31 janvier 2025
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De Robert Guédiguian (2024)
avec Ariane Ascaride, J-P Darroussin, Louis Leprince Ringuet, Gérard Meylan, , Robin Stévenin, Marilou Aussilloux, Lola Naymark
Maria, la soixantaine, aide des personnes plus âgées qu'elle. Tirant le diable par la queue, elle ne se résout pas à sa précaire condition et, par-ci par-là, vole quelques euros à tous ces braves gens dont elle s'occupe avec une dévotion extrême et qui, pour cela, l'adorent.
Commentaire de Serge Diaz
La pie voleuse est un doux battement d'ailes dans un monde de brutes. Nul autre réalisateur français actuel ne dépeint aussi bien les petites gens que Robert Guédiguian. Son humanisme nous traverse, sans violence, sans exagération, sans manichéisme, sans voyeurisme sexuel. La bonté et l'amour sont au cœur des préoccupations
On pardonne à Ariane Ascaride qui joue simplement une assistante de vie qui arrondit ses fins de mois en rapinant les vieux dont elle s'occupe et qui l'adorent . On s'attache à l'ami d'enfance du réalisateur Gérard Meylan, qui joue un ancien mécanicien à la petite retraite (à cause des ses nombreux boulots au noir,) perd le peu d'argent du ménage au jeu de cartes, au bistrot avec ses copains.
Il y a du suspens(e) dans ce déroulement de vie ordinaire avec une intrigue banale mais bien ficelée. Et une jolie musique de piano, jouée par le petit fils prodige, qui s'envole par les fenêtres des maisons populaires de l'Estaque. La fin est comme le reste du film, délicate, sensible et généreuse.
Enfin, la bonté domine ce film sans niaiserie au ras de la vraie vie de ceux qu'on appelle à tort les petites gens.
Un vrai feel-good movie comme disent les Anglais , qui nous laisse un goût de nostalgie dans le cœur.
Published by cinexpressions
28 janvier 2025
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De Pablo Larrain (Chili USA 2024)
avec Angelina Jolie (Maria Callas) Haluk Bilginer (Aristote Onassis) Pierfrancesco Favino (Ferrucio Maezzadri) Alba Rohrwacher (Bruna) Valeria Golino (Yakinthi Callas) Caspar Phillipson (J Fitzgerald Kennedy) Vincent Macaigne (Dr Fontainebleau) Kodi Smit-McPhee (Mandrax)
Présenté en avant-première à la Mostra de Venise (août 2024)
Angelina Jolie nommée aux Golden Globes pour son interprétation
Présenté en avant-première à l'Omnia dimanche 26 janvier (festival Télérama)
Sortie le 4 février 2025
La soprano américano-grecque Maria Callas se retire à Paris après une vie glamour et tumultueuse aux yeux du public. Dans ses derniers jours, la diva s’interroge sur son identité et sa vie ; elle se remémore ses plus grands succès, entre solitude et nostalgie Pablo Larraín dresse ainsi le portrait d'une femme à la fois adulée et profondément vulnérable.
Troisième volet d’une trilogie consacré au féminin blessé, après Jackie et Spencer ce film s’intéresse aux 7 derniers jours de la Callas en septembre 1977. Voici une femme désespérée d’avoir perdu sa voix, une femme bourrée de médocs, une femme blessée dans ses amours, une femme recluse dans son appartement parisien et qui « s’interroge sur sa vie et son identité ».
Maria est structuré en trois parties annoncées par les « claps » et se donne(rait) à voir comme un film dans le film La Callas : the last days. Mais très astucieusement le personnage de Mandrax (Kodi Smit-Mcphee) censé être le documentariste n’est qu’une projection de l'esprit de la chanteuse, ce qui accentue l’enfermement mental de Maria.
