5 juillet 2025 6 05 /07 /juillet /2025 06:05

De Quentin Dupieux (2025)

 

avec Adèle Exarchopoulos Jérôme Commandeur Sandrine Kiberlain Karim Leklou 

Magalie est une star du web hors sol et sans morale qui gagne des fortunes en postant des contenus choc sur les réseaux sociaux. Après un accident grave survenu sur le tournage de l'une de ses vidéos, Magalie s'isole à la montagne avec Patrick, son assistant personnel, pour faire un break.

L'accident de piano

Composé de trois "actes", chacun entrecoupé de flashbacks (les premières vidéos de Magalie,  son ICD, ses automutilations,  ou encore le tournage de "l'accident de piano" ) le dernier film du prolifique Dupieux (à la fois réalisateur monteur et musicien) est moins déjanté  frappadingue ou foutraque que certains autres films mais il poursuit  l’attaque en règle de la société de spectacle …(cf Yannick  Le Deuxième Acte)  là où ça fait mal. (pour parodier un slogan -victimaire ?- que brandit un fan  tu fais du bien là où ça fait mal )

Chacun d’entre nous est concerné. Voyez cette foule de décérébrés, agglutinés derrière des barreaux saluant de slogans et de pancartes le passage de la star ……Ou encore ce lourdaud (Karim Leklou ) qui,  à la recherche d’un selfie avec l’idole, entrera  dans le chalet léchant voracement sa déesse agrandie par l’affiche. Ecoutez cette journaliste guindée, corsetée dans des  "principes", des formules convenues à la Léa Salamé ou à la Drucker tout en pratiquant le chantage…, Suivez ce  factotum servile flagorneur et veule au service d’une maîtresse revancharde inculte tyrannique (cracher dans le yaourt ? la belle affaire) Mais cerise sur le pot de yaourt voici la truculente Adèle Exarchopoulos  qui incarne Magaloche, youtubeuse richissime, - sa prestation dans Mandibules avait déjà exigé une déformation du faciès, de l’élocution -, et ça tombe bien car il s’agit ici de se trimbaler avec minerve, plâtre, appareil dentaire, avec des vêtements qui fagotent plus qu’ils n’habillent, un corps qui dit l’enfer d’une société dégénérée ? 

Le long face à face Sandrine Kiberlain/ Adèle Exarchopoulos restera dans les annales…(et les changements d’angles de vue les légers décalages dans les positions évitent une forme de statisme) L’image du piano suspendu  (un clin d’œil à Bunuel ?) vite contextualisée se déleste de toute interprétation surréaliste,  elle s'inscrit dans un making of (présence sur le plateau de la maquilleuse et du grutier pour le tournage d’une séquence qui va virer à la tragédie). Ou est-ce un ici-bas infernal en ses mesquineries répétées vues d’en haut, grâce au regard en surplomb qui précisément serait le plus apte à les « transformer en spectacle » ? ???

On pourra déplorer un enfonçage de portes ouvertes (rôle vénéneux des réseaux sociaux, omnipotence malsaine de la « représentation », toute puissance de l’argent, amoralité et immoralité, vision pessimiste, etc…) . Notre " humanité" n’aurait-elle qu’un seul visage celui de " l’inhumanité"?

Interrogeons-nous plutôt sur ces deux déclarations -qui ne sont pas seulement des boutades (?)

Spielberg ? Un mec qui faisait des films avant (répond la maquilleuse à la question de l’inculte Magaloche)

J’utilise le mot artiste parce que je fais une activité qui ne demande aucun effort  (Magalie)

 

Un film à ne pas manquer

Colette Lallement-Duchoze

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3 juillet 2025 4 03 /07 /juillet /2025 14:51

De Jan-Ole Gerster (Allemagne 2025)

 

avec Sam Riley (Tom), Stacy Martin ( Anne),  Jack Farthing : (Dave) Dylan Torrell : (Anton) Pep Ambròs :( Jorge) Bruna Cusí : (Maria)  Ramiro Blas : Mazo Ahmed Boulane : Rafik Fatima Adoum : Amina

 

 

Grand prix du meilleur film au  Festival du film policier Reims Polar 

 75e Festival international du film de Berlin dans le cadre de Berlinale Special le 16 février 2025

Coach de tennis dans un complexe hôtelier, Tom mène une vie sans attaches au rythme de virées nocturnes alcoolisées et de cours monotones sous le soleil de Fuerteventura. Un jour, parmi le flot incessant des vacanciers, débarque sur l'île Anne, accompagnée de son fils et de son mari. Tom accepte de jouer le guide touristique pour la famille et très vite d'étranges liens commencent à se nouer entre eux

