14 janvier 2019
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08:03
d'Ali Abbasi (Suède Danemark)
avec Eva Melander, Eero Milonoff, Jörgen Thorsson
Prix "Un Certain Regard" Cannes 2018
Tina, douanière au physique étrange et à l’efficacité redoutable, est connue pour son odorat extraordinaire. Comme si elle pouvait flairer la culpabilité d’un individu. Mais quand Vore, un homme d'apparence suspecte, passe devant elle, ses capacités sont mises à l'épreuve pour la première fois. Tina sait que Vore cache quelque chose, mais n’arrive pas à identifier quoi. Pire encore, elle ressent une étrange attirance pour lui...
Border ; la frontière. C’est bien aux confins de l’humain et du non-humain que le réalisateur nous entraîne ; et son film renverse les frontières habituelles de "genre" en mêlant fantastique naturalisme et thriller. Une œuvre éminemment organique où nature et culture se marient harmonieusement ou s’opposent avec violence ; une œuvre parabole sur l’identité (sa découverte son acceptation ou son refus) ; une œuvre qui peut déranger tant elle renvoie -comme un effet de boomerang- à notre propension à l’ethnocentrisme ; une lecture plurielle pour un film suédois réalisé par un Iranien exilé au Danemark qui s’interroge sur la dualité (par le biais de personnages hybrides empruntés à la mythologie scandinave)
Tina au physique de Neandertal, appréciée des siens (le père, le "compagnon parasite" Roland, les voisins) constamment sollicitée pour son flair hors pair (au poste de douane à l’aéroport de Stockholm, elle sait déceler en retroussant ses lèvres/babines des produits illicites mais aussi subodorer la culpabilité, la honte) vit en fait "en marge" "à la marge": son milieu de prédilection est la nature (elle est à l’écoute de son micro et macrocosme); la caméra la suit, pieds nus, caressant du regard un animal ou de ses doigts un insecte ; dans ce milieu originel (soit l’inné) sauvage (soit "non domestiqué" par l’homme) elle devra faire un autre apprentissage : la quête de ses origines -suite à sa rencontre avec Vore son alter ego masculin…(à la douane elle a "senti" chez ce "passager suspect" une bizarrerie qu’elle n’avait pu identifier!)
Comme le film procède par dévoilements progressifs et "rebondissements" inattendus (à l’instar des quêtes initiatiques) il convient de ne pas entacher le plaisir de la découverte chez le spectateur !
Un film parfois grandiose (cf cette symphonie des sens qu’accentue la bande-son alors que retentit l’énorme cri primal des deux partenaires) et sublime (quand Tina a flairé le passage de cerfs et qu’elle arrête momentanément le moteur de la voiture ou qu’elle tente de communiquer avec un renard à travers la vitre) ; un film qui fait alterner les gros (voire très gros) plans sur les mimiques bestiales des deux protagonistes (saluons au passage la performance d’Eva Melander et d'Eero Milonoff) et les plans d'ensemble sur l'environnement; un film fait de va-et-vient constants, d'allers et retours entre des "genres" et des sentiments multiples dont certains sont exacerbés; un film qui nous interpelle sur notre certitude "d’être humain" face à l’autre et à l’altérité, face à l’étranger et à l’étrangeté !
Un film à ne pas rater !!
Colette Lallement-Duchoze
Dans le cinéma fantastique :"Ce qui m'intéresse c'est de regarder la société à travers le prisme d'un univers parallèle, de parler de politique de façon subtile, plus souterraine" (propos du réalisateur)
Monstre-moi qui tu humes, je te dirai qui tu es David Fontaine (Canard Enchaîné )
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14 janvier 2019
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05:22
Décembre 1897, Paris. Edmond Rostand n’a pas encore trente ans mais déjà deux enfants et beaucoup d’angoisses. Il n’a rien écrit depuis deux ans. En désespoir de cause, il propose au grand Constant Coquelin une pièce nouvelle, une comédie héroïque, en vers, pour les fêtes. Seul souci : elle n’est pas encore écrite. Faisant fi des caprices des actrices, des exigences de ses producteurs corses, de la jalousie de sa femme, des histoires de cœur de son meilleur ami et du manque d’enthousiasme de l’ensemble de son entourage, Edmond se met à écrire cette pièce à laquelle personne ne croit. Pour l’instant, il n’a que le titre : « Cyrano de Bergerac ».
Les fêtes de fin d’année continuent avec ce film très enjoué d’Alexis Michalik. C’est gai, ça virevolte à toute allure, les répliques touchent et font mouche allègrement, quelques pointes d’émotion à propos des lettres d’amour, des comédiens nombreux qui visiblement s’amusent, des cotillons de rire traversent la salle.
Nous sommes en 1898 en plein théâtre de boulevard à la veille du cinéma que certains craignent de voir assassiner le théâtre mais ce dernier résiste bien avec une pièce qui fut un triomphe populaire : Cyrano de Bergerac.
Nous assistons aux répétitions, à la préparation foldingue de cette pièce, à son accouchement rabelaisien, peu importe la réalité historique, tout est bien orchestré pour nous distraire au maximum, d’un cœur léger.