La séquence liminaire qui nous introduit avec lenteur dans l’appartement luxueux peut s’apparenter à une marche funèbre : silhouettés seront les personnages (dont le médecin Fontainebleau interprété par V Macaigne) qui se penchent sur le corps de la défunte gisant à même le parquet. Cette scène d’ouverture est reprise en écho à la fin : une telle circularité, certes formelle, s’inscrit en fait dans une volonté de désacralisation et d’ailleurs le plan fixe qui clôt le film est dédié au couple de serviteurs fidèles (Alba Rohrwacher, et Pierfrancesco Favino) alors que vont défiler en même temps que le générique de fin, des images d’archive en couleurs avec ….la Callas… loin de ses rôles de diva …
Pénétrant sa psyché (le visage d’Angelina Jolie filmé en très gros plan étant le miroir à traverser), Pablo Larrain déploie ses talents incontestés de cinéaste : éclatement de la chronologie, enchâssement des épisodes revisités en images réelles ou mentales, présentes et remémorées tout à la fois; récurrence de certaines scènes, agencement des couleurs avec passage du clair-obscur, du noir et blanc à la couleur, variations des cadres et angles de vue ; à cela il convient d’ajouter ces dialogues (certains assez drôles) la somptuosité des décors (et des costumes…). Et c’est bien pour « restituer » la « voix » (l’actrice américaine aurait suivi des cours de chant) que le cinéaste use des artifices qui « brouillent » les pistes - (de loin sur scène la Callas (la vraie?) mais voici entremêlés les rushs du film faussement vieillis… - dans la même séquence voici un extrait d’un concert aussitôt revisité ou fantasmé par… Angelina Jolie)
Cinéma et opéra, cinéma et intériorisation théâtrale
En contrepartie certains épisodes tombent à faux, à moins qu’il ne s’agisse d’auto dérision (revisitant son passé Maria peut le travestir) rencontre avec le président Kennedy, ultime visite à Onassis mourant; et que penser de ces flash-back sur les « dérives » de la mère qui a prostitué ses deux filles ? faire du personnage une « victime » ?
Certes le cinéaste refuse l’hagiographie tout en faisant de Maria la seule maîtresse de son « nouveau » destin (ce dont témoignerait la scène d’autodafé) mais force est de constater que la virtuosité formelle l’emporte créant ainsi une paroi de verre entre l’écran et le public….
Dommage
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
26 janvier 2025
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D'Ali Abbasi (Danemark Canada, USA, Irlande 2023 )
Scénario : Gabriel Sherman journaliste politique
avec Sebastian Stan (Donald Trump) Jeremy Strong (Roy Cohn) Maria Bakalova (Ivana Trump) Martin Donovan (Fred Trump) Catherine McNally (Mary Anne Trump) Charlie Carrick (Freddy Trump)
Festival Cannes 2024 ( Compétition )
Véritable plongée dans les arcanes de l'empire américain, The Apprentice retrace l'ascension vers le pouvoir du jeune Donald Trump grâce à un pacte faustien avec l'avocat conservateur et entremetteur politique Roy Cohn.
Distribué par une société indépendante (Briarcliff Entertainment) le film du cinéaste dano-iranien (cf Border, Les nuits de Mashhad) est sorti en France en octobre 2024 ; soit un peu avant l'élection présidentielle aux USA (qu'on prédisait très serrée…). Sélectionné par Télérama pour son festival (du 22 au 28 janvier 2025) il acquiert une autre dimension : car la réalité imposée par le 47ème président américain dépasse la "monstruosité": thématique majeure du film
Le titre ? emprunté à l’émission de téléréalité créée en 2004 animée par le big boss Donald Trump qui, sadique, se plaît à éliminer les candidats vaincus par la formule you’re fired La vie comme business ? il y avait donc un sens à nommer ainsi un film qui prétend jeter une certaine lumière sur les années de formation de Donald Trump
Ali Abbasi s’intéresse en effet aux années d’apprentissage de Donald Trump,- soit la décennie 1970 1980,- à son ascension entrepreneuriale (immobilier) avant son entrée en politique. Les enseignements du « coach » Roy Cohn, avocat sans scrupules, ont été gravés à jamais - les 3 commandements toujours attaquer ; ne rien avouer ; toujours revendiquer la victoire- son conseil Tu dois définir ta propre réalité. mais aussi le slogan de Reagan « rendre sa grandeur à l’Amérique » Donald Trump n’a cessé de les appliquer (dans le monde des "affaires"- l'immobilier-, d'abord et plus tard en ….politique)
On assiste ainsi à la construction méthodique et glaçante -car de bout en bout malhonnête- d’un personnage qui, dans la seconde partie du film, va tuer son mentor (affaibli d’ailleurs par le sida) en jouissant de sa déchéance. Le looser avide de pouvoir, à la solde d’un père autoritaire, et qui avait trouvé un "père de substitution" est devenu « tueur » impitoyable…La scène du viol (avec sa première femme Ivana) illustrait déjà la bestialité et le sexisme du personnage
Le double portrait -Donald Trump Roy Cohn- deux hors la loi magouillant au-dessus des lois- est servi par la prestation des deux acteurs Sebastian Stan et Jeremy Strong (mention spéciale à ce dernier pour son jeu glaçant), par un rythme assez fou, une mise en scène qui souvent rappelle les clips télévisuels (avec un clinquant outrancier déjà lisible sur l’affiche à la dominante dorée)
Film de formation en un certain sens (d’où l’importance du « mentor ») affirme le cinéaste mais aussi tentative de généalogie du populisme contemporain aux Etats-Unis. (cf le maccarthysme pratiqué sans vergogne par Roy Cohn qui rappelons-le fut le conseiller juridique du sénateur dans les années 50)
Un film « fragment de vie » censé ramasser la quintessence d’une célébrité et de son destin ....