Islands

Une immensité désertique dans la lumière aurorale, un creux où est lové un personnage qui émerge avec difficulté de sa torpeur C’est le plan d’ouverture et la dichotomie vastitude/enfermement s’impose à nos yeux. Lui c’est Tom. (et il sera de tous les plans). Le corps allongé en différents lieux improbables ou non reviendra en leitmotiv comme pour scander un parcours -qui va au-delà du passage de la léthargie à l’éveil, ou de la nuit à l’aube (idem pour les scènes  de boîte de nuit, qui répétitives balisent l'immuabilité du parcours quotidien)

La première partie du film -qui prend le temps de nous "présenter" le personnage-, illustre en une succession de tableautins (comme dans Oh Boy) un quotidien en mettant l’accent sur le flegme, la (fausse ?) indifférence au monde, sur les retards réitérés dus à ses beuveries ; le visage, les yeux hagards, une déambulation nonchalante accentuent cet aspect de sa personnalité. Tom a-t-il conscience de la vacuité de son existence ? le décor (une île des Canaries) ne serait que façade ? ou miroir de cette vacuité ?  L’arrivée de touristes (Anne Dave et leur fils) bouleversera-t-elle son existence ? on a l’impression que Tom/Ace (ainsi surnommé depuis que l’on a appris qu’il avait joué contre Nadal) mise sur cette « opportunité » Il s’investit (sans rien demander en retour -surtout ne pas monnayer ses services) il s’interroge sur les dysfonctionnements du couple (qui cache un secret). Mais assez vite, de chronique sociale le film va basculer  dans le « thriller » quand disparaît Dave le mari (suite à une soirée bien imbibée et à une énième provocation dans le couple).

Le cinéaste refuse le sensationnalisme, le bavardage facile. (comme dans oh Boy https://www.cinexpressions.fr/article-oh-boy-24-heures-a-berlin-118663237.html) ou Lara Jenkins https://www.cinexpressions.fr/2022/02/lara-jenkins.html)

Avançant à rebours de certains présupposés et façon puzzle (les infos sont livrées avec parcimonie) il est censé provoquer un trouble chez Tom/Ace, lui-même censé le communiquer au public (impossibilité d’un amour ?  manipulation ? résurgence d’un drame passé ? dissimulations ?). Au cœur même de l’évidence solaire ou policière, tout serait en suspens voire suspect (avec parfois des situations qui relèvent de la comédie : on a trouvé quelque chose  et face au déploiement gigantesque (hélicoptère quadrillage qui monopolise tant de gendarmes policiers scaphandriers) alors que l’on s’attendait à voir le corps mort de Dave, c’est celui …de la chamelle ( ?) qui avait fugué…

Las ! loin d'un traitement  (suggéré) en pointillés et  malgré le choix du scope (qui précisément ou paradoxalement accentue l’isolement de l’individu dans la vastitude des paysages volcaniques) l’abus de métaphores faciles (l’île et l’enfermement, île microcosme d’une société en vase clos, les fugues comme prémisses et prémices,  le volcan en éruption, l’aliénation moderne, le passé revisité de l’actrice Anne) ou de contrastes trop appuyés (faille vs repère, lumière extérieure vs matité intérieure) la complaisance sur l’indolence, tout cela donne la fâcheuse impression d'un engluement dans le dispositif choisi ….et c'est assez décevant....

 

Colette Lallement-Duchoze

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2 juillet 2025 3 02 /07 /juillet /2025 03:44

D'Hélène Cattet & Bruno Forzani ( Belgique - Luxembourg - Italie – France 2025)

 

avec  Fabio Testi (John âgé), Yannick Renier(John jeune), Koen de Bouw (le milliardaire) , Céline Camara, Maria de Medeiros (l’autrice) , Thi-Mai Nguyen (Serpentik)

 

Sélection officielle compétition Berlinale 2025

Hallucinations Collectives, le festival de l'Autre Cinéma de Lyon, édition 2025.

Suite à la disparition soudaine de sa voisine de chambre, un ancien agent secret, reclus dans un palace de la Côte d'Azur, s'imagine que ses ennemis jurés refont surface. Surtout la redoutable Serpentik, qu'il n'a jamais réussi à démasquer. Oscillant entre présent et passé, il remonte le film de sa vie, au risque de découvrir qu'il n'y tenait pas forcément le meilleur rôle. Et que les diamants sont loin d'être éternels.

Reflet dans un diamant mort

Costume blanc, panama, sourcils en broussaille, voici Monsieur Diman (Fabio Testi) ex espion qui sirote sur la plage d’un grand hôtel de la côte d’Azur où il réside… La vision (vue en plongée) de cette jeune femme s’en vient ressusciter tout un pan de son passé, les gouttes d’eau qui perlent sur les seins de la belle « endormie » se sont métamorphosées en diamants …(purs ?)

