crépitent de ces bruits assourdissants de serrures …) et la musique de Sarde participe à la fois de la structure et du rythme

Oui Hafsia Herzi est impériale en matonne filmée de face ou souvent de dos, droit(e) dans son uniforme, en mère de famille imposant respect et obéissance, en épouse -finement rusée ou aimante-, et quand l’alcool aidant elle risque de « lâcher prise » personne n’osera profiter de la situation…

Oui l’ambivalence est souveraine même dans cette « spirale transgressive »

On devine qu’avec le « retour » sur le continent (dernier plan où se conjuguent mais pour mieux se « séparer » la mer et les montagnes de l’île) ce sera un nouveau « départ » (l’épisode corse ayant failli aux attentes de Melissa et Djibril …)

Est-ce pour autant un film " incontournable" ?

On peut en douter.....

 

Colette Lallement-Duchoze

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12 mai 2024 7 12 /05 /mai /2024 08:11

Documentaire réalisé par Mehran Tamedon (France/Suisse 2023)

 

avec le réalisateur et Zar Amir Ebrahimi

 

 • Festival de Film de la Villa Médicis • Rome (Italie) • Prix du meilleur film 2023

• Terra di Tutti Film Festival • Bologne (Italie) • Mention spéciale 2023

• FIFAM - Festival International du Film d'Amiens • Amiens (France) • Grand Prix (ex æquo) & Mention spéciale Prix du jury étudiants

 

Mehran Tamadon vit en France depuis de nombreuses années. À titre expérimental, il demande à des artistes iraniens en exil de l'interroger comme pourrait le faire un agent de la République islamique. L'un d'entre eux, ayant une connaissance directe de ces mauvais traitements, accepte le défi.

Mon pire ennemi

Mon dernier film, Iranien, se termine par mon interdiction de retourner en Iran. Avec Mon pire ennemi, je mets en place un dispositif cinématographique, cette fois en France, pour me frayer un chemin de retour en Iran : il s’agit de me prêter au jeu d’un interrogatoire, tel que les autorités iraniennes pourraient me le faire subir. Contrairement au précédent, ce film s’achèvera, je l’espère, par ma liberté de circuler entre mon pays d’origine et le pays où je vis. » (Mehran Tamadon)

 

Dès le début le réalisateur tel un élève appliqué fait part de son projet, met en place un casting mais se heurte à des fins de non recevoir ou à des essais peu convaincants. C’est alors qu’entre en scène (dans tous les sens de l’expression) l’actrice Zar Amir Ebrahimi

Une maison située dans la banlieue parisienne (délabrée ou du moins vétuste dans sa pseudo modernité avec ses ampoules nues, son mobilier sommaire, son inconfort) sera le décor de « l’entreprise d’avilissement » (c’est ainsi que Sartre définissait la torture dans son essai sur « la situation de l’écrivain »). Et dans les derniers plans du documentaire le vide de cette maison (travellings passage d’une pièce à l’autre) sera forcément habité…

La tortionnaire/bourreau est donc interprétée par l’actrice Zahra Amir Ebrahimi, (prix d’interprétation féminine pour Les nuits de Masshad Cannes 2022) elle-même victime de tortures en Iran …; et le réalisateur interprète son propre rôle de victime, torturé