A voir
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
24 janvier 2025
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Long métrage d'animation réalisé par Adam Elliot (Australie 2024)
Voix de Jacki Weaver (Pinky) Eric Bana James (The Magistrate) Sarah Snook (Grace Pudel) Kodi Smit-McPhee (Gilbert Pudel) Dominique Pinon (Percy) Magda Szubanski (Ruth )
Festival d’Annecy Prix Cristal du long-métrage
À la mort de son père, la vie heureuse et marginale de Grace Pudel, collectionneuse d’escargots et passionnée de lecture, vole en éclats. Arrachée à son frère jumeau Gilbert, elle atterrit dans une famille d’accueil à l’autre bout de l’Australie. Suspendue aux lettres de son frère, ignorée par ses tuteurs et harcelée par ses camarades de classe, Grace s’enfonce dans le désespoir. Jusqu’à la rencontre salvatrice avec Pinky, une octogénaire excentrique qui va lui apprendre à aimer la vie et à sortir de sa coquille…
Petit corps trapu avec une propension à l'adiposité, grosse tête avec de gros yeux globuleux et tombants cernés de noir, une cicatrice balafrant le bas du visage, c’est Grace (ô l’antiphrase…) le personnage marginal dont nous allons entendre les "mémoires " Sa voix off sera relayée par celles de tous les intervenants : parents, témoins, religieux , amis, ennemis
Même si sa vie fut marquée par des drames à répétition le film ne versera pas pour autant dans la "noirceur"; certes la palette est "sombre" (dominante marron ou gris) mais Adam Elliot égrène çà et là des touches de lumière plus rougeoyante (une bougie un radiateur une boîte à musique) telle la chaleur lénifiante de promesses( ?) Et surtout l’humour quasi omniprésent (en ses diverses nuances) et la tendresse vont tempérer -pour ne pas dire annihiler- l’angoisse et la douleur ; d’ailleurs le public rit souvent de bon cœur, jamais au détriment de Grace -Nous suivons son parcours quasi initiatique depuis la séduction pour les gastéropodes et leur coquille protectrice jusqu’à l’émancipation, grâce au personnage fantasque de l’octogénaire aux savoureuses métamorphoses et au langage fleuri d’audaces… (un bémol pour le final en forme d’épilogue, twist? ou capillotracté ? )
Grace évolue dans l’univers animé en stop motion où sans conteste Adam Elliot affirme un sens de la plastique et du détail. Le procédé de l’accumulation qui s’impose dès les premiers plans (travellings sur les objets entassés dans la chambre encombrée de Grace, et dont certains sont étiquetés comme prélude au générique) va présider à toutes les étapes, jusqu’à la pléthore. Le cinéaste dénoncerait-t-il un trouble du comportement, la syllogomanie ? ou accumulation compulsive ?
Dans ce passé recomposé : handicap de naissance (le bec-de-lièvre) objet de risée, perte des parents, séparation d’avec le frère jumeau (or Grace et Gilbert ne formaient qu’un seul cœur) placement en famille d’accueil (et les dures conditions imposées par Ruth à Gilbert), attentes fébriles des retrouvailles, mariage raté (Ken plus séduit par la graisse de Grace, membrane à gaver de saucisses) …autant de désillusions, de désenchantements "accumulés" qui d’ailleurs vont de pair dans leur traitement avec la profusion de métaphores autour de la "coquille" (symbole de nos traumatismes ? ou/et de nos cicatrices intérieures ? du repli sur soi ?) ; la multiplicité des thèmes abordés (misère, alcoolisme, deuil, travail forcé des enfants, homophobie, harcèlement scolaire, les clins d'œil réitérés aux problèmes de "notre temps" etc… ) est en outre soutenue par un rythme rapide – jusque dans le débit du locuteur
Or une telle accumulation -sous forme d'empilement le plus souvent- ne risque-t-elle pas de nuire au propos ? ? ou du moins de détourner l’attention du spectateur ??