Dès lors le film va fonctionner en allers et retours, entre moment présent et passé (les méandres d’une mémoire), mais aussi entre rêve et fiction (une réalité fantasmée par le souvenir?)  à un rythme effréné avec la récurrence de zooms sur les yeux (couleur et viscosité idéalisées en reflets adamantins) de très gros plans sur la moquette à la Vasarely (op art, cinétisme et parcours dédaléen) sur les strates de masques dont on extirpe les résines, (Serpentik -qu'exécrait tant John D.-,  multiple, insaisissable à la chevelure blonde  ou noire; asiatique ou occidentale, virtuose en arts martiaux) masques et chausse-trappes, masques et jeux réitérés de dupes (tant pour l’espion que pour l’octogénaire censé se souvenir que pour le spectateur … )

Bienvenue au pays des agents secrets du cinéma des années 60, que reflet dans un diamant mort revisite avec force audaces visuelles sous forme d’un kaléidoscope (et quand bien même on ne dispose d’aucune référence, le film se prête aisément à plusieurs niveaux de lecture, à l’instar d’un diamant taillé ….aux multiples facettes…)

Laissez-vous déconcerter (cf le faux générique à l’envers du tout début…) éblouir voire trépider par cette fragmentation défragmentation où tout vole en éclats, souvent kitsch ; depuis ces cocktails sucrés ou empoisonnés, cette écume de mer en cachet effervescent, ces gadgets innommables (bague avec œil incrusté) cette robe Paco Rabanne aux pastilles métalliques jusqu’à ces  gestuels chorégraphiés, ces instants où l’on passe de vie à trépas dans la frénésie du rouge Martini, des ongles crocs vampiriques et d’une musique illustrative, avant les pauses de pseudo making of, ou de film dans le film ou encore de film en train de se faire…

Vous l’aurez compris reflet dans un diamant mort se veut jubilatoire en nous invitant à une expérience sensorielle (avec tous ces effets d’optique) et qui se double(ra) d’une autre expérience pour les adeptes des films d’espionnage

Un tel  délire psychédélique  ne saurait laisser indifférent…

 

Colette Lallement-Duchoze

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30 juin 2025 1 30 /06 /juin /2025 07:33

De Mike Flanagan (USA 2024)

 

avec Tom Hiddleston (Chuck), Chiwetel Ejiofor (Marty Anderson), Karen Gillan (Felicia Gordon), Jacob Tremblay, Mark Hamill, Benjamin Pajak, Annalise Basso, Pocket Queen Kate Siegel (Miss Richards)

 

Septembre 2024  Festival de Toronto People’s Choice Awards

La vie extraordinaire d'un homme ordinaire racontée en trois chapitres. Merci Chuck

Life of Chuck

Adaptant une nouvelle de Stephen King (parue en 2020) le cinéaste Mike Flanagan adopte le parti pris du romancier : commencer par la fin --qui est aussi la fin du monde

Son film comprend trois parties réparties en trois actes, (III, II, I)  chacun a sa tonalité particulière (mais aussi son format d’image…); dans chacun une voix off commente explicite anticipe aussi ; certaines séquences plus amplement traitées vont se faire écho d’un acte à l’autre et la philosophie ( ?) empruntée à Walt Whitman, -extrait du Chant de moi-même,  je contiens des multitudes- sert de fil directeur ; une leçon d’optimisme : chaque personne est sa propre galaxie.  Chaque être est composé de tout ce qu’il voit, entend et pense. -donc sa disparition est celle d’un monde entier, métaphorique... il en irait de même pour des énoncés plus scientifiques (présence humaine appréhendée à l’aune de l’âge de l’univers) et le contraste avec une fin du monde annoncée n’en serait que plus saisissant

Voici un comptable sans prétention Charles Krantz, dit « Chuck » (Tom Hiddleston), que nous découvrons en même temps que Marty Anderson, professeur de lycée et son amie Felicia,  sous forme de spectre publicitaire merci pour ces 39 années  La gamme chromatique est particulièrement exploitée dans cet acte III pour le rendu d’une ambiance apocalyptique jusqu’à l’extinction des étoiles dans le firmament ….que nous contemplons en compagnie du couple tel un tableau surréaliste !!

