3 avril 2025 4 03 /04 /avril /2025 05:58

De Mahdi Fleifel (2024 Grèce Palestine)

 

Avec Mahmood Bakri (Chatila), Aram Sabbagh (Reda), Mohammad Alsurafa (Malik), Angeliki Papoulia (Tatiana), Mouataz Alshalton (Abu Love), Mohammad Ghassan (Yasser), Monzer Reyahnah (Marwan). Manal Awad (La tante de Malik)

 

Festival Cannes 2024 La Quinzaine des Cinéastes

 

Festival Angers Premiers Plans 2025 Grand Prix 

Chatila et Reda sont deux cousins palestiniens réfugiés à Athènes. Ensemble, ils multiplient les combines pour rassembler une importante somme qui leur permettra d'acquérir de faux passeports, sésame vers l'Allemagne où ils rêvent de pouvoir enfin construire leur vie. Mais cette quête les pousse à franchir leurs limites, laissant derrière eux une part d'eux-mêmes dans l'espoir d'un avenir meilleur.

Vers un pays inconnu

Le film s’ouvre sur une citation dont la résonance dans le contexte actuel fait frémir   Le destin des Palestiniens est en quelque sorte de ne pas finir sur leurs terres d’origine, mais plutôt dans un endroit inattendu et lointain » (Edward Saïd 1935- 2003).

Le film s’inscrira ainsi dans le tragique du sort palestinien, depuis la Nakba 

 

Voici un « tandem » (clin d’œil à Macadam cowboy ?)  d’origine palestinienne -le finaud Chatila la tête pensante  au prénom si révélateur et son cousin Reda --premier skateboarder de Palestine-  et ici un accro de la drogue.  Un duo qui croupit dans un squat miteux à Athènes…attendant le moment propice pour émigrer en Allemagne. (ce que promet régulièrement Chatila à son épouse restée dans le camp de réfugiés au Liban) Mais il faut de l’argent ! Comment s’en procurer ?


 La structure  du film semble obéir aux plans successifs imaginés par Chatila pour l’obtention de faux passeports, avec un crescendo vers l’innommable (d’un point de vue strictement  "moral"  ) et procéder par sauts ( qui  rappellent sans leur ressembler ceux  de Reda si alerte sur son skate, dont il ne se sépare jamais ) avec un jeu d'embardées, de caches, de cache-cache, de courses,  dans les ruelles aux murs tagués 

Dans un premier temps nous assistons à leurs larcins (vol à l’arraché) à leurs combines (passes dans le jardin public)  mais Reda a dilapidé la cagnotte. -astucieusement planquée  Puis ce sera le (trop) long épisode qui implique le jeune gazaoui Malik et Tatiana (séduite par Chatila …)  ou comment soutirer de l’argent à la tante en Italie ; et après un échec retentissant le dernier mouvement -ou la "traite" d’êtres humains (des réfugiés syriens) …

 

Chaque mouvement a une coloration et une dynamique particulières : réalisme social en I qui rappelle le documentaire, thriller sordide en III ; et dans chacun un bilan sans concession un aveu  nous sommes des monstres, nous sommes devenus des animaux 


La lumière et le bleu du ciel s’en sont allé.es. Nouvelle plongée dans les abysses du cauchemar…Et si le désespoir était le seul horizon ? Ce que confirmeraient les propos du poète Mahmoud Darwich (1941-2008)? cité par Abou Love le pourvoyeur de drogue -Tu n’as pas de frère mon frère, pas d’ami mon ami, pas de citadelles, (…) pas de front, pas d’arrière, (…) fais de chaque barricade un pays


Ne nous leurrons pas. Les deux cousins savent que leurs actes sont immoraux (cf les réticences réitérées de Reda et les confessions de Chatila)  et le réalisateur ne cautionne pas leurs actes. 
 En revanche son film ne propose-t-il pas une lecture plus politique (comme le suggérait d'emblée la citation en exergue) où l'inconnu de la destination que mentionne le titre désigne précisément l'immoralité d'une situation historique à la brutalité indépassable ?

 

A ne pas manquer

 

Colette Lallement-Duchoze

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2 avril 2025 3 02 /04 /avril /2025 05:22

D'Alonso Ruizpalacios  (Mexique USA 2024)

 

avec Raúl Briones (Pedro) Rooney Mara (Julia) Anna Díaz (Estela ) Motell Gyn Foster (Nonzo ) Laura Gómez (Laura) Oded Fehr (Rashid) James Waterton (Mark)

 

Prix Barrière du 50e anniversaire Festival du cinéma américain de Deauville 2024 :

Présenté en avant-première mondiale au 74e festival international du film de Berlin le 16 février 2024.

 

Grand prix festival A l’Est Rouen ( mars 2025  ) 

C’est le coup de feu dans la cuisine du Grill, restaurant très animé de Manhattan. Pedro, cuisinier rebelle, tente de séduire Julia, l'une des serveuses. Mais quand le patron découvre que l’argent de la caisse a été volé, tout le monde devient suspect et le service dégénère.