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
23 janvier 2025
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De David Oelhoffen (France Liban 2024)
Avec Laurent Lafitte (Georges) Simon Abkarian (Marwan) Manal Issa (Imane) Bernard Bloch (Sam Akounis) Tarek Yaacoub :(Nakad) Nasri Sayegh ( Joseph Boutros)
Sélection au Festival du film Francophone d'Angoulême 2024 (Les Flamboyants)
Prix RTBF au Festival international du film francophone de Namur 2024
Prix du Public au Festival de Montélimar (De l'écrit à l'écran)
Prix du Public et Prix de la meilleure adaptation au festival du Croisic (De la page à l'écran)
Prix du Public au Festival du film de société de Royan
Meilleur Film au Festival du Film Francophone de Málaga
Liban, 1982. Afin de respecter la promesse faite à un vieil ami, Georges se rend à Beyrouth pour un projet aussi utopique que risqué : mettre en scène Antigone afin de voler un moment de paix au cœur d’un conflit fratricide. Les personnages seront interprétés par des acteurs venant des différents camps politiques et religieux. Perdu dans une ville et un conflit qu’il ne connaît pas, Georges est guidé par Marwan. Mais la reprise des combats remet bientôt tout en question, et Georges, qui tombe amoureux d’Imane, va devoir faire face à la réalité de la guerre.
Un substrat aux allures de mille-feuille Voici une pièce écrite pendant l’Occupation par Anouilh (Antigone parabole de la résistance plus que tragédie du destin comme chez son devancier Sophocle), un roman de Sorj Chalandon prix Goncourt des lycéens. 2013 « le quatrième mur » qui s’inspire de ses années de reporter de guerre et la découverte des atrocités à Sabra et Chatila (1982), roman dont s’inspire David Oelhoffen qui tourne à Beyrouth en 2022, capitale dévastée défigurée par l’explosion de 2020 et plus récemment …par les bombardements israéliens…auxquels le spectateur va forcément songer…
D’emblée se profile l’existence de ce « fameux » quatrième mur. « Démarcation invisible censée maintenir l’illusion théâtrale » dans le langage théâtral, il sera dans la trajectoire de Georges (ce dont témoigne l’affiche) ce mur qu’il franchit du réel à l’illusion puis de l’illusion au réel. Des personnes refusent d’interpréter un rôle contraire à leur foi ou leurs convictions profondes ? Georges (Laurent Lafitte) a beau faire le distinguo entre théâtre (fiction) et réel, quitte à « changer »(donc trahir) le texte d’origine, ses propos/promesses sont frappés d’inanité…. Quatrième mur et légitimité sont ainsi étroitement imbriqué.es dans ce film à la circularité à la fois formelle (quand scène d’ouverture et séquence finale se répondent en écho) et politique ou philosophique (comme si l’univers dont le microcosme est le Liban, répétait une (sa) tragédie de l’horreur ; l’art -ici le théâtre-, saisi dans son incapacité à la neutraliser même pour une courte durée…)
Certes le spectateur sera sensible à la « rigueur » des cadres (qui vaut autant pour les extérieurs que pour les intérieurs) à cette « inscription » des corps dans l’espace (restreint quand on est convié à une répétition, plus élargi quand les personnages sont recouverts d’un linceul poussiéreux d’ocre et de suie après avoir fui les bombardements) ainsi qu’au « dynamisme » du montage (encore que… parfois)
Mais tout cela n’est-il pas fortement entaché par le choix du « spectaculaire » (parfois synonyme de « surenchère ») dont la toute première séquence (qui est aussi partiellement l’ultime) donne le ton (long plan fixe sur le visage de Georges, effets sonores accentués, char syrien qui va détruire la beauté quasi apollinienne des environs du bord de mer ) Volonté démonstrative trop appuyée, impact émotionnel trop facile, tel est ce parti pris : insister sur les atrocités (gros voire très gros plans sur les visages tuméfiés, les yeux et paupières ravagé.es par les bombes au phosphore, le corps d’Imane (Antigone) violé et tué dans le camp de Chatila), la scène de justice immanente où nous assistons au tabassage mortel du « traître » et au fur et à mesure que le corps change de couleur (jusqu’à la noirceur du sang qui coagule…) en parallèle la métamorphose (définitive ?) de Georges… lui qui affirmait au tout début « je n’y comprends rien à cette guerre » « moi je suis pour la paix »
La seconde séquence (ou pourquoi Georges accepte de venir à Beyrouth ..) est trop longue (et la métaphore du rasage trop appuyée) Le projet initial -L’art peut-il créer la paix et rapprocher des individus issus de communautés a priori irréconciliables ? est aussi entaché par la façon de traiter la relation amoureuse entre le metteur en scène et une actrice…. (visage de la Palestinienne Imane (Manal Issa) en gros plans annonciateurs de l’idylle, sa confrontation avec les rushs de répétition, douleur et vengeance). Si l’on ajoute le choix de la « mise à distance » (jeu de l’acteur/metteur en scène imposé par la direction d’acteurs David Oelhoffen avec effet de mise en abyme) on versera inévitablement dans le pur exercice de style
Bref des partis pris de mise en scène « surérogatoires »
Dommage !