En l’absence de toute contextualisation, triomphe l’arbitraire. Sadisme savamment calculé (insinuations, invectives, propos comminatoires) mise à nu (sens propre et figuré) pour extorquer des (prétendus) aveux ; glissement perceptible dans la  "destruction de l’humain" ; la victime (par la violence psychologique surtout) perd la "maîtrise" ; aux rires francs puis étouffés succède une apparente capitulation non pas celle de l’aveu (il n’y a rien à avouer) mais celle de la déshumanisation en plein mode opératoire. La tortionnaire semble « jouir » du pouvoir dont elle est investie et pour reprendre les propos de Sartre se châtie dans le corps de sa victime des soupçons et du mépris qu’il(elle) éprouve à l’égard de l’homme et de la foi qu’il(elle) a perdue en sa propre humanité. Et l’actrice n’avouera-t-elle pas avoir ressenti à un moment le pouvoir insidieux de la  contamination … la situation est plus décisive que le caractère des individus (comme si la simulation avait fait émerger ce quelque chose d’enfoui et qui s’apparenterait à des velléités de tortionnaire… à méditer ) !! Les emplacements judicieux de la caméra dans ce huis clos ou à l’extérieur (quand Zar Amir Ebrahimii traîne le « supplicié » presque nu tel un chien dans le froid jusqu’à l’école pour le donner en pâture à ses propres enfants) seront déterminants dans la maîtrise des « jeux » de même les gros plans sur le visage ou les plans rapprochés sur la victime et son bourreau.  Se pose dès lors la question du rapport filmeur-filmé. Est-ce que le réalisateur peut perdre le pouvoir sur son propre film ? (car ici c’est bien l’actrice qui va tout imposer, jusqu'aux révélations troublantes sur son propre  vécu aux dépens de et à l'insu du …réalisateur) Problématique qui induit un autre questionnement a-t-on le droit de faire du mal aux gens pour faire un film ? Rappelons que Mehran Tamedon fut longtemps tiraillé par des problèmes d’ordre éthique (demander à des victimes de rejouer des scènes traumatisantes….) et que « mon pire ennemi » aura mis presque une décennie avant d’être finalisé (second -ou premier- volet du diptyque consacré à  la torture,  avec Là où Dieu n’est pas)

Au-delà de la "simulation" (un mécanisme propre au cinéma expérimental) c’est moins la tentative de dissection de la torture au sein d’interrogatoires idéologiques qui hantera l’esprit du spectateur que cette mise en abyme (deux « artistes »,   deux êtres humains victimes de …les « aveux » de l’actrice, les enlacements n’en seront que plus déchirants)

A voir c’est une évidence !

Colette Lallement-Duchoze

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11 mai 2024 6 11 /05 /mai /2024 11:06

de  Ryo Takebayashi (Japon 2023)

 

avec Wan Marui , Makita Sports ,Hirofumi Suzuki 

Votre boss vous harcèle ?Vos collègues vous épuisent ?Vous ne voulez plus retourner au bureau ? Vous n’imaginez pas ce que traversent Yoshikawa et ses collègues ! Car, en plus des galères, ils sont piégés dans une boucle temporelle... qui recommence chaque lundi ! Entre deux rendez-vous client, réussiront-ils à trouver la sortie ?

Comme un lundi

Entre l’instant où la cheffe de projet Akemi Yoshikawa (Wan Marui) se réveille dans ce bureau –où elle a d’ailleurs passé le week end avec ses collègues, afin de créer une publicité pour une soupe miso effervescente -, et le moment où elle décide d’abandonner son rêve (décrocher le job dans une autre agence de pub plus prestigieuse) que s’est-il passé ?

 

Ce « fameux » lundi sert de prélude (avant d’être leitmotiv) à une « boucle temporelle » -avec les mêmes démons à affronter (plus ou moins métaphorisés par ce pigeon qui vient se fracasser sur la vitre -rêve de liberté qui se brise sur le bloc de l’immanence ?, la panne d’électricité – moins le signe d’un dysfonctionnement que celui d’une troublante opacité voire cécité). Lundi ou la répétition de la veille, lundi ou le premier jour d’une semaine « ingérable », semaine qui ira se dupliquant… ad nauseam (unité de lieu, univers plus ou moins « carcéral », inserts et propos répétitifs, gestes mécaniques, etc.) L’exemple du « boss » (la cinquantaine) Shigeru Nagahisa dont les rêves appartiennent définitivement ( ?) au (à son)  passé, est anxiogène (répétitivité saugrenue ou normative ?) surtout ne « pas devenir comme lui »

 

ET quand le film bascule (dernier tiers) que l’écran est saturé des planches d’un manga (conçu par le boss et réalisé manuellement par l’équipe) le spectateur comprend que la leçon (si apologue il y a) est double : satire d’un monde professionnel aliénant (boucle temporelle, éternel recommencement, répétitivité sclérosante) mais aussi émancipation par le collectif Ce que je veux, c’est réaliser le rêve du chef avec vous Le plus important, c’est qu’on sorte de cette boucle avouera  Akemi Yoshikawa

 

Si le film référence Un jour sans fin est cité intentionnellement, n’est-ce pas pour s’en affranchir ? (laissons les exégètes comparer les deux films opposer aussi deux cultures…) Ne pas oublier la fréquence des suicides liés au surmenage (les karoshi) et se rappeler qu’au Japon le ministère du travail est aussi celui de la santé ….