Progressivement se dessine la  "personnalité" de cet homme mort prématurément, quand nous remonterons le cours du temps …

Certes les acteurs  qui interprètent Chuck  enfant, ado, adulte, Mia Sara et Mark Hamill- dans le rôle des grands-parents - Katie Siegel en Miss Richards  Chiwetel Ejiofor  le prof Marty Anderson,  sont tous épatants, et la séquence de danse dans la rue (plus de 8’) qui sert de pivot entre les actes III et I, restera dans les mémoires, certes le fantastique (coupole reliquaire, coupole pythonisse, dans la maison victorienne, interdite d’accès à l’enfant) est traité avec sobriété -la vision est plus l’effet d’une caméra subjective ou peut s’interpréter comme une mise en abyme de la finitude , de l'existence en général, de celle de Chuck en particulier,

Mais  tout en étant sollicité dans la re-connexion des éléments du puzzle, on sera forcément déçu par une inégalité (et c’est un euphémisme) de traitement (la dernière partie -acte I- la plus longue est assez (trop) laborieuse, elle se veut trop explicative,  éclairante 

Dommage -eu égard aux suggestions du tout début !!

 

Colette Lallement-Duchoze

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28 juin 2025 6 28 /06 /juin /2025 06:49

Documentaire réalisé par Pierre Carles (France/Colombie 2024)

 

2024 • Cinéma du réel • Paris (France) • Front(s) populaire(s) 

2024 • IFFR - International Film Festival Rotterdam • Rotterdam (Pays-Bas) • Harbour - Première mondiale

Retour sur 50 ans de vie de la guérilla colombienne. Des femmes et des hommes, qui ont pris les armes dans un contexte de profondes inégalités sociales et de violence politique, racontent leur vie de combattants et leur sortie du maquis, sans se renier. Depuis le début des négociations de paix en 2012, jusqu'à l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement progressiste en 2022, l'histoire d'un nouveau combat

Guérilla des FARC, l'avenir a une histoire

Un arbre -un guayacan jaune- auprès duquel se recueille Pierre Carles, à ses pieds   les "cendres" de son beau-père le cinéaste colombien  Duni Kuzmanich, (décédé en 2008)  C'est la scène  d'ouverture. Le documentaire s'inscrira ainsi dans le cadre de l'intime

Et simultanément en s'interrogeant , sur la genèse du mouvement des Farc , sur 50 ans de combats, en "contextualisant"  Pierre Carles offre à cette plongée dans l'intime une sorte de   sur cadre historique.

Hommage au disparu réappropriation de l'histoire politique colombienne , telle est bien la  double dynamique 

 

Le réalisateur fait alterner sa voix off (elle commente interroge interprète) les témoignages des "révolutionnaires" (paroles qu'il a recueillies entre 2012 et 2022), des extraits du film Canaguaro  réalisé par  Duni Kuzmanich, du documentaire Rio Chiquito de Bruno Muel et Jean-Pierre Sergent , et des images d’archives (entre autres négociations pour la paix 2012 2015 2016 ou l’élection récente de Gustavo Petro en 2022, ex militant du mouvement de guérilla urbaine M-19, avec la restitution de l’épée de Bolivar…) 

Tout cela participe d'une  volonté affichée de  remettre les pendules à l’heure, (une constante dans sa filmographie) Le documentariste  propose un contre discours qui  confronte remet en cause  réfute celui qui avait prévalu (et prévaut encore par la matraque en dictature par la propagande en démocratie) réduisant les FARC à d’affreux narcotrafiquants terroristes.

Et simultanément n’est-ce pas la possibilité de regarder vers l’avenir et d’envisager une poursuite pacifique de la lutte pour davantage de justice sociale? 

Oui l’avenir a une histoire (cf le sous-titre) (C’est avec l’histoire qu’on arrive à comprendre le présent et l’avenir.) .

Un documentaire passionnant

A ne pas rater

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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27 juin 2025 5 27 /06 /juin /2025 04:11

De Karan Kandhari (Inde 2024)

 

Avec Radhika Apte (Uma) Ashok Pathak (Gopal) Chhaya Kadam (Sheetal) Smita Tambe (Reshma) Navya Sawant (Aditi) Dev Raaz (Ramu)

 

Musique originale composée par Paul Banks (Motörhead, Buddy Holly, Sinn Sisamouth...)