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
20 janvier 2025
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De Walter Salles (Brésil 2024)
avec Fernanda Torres Fernanda Montenegro Selton Mello
Prix du meilleur scénario Mostra de Venise (septembre 2024)
Golden Globe Awards de la meilleure actrice dans un film dramatique (janvier 2025)
Rio, 1971, sous la dictature militaire. La grande maison des Paiva, près de la plage, est un havre de vie, de paroles partagées, de jeux, de rencontres. Jusqu'au jour où des hommes du régime viennent arrêter Rubens, le père de famille, qui disparaît sans laisser de traces. Sa femme Eunice et ses cinq enfants mèneront alors un combat acharné pour la recherche de la vérité.
Tu adorerais être ici avec nous aujourd'hui (disait en 2009 Dilma Rousseff lors d’un meeting s’adressant à Carlos Alberto Soares de Freitas, alias Beto « tombé dans la fleur de l’âge » )
je suis toujours là semble répondre Rubens Paiva ….dans le film que lui dédie Walter Salles
Dès le premier plan -alors que le visage d’Eunice émerge de l’eau, le ciel s’est légèrement zébré – une alerte ? une menace ? ce que confirmerait la scène où une des filles, toujours caméra au poing, est arrêtée (manu militari) avec ses amis pour un « contrôle » (les visages du chauffeur et des passagers sont confrontés avec ceux figurant sur une liste de « suspects »…) Dans la première partie (1971 Rio Plage(Copacabana ? Ipanema ?) qui se veut solaire lumineuse (entente familiale, insouciance des plus jeunes enfants, musique, réceptions) la dictature militaire -mise en place par les USA dès le coup d’état de 1964 qui sévira jusqu’en 1985 - est prégnante (l’extrême droite fût-elle habillée en Prada comme dans certaines démocraties occidentales actuelles et d’autres en passe de le devenir… n’en reste pas moins extrême dans sa chasse aux « suspects » (de « gauche » et en 1971 en Amérique latine ce sont les communistes …rappelons que dès 1968 un code de procédure pénale militaire autorise l'armée et la police à arrêter, puis à emprisonner, hors de tout contrôle judiciaire, tout « suspect )
Walter Salles qui s’inspire de faits réels et qui a connu la famille Palva, adopte le point de vue de l’épouse et mère Eunice (magistralement interprétée par Fernanda Torres relayée pour la dernière partie par sa propre mère Fernanda Montenegro l’actrice principale de Central do Brasil 1998 du même cinéaste )
Sa mise en scène classique, dont la linéarité est ponctuée par les repères Rio de Janeiro 1971, Sao Paulo 1996, 2014), et qui fait fi du « spectaculaire » (nous sommes dans la tragédie et non dans le mélodrame) est scandée par des « indices » comme autant de signaux -certains récurrents- qui mettent en exergue une hantise celle de la transmission, celle de la mémoire, une mémoire qui ne doit pas « refaire » l’histoire ( le récit historique n’est-il pas celui des "vainqueurs" ?) afin de "regarder le passé en face" (et non comme l’aurait souhaité le « bolsonarisme »)
Le titre lui-même est l'aveu d'une permanence (le "je" de l'énonciation renvoie tout aussi bien à la mère qu'à l'ex député enlevé de façon arbitraire et dont le corps ne fut jamais retrouvé, qu'à la "démocratie" !) . Voici en outre des films de famille, des photos, (enjeux identitaires fortement ritualisés et pour le présent et pour le futur) des coupures de presse (à commenter critiquer) voici les meubles et cartons, empreintes/témoins que l’on emporte avec soi vers un « ailleurs », voici le livre du fils Marcelo (qui a d’ailleurs servi de « déclic ») Voici cette dent que le père avait faussement enterrée dans le sable (mais comment être sûr de la retrouver ? s’interrogeait la gamine ; Il suffit de compter le nombre de pas depuis la maison ….)