 

Immersion survitaminée et empreinte d’humour, dans le milieu professionnel de la jeune génération japonaise « comme un lundi » est une comédie (légère et sérieuse à la fois) à ne pas bouder !!!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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10 mai 2024 5 10 /05 /mai /2024 06:16

De Baptiste Debraux (2023)

 

avec Léa Drucker, Bastien Bouillon, Pierre  Lottin

Rochebrune est au bord du chaos. Johnny, leader du mouvement de protestation de la ville, a disparu après avoir braqué un fourgon. Lorsque Paul Ligre apprend la nouvelle, il quitte précipitamment Paris et revient dans la ville qui l'a vu grandir pour retrouver son ami d'enfance avant la police. Seulement, l'enquête d'Anna Radoszewski la mène inéluctablement vers le secret qui unit Paul et Johnny.

Un homme en fuite

Entremêler enquête policière et luttes ouvrières, enchâsser plusieurs temporalités, en privilégiant une histoire d’amitié, voilà qui n’a rien d’original, le tout étant (il est bon parfois de rappeler certains truismes) dans la façon de filmer (rythme, montage ,cadrages,  etc..)  Or l’opposition (très, trop) marquée entre une enquête au rythme ralenti (et la rigidité de l’actrice concourt à cette apparente placidité) et la fougue des " retrouvailles " (Paul à la recherche  du "frère" blessé disparu, Paul à la recherche d'un temps "perdu"? à reconquérir (?)  ...)   mobilisation ouvrière et  intrépidité (malgré quelques querelles intestines) ne sauraient à elles seules illustrer un aspect bancal assez déplorable. Dès les premiers plans (forêt et brouillard, vues aériennes sur une route sinueuse telle une saignée ; très gros plan sur le  " fugitif"  torturé par la douleur, momentanément arrêté dans sa "course" ,  sur la rambarde d’un pont avant d’être happé par l’élément liquide (?) tout -même ce prétendu ancrage dans un territoire-  sonne faux (ce qu’accentue la musique illustrative assez envahissante)

Si la littérature a scellé une amitié indéfectible entre Johnny et Paul (l’île au trésor,  de Stevenson) deux gamins issus de milieux sociaux opposés, s’ils construisent sur leur île un bastion forteresse, témoin et gage de…, cette même littérature subit des dévaluations répétées (fierté dubitative de parents "ah tu es devenu écrivain"  , ébaubissement  de Charlène, sollicitée par le « bon sens » et les « intuitions » de Léa Drucker en charge de l’enquête, intuition qui s’interrogeant sur la créativité aborde de façon biaisée docu et fiction, autofiction ; de même le « statut » de l’auteur, contraint de  pratiquer moult métiers pour « survivre » est mentionné au détour d’un échange entre Paul et Charlène ; la notion de « transfuge de classe » d’abord inversée sera comme réhabilitée par les choix assumés de Paul! )

 

Certes le trio s’en sort honorablement (étonnant Bastien Bouillon dans ses courses effrénées, mutisme réfléchi de Léa Drucker dont le visage est souvent filmé en gros plan, rôle charismatique assumé par Pierre Lottin en Robin des Bois ou fils éploré portant sa mère telle une Pietà inversée).

Mais que d’invraisemblances ! Que de passages racoleurs (une prise de bec au bar et des propos machistes, un tabassage et surtout le misérabilisme) Que de formules clichés et clivantes manichéennes sur les « bons » et les « méchants » formules désincarnées car souvent récitées.  Et ces fréquents allers et retours entre un passé lointain ou proche et le moment présent !! si, d’un point de vue purement « dramatique » ces flash-back  sont censés justifier l’indéfectibilité d’une amitié, d’un point de vue « narratif » ils sont souvent plaqués artificiellement  

 

Et que dire de ce silence mensonger qui met fin à l’enquête…  préserver le(s) secret(s) d’une Amitié (?)

Et  de ce « portrait » de Johnny en Che ardennais,  flottant  au vent pour l’éternité !

