23 mars 2023 4 23 /03 /mars /2023 09:30

de Manuela Martelli (Chili 2022) 

 

Avec Aline Küppenheim, Nicolas Sepulveda, H Medina

 

Quinzaine des réalisateurs Cannes 2022

 

festival AL'Est Rouen jeudi 2 mars 2023

Chili, 1976. Trois ans après le coup d’État de Pinochet, Carmen part superviser la rénovation de la maison familiale en bord de mer. Son mari, ses enfants et petits-enfants vont et viennent pendant les vacances d’hiver. Lorsque le prêtre lui demande de s’occuper d’un jeune qu’il héberge en secret, Carmen se retrouve en terre inconnue, loin de la vie bourgeoise et tranquille à laquelle elle est habituée.

Chili 1976

Inspiré par sa grand-mère, dédié à sa mère et à toutes les femmes intrépides, (cf générique de fin) ce premier long métrage de l’actrice Manuela Martelli frappe d’emblée par  la puissance suggestive du hors champ et de la  bande-son.

Ne vous attendez pas à voir une docufiction sur le Chili, 3 ans après l’installation de Pinochet au pouvoir ; sur l’année 1976 la plus  noire et sanglante de la dictature, sur le pouvoir de la DINA  cette police créée par le dictateur.  La réalisatrice adopte en effet le point de vue de Carmen, une bourgeoise, la cinquantaine, femme de médecin, chef de service à l’hôpital Barros Luco de Santiago -(décliner cette appartenance sert de passeport)- une maîtresse de maison accaparée par la rénovation de sa villa de vacances en bord de mer et les va-et-vient de ses petits-enfants. Les événements "majeurs" que vit le Chili, ont lieu à l’extérieur de sa "bulle sécurisée".  Or progressivement Carmen va s’approcher de ce monde  insoupçonné. Le spectateur est ainsi invité à  "suivre"  l’histoire du Chili à travers les propres  "découvertes"  du personnage principal, dans un film qui s’apparente souvent à un thriller :-du moins Manuela Martelli  lui emprunte les codes (tout ce qui ne peut directement être vu ou entendu, tout ce qui se passe à la périphérie, la musique, le suspens, l’idée que quelque chose est sur le point d’arriver). Carmen héberge et soigne un « voyou » (ce sont les propos du prêtre Sanchez concernant le blessé !) Dès lors ses déplacements vont s’inscrire dans une « géographie » inconnue, celle des zones de contrôle permanent, de couvre-feu à respecter ; l’angoisse d’être suivie, les mensonges réitérés, la suspicion qu’elle « lit » dans les regards (cf la séquence dans un bar où les clients sont figés) tout cela exprime une tension intérieure que la réalisatrice met en parallèle avec la tension  politique. A l’instar du personnage (si brillamment interprété par Aline Küppenheim) la musique elle aussi se transforme tout en restant très intense et suggestive ;  elle joue d'abord le rôle de contrepoint à l’univers sécurisé de Carmen, puis avec les changements, et/ou prises de conscience ( ?), les synthétiseurs vont céder la place à des instruments plus traditionnels

Certains procédés peuvent sembler outranciers (gros plan sur la goutte de peinture rose qui s’en vient tacher le bleu de l’escarpin dès la scène d’ouverture ;  duplications ou effets spéculaires répétés) mais ils acquièrent rétrospectivement une fonction symbolique. Et inversement ce sera au hors champ de composer le « tragique » de cette année 1976 (de la déflagration initiale sur le trottoir en face de la droguerie, ne nous parvient que le son, d’un enlèvement qu’une vue en plongée, de la fouille de la voiture que des feuilles éparses).

Ajoutons que la réalisatrice tout en filmant en plans (très) rapprochés Elias, le « blessé » (Nicolas Sepulveda) et Carmen (qui le panse avec délicatesse) évite le piège du passage trop facile à la « romance »

Un film original (structure et point de vue) à ne pas manquer! 