The grill

Adapté de la pièce The Kitchen d’Arnold Wesker, ce  huis clos  ( l’essentiel se passe dans les coulisses du restaurant The Grill) au rythme parfois échevelé,  serait-il le microcosme d’une société ?   Les cuisines sont un bon moyen de comprendre les dynamiques que nous vivons dans les rues,  Ce sont des lieux où la pression est très très forte (...)  (propos du cinéaste)

 

Une séquence dans le train, l’arrivée à Manhattan c’est le prologue. Nous suivons Estela (Anna Diaz), qui vient de quitter le Mexique pour New York, elle ne parle pas anglais, elle doit contacter un certain Pedro. Cette séquence liminaire informe à la fois sur une façon de filmer (images déformées, noir et blanc, format de l’image 4,3) et sur les espoirs de migrants (des sans-papiers) habités par  le "rêve américain" . Déboussolée, Estela sera paradoxalement "notre guide" (dans un premier temps) de même qu’elle sera de bout en bout témoin abasourdi plus qu’acteur. 

 

Bienvenue dans les coulisses de la cocina (titre original) où s’affairent cuisiniers et serveuses-, avec cette répartition des tâches que Pedro revendique avec fierté et …violence. Empiéter sur ses "plates-bandes" ? Chacun à (a) sa place. …
Voici une "micro société" en ébullition (et le mot est à prendre dans ses  sens propre et figuré)  Même si une intrigue amoureuse (et un prétendu vol) sert de "fil conducteur"  (relation frénétique   elle aussi entre le cuisinier rebelle Pedro d’origine mexicaine et la serveuse Julia (américaine), c’est bien le multilinguisme (Albanais Italiens Mexicains),  le métissage  (Blancs, Noirs, ) l’exploitation des "sans papiers" , les "tensions" au sein des relations humaines qui sont mis.es constamment en exergue et le contraste entre une main d’œuvre étrangère (que l’on berne par des promesses jamais tenues) et le calme quasi flegmatique des  "convives" (rares incursions dans la salle de restaurant) n’en sera que plus saisissant… … 

 

Effervescence -propre à une fourmilière- soutenue par le rythme souvent endiablé,  le thème musical lancinant –(Tomas Barreiro) , c’est ce qu'illustre un long plan séquence impressionnant  :  serveuses qui ne cessent de courir, cuisiniers affairés chacun dans un espace exigu, chorégraphie des plateaux qui s’entrechoquent, cliquetis des caisses enregistreuses…Tout doit aller très très vite…Frénésie qui contraste avec les temps de pause en extérieur (on clope on se raconte ses rêves et l’un va servir de "révélateur": le  "rayon vert"  (seule couleur  dans le noir et blanc si l'on excepte le bleu de la chambre froide) Le vert et sa polysémie - couleur subjective, reflet de l'état d'âme de Pedro,  couleur  de l’espoir, couleur de la carte (green card) brandie comme un sésame -car on peut douter de la sincérité de Pedro…


Cela étant, n’y a-t-il pas quelque surenchère dans le traitement de l’image (ses déformations et anamorphoses), quelque complaisance dans celui de la  "relation prétendue amoureuse" ,  quelque insistance inutile dans la séquence de l'inondation au coca-cola -quand bien même il s'agirait de la métaphore du "débordement" du gaspillage inutile, -ou dans celle de "pétage des plombs", alors que le  thème de l'avortement -si prégnant dans le film-   est  traité uniquement  du point de vue de Julia  et souvent  dans ses non-dits....


 

 

Colette Lallement-Duchoze

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30 mars 2025 7 30 /03 /mars /2025 09:32

De Maura Delpero (Italie 2024)

 

avec  Giuseppe di Domenico (Pietro), Tommaso Ragno (Cesare Graziadei le père) , Martina Scrinzi  (Lucia) Sara Serraiocco (Anna Pennisi) Roberta Rovelli (la mère) Rachele Potrich (Ada) Anna Thaler(Flavia) Patrick Gardner : (Dino) 

 

Grand Prix du Jury de la Mostra de  Venise 2024

Dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, Pietro, un déserteur sicilien, trouve refuge auprès d’une grande famille de Vermiglio, une bourgade du Trentin nichée au cœur des Alpes. Cesare, le patriarche et instituteur du village, accepte d’abord d’héberger l’étranger qui a sauvé la vie de son neveu. Or, l’arrivée de Pietro bouleverse la dynamique familiale lorsqu’il s’éprend de Lucia, la fille aînée.

Vermiglio ou la mariée des montagnes

Vermiglio ou la chronique d’une famille (les Graziadei)  d’un village (Vermiglio) enclavé dans la rudesse des montagnes du Trentin, d'une  microsociété au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Hiver 1944 retour du neveu accompagné de son sauveur Pietro -un déserteur sicilien -… accepté par le "patriarche" mais sa présence  va tout bouleverser ! 