 

 

Festival de Cannes 2024 – Quinzaine des Cinéastes,

Les Arcs Film Festival – Sélection Playtime 

 Festival international du film fantastique de Bruxelles

 

 

 

Uma débarque à Mumbai après un mariage arrangé. Dans son taudis, elle découvre la réalité de la vie conjugale avec un mari lâche et égoïste. Refusant de céder à l’enfer de son couple, Uma laisse libre cours à ses pulsions et, la nuit venue, se transforme en une figure monstrueuse et inquiétante…

Sister midnight

Film surprenant tant par ce mélange audacieux de burlesque de fantastique et d’horreur que par cette façon de filmer particulière -les saynètes se succèdent  telles des vignettes avec fondus au noir, plans fixes en frontal, des chutes à répétition qu’accentue la bande-son ; une bande-son elle-même détonnante (du punk-rock, du blues; et le titre clin d’œil à Iggy Pop? ) , :les personnages déambulent  comme des mécaniques (à la Buster Keaton):Uma et son balai Uma et ses chèvres Uma et ses concoctions) quand ils ne sont pas figés dans des positions à la Kaurismaki…

Un visage paré des perles nacrées du serre-tête, un corps ceint d’un sari rouge c’est la première apparition d’Uma la jeune épousée assise dans ce train aux couleurs flashy, qui la conduit avec son époux -si peu dégourdi- jusqu’à un gourbi de la mégapole Mumbai. Ennui : solitude de la femme contrainte aux travaux domestiques,  le mari est au travail il rentre tard souvent imbibé, les deux corps cohabitent sans les attouchements attendus… Quand le film bascule - -horreur du monstre assoiffé de sang (des oiseaux d’abord, puis le mari taxidermisé…) on continuera malgré tout à « sourire » : Uma se pare les ongles et les lèvres de noir…elle exerce sur les autres son pouvoir de sorcière elle est le guide suprême de la gent bêlante

Certes cette fable sociale et féministe -qui flirte avec des films de vampire… " revisités"   n’est pas exempte de maladresses, --certains déploreront   longueurs et répétitions-  certes la toute dernière partie peut décevoir;  mais ce premier long métrage de Karan Kandhari peut être salué comme un ofni au ton persifleur pince sans rire de bout en bout qui propose un regard inattendu sur la mégapole 

 

Colette Lallement-Duchoze

Ps attention une seule séance par jour en salle 8 vendredi 13h30 samedi17h50 dimanche 15h40 lundi 20h30 mardi 13h30

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26 juin 2025 4 26 /06 /juin /2025 06:27

 de Laurent Cantet (scénario) et Robin Campillo (réalisateur) France 2024

 

avec Eloy Pohu (Enzo) ,  Maksym Slivinskyi, (Vlad, maçon dans la vraie vie) , Elodie Bouchez (la mère)  et Pierfrancesco Favino (le père)

 

Festival Cannes 2025 Quinzaine des Cinéastes 

Enzo, 16 ans, est apprenti maçon à La Ciotat. Pressé par son père qui le voyait faire des études supérieures, le jeune homme cherche à échapper au cadre confortable mais étouffant de la villa familiale. C’est sur les chantiers, au contact de Vlad, un collègue ukrainien, qu’Enzo va entrevoir un nouvel horizon.

Enzo

Alors que défile le générique on entend la stridulation des cigales et le crissement (plus délicat) de truellées ; puis  le film s’ouvre sur un chantier auquel participe Enzo comme apprenti. Aux parpaings que l’on aligne et cimente pour ériger un mur, aux pierres choisies pour le pourtour d’une piscine, répondrait en écho  la « mosaïque » de sentiments (naissance d’un désir homosexuel surtout) qui s’emparent de l’ado, bien décidé à rompre avec son milieu familial. Un milieu familial dont la villa d’architecte -avec ses grandes baies vitrées, sa piscine, sa vue sur la mer est la métaphore.

Un gosse de riche qui se rêve maçon ? (donc en creux il s'agit bien de la thématique de la reproduction sociale des classes avec l’exclusion "éventuelle ou programmée"  menaçant celui qui veut mettre à bas cet ordre).

Or un travelling ascendant très lent- de la paroi ocre brun vers le ciel bleu azuréen- (auquel fera écho un autre travelling ascendant de l’élément végétal jusqu’au bleu céruléen), un gros plan sur ses mains meurtries disent de façon explicite que l’ado de 16 ans n’est pas à l’aise dans ce  "boulot" ; de même que le choix (contraint ?) du champ contre champ dans le face à face avec le père oppose moins deux êtres (père bienveillant aimant, fils ingrat) qu’une incompréhension fondamentale à laquelle Laurent Cantet avait habitué son public depuis Ressources humaines (rappelez-vous cet antagonisme filmé de l’intérieur et non de façon « spectaculaire »)  

Laurent Cantet qui hélas n’a pu  "réaliser" ce film dont il avait écrit le scénario (il meurt à 63 ans en avril 2024) c’est son ami Robin Campillo qui en sera le réalisateur

Un film ovationné… Osons quelques bémols dans le concert (trop) dithyrambique de la critique