Colette Lallement-Duchoze

 

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21 mars 2023 2 21 /03 /mars /2023 09:32

de Fabian Hernandez  (Colombie 2021) 

avec Felipe Ramirez , Juanita Carrillo Ortiz, Diego Alexander Mayorga

 

Quinzaine des Réalisateurs Cannes 2022

 

Présenté à Rouen dans le cadre du festival à L' Est  jeudi 2 mars 2023

Carlos vit dans un foyer à Bogota, un refuge à l’abri de la violence extérieure. C’est Noël et il aimerait partager un moment avec sa famille, -sa sœur Nicole et sa mère, incarcérée, dont il se sent responsable . A sa sortie du foyer il est confronté à la rudesse des rues de son quartier, où règne la loi du plus fort. Il doit montrer qu'il peut lui aussi être l’un de ces mâles alpha. Il lui faudra choisir entre adopter les codes d’une masculinité agressive, ou, à l’opposé, embrasser sa nature profonde.

 Un Varón

Le film est dédié au père Javier de Nicolo (celui qui avait accueilli le jeune Fabiàn Hernandez)

Face à la caméra en plan fixe défilent plusieurs « varons » ( ?) : Tout dans leurs mimiques leur accent leur gestuelle leur vocabulaire, semble décliner une définition de leur masculinité, de leur virilité telle qu’elle doit se manifester dès lors qu’on est confronté aux puissances infernales de la rue ; défile ainsi tout ce qui participe à la fabrique du « mâle » drogue, sexe, arme. La masculinité comme passeport pour la vie. C’est la scène d’ouverture

Puis la caméra va suivre Carlos qui sera de tous les plans. Il incarne un questionnement à la fois humain et existentiel « est-ce qu’être varon va de pair avec la violence » et dans l’affirmative « y aurait-il une autre voie pour un être un homme ? Le réalisateur dit s’être inspiré de sa propre expérience et avoir voulu « faire un film honnête sur un sujet traité le plus souvent d’une manière qui ne l’est pas » ; entendons par là, refuser les clichés sur la Colombie pourvoyeuse de .. et de…. ; bannir toute esthétisation de la violence.  Celle-ci est certes manifeste dans les discours dans les rixes les propos, on la devine, menaçante, prête à exploser mais elle sera filmée "sans érotisation, sans instrumentalisation plus ou moins sordideà des fins de divertissement".  Plus authentique plus sincère serait le film mais par ricochet moins dense, moins intense ? pas sûr !  car ce jeune homme solitaire,  contraint à « exhiber sa masculinité », laisse échapper par intermittences des aspirations profondes (cf la scène avec la femme aux ongles longs,  cette prostituée si maternelle, le rouge à lèvres qui s’en vient colorer son reflet sur le miroir, le regard équivoque, les appels téléphoniques à la mère adulée)

 

Voici Carlos chez la coiffeuse exigeant une « coupe de mec », celle qui se marierait si bien avec des sourcils taillés au rasoir, un accoutrement fait d’un jean taille basse et de tee-shirts, avec l’exercice de ces poings tendus signes de ralliement !  Tout cela vaut pour l’apparence !!  Or le film est construit sur un tiraillement intérieur, illustré d’ailleurs par les constants allers et retours, les allées et venues de Carlos, et par les « conseils » opposés prodigués par les femmes (dont la sœur) et par ses « pairs » (autres varons) ; le plan final laisse ouverte la possibilité d’un choix que ne dicterait plus le « déterminisme social » ?

Dans l’environnement de Carlos seules résistent -ô paradoxe éloquent ! les habitations minables masures des favelas à côté de ces champs de « ruines » -démolitions de constructions plus récentes et dont les monticules de gravats servent d’itinéraires,  de cheminements qui louvoient , difficiles.

Tracer sa propre voie et laisser les larmes inonder le visage, (dont rend compte un très (trop) long plan) alors que la décision de « tuer » engage sa propre survie.

Ô  douleur non encore éprouvée! 

 

Un film que je vous recommande

 

Colette Lallement-Duchoze

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19 mars 2023 7 19 /03 /mars /2023 18:21

 

Le 9ème festival de films de femmes 

aura lieu 

 

 

du jeudi 23 au dimanche 26 mars 2023

 

 

au cinéma Omnia République Rouen

 

 

 

Jeudi 23 mars 20h

 

film d'ouverture

 

Jane Campion la femme cinéma (2020 France) 

 

en présence de la réalisatrice Julie Bertuccelli

 

débat en fin de séance 

Elles font leur cinéma 9ème édition

 

 

 

vendredi 24 mars 

 

18h  Women on both sides of the camera   

        documentaire de Mahshad Afshar G-B 2020

       

       