Ce qui frappe d'emblée est la lenteur du rythme. Rythme scandé par les saisons (les 4 de Vivaldi ?). Saisons qui sont aussi des états d’âme (le printemps et la liesse du mariage par exemple ) . Etats d'âme des personnages que l’on verra souvent filmés en des postures théâtrales voire figées en plans fixes. Rythme scandé aussi par les naissances et les départs, par les allées et venues du facteur. Les plans traités comme des tableaux se succèdent en tableautins (Cesare et l'école, le café du village, l'église, les intérieurs de la maison familiale) , tableaux  à la composition très soignée, (cadrage répartition dans l'espace effets de la lumière premiers et arrière plans) mais qui rappelle trop souvent (hélas !) le chromatisme des cartes postales. 


Les trois plans qui se succèdent en ouverture- chambre où repose dans un même lit la sororité- Lucia l’aînée trayant la vache -petit déjeuner partagé, illustrent de façon explicite une façon de filmer et de « raccorder » : la  constance dans l’implicite; fluidité dans la succession malgré une ellipse temporelle ;et le raccord sera assuré soit par un personnage, soit par  la musique (le père aime Chopin et Vivaldi…quitte à investir son argent dans les nouveautés plutôt que "nourrir" sa smala comme le lui reprochera sa femme) soit encore par un commentaire (à noter que les  "infos" venues de l’extérieur sont souvent lues, paraphrasées ou expliquées par les enfants ; quête de savoir ( ?) ou forme de métalangage qui s’incorporerait à celui de l’image (image à lire à deux niveaux ?) 


Ce film peut ainsi se lire comme un album de famille que l’on feuillette (certaines photos le seront en catimini à l’instar de celles cachées dans un tiroir du bureau du père, à l’instar des non-dits, des « désirs » inavoués,  comme autant d'appels de la chair 


Certes on devine la tendresse de Maura Delpero pour ses personnages (sa caméra caresse le ventre arrondi, surprend des regards furtifs, accompagne la révolte de Dino toujours blâmé par le père (excellent Tommaso Ragno, en Cesare omnipotent) ou le retour à l’animalité fangeuse de Lucia (Martina Scrinzi) la mariée… outrageusement trompée ! Certes la cinéaste accorde un rôle  majeur  aux femmes (la mère et les trois sœurs), certes par-delà l’histoire d’une famille c’est bien l’Italie mussolinienne rurale qui est suggérée


Toutefois ce drame familial et historique à la fois, se présente plus comme un «enchaînement » (parfois entremêlement) de cartes postales où la froideur de l’environnement (linceul de neige en hiver , verticalité dévorante des arbres dans leur compacité émeraude au printemps, etc..)  et la « distanciation » des interprètes le disputent en âpreté à la succession de souffrances et/ou de désillusions ; mais surtout et c’est là où le bât blesse , ce film tant vanté –il concourait d’ailleurs pour les Oscars -,  n’a-t-il pas tendance à s’enliser dans une forme de facilité voire de complaisance ? 

 


A vous de juger !!

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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29 mars 2025 6 29 /03 /mars /2025 07:23

De Juho Kuosmanen (2024 Finlande)

 


Avec Seppo Mattila, Outi Airola, Jaana Paananen

A Kokkola, charmante petite ville finlandaise non loin du cercle arctique, ce ne sont pas les déjantés qui manquent ! Comme Romu-Mattila, un marginal qui décide de partir s'installer en Suède avec son chien, des trafiquants d'alcool accompagnés d'un cochon ou encore une gardienne de phare qui rêve de se lancer dans une grande aventure spatiale

Les contes de Kokkola -une trilogie finlandaise

Exercice de style ? hommage au cinéma des premiers temps ? mélancolie empreinte d’humour ?

Ces trois contes réalisés en 2012 (Romu-Mattila et une belle femme) 2017 (les buveurs de lune) et 2023 (une planète lointaine) par le cinéaste de Compartiment n°6 (grand prix festival Cannes 2021) semblent (première impression) être un laboratoire d’expérimentation: restituer l’esthétique du cinéma muet. Regardez le format utilisé (4,3) la couleur des images aux angles arrondis (noir et blanc qui contraste avec l'affiche très colorée...), le grain de la pellicule, les intertitres (pour les dialogues et le déroulé de l’histoire) et jusqu’à l’incrustation de  "défauts" pour donner l'illusion de  l’authenticité. Trois contes muets ? pas entièrement car la musique (vers la fin du conte n°1 par exemple ) s’invite dans  la dramaturgie et  dans les trois l’accompagnement sonore rappellera l’ambiance des premières projections des  films "muets"


Une tonalité qui emprunte au burlesque de Keaton ou de Charlie Chaplin (effets comiques et gags dans les trois) mais aussi au "tragique" de la condition humaine (car c’est bien la précarité des exclus qui est mise en exergue); un voyage dans le temps et l’espace,  -non seulement dans cette région du nord de la Finlande, à Kokkola -ville natale de Juho Kuosmanen -,  mais aussi dans la vastitude interplanétaire (référence évidente à Méliès)