Moins la lenteur (encore que..), moins la prédilection pour l’organique (minéral ou humain) option en elle-même justifiée et flatteuse à condition que...,  moins le jeu de l’acteur dans le rôle-titre, que cette co-existence trop souvent maltraitée -quand bien même son traitement formel pourrait séduire- qui fait se télescoper naissance du désir (Enzo attiré par Vlad) , rejet du milieu d’origine (« transfuge de classe »), pulsion de mort, contexte de la guerre en Ukraine (Vlad est Ukrainien certes… mais la scène finale rattachée au hors champ des bombes - Enzo les entend  au téléphone- cf affiche   frise le grotesque, alors qu’il visite en Italie les ruines/vestiges d’un passé en allé, tout comme il avait justifié son choix de maçon : poésie des murs qui resteront quand le reste aura disparu…), la bienveillance des parents, avec ce rôle caricatural dévolu à la  mère …plus compréhensive…,  parents silhouettés derrière les baies de la villa qui s’embrase du rougeoiement du soleil couchant (un plan au chromatisme de carte postale). Une ambivalence trop artificielle (rêve vs mal être, matière vs pensée, mystère de l’existence vs mystère de l’adolescence), un parallèle trop appuyé entre les bâtiments et le corps d'un ado en "construction",  pour entraîner l’adhésion

Un film sur le désenchantement ? Si Enzo au final donne raison au père (formidable Pierfrancesco Favino) c’est au prix de la perte (définitive ?) de la folie apanage de l'enfance et de l'adolescence, (ce qu’avait d’ailleurs prédit la mère, remarquablement interprétée par Elodie Bouchez …) et dont semble s’accommoder le fils….

Un film à l’image de ce mur de guingois –?  qui d'emblée  avait provoqué l’ire du contremaître….

 

Colette Lallement-Duchoze

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24 juin 2025 2 24 /06 /juin /2025 12:29

De Bernhard Wenger (Autriche 2024) 

 

Avec Albrecht Schuch (Matthias)  Julia Franz  (Sophia) Branko Samarovski (Johann) Nouri Anton (David)

 

Présenté à la Semaine de la Critique du festival Venise

Prix du public Les Arcs Film Festival (décembre 2024)

 

 

Matthias est un acteur professionnel employé dans une agence de location d'amis , qui répond aux besoins de ses clients . Mais quand il est confronté à la nécessité d'être lui-même le véritable défi commence...

Peacock

Pfau - Bin ich echt? (Paon - Suis-je réel ? )  sous-titre!

 

"Mon compagnon - Ami à louer"  partenaire parfait de n'importe qui dans n’importe quelle situation, que cela suppose de se faire passer pour le fils d'une riche famille de gens aigris, de faire semblant d’être le petit amoureux mélomane d’une femme plus âgée ou même d’aider une femme à apprendre à se disputer avec son mari. 

Tel est le fil rouge de cette  comédie grinçante où triomphe une forme d’absurde et où domine le ton pince sans rire; elle déclenchera un rire jaune à défaut d’être franc ; mais à partir de l’instant où des éléments perturbateurs enraient le parcours de Matthias (les signes avant-coureurs étaient allusifs à défaut d’être patents) le film bascule dans une forme de farce existentielle où l’on devine la marque de la « société de spectacle » (au sens où l’entendait Debord le spectacle n'est pas un ensemble d'images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images ) Voici Matthias face au vide abyssal de son existence, de son être. (car s’il excellait dans le service de locations , il l’est beaucoup moins quand Sophia le "quitte" et qu’il doit assumer seul le Réel )

 

La construction du film est telle que certaines séquences feront sens a posteriori: (l’exemple le plus probant est la performance d’art contemporain dans une salle de théâtre qui préfigure indubitablement la séquence finale) de même la scène d’ouverture (une voiturette de golf prend feu alors que dans le cadre en arrière-plan on voit des éoliennes) annonce le parti pris de l’ironie (que l’on retrouvera à chaque fois que Matthias semble émerger d’un groupe, …) Ces références/clins d’œil à Ruben Östlund sont évidentes -quelquefois volontairement appuyées-, mais hélas sans la force iconoclaste du cinéaste suédois

Car avouons-le sans ambages si l’interprétation d’Albrecht Schuch est impressionnante , (ô les nuances dans la passivité affichée)  si un soin tout particulier est accordé aux couleurs (l'image est lisse, soignée de bout en bout) si le goût pour les cadrages symétriques convient au propos zen du début, si l’impression d’artificialité prédomine (en harmonie avec la thématique) l’ensemble souffre d’un manque de..( ?)  et ne saurait entraîner une totale. adhésion

Cherchez l’erreur

 