Débat en fin de séance avec Véronique Le Bris, journaliste fondatrice du prix Alice Guy, et autrice de livres sur les femmes et le cinéma 

      

 

 

20h30  Avant-première  Camila sortira ce soir    d'Inès Maria Barrionuevo  2021 Argentine 

 

 

 

samedi 25 mars

 

15h             4 courts métrages documentaires 

 

17h             5 courts métrages fictions ;   à l'issue de cette séance, vote du public et remise du trophée la Lucie,  (réalisé  par Cléo   Cheuret)                             

                 

20h30        Fogareu de Flavia Naves Brésil 2022

 

dimanche 26 mars

 

10h30  Regard noir   documentaire co-réalisé par Aïssa Maïga et Isabelle Siméoni (France 2021) 

             

Séance suivie d'un échange  avec Véronique Le Bris 

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18 mars 2023 6 18 /03 /mars /2023 17:40

de Steven Spielberg   (USA 2022)

avec Gabriel LeBelle, Michelle Williams, Paul Dano 

Sammy Fabelman grandit aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. L'adolescent découvre un jour un secret de famille bouleversant. Il se rend compte que le cinéma va l'aider à voir et accepter la réalité.

The Fabelmans

The Fabelmans ou Le grand déraillement.

Cela commence avec le film de Cecil B De Mille Sous le plus grand chapiteau du monde. Sammy gamin est à la fois émerveillé intrigué et choqué par le déraillement d’un train qui s’opère là,  sur l’écran,  au Fox Theater de Philadelphie. Et il n’aura de cesse de le  "rejouer"  d’abord avec une maquette, puis un appareil caméra super 8,. Car c’est précisément en "reproduisant"  cette scène originelle qu’il pourra s’en affranchir

De là serait né le besoin irrépressible du très jeune Spielberg de faire des images ….animées ? (si l’on admet que le film met à nu sa vie et sa vision du cinéma,  si l’on admet que the fabelmans (l’homme à fables ?) est autobiographique)

Déraillement du train : à la fois trauma et antidote   (et le paradoxe est précisément  dans cette simultanéité) On pourrait multiplier les dénotations et connotations du "déraillement" (bousculement des habitudes, secousses et perturbations dues au divorce des parents; ébranlement des convictions et troubles consécutifs à un antisémitisme primaire). Aisé et scolaire -j'en conviens-, cet exercice ne rendrait pas suffisamment compte de la dynamique interne :confrontations de forces contradictoires jusqu’à leur dépassement presque dialectique en une sorte d’acmé qui éclate dans la scène finale ; la plus belle leçon de cinéma  prodiguée  en  quelques mots  par John Ford (interprété par un David Lynch méconnaissable, caricaturé tel un personnage de BD): comment cadrer l’horizon ; il n’y a  que les imbéciles pour croire que le mieux est le « centre »

Ainsi la recherche de l’équilibre – quête fondamentale de Sammy tout au long de ce film- tombe à faux !

Le cinéma ne serait-il pas avant tout l’art du « déséquilibre » ?

Plus de 2h à la rencontre d’une telle épiphanie !!!!

(Mais heureusement  les prestations de certains acteurs sont convaincantes, et parfois s’exhalent  des effluences d’humour ) 

A  vous de juger

 

Colette Lallement-Duchoze

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17 mars 2023 5 17 /03 /mars /2023 11:39

d'Emmanuelle Nicot (2022)

 

avec Zelda Samson, Alexis Manenti, Fanta Guirassy 

 

présenté au festival de  Cannes Semaine de la Critique 2022

 

prix Fondation Louis Roederer de la révélation décerné à Zelda Samson 

Dalva a 12 ans mais s'habille, se maquille et se vit comme une femme. Un soir, elle est brusquement retirée du domicile paternel. D'abord révoltée et dans l'incompréhension totale, elle va faire la connaissance de Jayden, un éducateur, et de Samia, une adolescente au fort caractère. Une nouvelle vie semble alors s'offrir à Dalva, celle d'une jeune fille de son âge.

Dalva

NON Dalva, premier long métrage d'Emmanuelle Nicot, ne saurait être "un film convenu sur l'inceste"

 

La problématique soulevée est moins l’inceste que la   "résilience". La réalisatrice l’a dit et répété lors de la discussion qui a suivi la projection du film au festival d’Angers Premiers Plans  en janvier 2023  Mon intention était de faire un film de reconstruction, de libération, d’émancipation, montrer un cheminement vers la lumière 

Y est-elle parvenue ?