Les personnages (interprétés par des acteurs non professionnels à la criante surcharge pondérale pour certains- ) et que l’on retrouve d’un conte à l’autre, sont soit victimes (Matta expulsé de sa demeure, condamné à l’errance avec son chien bien aimé, contraint à l’exil en Suède, victime de l’ostracisme avant que… ) soit apparemment maîtres de leur destinée (une femme gardienne de phare , au génie inventif,  retrouvera, grâce à son engin spatial le mari comme ressuscité sur une autre planète) 

Et le conte devient ainsi une méditation sur le déracinement ou sur la puissance de l’amour (qui survit à la précarité ou à la mort) quand il ne célèbre pas (en mêlant anachronismes et clins d'œil contemporains) l’inventivité humaine, celle des contrebandiers,  ( le.couple frere et soeur) bouilleurs de cru 


Un univers souvent ludique qui entremêle poésie (certes compassée) et complainte d'un autre âge. Un théâtre de la vie humaine. Un regard bienveillant (qui rappelle celui de Kaurismäki) sur les  "exclus". Un travail notoire sur la bande-son.

Oui la trilogie finlandaise est tout cela à la fois et mérite ainsi le détour 

 

 

Colette Lallement-Duchoze


PS Ecoutons le réalisateur « Je voulais réaliser une performance cinématographique dans laquelle tous les sons seraient créés en direct pendant que le film serait projeté sur l'écran et que la lumière et l'ombre joueraient ensemble. J'aimais beaucoup les bruits de fond et les créer me rappelait la magie. Il était fascinant de voir comment différents objets produisaient des sons mécaniques qui, associés à l'image, formaient des significations complètement nouvelles. J'ai pensé que ce type de performance cinématographique serait proche de la magie et du caractère ludique des premières projections de films. » 

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28 mars 2025 5 28 /03 /mars /2025 06:38

 De Kazuya Shiraishi (Japon 2024)

 

avec Jun Kunimura, Takumi Saitoh, Tsuyoshi Kusanagi, Kaya Kiyohara, Masachika Ichimura,  Kioko Koisumi

Ancien samouraï, Yanagida mène une vie modeste avec sa fille à Edo et dédie ses journées au jeu de go avec une dignité qui force le respect. Quand son honneur est bafoué par des accusations calomnieuses, il décide d’utiliser ses talents de stratège pour mener combat et obtenir réparation...

Le joueur de go

Le Joueur de go, ou la guerre psychologique sur damier noir et blanc ?


Le joueur de go c’est Yanagida, (Tsuyoshi Kusanagi) samouraï déchu -suite à une fausse accusation de vol- joueur au visage impénétrable, joueur aussi redoutable avec ses "coups tranchants et inattendus"  qu’il le fut sans doute avec son sabre, forçant admiration et envie de la part des regardeurs ou des adversaires…Mais comme il aura gardé intact au profond le  code de l’honneur , gare à celui qui l’enfreint !!!, les " coups tranchants" Yanagida les portera sur  l’infâme. Et c’est précisément la dynamique de ce film qui débute par la quiétude (apparente placidité) se prolonge par la colère la soif inextinguible de vengeance et s’accomplit en acmé dans une forme d’ataraxie 

 

Rivalités et malentendus, trahisons et faux semblants (-et l’apparente linéarité du récit se double de flashback sans autre raccord que la "parole du récitant" qui révèle à Yanagida par exemple tout un pan de son passé, le "suicide" de sa femme, les accusations non fondées) quand se mettent en place la  "quête de vengeance"   (honneur bafoué)-  et le respect coûte que coûte de la parole donnée (argent retrouvé, décapitation acceptée), c’est bien la marque du virilisme du machisme qui perdure chez certains samouraïs (Yanagida va jusqu’à  "donner en gage"  sa propre fille  auprès de la tenancière d’une maison close, Okou (Kioko Koisumi)


Or la bande-son qui accompagnait le geste du joueur de go - transformait déjà la position de la pierre en « assaut quasi militaire »


On appréciera la beauté plastique de ce film, souvent proche de l’épure - et simultanément cette impression d’un ralenti poétique envoûtant !! même les parties de go pour un non initié ont le charme languide de l’attente

Costumes, coiffes, chaussures d'époque (début de l'ère Meïji?), les gros plans et leur fonction dramatique, les zooms qui isolent ou au contraire enserrent: la reconstitution ne peut que séduire  Le cinéaste  accorde  une attention particulière aux ambiances (dans une salle dédiée au jeu de go,  en tête à tête chez Yorozuya (Jun Kunimura ) et son luxueux plateau , dans l’intimité du modeste chez soi que Yanagida -devenu graveur de sceaux-, partage avec sa fille Okinu (Kaya Kiyohara) les intérieurs sont traités tels des décors de théâtre aux lumières feutrées, parfois même telles des estampes « vivantes » comme si le cinéaste était aussi calligraphe.