 

Décevant !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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9 mai 2024 4 09 /05 /mai /2024 03:38

 

Le festival du court-métrage de Rouen et Mont-Saint-Aignan se déroulera du 15 mai au 8 juin 2024. 

 

Les courts « En compétition »  vous seront proposés sur 3 actes au Cinéma Ariel (Mt-St-Aignan).

vendredi 17 mai 20h, vendredi 24 mai 20h, vendredi 31 mai 20h

 

Les 6 films finalistes seront reprojetés dans une ultime séance, « La Finale » au Cinéma Omnia (Rouen). 

samedi 8 juin 20h 

 

Le lauréat recevra le « Frigo d’or », réalisé par Alex Nicol. 

 

En parallèle, le Courtivore vous régalera de projections thématiques (hors compétition) tout au long de cette période.

 

 

Enfin, le Courtivore, n’oublie pas les bambins… des projections jeune public viennent agrémenter le festival avec des séances scolaires et deux séances familiales ouvertes à tous et à toutes !

23ème festival du court métrage (du 15 mai au 8 juin 2024)
23ème festival du court métrage (du 15 mai au 8 juin 2024)

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3 mai 2024 5 03 /05 /mai /2024 09:06

d'Antoine Raimbault (2024) France/Belgique

 

avec Bouli Lanners, Céleste Brunnquell, Thomas VDB

Bruxelles, 2012. Lorsque le commissaire à la santé est limogé du jour au lendemain, dans la plus grande opacité, le député européen José Bové et ses assistants parlementaires décident de mener l'enquête. Ils vont alors découvrir un véritable complot menaçant de déstabiliser les instances européennes, jusqu'à leur sommet.

Une affaire de principe

Je suis désolé, il (Barroso) doit respecter la règle, comme tout le monde

 

Ce film-dossier rappelle par moments les aventures de Tintin ou  des pieds nickelés -bien sages-, (les trois protagonistes courent s’exaltent mutuellement de leurs regards complices et des actions « illégales » (jeter par la fenêtre un dossier dont la lecture seule est soumise à des conditions drastiques par exemple) sont toujours au service de la défense de la « démocratie » « une affaire de principe »…

Un côté bon enfant aussi (cf leurs mines radieuses quand triomphe le respect de la règle) Un film au rythme soutenu, pas de temps mort et ce, malgré l'intrigue secondaire, une romance  traitée avec maladresse (à l’instar d’ailleurs du soupirant…)

Vous êtes entraînés au sein de ces édifices à la froideur marmoréenne gris métal, au parcours dédaléen, (Bâtiment Berlaymont Bruxelles) et vous allez voyager de Strasbourg à Bruxelles, de Bruxelles  à Malte (Dalli est Maltais)  Vous allez plonger dans les arcanes du « pouvoir » (attention aux acronymes qui pullulent autant que les hypocrisies et les coups tordus exercés au plus haut niveau.. ) le beau rôle étant  dévolu au Parlement européen

Le film s’ouvre sur l’assemblée des députés qui en 2014 doivent se prononcer sur la directive-tabac  (paquets de cigarettes neutres)  et par souci « pédagogique » il invite à revenir deux ans en arrière, en 2012…Comment et pourquoi le commissaire à la santé de la commission européenne John Dalli est poussé à la démission pour avoir participé à des rendez-vous secrets, notamment avec un fabricant suédois de Snus, tabac à priser, autorisé uniquement dans ce pays. Il est accusé d'avoir touché un pot-de-vin pour entraver le vote de la directive… Incompréhensible estime le député européen  José Bové (Bouli Lanners) qui, plein de « bon sens » et subodorant un « complot » va mener l’enquête (ou plutôt il contre-enquête) aidé par une stagiaire (étonnante Céleste Brunquell) et son assistant parlementaire (Thomas VDB)

 

Antoine Raimbault s’est inspiré du livre « Hold-up à Bruxelles, les lobbies au cœur de l’Europe » de José Bové, et on l’aura compris c’est plus le personnage de ce député que celui de Dalli  qui l’intéresse; le premier   œuvrant  à la réhabilitation du second question de principe. Dès lors sont exhumés  les dysfonctionnements,  au sein de la Commission européenne ; collusion entre les lobbys du tabac, l'Olaf (Office européen de lutte anti-fraude) et tant pis si le président Barosso est impliqué , une affaire de principe