Oui le sable aussi mouvant soit-il ne doit pas être synonyme d’effacement. Sodade sodade murmure Cesaria Evora…
Un film récompensé à Venise, accueilli très favorablement au Brésil? Certes l’interprétation qui a valu un prix à Fernanda Torres est formidable, certes les changements d’ambiance de lumière de grain, d’une partie à l’autre , sont déterminants dans leurs contrastes (cf lumière explosive en I - l’effervescence comme force de résistance ? ombres ténébreuses après l’arrestation de Rubens et les « dépositions » lors d’interrogatoires, le sourire exemplaire censé illuminer la "survie" après la perte) Et pourtant….ce film "devoir de mémoire" (de remise en cause de la politique d’amnistie « synonyme d’amnésie ») n’a pas la force convaincante des films chiliens ou argentins sur les dictatures (Guzman P Larrain entre autres)
Est-ce parce que ce docu-fiction (cf l’album de famille au générique de fin) se donne à voir essentiellement comme une "chronique familiale" ? ou comme le portrait d’une mère courage qui imprime sa pulsation de bout en bout et impose une version "trop hiératique de la souffrance et du sacrifice de soi" ???
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
17 janvier 2025
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D'Arnaud Desplechin (2024)
avec Milo Machado Graner ‘(Paul Dedalus enfant) Mathieu Amalric (Paul Dédalus adulte) Salif Cissé (Paul Dedalus) Francoise Lebrun (la grand-mère) Micha Lescot (Pascal Kané) Olga Milshtein Pamela Demal (l’ouvreuse)
Festival Cannes 2024 séances spéciales
Qu’est-ce que c’est, aller au cinéma ? Pourquoi y allons-nous depuis plus de 100 ans ? Je voulais célébrer les salles de cinéma, leurs magies. Aussi, j’ai suivi le chemin du jeune Paul Dédalus, comme le roman d’apprentissage d’un spectateur. Nous avons mêlé souvenirs, fiction, enquêtes… Un torrent d’images qui nous emporte.
Un titre trompeur ? emploi du pluriel ? Certes le cinéaste convie d’autres « spectateurs » que lui en particulier ou ses doubles fictionnels incarnés par quatre acteurs. Ainsi la grand-mère (Françoise Lebrun) qui d’emblée « apprend » à faire le distinguo entre tv et cinéma, ou ces « anonymes » dont les visages se succèdent en vignettes répondant aux questions sur le rapport à la salle, à l’écran, aux émotions suscitées ou encore des « amis » Mais l’essentiel de ce film aux allures d’autofiction est bel et bien un hommage au cinéma et Arnaud Desplechin veut prouver qu’en 30 ans de carrière il a été est et restera avant tout un « spectateur » (d’où peut-être l’importance du point d’exclamation et la justification a posteriori du pluriel)
La fascination qu’ont exercée sur lui Truffaut (Paul Dédalus incarné par Salif Cissé explique tous les plans du générique et prologue des 400 coups ) Jacques Lanzmann (longue séquence tant le film Shoah a été perçu et vécu comme une Révélation) Ford (les Cheyennes) ou encore la discussion dans un bar avec la philosophe Sandra Laugier, le cours du professeur cinéaste et critique Pascal Kané, l’échange à New York avec Kent Jones, le prouveraient aisément
Les douze chapitres (dont les titres apparaissent en lettres rouges) la voix off (quand le réalisateur n’apparaît pas dans le cadre vers la fin ) au ton souvent professoral voire pontifiant, semblent déployer avec un mélange (pas toujours convaincant) d’extraits de films (cf entre autres l'adolescent subjugué par Liv Ullmann dans Cris et chuchotements dont le visage agrandi est sublimé en "paysage" ) de commentaires, d’interviews, de reconstitutions, une longue réponse à la question fondamentale que posait André Bazin Qu’est-ce que le cinéma ? Tout en sachant que cette interrogation est, restera ouverte…
Spectateur vous serez peut-être agacé, intéressé ou subjugué par ce soliloque, par la façon dont le cliché sur la magie du cinéma est ….revisité (un mélange d’amplitude et d’inachevé, de fugace et d'éternel)
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
16 janvier 2025
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Documentaire réalisé par Pierre Creton et Vincent Barré (France 2024)
2024 • FIDMarseille - Festival International de Cinéma de Marseille • Marseille (France) • Prix du Centre National des Arts Plastiques (CNAP) - Première mondiale
2024 • IDFA - International Documentary Festival Amsterdam • Amsterdam (Pays-Bas) • Paradocs
À la recherche de plantes indigènes, nous suivons le botaniste Mark Brown, depuis Aizier jusqu'à Sainte-Marguerite-sur-Mer, chez lui. De la vallée de la Seine, suivant le littoral cauchois en sept promenades, nous filmons les plantes jusqu'à son projet botanique fou : reconstituer une forêt primaire à L'Aube des Fleurs.