Et ce, même quand un très gros plan met en évidence le doigt qui avance le pion (pierre) le pose sur le goban, le plateau quadrillé …

Et ce, même quand le luxueux plateau volera en éclats, éclats qu’un léger ralenti transforme en message « calligraphié »… Celui où les antagonismes apparents et bien réels (ceux des pierres, inhérents au jeu, ceux des humains adversaires ou ennemis) sont comme dépassés par une forme de transcendance (d’ordre métaphysiqu) -ce qui n’exclut nullement les dénonciations criantes d’ordre politique et social (dont le machisme forcené d’un autre âge( ?)

 


Un film à voir ! 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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27 mars 2025 4 27 /03 /mars /2025 11:50

de Halfdan Ullmann Tønde   (Norvège 2024)

 

avec Renate Reinsve(Elisabeth la mère d’Armand)  Ellen Dorrit Petrerson et Endre Hellestveit (les parents de Jon)  Thea Lambrechts Vaulen (l’enseignante) Oystein Roger (le directeur)

 

Caméra d'Or Festival de Cannes 2024

Lorsqu'un incident se produit à l'école, les parents des jeunes Armand et Jon sont convoqués par la direction,. Mais que s'est-il réellement passé? Les récits s'opposent, les points de vue s'affrontent..., jusqu'à faire trembler les certitudes des adultes.

La convocation

Passer par la case  "école" pour mieux stigmatiser les travers d’une société, le cinéma dit d’auteur s’y est employé avec plus ou moins de panache. Avec La convocation le réalisateur Halfdan Ullmann Tønde  (petit-fils d’Ingmar Bergman et Liv Ullmann) soigne particulièrement mise en scène, rythme, effets ; son huis clos -avec clins d’œil à Persona ou encore A travers le miroir et  Le silence n’en sera que plus suffocant.

Un film trop formaliste ??
 

Il est encadré par deux scènes d’extérieur : voici une voiture qui roule à toute allure (la carrosserie envahit l’espace tel un bolide) au volant Elisabeth qui se rend pour la…convocation à l’école où son fils Armand serait accusé de ... La même voiture au final, mais un personnage rasséréné…une conduite apaisée (comme le sera le tout dernier plan dans la quiétude de la nuit et des draps protecteurs). Entre les deux le huis clos où s’affrontent  des personnages et ce qu’ils représentent ;  la vérité et le pouvoir de la parole ! (les problèmes de harcèlement scolaire -en ses causes et ses conséquences- liés aux excès de langage qui les vident de leur sens ce dont témoigne le trio administratif ou ce qu’illustrent les saignements de nez à répétition ; telle est bien la thématique du début jusqu’au basculement qu’opère la séquence du fou rire et avant le final -un déluge qui emplit l’espace jusqu’à « noyer » le tout ……)  

La sonnette d’alarme n’était-elle pas d’emblée détraquée ? 


Des couloirs (et l’on pense inévitablement à Shining ou au Silence ) des escaliers des profondeurs de champ,  des murs ornés de portraits -murs au pouvoir mémoriel !- un tableau mi figuratif mi abstrait (à l’œil scrutateur), un numéro de fou rire (trop insistant ?) une danse allégorique (cauchemar revisité d’une société malade de ses mensonges autant que de sa pudibonderie) tout cela est bien –(trop peut-être?) ciselé ..jusqu’à transfigurer l’espace de l’établissement scolaire en un univers mental. Et l’actrice Renate Reinsve -que nous avions déjà vue dans Julie( en 12 chapitres) de Joachim Trier rayonnante de talent et de charisme y contribue amplement!


La découverte progressive des événements et du passé des protagonistes (c’est un procédé narratif éculé mais efficace) ainsi que la mise en place d’une communication non violente (c’est une tendance idéologique et sociétale) n’échappent pas -outre les rebondissements - à une multitude de détails souvent redondants (cf les très gros plans sur les visages, les mains que l’on asperge d’eau dans les toilettes, sur un aspect de la parure de la chevelure). De même les fondus enchaînés du début au service de la dualité sinon du « double » pèchent par leur surabondance


S’interrogeant plus sur les névroses jalousies et mensonges des « géniteurs » que sur les « mensonges » de leur « progéniture » (comme le laissait entendre le titre originel Armand) ce suspense psychologique- vaut malgré tout, le déplacement…

 

Colette Lallement-Duchoze

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25 mars 2025 2 25 /03 /mars /2025 07:43

Documentaire réalisé par  Thierry Frémaux (2024)

Thierry Frémaux, après avoir réalisé un premier documentaire sur les frères Lumière intitulé 'Lumière, l'aventure commence', propose ici un second, rempli de courts-métrages inédits (environ 120 de  50 secondes chacun) et entièrement rénovés.

Lumière, l'aventure continue !