 

Hélas ! ce film souffre de ces scènes explicatives à répétition,  telles des boursouflures elles plombent ce « thriller de bureau »  sans rugosité. Se limitant à des entretiens réunions dialogues (scolaires) et malgré la cinégénie     des lieux (immensité tentaculaire comme métaphore de la dépersonnalisation ? ) « une affaire de principe » présente les travers typiques de certains films dossier (ces reconstitutions qui souvent ne sont pas « œuvres cinématographiques » ; et ce n’est pas être élitiste que de le constater....)

 

Colette Lallement-Duchoze

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2 mai 2024 4 02 /05 /mai /2024 15:51

de David Schickele 1971 USA  (film en noir et blanc restauré)

 

avec Paul Eyam Nzie Okpokam, Elaine Featherstone

 

 festival international de Chicago 1971 Best first feature 

 

jamais diffusé en France 

En 1968, Martin Luther King est assassiné et la guerre du Biafra entraîne une terrible famine. Gabriel a fui le Nigéria et vit à San Francisco, au contact de la communauté afro-américaine comme des milieux bohèmes blancs. Dans ces États-Unis très agités des Sixties, sa vie d'exil est jalonnée de rencontres, d'escapades et d'errances, mais il reste habité de souvenirs et de la nostalgie du village de son enfance. Bientôt, son visa arrive à expiration.

Bushman ou 

Le périple américain de Gabriel, un immigré nigérian dans le San Francisco de la fin des années 60... jusqu'à ce que son interprète (Paul Eyam Nzie Okpokam) se retrouve lui-même renvoyé du territoire

Bushman

Voici Gabriel (interprété par Paul Eyam Nzie Okpokam) exilé en Californie professeur à l’Université (la guerre civile dans son pays est palpable et dans les propos et dans les photos d’archives de cadavres jonchant les rues) ; et d’ailleurs l’alternance Californie/Nigéria, pays « d’accueil » et « pays d’origine », avec des parallèles d’un continent à l’autre, sera comme la colonne vertébrale de ce film où les différents récits de Gabriel vont mettre comme en exergue la double thématique douleur de l’exil et illusion de l’intégration, ce que permet le croisement entre « récit oral » et «récit filmé »

 

La scène d’ouverture encode le film (comme très souvent les prologues d’ailleurs) Pieds nus sur le goudron un homme (les baskets sur la tête) avance dans l’immensité d’un paysage post industriel… ; puis il est pris en stop par un biker lequel lui pose la question « comment résister aux seins nus des filles de ton pays » (comment le cliché est préjugé racial, comment la « contre-culture » américaine est elle-même imprégnée du racisme ambiant…)

 

Nous suivons -au fil de ses récits- ses déambulations, ses errances où s’entrechoquent différentes temporalités (le flash-back est traité en simultanéité avec l’instant présent). Faisant fi des « convenances » Paul/Gabriel dit avec humour parfois (le visage envahit l’écran alors que se dessine l’ironie sur les lèvres) à la fois l’incompréhension face à ses « frères » (des Blancs… à la peau noire) et le traitement infligé par la « plus grande démocratie » du monde aux Noirs exilés L’acteur Paul Eyam Nzie Okpokam en sera lui-même la victime (dans le dernier tiers du film quand il n’apparait plus à l’écran et que son sort -accusation bidon, prison, maltraitance, expulsion - est relaté en voix off par le réalisateur Schickele  … (rappelons que ce cinéaste était alors considéré alors comme un des représentants du cinéma direct, ce courant qui entendait, dans les années 70, montrer la vérité par l’artifice, obtenir le spontané par la mise en scène, une sorte de procédé revendiqué auparavant par les tenants français de ce qui s’appelait alors le cinéma vérité dont un des grands théoriciens fut Jean Rouch)

 