La réponse est, sans conteste,  OUI

Entre le prologue, écran noir, cris de déchirement, arrachement supposé au  "père", hors champ, et la séquence finale -salle d’audience, pour le procès "à venir" -  où la « distance » entre le père et la fille n’est pas seulement d’ordre spatial mais surtout -et définitivement- mental-,  c’est le chemin parcouru par Dalva qui « intéresse » la cinéaste.

Une quête de l’existence, plus qu’une quête de sens ,  même si les deux sont intimement liées. Une quête douloureuse en ses étapes successives (tentatives de fugue, résistances, refus, dénégations, tentatives de « séduction », violences verbales ou comportementales, etc…et première « révélation » lors du « choc de la rencontre au parloir !)

Douleur qu’accentue le format 4,3 (soit un rapport de 1,3 entre la largeur et la hauteur de l’image) celui de l’enfermement, celui de l’emprise (car Dalva avant d’être placée dans le centre de protection de l’enfance n’aura connu -cela est suggéré- que la relation au père sans référent extérieur sans la présence de la mère)

Enfermée dans le cadre, comme dans le déni.

Univers qui ira se craquelant ; fragmentaire et contradictoire, mutique et solitaire, avant de se « re »constituer » lentement,  plus sensoriel et affectif ( ce dont témoigne ce gros plan sur la main de Dalva serrant la cuisse de sa mère, mère longtemps déniée, conspuée) 

La jeune Zelda Samson (qui est quasiment de tous les plans et dont le visage de trois quarts envahit parfois l’écran) rend palpable ce huis clos intérieur tout comme elle illumine les métamorphoses ; elle a d’ailleurs gagné le prix Fondation Louis Roederer décerné à la Semaine de la Critique 2022

 

Le rôle de l’éducateur est primordial dans la « libération » et Alexis Manenti (César du meilleur espoir pour les Misérables) interprète avec beaucoup de nuances le personnage de Jayden. Ses regards ses silences comme autant de paroles apaisantes, ses réactions plus véhémentes comme autant d’armes de dissuasion, ses gestes comme autant de marques d’empathie. Non pas prodiguer un amour de "substitution"  mais être près d’elle, l’accompagner afin qu’elle soit « mieux aimée »

 

Rien de didactique ni de sentencieux donc, qui ferait de Dalva un film convenu

 

Comment « incarner » le père ? que l’on voit à deux reprises (visite au parloir de la prison, banc des accusés) comment rendre compte de la dualité Homme/Monstre, pour ne pas tomber dans les clichés ?

 

Cette question délicate épineuse n’a pu être soulevée lors de la rencontre mardi 14 mars à l’Omnia Rouen (en présence de la réalisatrice, de Zelda Samson et d'Alexis Menanti)

Car -et il faut bien l’avouer- un film est souvent prétexte à…

On a entendu des interventions très autocentrées à valeur de témoignages (fonction déterminante de la parole pour « sauver » l’enfant de l’emprise ; rôle dévolu à l’Education nationale, etc…) florilège des « moi, je… » Dommage !

 

Sortie nationale  le 22 mars 2023 

Un film à ne pas manquer! 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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16 mars 2023 4 16 /03 /mars /2023 10:24

documentaire réalisé par Laura Poitras (2022 USA) 

 

 

Lion d'Or Festival de Venise 2022

 

Festival international du film de Stockholm 2022 : meilleur film documentaire

 

 

Nan Goldin a révolutionné l'art de la photographie.

Immense artiste elle est aussi une activiste infatigable qui se bat contre les médicaments opiacés responsables de centaines de milliers de morts

Toute la beauté et le sang versé

Structuré en plusieurs séquences,  ce documentaire réinscrit le parcours de l’artiste et de la militante dans une trajectoire familiale. Ainsi dès le 2ème  "mouvement"   (après une ouverture sur la manifestation devant le Metropolitan Museum de New York contre la famille Sackler géant de l’industrie pharmaceutique qui s’enrichit grâce aux opiacés mais aussi grand mécène de la culture) c’est la relation entre les deux sœurs – illustrée par maintes photographies- qui est mise en valeur (Barbara, la sœur aînée, éjectée du foyer familial, Barbara une adolescente rebelle régulièrement internée et qui se "suicide"  à 18 ans)

Le documentaire obéit à une construction circulaire : la sœur revendiquant son homosexualité et prématurément disparue va irriguer la dernière séquence (cf le split screen de rails mortifères si tragique dans son élégance !) de même qu’elle aura insufflé un esprit libertaire, esprit en conformité avec les choix de l’artiste dont nous avons suivi  le parcours (archives interviews œuvres).