On ressort du film ébouriffé comme après un french cancan, cela fait du bien en ces temps de récession sociale, comme une absinthe.
Alexis Michalik, auteur au théâtre du superbe “le porteur d’histoires” nous offre un film léger, soigné, bien joué, outré et si amusant qu’on en redemande !
Mieux qu’un Alka-Seltzer, aller voir Edmond !
Serge Diaz
27/01/2019
A déconseiller pour ceux qui ont apprécié la pièce de Michalik (couronnée d'ailleurs par 5 Molières) car ils verront les limites du passage à la réalisation cinématographique (déception comparable à celle éprouvée pour "les chatouilles")
Pour tous les autres ce sera un "bon" moment; le rythme est si enlevé qu'on en oubliera les mouvements amples et inutiles de caméra (panoramiques travellings ascendants et descendants vues en plongée) alors que les mises en abyme semblent triompher (parallèle insistant d'ailleurs entre l'inspiration d'Edmond et celle de son personnage !!!)
Film servi par un casting assez époustouflant :Thomas Solivérès en Edmond fragile et pugnace, pétulant et naïf, Olivier Gourmet impeccable en Constant Coquelin , Dominique Pinon en régisseur et Michalik en Geroges Feydeau impressionnent
Colette
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13 janvier 2019
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09:41
De Lucas Bernard
avec Charles Berling, Swann Arlaud, Jennifer Decker
Le commissaire Beffrois attend la retraite avec un enthousiasme mitigé quand un vol de tableau retient son attention. Est-ce l’élégance du procédé ? L’audace du délit ? La beauté de l’œuvre volée ? Beffrois se lance à la recherche d’un voleur atypique, véritable courant d’air, acrobate
Rothko oui je connais ; Opalka je sais reconnaître… dit sans conviction ni vantardise le commissaire Beffrois. Ce qui le motive -pour sa dernière enquête, (il va bientôt être retraité), c’est moins le monde de l'art que la personnalité du "voleur" aussi agile qu’Arsène Lupin ; quelles sont ses motivations ? . Cette ultime affaire ne peut que le séduire car elle “sent le beau voyou et pas le délit qui sent la misère” et il découvrira les ruses et astuces d’un personnage apparemment "bien né"
On va assister à un jeu de cache cache, celui du chat et de la souris, entre flic et voyou. Or Charles Berling -avec ses chemises à fleurs d’une autre époque, ses marques d’essoufflement symptômes d’un âge avancé que narguent ses deux fils, est de tous les plans, à tel point que le titre du film serait "suspect" !! ("un beau voyou" ou enquête sur la personnalité d'un commissaire? )
Quoi qu’il en soit, hormis quelques rebondissements (surtout l’avant-dernier) bien venus, ce film "faussement" policier peine à convaincre. Certes la course sur les toits ou dans les dédales haussmanniens a son pesant de sueur, certes le "jeu" récurrent de portes qu’on claque (appartements surtout) est énergique -on passe allègrement avec Beffrois de l’autre côté de... Certes les trois acteurs principaux (Charles Berling, Swann Arlaud et Jennifer Decker) jouent à merveille.
Mais on s’ennuie vite -le film a la fâcheuse tendance à s’essouffler tout comme le commissaire... Et ce n’est pas l’empathie du réalisateur pour ses personnages (dont rend compte dans sa façon de filmer l’alternance entre scènes de "face à face" et incursions dans la vie privée ou intime de chacun) qui fera de ce film une "enquête jubilatoire sur le monde de l’art"; d’ailleurs on avait vite compris que la trame policière n’était que prétexte à la peinture de personnages....
Colette Lallement-Duchoze
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7 janvier 2019
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06:51
De Rohena Gera (Inde)
avec Tillotama Shome, Vivek Gomber, Geetanjali Kulkami
Prix du Public au Festival du Film Romantique de Cabourg 2018
Ratna est domestique chez Ashwin, le fils d'une riche famille de Mumbai. En apparence la vie du jeune homme semble parfaite, pourtant il est perdu. Ratna sent qu'il a renoncé à ses rêves. Elle, elle n'a rien, mais ses espoirs et sa détermination la guident obstinément. Deux mondes que tout oppose vont cohabiter, se découvrir, s'effleurer....
J’avais très peur d’être déçu, de voir un film hollywoodien ou bollywoodien, un de ces films à l’eau de rose sur fond social, eh bien ..pas du tout !
Ce film est pleinement réussi, et le public du festival romantique de Cabourg 2018, qui lui a attribué son prix, ne s’est pas trompé non plus. Scènes d’intérieur tamisées, tout comme la discrétion des personnages, au jeu tout en retenue. Scènes d’extérieur lumineuses telle la fête de Ganesh ou danse des domestiques devant l’immeuble cossu de leurs patrons, sont des moments de respiration qui ne sont pas là pour faire joliment exotique mais servent le propos. L’Inde, vue du dedans, pays fascinant où la transgression sociale est quasiment impossible.