Si le contenu des différents «récits » filmés est varié -réaliste, empreint d’onirisme, franchement documentaire-, la récurrence de ce plan fixe où l’acteur assis face à la caméra « raconte » … sa jeunesse au Nigeria -  crée précisément une rupture  - uniquement formelle-  avec le flux des séquences (on retiendra celle du dandy en kimono qui lui fait des « avances »-comme un écho aux « invitations » du père Salomon au Nigeria, celle de la danse au rythme de « respect » d’Aretha Franklin ou encore celle où sa partenaire blanche le félicite de ne pas avoir été perverti par la « culture américaine » ; de même on sera guidé par le regard du protagoniste fixant cette affiche publicitaire -éloge de la femme noire occidentalisée au brushing « impeccable »- dans le bar où il est avec son amie noire (cf affiche…)

 

Les Blancs considèrent cet immigré comme une « bête de cirque » -sur laquelle le cas échéant on projette ses fantasmes, l’administration comme un « être nauséabond » à éliminer, alors que la « communauté noire américaine » a une vision spécieuse et faussée du continent africain, tout cela dans un contexte de racisme mortifère (USA 1968 assassinat de Martin Luther King); et de guerres civiles en Afrique (notamment entre la province sécessionniste du Biafra et le pouvoir fédéral du Nigeria)

Gabriel/ Paul bushman pour l’éternité ?

 

Voilà ce que dénonce David Schickele (1937-1999) dans ce film tourné en 1968

 

Un film qui ne souffre nullement du mélange fiction documentaire et réalité documentée

 

Un film d’une grande liberté formelle (montage et ton) et dont le contenu résonne encore dans notre actualité

 

UN FILM A NE PAS RATER  

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

( séances Omnia jeudi 20h20 salle 8; samedi 18h15 salle 8, dimanche 11h  salle 3 et mardi 14h salle 6)

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2 mai 2024 4 02 /05 /mai /2024 03:51

d'Elise Girard (France/Japon 2023)

 

avec Isabelle Huppert Tsuyoshi Ihara August Diehl

Japon, aujourd'hui. Sidonie Perceval, écrivaine française reconnue, est en deuil. Son mari est décédé. Invitée au Japon pour la réédition de son premier livre, elle est accueillie par l'éditeur local qui l'accompagne à Kyoto, la ville des sanctuaires et des temples. Au cours de leurs voyages parmi les fleurs du printemps japonais, elle commence lentement à s'ouvrir. Mais le fantôme de son mari ne l'abandonne pas. Sidonie devra faire table rase du passé pour se laisser aimer à nouveau

Sidonie au Japon

Aura-t-on assisté à un rêve éveillé, tourné les pages d’une brochure touristique sur papier glacé? (cf la polysémie du titre …)   

Le hall de l’aéroport, ceux des hôtels, les rues, tous ces lieux que l’on imagine habituellement noirs de monde sont ici quasiment « vides », habités par la seule présence de Sidonie, de son éditeur Kenzo Mizoguchi et… du « fantôme »… du mari défunt. Est-ce pour métaphoriser la solitude, leur solitude ?

Tel un frémissement sur l’eau ou un battement d’ailes…la mise en scène aura précisément cette gracilité quasi aérienne qui contraste avec la compacité de ces buildings que découvre tout au début Sidonie Perceval. Et sur le visage de l’actrice Isabelle Huppert -sa pâleur, ses grands yeux, son sourire ou son rire- on saura lire, ce qu’elle ne dit pas explicitement…

De rencontres en rencontres (celles imposées pour la dédicace) de confidences en confidences (quand bien même au Japon la tradition bannit l’épanchement des sentiments ce que rappelle doctement l’éditeur) de découvertes en découvertes, de déambulations en déambulations (ces lieux magiques dont les somptueux paysages du Kansai, les biches du parc de Nara, les temples) d’acceptations en acceptations (un mari si proche et pourtant immatériel, fantôme impalpable, dispensateur d’une philosophie du  "consentement au bien-être, au vivre mieux" ) le voyage de Sidonie va se métamorphoser, au Japon -archipel des "fantômes et de la spiritualité"- ,  en un "voyage initiatique"  "sortir du deuil, et renaître"  Incapable d’écrire, dans la douleur de la perte, l'écrivaine était venue faire la promotion d’un bestseller réédité (l’Ombre portée : traumatisme lié à la perte des parents et du frère dans un accident de voiture) ; progressivement son être va se détacher des limbes qui le retenaient  "captif"  Quelle lenteur ! quelle douceur ! Elise Girard les filme avec élégance, une science du cadrage, des tons des couleurs, du détail infime révélateur, et la présence récurrente de certains objets ; le thème musical (Bach ?) participe lui aussi de cette élégante simplicité et du "réalisme poétique" 