Plusieurs fils narratifs -comme autant de visages ou plutôt comme autant d'éléments composant une personnalité- (Nan Goldin activiste et militante, Nan Goldin artiste photographe, Nan Goldin l’amoureuse, l’amante Nan Goldin marquée à jamais par la mort  de sa sœur aînée) s’enchevêtrent ainsi  dans ce documentaire  "exemplaire"  (=à nul autre pareil!) tissant une intrigue à la chronologie éclatée et à la beauté (souvent) subversive

Voici le collectif P.A.I.N (prescription addiction intervention now) avec lequel Nan Goldin mène un combat -dont le documentaire retrace les différentes étapes. Si les stratégies rappellent celles d’Act-up, d’autres seront complètement « inédites » compte tenu de la "notoriété" de l’artiste : Nan Goldin menace en effet  de retirer ses œuvres là où les "partenaires culturels"  -musées et galeries-,  reçoivent de l’argent du  "mécène"   Sackler (odieusement impuni  !!)  

Voici, en outre, un procès en « téléjustice » : nous voyons les visages de deux ou trois membres de la famille Sackler, contraints d’entendre les cris de douleur de « patients » au seuil de la mort, suite à l’ingestion de ces médicaments opiacés (on dénombre 500 000 morts !!)

Toute la beauté et le sang versé (extrait d’une lettre de la sœur ) : un  réquisitoire qui vibre ainsi d’un souffle pamphlétaire !

C'est aussi  un "bel"  hommage à  l'artiste photographe,  qui toujours  s’est inspirée de sa propre  "vie"  (questionnement sur les « marges », sur ses addictions, sur les formes d’existence en dehors des normes sacralisées, sur la  "contre-culture" , les homosexuels, les travestis, les toxicos,  les paumés). Artiste qui était entrée dans le monde de l'art en taillant une pipe à un chauffeur de taxi qu'elle "ne pouvait pas payer, pour se rendre à la seule galerie alors prête à montrer ses photos" !!

Une artiste de renommée mondiale !! (honorée dans les musées et galeries. On  a pu la "découvrir"  à Paris au Centre Pompidou en 2001 et 2008, et en 2004 dans le cadre du Festival d’automne elle avait « installé » Chapelle Saint Louis de la Salpêtrière, Sœurs Saintes et Sibylles,)

 

Guide précieux,  toute la beauté et le sang versé est un documentaire à ne pas rater !!

 

 

Colette Lallement-Duchoze 

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16 mars 2023 4 16 /03 /mars /2023 04:50

documentaire réalisé par Xavier Gayan (2022)

 

SEANCE SPECIALE DIMANCHE 19 MARS 11H

 

OMNIA REPUBLIQUE

 

EN PRESENCE DU REALISATEUR 

 

 

Aujourd’hui, nous vivons dans un monde où la logique de rentabilité s’applique à tous les domaines. Les lieux dédiés aux métiers du soin, du social, de l’éducation, de la culture… sont gérés par des managers ou des experts pour qui seuls comptent les chiffres, niant les besoins humains. Le psychanalyste Roland Gori se bat depuis des années contre le délitement de notre société. Ce film est un portrait de sa pensée, de son engagement, comme "L’Appel des appels", qu’il avait coinitié avec Stefan Chedri, pour nous opposer à cette casse des métiers et à la marchandisation de l’existence. Ce film propose un portrait intime de Roland Gori, accompagné de témoignages de proches : ses éditeurs Henri Trubert et Sophie Marinopoulos (éditions Les Liens qui libèrent), la philosophe et académicienne Barbara Cassin, le médecin hospitalier et auteure Marie-José del Volgo, le directeur du théâtre Toursky (Marseille) Richard Martin.