Le cinéma domina le XXe siècle : que deviendront les films, les salles et les spectateurs de son deuxième centenaire ? En célébrer la mémoire, c’est prendre soin de lui. Veiller à son avenir, c’est prendre soin de nous-mêmes. » Thierry Frémaux 
 

« Avec des films de Lumière voici UN film de Lumière »

 

D’emblée le spectateur est informé à la fois sur le sujet -compilation de 120 mini-films, les fameuses "vues photographiques animées" sur les 1 500 environ réalisées par Louis, Auguste Lumière et leurs équipes- ainsi que  sur l’accompagnement sonore (Fauré, un contemporain des « frères Lumière ») 
 

Un film chapitré en 10 thématiques, commenté -voix off- par Thierry Frémaux lui-même. Las ! la raucité de sa voix le ton monocorde souvent hormis quand il se permet quelque facétie et surtout une tendance fâcheuse à « pontifier » - ou à proférer des  "tautologies" (ça c’est le cinéma) seront perçu.es par certains spectateurs -dont je suis -comme de « lourds handicaps » auxquels il convient d’ajouter le « rendu sonore » souvent crispant de la bande-son  (problème d’acoustique ?)


Nous connaissons tous bien sûr La Sortie de l'usine Lumière à Lyon. (et pourtant il en existerait plusieurs versions que le montage en split screen permet de comparer et cette comparaison telle une mise en perspective est un document précieux sur la France qui travaille en 1895). De même s’il « reprend » certaines « vues photographiques animées » (en affirmant avec cette insistance bien inutile « nous voici de nouveau en présence de ».) c’est pour mieux les contextualiser ou insister sur un aspect (avec humour parfois) 
 

La diversité des thématiques (famille Lumière, monde du travail, militaires, paysans, ouvriers, enfants, paysages)  et des lieux (rappelons que les techniciens Lumière ont arpenté plusieurs continents -de New York à Alger en passant par le Japon)-, preuve d’une appétence à TOUT filmer,  est commentée avec une admiration sans borne, la  "composition"  d’un plan quant à elle, l'est avec l’enthousiasme propre au cinéphile qu’est Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes et directeur de l’Institut Lumière de Lyon) 
 

L’hommage qu’il rend aux inventeurs du cinématographe, se double d’une certitude (incluse d’ailleurs dans le titre du film documentaire « l’aventure continue » outre sa référence - ou continuum- au précédent documentaire Lumière : l’aventure commence) à savoir que les bases du cinéma moderne sont déjà -ô confondante évidence !-, dans l'œuvre des industries Lumière : "Lumière et ses opérateurs se posent des questions de mise en scène, celles de milliers de réalisateurs qui viendront après eux : le rôle de la caméra, la force d'un sujet, l'idée d'un mouvement" .Thierry Fremaux affirme ainsi – et sa conviction est empreinte de sensibilité et non de didactisme - qu’il y a déjà Ozu dans cette façon de filmer une famille japonaise, Godard (qu’il cite souvent d’ailleurs) Chantal Akerman Agnès Varda ou du western américain dans telle ou telle "vue  photographique animée"

Lumière non seulement célèbre inventeur mais premier cinéaste MODERNE

Lumière ou l’invention d’un « langage » cinématographique
 

 

A voir c’est une évidence -malgré les bémols énoncés ci-dessus…

Comme le signalent plusieurs synopsis "ce film offre le spectacle intact du monde au début du siècle dernier et un voyage stimulant aux origines du cinéma"

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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21 mars 2025 5 21 /03 /mars /2025 14:12

De Constance Tsang  (USA 2024; langues  mandarin et anglais )

 

avec  Lee Kang-sheng (Cheung), Wu Ke-Xi,(Amy)  Haipeng Xu (Didi) Min Han Hsieh (Josie)

 

 

FESTIVAL DE CANNES, Prix French Touch de la Semaine de la Critique - 2024

Une perte soudaine cimente une relation inattendue entre deux migrants de la communauté chinoise du Queens. Loin de chez eux et travaillant sans relâche pour subvenir à leurs besoins, ils font leur deuil ensemble dans l'espoir de trouver une famille.

Blue sun palace

Nous sommes dans le quartier chinois de Flushing, dans le Queens à New York. Didi (Haipeng Xu) et Amy (Wu Ke-xi) travaillent dans un salon de massage. Lieu de travail,  espace vital légèrement en sous sol, il abrite aussi les amours clandestines de Didi et son amant Cheung (un autre exilé ...dont la femme légitime est restée au pays).

Le film s’ouvre d’ailleurs sur un long plan séquence où les deux « amants » attablés, filmés à hauteur de visage savourent poulet pimenté et promesses d’un futur " heureux" . En écho mais traité différemment,  voici le même Cheung avec Amy, dans le même restaurant, proférant les mêmes (?) promesses ...…

C’est qu’entre les deux « séquences » le film a basculé; à la 30ème minute en effet apparaît le générique (soit juste après la « disparition » de Didi lors du nouvel an lunaire, une tragédie inspirée par la vague de haine à l’encontre de la diaspora chinoise aux USA pendant la Covid)

Générique annonciateur d’une rupture et d’un continuum tout à la fois? L’exil la clandestinité le mal-être des déracinés comme  "continuum" certes mais l’apparent  "naturalisme" » du début se mue en une « fiction » plus douloureuse plus cruelle, sur l’impossible ( ?) deuil ; la sororité (et ses éclats de rires et de lumière) la complicité dans la précarité a cédé la place à un chagrin torturant (Cheung et Amy « pleurent » l’être cher disparu ; revisitent les lieux hantés par sa présence. Peut-on se  "reconstruire"  en "survivant" à l’absence de l’autre ?