Une structure en deux « volets » comme les deux « faces » d’un herbier que l’on va feuilleter avec délicatesse
La première -sorte de making of- nous invite à suivre pendant 7 jours -et pour 7 balades sur le littoral cauchois, en 7 lieux différents-, cette équipe avec laquelle P Creton nous a déjà familiarisé (cf Le prince et Toto) Mais surtout nous entendons la voix du maître paléobotaniste décrypter, décliner pour le profane, la vie et l’histoire des plantes «indigènes » (certaines datant de plusieurs millions d’années cf l’ophioglosse, fougère primitive datant d’avant les dinosaures) chacune sera immortalisée grâce à l’opérateur Antoine Pirotte (que nous voyons ajuster capter l’angle de vue mesurer la lumière, placer son cadre, comme pour stariser l’élément floral, végétal) alors que Pierre Creton - caméra numérique au poing- filme l’équipe isolant en gros plan la main de Mark Brown, le filmant de dos -solitaire mains croisées- ou intégré au groupe ; une petite famille happée par le paysage au point de se fondre en lui, un tapis de velours tel un écrin pour le repos de leurs corps allongés
Une promenade bucolique prolégomène à …Car dans la seconde partie voici que l’écran offre au regard ce qui a été filmé en I ; plantes fleurs tiges se succèdent en plans fixes (selon le même schéma chapitré); la voix off de Mark Brown égrène noms savants noms vulgaires, espèce, historique alors que chaque fleur chaque plante gagne en couleurs sensualité éblouissement.
Le commentaire savant certes jamais ne vire au pédantisme (et parfois il a les accents d'une mélopée) la voix susurre elle dote chaque plante d’une « histoire » qui peut avoir la saveur de l’érotisme (cette prairie tapissée de fleurs blanches n’est-elle pas idéale pour faire l’amour ? se rappelle Mark Brown). Pédoncules pistils corolles tiges (que caressent les doigts de l’expert) autant d’organes qui exultent de vie en l’exaltant. Une vie, école d’humilité, que l’homme hélas de par son activité même menace dangereusement ; le simple promeneur d’ailleurs peut l’écraser de ses pieds maladroits et son regard l’ignorer… Constat amer que renforce le son grave sensuel et mélancolique de la clarinette…
Sept promenades ou le temps retrouvé; sept promenades ou la révélation d’un monde insoupçonné
Un documentaire à ne pas rater !!
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
15 janvier 2025
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De Myriam Joobeur (Tunisie 2024)
avec Salha Nasraoui (Aicha) Mohamed Graïaa (Brahim) Malek Mechergui (Mehdi) Adam Bessa (Bilal) Dea Liane (Reem) Rayene Mechergui (Adam)
Berlinale 2024, Allemagne (Première Mondiale, Mention Spéciale – Génération).
Festival de Taipei 2024, Taïwan (Grand Prix – New Talent). HKIFF 2024, Hong Kong (Meilleure Réalisatrice).
Dans un village reculé de Tunisie, Aicha et Brahim sont dévastés par le départ inexpliqué de leurs fils, partis pour une guerre indicible. Quand l’un d’eux revient avec une mystérieuse fiancée voilée et muette, les parents décident de taire ce retour. Mais Bilal, un policier et ami de longue date, enquête sur des événements inquiétants. Ses suspicions ne tardent pas à le mettre sur la piste de la famille.
Je me suis inspirée des récits de femmes enrôlées en Syrie, mais aussi de témoignages des génocides cambodgiens et rwandais. Ce n’est pas un film sur Daech, mais avant tout sur l’horreur, la noirceur. Et ces extrémismes qui transforment les hommes en sadiques
Comment rendre palpable la douleur de ceux qui « restent », ces parents hébétés quand deux de leurs fils sont partis "pour combattre en Syrie"? La cinéaste a choisi pour la narration - qui sera immersion dans les consciences- les ellipses, la coexistence réel fantastique (on passe d’une réalité supposée à un cauchemar ou à un rêve provoqué par cette « réalité » soit le passage de l’image du « réel » à l’image "mentale" ) l’éclatement de la chronologie (voici un tableau qui s’inscrit dans le moment présent et juste après, sans raccord évident, voici un flashback ou le souvenir d’un épisode marquant). Si l’on ajoute une prédilection pour les très gros plans qui enserrent le visage par exemple, un rythme lent (propre à la contemplation ou à la méditation) une forme d’esthétisme où dans un même cadre l’arrière-plan est flou (ou flouté) le mutisme des personnages (l’essentiel est à capter dans une circulation de regards) on est en droit de s’interroger sur le bienfondé d’une telle stylisation - ne risque-t-elle pas de tenir à distance le spectateur ?