Roland Gori, une époque sans esprit

 

"Le réalisateur amène le psychanalyste à développer des thèmes nombreux qui, en réalité, interrogent la vacuité de la modernité. Sa parole est humaniste, au sens d’une expérience de la vie dégagée du démon de l’efficience qui ramène chaque individu à son enfance, son désir, son manque et son identité multiple.

Roland Gori invite à l’intelligence. Du moins, son témoignage humble et mesuré est une ode à la réflexion qui remet l’individu dans sa capacité à penser son existence, au lieu de la subir.

Il produit un langage de l’amour, de la tolérance et de l’élévation intellectuelle et émotionnelle

 

 Roland Gori, une époque sans esprit s’affirme comme un film nécessaire, au cœur du rythme fou de l’existence contemporaine. Le psychanalyste emprunte un langage métaphorique, parfois poétique, parfois drôle, en tous les cas au plus près des préoccupations des spectateurs"

 

Laurent Cambon

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14 mars 2023 2 14 /03 /mars /2023 13:15

de Florian Zeller · Royaume-Uni, France  (2022) 

 

 Avec  Hugh JackmanLaura DernVanessa KirbyZen McGrathAnthony HopkinsFelix GoddardMax GoddardShin-Fei Chen

À dix-sept ans, Nicholas semble en pleine dérive, il n'est plus cet enfant lumineux qui souriait tout le temps. Que lui arrive-t-il ? Dépassée par la situation, sa mère accepte qu’il aille vivre chez son père, Peter. Remarié depuis peu et père d’un nouveau-né, il va tenter de dépasser l’incompréhension, la colère et l’impuissance dans l’espoir de retrouver son fils...

The son

Adaptant lui-même ses pièces de théâtre, Florian Zeller évite de tomber dans le piège du théâtre filmé. Pari réussi pour the father (dépassant le huis clos de l’appartement et lui superposant l’univers mental du personnage éponyme si brillamment interprété par A Hopkins cf the father - Le blog de cinexpressions). Hélas avec the son la façon de filmer, et ce dès le début (champ contre champ, arrière-plan « bouché », plans très rapprochés sur les personnages) et le fil conducteur (le divorce des parents, comme la cause du mal-être) président à une « logique » que paradoxalement il tente de dénoncer et il nous entraînerait avec lui dans son propre piège ?

 

Le cinéaste a choisi d'adopter le point de vue  des  parents (et non pas celui du "fils"), et plus particulièrement celui du père -un père, parangon d’une clinquante réussite professionnelle (illustrée par ce plan récurrent où Hugh Jackman, filmé de dos, contemple Manhattan, de l’immense baie vitrée de son cabinet d’avocats !).

Voici des parents aimants mais déboussolés face au mal-être de leur fils, des parents qui se laissent « berner » par ses mensonges sur sa prétendue « intégration sociale. » au lycée. Voici un fils dont nous ne connaîtrons rien des déambulations, des flâneries erratiques (quelles incidences auront sur la façon d’appréhender une complexité, de démêler un écheveau inextricable par nature.??? ces quelques vues en plongée sur un trottoir qu’il emprunte, avant de traverser un passage ….clouté… Lui qui sèche les cours et falsifie les documents officiels du lycée) ; nous le verrons dans une relation malaisée avec ses parents géniteurs et la nouvelle compagne du père. La demande qui se lit sur le visage (ce murmure qui s’échappe de lèvres à peine entrouvertes, ces regards sur le point d’être embués de larmes, cet effarement qui prélude à l’hébétement hagard) ne peut être « entendue » - même si à un moment le père supplie son fils de s’exprimer avec ses « propres mots » (mais comment dire l’indicible ??) et l’interprétation (excellente) de Zen McGrath accentue cet aspect foncièrement énigmatique créant le suspense - et la récurrence du plan sur le lave-linge au moment de l’essorage, alors que l’adolescent est hors champ derrière la porte de la salle de bains…est censée jouer le rôle d'illustration!!

 

Les flash-back (entente cordiale père/fils dans l’ambiance estivale, cf l'affiche,  apprentissage de la natation, croisière familiale) frappent par leur saugrenuité !!!  