Et la façon de filmer l’exigüité des lieux , de mettre en valeur les voilages, de créer une ambiance vaporeuse aux couleurs plus ou moins délavées, est bien au service de ce  douloureux déracinement  (les Chinois ne sont pas à l’abri de « meurtres », les Chinoises des abus de mâles prédateurs ) que renforcent les plans prolongés sur les visages les très gros plans sur les perles de sueur.

 

Optant ainsi pour des plans larges (dans la durée) la réalisatrice sino-américaine rend palpable un enfermement (tant spatial que psychologique) à un point tel que les  "échappées" dans la ville de New York seront quasi inexistantes (hormis les deux départs en synchro) Et le plan final c’est celui du visage de Cheung qui envahit tout l’écran…(ne pas spoiler)

 

Un film à voir c’est une évidence ! tant l’émotion y est contenue, la mélancolie feutrée et l’interprétation exceptionnelle,  toute en nuances…

Ce qui n’exclut pas des longueurs …( diront certains spectateurs !)

 

Colette Lallement-Duchoze

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18 mars 2025 2 18 /03 /mars /2025 16:52

 Film documentaire réalisé par Sandra Gugliotta (2023 Argentine France)

 

Présenté en avant-première dans le cadre du festival A l'Est  à l'Omnia  le 16 mars 2025

A l'été 2019, le procès contre France Télécom et trois de ses dirigeants pour harcèlement moral s'ouvre à Paris. Le film suit le déroulement, jour après jour, du point de vue des victimes offrant un portrait émotionnel de la nature dévastatrice du capitalisme et une réflexion sur les limites et les possibilités du système juridique comme outil de lutte

El proceso El caso France Telecom

Une politique managériale lancée en 2006, visant à faire partir 20 % des effectifs en trois ans « Par la fenêtre ou par la porte » Tel s’incarnait ce capitalisme éhonté qui accula au suicide des salarié·es (par immolation défenestration entre autres). Certains ont survécu à leur tentative (la mort n’a pas voulu de moi dit et répète Béatrice Pannier ; c’est grâce à ma femme si  je suis ici témoigne Yves Minguy tous deux invités pour l’avant-première du film dans le cadre du festival à l’Est, en présence de la réalisatrice Sandra Gugliotta ) Rappelons que le plan NExT avait pour objectif  de dégrader les conditions de travail, afin de pousser psychologiquement une partie des employés au départ volontaire, réduisant ainsi les indemnités à payer 

 

Voici une succession de plans fixes aux cadrages maîtrisés avec incrustation (lieux et identité) une succession telle une contextualisation géographique (Guyancourt Caen Mérignac entre autres) -l’habitat lieu de vie, perçu de l’extérieur dans sa diversité, et même si la caméra est « objective » son œil éclairant « dit » ». C’est le prologue. Le spectateur est ainsi familiarisé avec ce qui est un « quotidien » hors les murs de l’entreprise. Une entreprise mortifère . Puis il sera comme immergé dans une "intimité" : il franchit les « murs », la caméra l’invitant par exemple à s’asseoir aux côtés de ce couple sur un canapé.

 

Les témoignages sont vibrants d’émotion (paroles de ceux qui ont « survécu » , paroles des membres de la famille de ceux qui ont "disparu") Jamais filmées en frontal (comme  dans les documentaires « traditionnels ») les personnes interviewées  disent avec leurs mots simplement sincèrement leur désarroi, leur volonté d’en finir, leur combat,  le harcèlement institutionnel….

 

Et dans l’immense palais de verre (nouveau Palais de Justice  au cœur des Batignolles (17e). aussi labyrinthique que le palais dédaléen  où Thésée devait affronter le Minotaure  les voici comme perdus… rapetissés. C’est que Sandra Gugliotta  varie les angles de vue -plongée ou contre plongée- ainsi que les échelles – Vastitude de lumière; mais la « supposée transparence » abrite en fait une angoissante opacité - derrière des formules plus ou moins triomphalistes ou dédaigneuses (celles des avocats des prévenus François Esclatine Jean Veil ou encore Maisonneuve, à l’opposé de Maîtres Jean-Paul Teissonnière ou Sylvie Topaloff). Des nuées de micros brandis -cliquetis en furie -(pour telle ou telle station radio ou chaîne de TV),  alors que la caméra de la cinéaste plus bienveillante est plus discrète.

Et quand nous sommes transportés sur l’Ile de la Cité, là encore Sandra Gugliotta en quelques plans fixes (panneau signalétique « Sainte Chapelle », extérieur en enfilade de pierre, salle vide aux anciennes boiseries) semble dessiner en creux l’impossible passerelle entre des univers si opposés. 
Une autre passerelle invisible relierait-elle deux systèmes de justice si éloignés dans la durée ??? ou le vide quasi sidéral de cette salle dit-elle en filigrane l’inefficience de la  justice comme « outil de lutte» ??? Le couperet est tombé... . Sentence dérisoire! 