Un choix esthétique qui rappelle aussi le "conte". Le film est divisé en trois chapitres or les titres sont si intemporels ("les conséquences", "une ombre émerge", "le réveil") qu’ils en deviennent atemporels. L’élément végétal -cet arbre qui encadre le film mais dont la stature n’efface pas la fonction de " gibet" (?) - et ce cheval caparaçonné sans cavalier, sont traités comme des personnages à part entière. La blessure qui s’ouvre béante et peine à se cicatriser balafrant la paume de cette main travailleuse et vigilante, celle de la mère, avant de se fermer, comme pour enserrer un secret, serait le symbole de toute plaie vive (pour les parents celle liée au départ définitif de leurs fils) et pour les "revenants" (tel Mehdi) symbole d’un trauma mortifère…à cause de la cruauté de leurs actes (cf la scène de tabassage mortel avec Mehdi comme bourreau )
Une famille de bergers jusque-là "sans histoire" mais les "apparences trompeuses" vont voler en éclats à cause de ce "drame" (Mehdi accuse le père; le père accuse le laxisme de l'épouse; la mère est aux abois...propices à tous les mensonges et autres formes de dénégations) .
La source ? Un voyage dans le subconscient féminin et
une parabole sur la perte de repères et les cas de conscience ....
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
14 janvier 2025
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d’Alexandros Avranas. (film allemand, estonien, finlandais, français, grec et suédois 2024)
avec Chulpan Khamatova, Grigoriy Dobrygin, Naomi Lamp, Miroslava Pashutina, Eleni Roussinou
Suède, 2018. Un syndrome mystérieux affecte les enfants réfugiés. Dans l'espoir d'une vie meilleure, Sergei, Natalia et leurs deux filles ont été contraints de fuir leur pays natal. Malgré tous leurs efforts pour s'intégrer et incarner la famille modèle, leur demande d'asile est rejetée. Soudainement, Katja, leur plus jeune fille, s'effondre et tombe dans le coma. Ils vont alors se battre, jusqu'à l'impensable, pour que leur fille puisse se réveiller.
Inspiré de faits réels.
Ce film d’une glaçante sobriété aura à n’en pas douter ses détracteurs. Car pour s’être inspiré de « faits réels » le cinéaste n’en choisit pas moins une forme déshumanisante déstabilisante, -proche de la SF ou de la dystopie-, où les personnages sont comme désincarnés (apparemment sans affect) ils évoluent dans des décors vides aseptisés, des espaces impersonnels aux couleurs froides et ternes (blanc gris beige ) quand ce n’est pas le vert qui recouvre tel un linceul les corps des enfants alignés à l’hôpital ou le point rouge tel un signal , tout cela accentue l’effet clinique revendiqué.
Or, ce parti pris formel n’est-il pas en étroite adéquation avec l’impitoyable ? Réfugiés adultes déclassés, enfants victimes du « syndrome de résignation » -maladie expliquée dans un carton -générique de fin-, parcours kafkaïen, administration pointilleuse vétilleuse et inhumaine. Mais un impitoyable qui n’exclut pas le burlesque (cf les séances « obligatoires » de thérapie où l’on apprend à « sourire » sous l’égide d’une coach au rire forcé…) ou l’humour noir (cf l'épisode en voiture dans un parking -tel un simulacre de départ en "vacances"-, où les quatre membres de la famille arborent des lunettes noires -alors que les paupières des filles sont … closes-)
Voici face à l’écran une puis deux gamines en socquettes au garde à vous ; le tableau se complète avec l’arrivée de la mère puis du père ; bloc soudé dans un silence minéral regard vide face à la caméra ,c’est le plan d’ouverture. Il s’élargit avec la visite de deux représentants de l’Office de l’immigration ; pas qui claquent , couvercles que l’on soulève à la cuisine pour s’assurer de la qualité de la nourriture, l'inspection est minutieuse … Bilan positif malgré des ricanements ou des allusions grimaçantes …Mais la demande d’asile sera refusée, pour insuffisance de preuves. Première conséquence : Katya (la seule d’ailleurs à pouvoir témoigner de l’agression subie par le père en Russie), tombe .....dans le coma, nécessité d’une prise en charge par le personnel hospitalier, sevrage affectif. Elle sera cette endormie traitée à coup de médocs. Puis ce sera le tour de la sœur aînée (elle a témoigné …à la place de Katya ; le jury n’est pas dupe…et l’on pense ici à Souleymane -qui apprenait par cœur une version des faits auxquels il était étranger mais son "témoignage" devait émouvoir et convaincre )….
A partir du moment où les parents "récupèrent" leurs filles endormies tels des bébés auxquels on va tout (ré)apprendre, le film bascule vers plus d’humanité laquelle triomphera dans la séquence à la piscine !
Un film à ne pas rater!
Colette Lallement-Duchoze
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