Et ce n’est pas l’épisode du « lâcher prise » (quand le père et Beth improvisent une danse et invitent Nicholas à y participer) qui « rachètera » l’ensemble. Un ensemble qui ne peut se départir de dialogues plus ou moins démonstratifs 

Quant à l’avant-dernière séquence aux relents mélodramatiques (vision conservatrice de la famille et ses clichés éculés) elle frise l’indécence, et la position finale du père, l’inconsolable, recroquevillé -tel un Œdipe moderne renversé- accentue cette fâcheuse impression

Florian Zeller avoue être resté volontairement sur « le seuil » à un endroit d’incompréhension, où il y a beaucoup de questions mais pas de réponse. C’est ainsi que les problèmes de dépression, de maladie mentale, se posent à nous, comme un mystère, comme un trou noir qui peut tout dévorer. »

Et nous restons à quai !

Colette Lallement-Duchoze

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13 mars 2023 1 13 /03 /mars /2023 08:39

d'Ali Cherri ·(Soudan Liban 2022)

 

avec Maher El KhairMudathir MusaSantino Aguer DingAbo Algassim Sir AlkhatimAyman SharifHassan Hamza Ali MohamadJacob Jorjia GarrangKhamees Idrees Ibrahim

 

Présenté au festival de Cannes 2022 Quinzaine des Réalisateurs

Soudan, près du barrage de Merowe. Maher travaille dans une briqueterie traditionnelle alimentée par les eaux du Nil. Chaque soir, il s’aventure en secret dans le désert, pour bâtir une mystérieuse construction faite de boue. Alors que les Soudanais se soulèvent pour réclamer leur liberté, sa création semble prendre vie...

Le barrage

Non ce film n’est pas à ranger  dans la catégorie « films qu’on peut voir à la rigueur » mais plutôt dans celle « à voir absolument »

 

Plasticien d’origine libanaise Ali Cherri s’intéresse à « la dialectique entre antiquité et monde moderne, nature et culture, catastrophe et reconstruction ». Dialectique qui préside à son long métrage « Le barrage »

Or, dès le tout début une vague indication (quelque part au nord du Soudan près du barrage Merowe) risque de bloquer les attentes d’un spectateur désireux avant tout d’analyse politique et pourtant….. Si les infos sur la situation révolutionnaire du Soudan livrées par la radio, ne semblent pas perturber le travail titanesque des ouvriers c’est parce que "les briquetiers soudanais, ne vivent pas comme des citoyens, explique le réalisateur, ils ont intériorisé un sentiment d’impuissance politique ; ont vécu toute leur vie sous un régime dictatorial ; le film rend compte de ce type de comportement". De même le personnage principal semble porter en lui et sur lui -comme un mal endémique-, toutes les douleurs secrétées par la terre et en premier lieu la guerre dévastatrice …Une seule séquence, la rétribution des travailleurs par un patron qui se soucie plus du  "facies"  que de la tâche accomplie, et c’est le racisme ambiant qui est " dénoncé"  Si les conséquences sociétales et écologiques du barrage construit par des ingénieurs chinois ne sont pas explicitement abordées, elles sont toujours au premier plan ; tout est en fait suggéré, et ce sont bien les  "traces"  de la violence au Soudan qui se lisent, quand bien même elles semblent  énigmatiques (au spectateur de se documenter !!)

 

L’essentiel il est vrai est dans les "énergies intérieures",  dans cette densité poétique où tout a une dimension métaphorique (barrage intérieur, boue glaise, golem, interpénétration ciel et désert, blessure cicatrice) et dans l’orchestration souveraine des cadres et mouvements de lumière (avec cette dominante ocre), du réel et du fantasmé comme du refoulé et du surnaturel. Et quand la somptuosité « naturelle » s’estompe ce sont des images de synthèse qui prennent  le relais (tableaux dans l'univers mental du personnage principal Maher El Khair, un ouvrier de la briqueterie qui régulièrement s’évade dans le désert ; un voyage aux confins du mystique et de l'artistique qu’illustre cette immense statue de glaise qui s’anime respire comme une divinité chthonienne et qui l’enjoint d’aller toujours plus loin dans sa quête) Dans la région où a tourné Ali Cherri on pratique l’afro-soufisme (mélange d’islam et de paganisme qui comporte beaucoup d’histoires de djinns)

 

Oui osons les épithètes les plus laudatives : graphisme splendide, forces vives -que sont le fleuve, le désert, le soleil, l’orage,- magnifiées tant dans l’intangibilité que dans l’explosion d’une puissance torrentielle, magnificence du rendu visuel et compositions savamment élaborées (voyez les courbes de ces corps, les jeux d’horizontalité et de verticalité, les longs plans fixes sur les bras travailleurs, sur les jambes dont les écailles épousent la terre/mère dans la fécondation de la boue, cette glaise créatrice et dévastatrice : boue malaxée triturée transformée, évaporée et qui s’en va mourant comme pour mieux renaître( ?)  