Un voyage d’où n’est pas exclu le burlesque, l’humour pince sans rire -cocasserie de situations due au décalage entre les deux cultures japonaise et occidentale ou à la présence acceptée d'un fantôme au verbe et au comportement facétieux!-

Le terme "cliché" est à prendre parfois au sens propre (cf la scène d’amour traitée en une succession de "photogrammes" comme autant d’instantanés de la volupté, de réappropriations de son propre corps, comme sublimation du désir enfin  "retrouvé"…) alors que les "clichés"  traditionnels associés au Japon (gastronomie codes et rituels) dans leur collision avec l’altérité sont source d’amusement ou que le défilé de paysages "sublimes" (forcément sublimes…) en arrière fond de l’habitacle des voitures/taxis ou à travers les vitres d’un compartiment de train sont censés prolonger la délicatesse des estampes (ces oiseaux graciles filmés comme au ralenti par un travelling latéral) ..

Un film à ne pas manquer !

 

Colette Lallement-Duchoze

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1 mai 2024 3 01 /05 /mai /2024 03:06

d'Olivier Casas (2024)

 

avec Mathieu Kassovitz, Yvan Attal.

 

Informé de la soudaine disparition de son frère, avec lequel il partage un incroyable secret, un quinquagénaire part à la recherche de ce dernier.

 

Frères

La survie de jeunes gamins (au départ 5 et 7 ans) dans la forêt de Charente Maritime, vivant d’expédients,  grelottant de froid etc. et ce, pendant 7 ans…enfants qui seront soudés à jamais, en une fusion incompressible …c'est "l'histoire vraie" dont s'est inspiré Olivier Casas

 

En la portant à l'écran, le cinéaste  a fait le choix de l’alternance -allers et retours entre le présent et le passé : Michel architecte quinquagénaire, père de famille, part -en abandonnant TOUT- à la recherche de son " frère" au Québec, frère porté disparu depuis quelques jours. I Sa voix off « raconte» (redondance avec l’image à l’écran souvent), interprète la teneur du lien qui l’unit à Patrice (on vous passe les pseudo réflexions existentielles ! et les commentaires « virilistes » !) Il est donc censé se revoir enfant, et ce, à plusieurs moments de leur survie, moments annoncés à chaque fois par des encarts en bas de l’écran. Or ce choix de l'alternance, par son systématisme devient vite procédé quand il ne se double pas d’une autre confrontation (en surimpression) dans une même temporalité ; avec des raccords artificiellement surlignés (le fusil en très gros plan qu’utilise Patrice au Canada, l’œil du chasseur adulte et celui de l’enfant armé de sa fronde visant un animal, l’étreinte des corps). De plus ce sont les mêmes images qui reviennent, dont ces plans prolongés sur les enlacements, au cœur de la forêt -ennemie et tutélaire- quand elles ne sont pas nimbées d’invraisemblances (en rappelant la froidure on voit les deux gamins cou, jambes et bras dénudé.e.s et on devine l’artificialité du prétendu grelottement)

 

L’épisode canadien est censé reproduire » (dupliquer) à des décennies d’intervalle celui de l’enfance (cabane au fond des bois, muette complicité, étreinte) auquel il est nécessaire d’ajouter ce jeu d’échecs -avec sa prétendue symbolique !!! Las ! non seulement Michel ne pourra « guérir » son frère aîné de son mal-être, mais le spectateur a droit à une longue séquence souvent soporifique (qu’agrémente parfois la singularité de l'accent canadien) 

 

Malgré les ellipses temporelles, malgré l’omerta sur le brillant cursus post universitaire des deux frères, fâcheuse et désagréable impression d’étirements et de longueurs inutiles et la captation de l’émotion (genre tire-larmes) est accentuée par une musique illustrative envahissante. …

La disparité flagrante entre les deux interprétations (Mathieu Kassovitz bien plus convaincant qu’Yvan Attal) nuit au propos (d’autant que Michel/Yvan Attal est le « narrateur » exégète ! celui qui  « dévoile » le secret  ) Quant aux personnages dits secondaires, ils sont réduits à de pures figurations (la petite fille du réalisateur Jodorowsky qui interprète Murielle de Robert, la mère, semble poser pour une revue de mannequinat, les propos comminatoires de la fille de Michel « je ne te parle plus si tu n’es pas présent pour mon anniversaire » sont d’une ringardise !!!  et j’en passe….)