Colette Lallement-Duchoze

 

ps Le paon est un bel animal, magnifique au premier abord. Il fait valoir son plumage et se pavane, mais il n’y a pas grand chose derrière cette façade. Il n’aime pas voler, n’a pas un beau cri. Il n’a beaucoup d'atouts au-delà de ça. Ça vaut aussi pour Matthias (propos du réalisateur)

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22 juin 2025 7 22 /06 /juin /2025 09:50

de Lilja Ingolfsdottir (Norvège 2024)

 

avec  Helga Guren (Maria), Oddgeir Thune (Sigmund)  Heidi Gjermundsen (la thérapeute) Marte Magnusdotter Solem (l’amie) Elisabeth Sand (la mère) , Maja Tothammer-Hruza (Alma la fille aînée) ) 

 

 

58e Festival de Karlovy Vary : Prix spécial du jury , prix de la meilleure actrice pour le travail de Helga Guren,  Label Europa Cinemas,  Prix FIPRESCI Award et  Prix du jury oecuménique.

Maria et Sigmund se croisent de fête en fête avant de se rendre à l’évidence : ils sont faits l’un pour l’autre ! Une passion fusionnelle et quelques années plus tard, Maria jongle désormais entre une vie domestique avec quatre enfants et une carrière exigeante. Sigmund, lui, voyage de plus en plus pour son travail mais un soir, il annonce qu’il veut divorcer…

Loveable

Construction/déconstruction, déconstruction/reconstruction.

Il semble que cette dynamique (voire dialectique) préside à ce film sur le délitement d’un couple, vu à travers le personnage féminin Maria  (excellente Helga Guren, ) On va découvrir un film en même temps qu’il se « refait », en même temps que Maria s’interroge sur sa part de « responsabilité » (scènes identiques re-vécues sous des angles différents, apport de la thérapie ) Oui ce film nous invite à  "participer" à une sorte d’anatomie où la narration a la force de la dissection (récit fragmenté à la première personne, montage/puzzle très élaboré grâce aux jeux de flashbacks et de miroirs  huis clos d’une conscience, milieu urbain déshumanisant etc.) ; la trajectoire individuelle -amoureuse et existentielle tout à la fois-,  y gagne en force persuasive

Visage filmé en gros plan face à la caméra (mais aussi face à elle-même et face au public) Maria va répondre à la question que pose sa voix intérieure  comment ça a commencé  Ce plan d’ouverture -qui reviendra d’ailleurs à un moment crucial du parcours de la femme blessée- impulse la dialectique, le choix de temporalités éclatées, le montage en puzzle. Ainsi après les prolégomènes où Maria joue le rôle de vamp dans la conquête de l’autre, les premières années du "couple" amoureux sont traitées tels des flashes, instantanés souvent pétris de clichés, qui se succèdent à un rythme assez rapide. On comprend que Maria doit TOUT gérer, que Sigmund et sa guitare en bandoulière est en balade permanente…Et à chaque retour, les mêmes retrouvailles…. Mais dès lors que s’affiche sur l’écran  « 7 ans plus tard » que l’idylle percute le bloc de l’immanence (une absence injustifiée de 6 semaines, une colère) que Maria doit se rendre à l’évidence : - l’injonction de Sigmund la distance est une bonne chose  la fait quitter l’appartement- et ce nouveau vécu dans l’angoisse de la solitude, face à un vide amoureux certes mais surtout existentiel, voici que se "reconstruisent "  des pans du passé amoureux et que simultanément Maria femme abandonnée humiliée cherche une autre forme de reconquête (de soi et de l’autre), la caméra va épouser tous les soubresauts de son personnage, ses contradictions, ses paradoxes, ses dénis, avec la précision quasi clinique d’une psychanalyse (cf l’affrontement avec la mère) Maria coupable ? Et si les « vraies » raisons de la rupture étaient présentes dès le départ ?

Aux plans fixes sur la compacité verticale des immeubles -dont la récurrence est signifiante-, s’opposent tous ceux sur le personnage tapi dans l’exiguïté d’une chambre, en proie au tourment taraudant, alors que le face à face qui oppose Maria à sa mère a son écho dans celui qui l’oppose à sa fille Alma (propos avilissants vs tentatives de caresses), mais ce jeu d’oppositions s’inscrit dans la dialectique humiliation culpabilité/reconquête de Soi et l’apparente résolution justifierait l’apaisement final ; les duos fondés sur la « complicité » humaine (l’amie) ou professionnelle (la psy) auront contribué en partie à cette  "résolution"

Loveable, (adorable) un titre ironique ?  … Maria (et ses colères à répétition) peut agacer certes. Mais c’est une combative   et Loveable peut se donner à lire  comme un film sur la colère des femmes