A cela s’ajoute une partition (musique signée ROB Robin Coudert) qui joue « avec les éléments l’eau, la terre d’argile, le feu  dans un mélange de sonorités lourdes et aériennes. Elle apparait parcimonieusement pour relater le périple du personnage dans le désert »

 

A ne pas rater!!

 

Colette Lallement-Duchoze

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11 mars 2023 6 11 /03 /mars /2023 05:38

de Sam Mendes (G-B , USA 2022)

avec Olivia Colman, Micheal Ward, Colin Firth, Toby Jones 

 

Nommé aux Oscars 2023 (cérémonie le 12 mars) pour la meilleure photographie

chef opérateur Roger Deakins 

musique Trent Reznor et Atticus Ross

Angleterre, 1980. Hilary travaille dans un cinéma : un lieu tout indiqué qui lui permet d'être en contact avec des gens et de rompre la solitude. Cette femme d'âge mûr est chargée d'apprendre les rudiments du métier à Stephen, un jeune homme noir charismatiqueEn se rapprochant l’un de l’autre, ils vont apprendre à soigner leurs blessures grâce à la musique, au cinéma et au sentiment d’appartenance à un groupe..

Empire of light

Empire of light : un film élégant et bancal à la fois

 

Certes on appréciera le travail du chef opérateur Roger Deakins (partenaire et complice des frères Cohen, de  Villeneuve entre autres) on sera particulièrement sensible à  ces  premières images qui font du cinéma Empire un écrin de velours, à ces  lumières- bleutée à l’extérieur et mordorée à l’intérieur,- aux ambiances feutrées qui harmonisent lieux et personnages (opacité du bureau du directeur comme pour camoufler les non-dits, visage éclairé  de lumière d’Hilary en ses  périodes fastes,  etc..

De même on admirera  la prestation d’Olivia Colman en quinquagénaire aimante aimée dépressive ou rayonnante et celle de Micheal Ward. ( victime potentielle du racisme toujours aux aguets)

On sera peut-être moins sensible à cette  "ode" au cinéma (thème récurrent ces derniers temps cf Steven Spielberg, Damien Chazelle) qu’à la solitude du projectionniste (à moins que ce ne soit l’inverse)

On peut établir une liste des  "qualités"  et conclure « Empire of light est un film séduisant »

Oui mais à condition que les armes de séduction ne soient pas des pièges

Si le cinéma « Empire » sert de cadre à, s’il est le lieu qui centralise TOUTES les problématiques (et elles sont très nombreuses : dépression, racisme, politique libérale de Mme Thatcher) le récit manque d’envergure et cumule (souvent poussivement) les clichés ou des mécaniques éculées. Chaque personnage aura sa crise (avec paliers récidive ou pas) ses prises de conscience, que l’on nous enjoint de mesurer, auxquelles on est prié de compatir…La romance elle-même est traitée sur les lignes de crête ou de façon artificielle, et le racisme s’exprime dans une scène lourdingue dans sa violence même ; quant aux rapports sexuels entre le directeur et l’employée (vous en aurez compris l'opportunité !) Et même la séquence qui rappelle Cinema paradisio manque d’authenticité et semble plaquée.

Que dire de ces  "symboles" assez faciles : une salle de cinéma à la fois belle et décrépie, autrefois grandiose immense;  un étage aujourd’hui désolé (désolation à l’image d’Hilary …) refuge de pigeons (dont un blessé qui grâce aux soins du « couple » pourra voler de ses propres ailes ?...)

De ce discours presque grandiloquent du projectionniste sur le regard et sa captation défaillante  ?

De cette séquence finale où Hilary seule dans l’obscurité de la salle, (qui agit tel un baume avec son faisceau lumineux) suit le parcours de Mister Chance (Peter Sellers) jusqu’à cette « apothéose » qui le fait marcher sur les ondes (tel un Christ ) ?

 

Empire of light : un film à la pernicieuse séduction

 

Colette Lallement-Duchoze 

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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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