 

Au final le film  pèche précisément par les choix narratifs et visuels que s’est imposés Olivier Casas et par cette injonction à l’adresse du public de se sentir en empathie avec la nostalgie d’une fratrie édénique d’avant (ou hors de) la civilisation…

 

Un film  décevant (et c’est un euphémisme)

Un film que je vous déconseille

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Ps  Au générique de fin apparaîtra le "vrai" Michel… 78 ans. De même on pourra lire des informations qui inscrivent l’histoire de Michel et Patrice dans la triste réalité des enfants abandonnés pendant la seconde guerre mondiale surtout quand ils ont été conçus hors mariage

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30 avril 2024 2 30 /04 /avril /2024 04:43

De Shane Atkinson  (USA 2023)

 

aves Kelly Reichardt, Steve Zahn, Megan Stevenson, Dylan Baker, Matthew Del Negro, Galadriel Stineman

 

Festival Deauville 2023  Grand Prix + Prix de la Critique + Prix du Public

Argument: Quand Ray découvre que sa femme le trompe, il décide de mettre fin à ses jours. Il se gare sur le parking d'un motel. Mais au moment de passer à l'acte, un inconnu fait irruption dans sa voiture, pensant avoir affaire au tueur qu'il a engagé. Décontenancé par ce quiproquo, Ray finit par accepter la mission, persuadé que les gens vont enfin le respecter. Le plan devait être simple. Or, Ray se retrouve pris dans un engrenage dont il va devoir se sortir avant qu'il ne soit trop tard.

LaRoy Texas

Si vous appréciez la mécanique « inéluctable de l’échec » les clins d’œil à Fargo (même si le cinéaste tord le cou à des évidences « attendues »), le choix de losers comme personnages principaux, les rebondissements (prévisibles ou non) qui imposent un certain tempo, l’humour (noir souvent)  alors ce film vous attend LaRoy ? ou  l’histoire d’un type lambda, trouvant sa vie minable (sa femme le trompe avec son frère, un con prétentieux avec qui il gère un magasin de bricolage) et que le désespoir et de très mauvaises décisions vont entraîner dans un engrenage meurtrier

 

Premier long métrage sous l’égide des frères Coen, ce film vous transporte dans une ville « fictive » LaRoy aux côtés de personnages assez truculents -l’atmosphère rappelle aussi celle des films noirs des années 40-, et le mélange de différentes époques (cf les accessoires inscrits dans une certaine temporalité) au sein même d’une séquence ne choque pas.

De plus le réalisateur semble mélanger plusieurs genres dont le western, (le détective en shérif ridicule mais pathétique) la satire de mœurs (les ploucs de cette petite ville américaine ciselés telles des eaux fortes pour mieux les clouer au pilori) le conte (une histoire improbable ( ?) d’amitié et de sacrifice entre Ray et Skip) le road movie (voyez défiler ces motels ces bars à filles, ces concessions automobiles ce magasin d’outillage Jepson) et toujours à côté de la « ligne scénaristique » (relation Skim/Ray) le choix de l’accumulation et des « coups de théâtre » extravagants (on ne convoque pas la  vraisemblance et c’est tant mieux) sur fond de cupidité véreuse et de « matérialisme » forcené

 

Tout cela a de quoi séduire. (surtout si l’on ajoute l’interprétation impeccable de plusieurs acteurs dont Dylan Baker/Harry qui rappelle Steve Buscemi…)

 

Et pourtant dans cette comédie qui s’ignore, dans cette histoire de chantage, de meurtre et de tromperie, dans cette histoire d’amitié (pour reprendre les propos du réalisateur), il manque ce « je ne sais quoi » susceptible d’entrainer l’adhésion

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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