, « la colère vient du fait de ne pas avoir de pouvoir, de se sentir impuissante. Je pense que nous avons manqué de ce pouvoir pendant de longues années. Nous sommes en colère parce que nous sommes manipulées. En tant que femmes, nous devons faire preuve de beaucoup d’ingéniosité pour obtenir ce que nous voulons ». (propos de la réalisatrice)

 

Un film étonnant (et détonnant ) de justesse et d'originalité à ne pas manquer

 

Colette Lallement-Duchoze

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21 juin 2025 6 21 /06 /juin /2025 06:42

De Sergueï Paradjanov (URSS/Ukraine 1966) en copie numérique restaurée

 

Avec Ivan Mikolaitchouk (Ivan), Larissa Kadochnikova (Maritchka), Tatiana Bestaïeva (Palagna), Nikolaï Grinko (Vatag, le berger), Leonid Engibarov (Miko, le muet), Spartak Bagachvili (Youra, le sorcier)

 

Chef opérateur Youri Ilienko

Dans un village houtsoul situé au cœur des Carpates ukrainiennes, les jeunes Ivan et Marichka s’aiment passionnément malgré la rivalité et la haine qui opposent leurs deux familles. Devenu adulte, Ivan décide de partir dans les alpages pour gagner sa vie, promettant à Marichka de revenir dans un an pour l’épouser. Victime d’un terrible accident, cette dernière se noie en voulant rejoindre son amoureux dans les montagnes. Ivan va alors sombrer dans le désespoir le plus total, obsédé par le souvenir de sa promise…

Les chevaux de feu

Une construction en 12 chapitres, -(titres en lettres cyrilliques) aux enchaînements parfois elliptiques- une caméra virevoltante pour un visuel poétique et émotionnel, un accompagnement sonore époustouflant (musique symphonique, chants, sons particuliers des trembites et guimbardes,) Les chevaux de feu adapté d'une nouvelle de l'écrivain ukrainien Mykhaïlo Kotsioubynsky est un « drame poétique » (cf avertissement du prologue) à  (re)découvrir !  

Laissez-vous emporter dans ce tourbillon de plongées et contre plongées, de décadrages de panoramiques de travellings audacieux, laissez-vous subjuguer par cette immense fresque colorée, où toutes les sensations seront sollicitées. C’est que dans le format a priori réducteur (4,3) éclate le délire baroque du cinéaste Paradjanov. sa volonté d’exploiter toutes les ressources du cinéma afin de faire fusionner la culture houtsoule, avec ses rites croyances, sa sorcellerie, ses costumes, son artisanat - une tragédie   -celle de l’amour contrarié plus fort que la mort, une cosmogonie où Eros et Thanatos forces chthoniennes et apolliniennes sont en osmose, une métaphysique qui tend à l’universel sur fond d’animisme – qui fait la part belle aux chevaux ….avec un rythme parfois endiablé, mais aussi des pauses délicates -où le visage de l’aimé rejoint celui de la disparue dans l’élément liquide, où la toilette mortuaire d’Ivan a la puissance sculpturale de hauts reliefs ou de la mise au tombeau,…où le recours aux plans fixes est dédié soit aux cérémonies – célébration religieuse mariage enterrement comme pour figer un rituel intemporel-,  soit à ces visages traités tels des icônes -et le tout dernier plan a la force suggestive d’un polyptique

Le sang du père d'Ivan (qui vient d’être tué par le père de Marichka) éclabousse l'écran et fait apparaître les chevaux de feu..... Violence et onirisme : ce plan ne contient-il pas le principe formel de tout le film  -dont le  "rouge" est  la ponctuation ? 

Depuis Les Carpates oubliées de Dieu et des hommes terre des Houtsoules (chapitre 1) jusqu’à La Piéta (chapitre 12) en passant par La vie quotidienne (chapitre 6) ou le sorcier (chapitre 9) vous l’aurez compris c’est moins le scénario qui prime que la force explosive de l’image, la prééminence de visions oniriques fantastiques empruntées très souvent à la peinture :  la nature devient l'art et  l'art devient nature.

Nous autres cinéastes, devons prendre des leçons chez les peintres tels que BruegelArkhipov, Nesterov et également chez les modernes et les primitifs - chez eux la couleur n'est pas seulement l'ambiance, une émotion complémentaire. Elle fait partie du contenu (extrait de l'interview de Paradjanov parue  dans Les lettres françaises 1966)

A ne pas rater!!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

NB Présenté dans la section OMNIclassique  séances samedi 19h45, (salle 4) dimanche 10h50 (salle 2), lundi 16h15 (salle 2) , et mardi 17h45 (salle 1)

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