Oui ce long métrage (aux allures de documentaire) a les qualités de ces œuvres cinématographiques qui emportent l’adhésion du public par leur pouvoir évocateur ou suggestif (ici la fixité des plans contraste  avec l'épouvantable destruction de l'humain-  intégrité  physique et mentale meurtrie broyée)  

A ne pas rater !! 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

 

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14 mars 2025 5 14 /03 /mars /2025 06:52

Film américain britannique et hongrois de Brady Corbet (2024)

 

Avec Adrien Brody, (László Toth) Felicity Jones, (Erzsébet Toth) Guy Pearce (Harrison Van Buren) Joe Alwyn (Harry van Buren), Araine Lebed (Zsófia en 1980), Stacy Martin (Maggie van Buren), Isaac Bankolé (Gordon)

 

 

Prix Mostra de Venise 2024 Lion d’Argent du meilleur réalisateur, 
BAFTA 2025 (meilleur réalisateur, meilleur acteur, meilleure musique, meilleure photographie)
Oscars 2025 (meilleur acteur, meilleure musique, meilleure photographie)

 

Fuyant l'Europe des années 40  l'architecte juif hongrois László Toth arrive en Amérique pour y reconstruire sa vie, sa carrière et son couple que la Seconde Guerre mondiale a gravement  mis à mal...

The brutalist

Composé de deux parties, (l’énigme de l’arrivée 1947-1952, la quintessence du beau 1953-1960), suivies d’un épilogue (Biennale d’architecture Venise 1980) et que séparait un entracte de 15’ (une photo fixe alors que défile le compte à rebours, telle une bombe à retardement ?) ce film tourné en Vistavision (procédé de défilement horizontal de la pellicule 35 mm) auréolé de nombreux prix  a suscité un engouement tel que l’égratigner serait frappé de suspicion… Et pourtant !


Certes le plan séquence introductif va encoder partiellement (et magistralement ?) le film Voici une caméra comme collée au dos d’un personnage (on pense au Fils de Saul) qui tente de s’extraire du chaos ambiant, traversant des couloirs aux couleurs sombres, sans profondeur de champ, puis à l’avant du bateau, sur le ponton, il émerge vers la lumière alors que s’impose à son regard la statue de la Liberté …à l’envers… Tout cela accentué par la musique de Daniel Blumberg.

Le prologue ou les prémices d’un cauchemar ? Effondrement du « rêve américain » ? Oui le parcours de cet architecte hongrois (qu’incarne avec maestria Adrien Brody), formé au Bauhaus, rescapé des « camps de la mort » censé se « reconstruire », se doublera d’une « déconstruction » quasi méthodique des Etats Unis triomphants de l’après-guerre. 


Mais autant la première partie qui s’attaque soit frontalement soit de façon biaisée aux traumas de la Shoah (dont l’impuissance sexuelle), aux difficiles conditions de vie et survie de l’immigrant sur le sol américain, aux espoirs d’une reconquête de soi, aux jeux de pouvoir du capitalisme triomphant (incarné tant par le père faussement débonnaire que par le fils trumpien avant l’heure) serait assez convaincante autant la seconde partie verse dans le didactisme « facile » (lequel va culminer dans un épilogue théâtral …discutable)
 

Autant l’alternance entre les séquences au rythme rapide (excavations, chantier aux silhouettes quasi dantesques, conduites à vive allure, défilements comme ininterrompus) et celles plus statiques (dialogues qui opposent ou confrontent des points de vue) crée une forme de tempo, autant le traitement de toutes les scènes consacrées au sexe ou à la toxicomanie pèchent par un excès de lisibilité au premier degré (pour exemple la scène de viol prétendue métaphore des rapports entre l’art et le capitalisme)
 

Un film censé s’attaquer à la « mère des arts » l’architecture, à sa forme avant-gardiste, et qui opte pour une forme de classicisme narratif, loin d’un dispositif -attendu ??- plus conceptuel… ? Quand bien même les génériques imitent une graphie stylisée penchée contrastant avec la verticalité du béton, quand bien même la recherche ingénieuse de la lumière préside aux constructions quasi cyclopéennes de Toth (et d’ailleurs la croix inversée qui orne la chapelle ne serait-elle pas l’écho de la Statue du prologue ?)  Soit l'alliance entre gigantisme  et minimalisme? Pourquoi pas? 
 

Au moins The Brutalist aura-t-il illustré avec plus ou moins de panache (grâce au jeu des trois acteurs Guy Pearce, Adrien Brody, Felicity Jones) à la fois les propos de Le Corbusier l’urbanisme est brutal parce que la vie est brutale et l’affirmation cynique du protestant Harrison Van Buren nous vous tolérons …

 

Colette Lallement-Duchoze
 

The brutalist
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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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