Les rapports de classe sont finement montrés au contour d’un geste, d’une simple remarque, d’un silence. Le spectateur vit dans l’appartement que partage étrangement ce couple jeune maître/employée à demeure comme simple témoin, sans voyeurisme. Le scénario est crédible de bout en bout pour qui connaît le corset dans lequel la société indienne enferme ses sujets. L’actrice est superbement choisie car pour une fois elle n’est pas belle mais bien plus : une authentique personne prisonnière de ses rêves et de ses origines.
A voir avec grand intérêt et grande émotion.
Serge Diaz
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6 janvier 2019
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13:01
de Ryusuke Hamaguchi (Japon)
avec Masahiro Higashide, Erika Karata, Koji Seto
présenté au festival de Cannes (Compétition officielle)
La jeune Asako est éperdument éprise de Baku, un jeune homme imprévisible, fantasque et poétique, et très beau. Un jour, il disparaît laissant Asako désespérée. Fuyant Osaka, la ville du drame, la jeune femme tente de s'en remettre et se reconstruit tant bien que mal à Tokyo, où elle finit par rencontrer un garçon qui ressemble trait pour trait à Baku. D’abord effrayée et incrédule, elle s’abandonne à cette attirance (partagée), et s’installe avec le sosie du disparu. Asako voudrait lui dire la vérité mais ne veut pas perdre ce nouvel amour inespéré...
Ce film dont on vante la beauté formelle et la finesse psychologique, m'aura laissé une impression mitigée; ou pour parodier le titre original "netemo sametemo" "éveillé(e) ou endormi(e)"
Faisons fi des ressemblances -un peu hâtives et faciles- avec Rohmer -pour la tonalité- et avec Vertigo -pour la thématique du Double même si elle est inversée.
Dualité, gémellité, amour rêvé, amour fantasmé et amour vécu, cristallisation (stendhalienne) antagonisme passion/raison, sur fond de séisme(s) (sens propre et figuré) et de machisme ancestral, le cinéaste explore tout cela à travers le personnage d'Asako de l'adolescence à l'âge adulte
Baku l'être aimé et désiré au premier regard, au premier baiser, disparaît...Plus tard Asako rencontre son "sosie" ...s'apprête à l'épouser quand -et c'est le climax du film- retour du premier....Acceptation d'une forme de routine? ou constat assumé de l'ambivalence de toute chose? Comme le dit au final Asako "oui c'est beau" alors que son compagnon Ryhoei évoquait la laideur des flots boueux que charrie la rivière...
On retiendra toutefois quelques séquences .
La scène d'ouverture. La rencontre Asako Baku au sortir d'une expo est traitée avec une grâce quasi aérienne et le premier baiser a pour toile de fond des mini feux d'artifice lancés par des enfants; ce mélange de délicatesse et d'onirisme est d'une intense beauté suggestive.
Ou encore la scène de rupture : les lignes horizontales et verticales délimitent le champ visuel tout comme elles délimitent le champ des possibles (par-delà la digue abrupte ouverture sur l'infini de la mer) avant que l'épilogue ne concrétise le choix....
Colette Lallement-Duchoze
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4 janvier 2019
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06:24
de Hiner Saleem (Turquie France)
avec Mehmet Kurtulus, Ezgi Mola, Mesut Akusta
Lady Winsley, une romancière américaine est assassinée sur une petite île turque. Le célèbre inspecteur Fergan arrive d'Istanbul pour mener l'enquête. Très vite il doit faire face à des secrets bien gardés dans ce petit coin de pays où les tabous sont nombreux, les liens familiaux étroits, les traditions ancestrales et la diversité ethnique plus larges que les esprits...
Loin des afféteries symboliques de Kilomètre zéro, loin du surréalisme et de l’absurde de Vodka Lemon et après s’être frotté au genre western « à la kurde » dans My sweet pepper land, Hiner Saleem (d’origine kurde il vit à Paris) va utiliser les codes du polar pour les déjouer avec facétie -sa marque de fabrique- et les mettre au service du thème qui le taraude : l’oppression de son peuple
Dès le générique des images/peintures kitsch d’un mauvais goût ou d’un goût grossier- et qui seront reprises en partie seulement- semblent illustrer un propos et servir de mode d’emploi. Ce roman photo est relayé par des plans majestueux: un homme seul filmé de dos, à la proue d’un bateau ; le plan s’élargit : on franchit le Bosphore, ellipse : c’est la jetée, l’homme élégant toujours seul vient de débarquer sur une île. Nous sommes à Büyükada où un meurtre a été commis ; lui c’est l’inspecteur Fergan envoyé d’Istanbul ; avec ses faux airs de Grégory Peck, son imper à la Bogart, il a décelé dès le début deux indices qui en bonne logique aideront à trouver rapidement le coupable : l’arme utilisée et la goutte de sang dans l’oeil gauche de la victime (car si c’était le droit????)
Mais c’est sans compter sur la mesquinerie, les mensonges, le racisme, la xénophobie, le sexisme des habitants ; séparés par les conventions ancestrales très machistes, filmés séparément en groupes avec ces plans qui les montrent en enfilade ou en frontal comme dans « si tu meurs je te tue », femmes et hommes, Iliens consanguins, éructent la même rancœur à l’encontre de l’étranger, du Kurde en particulier, revendiquent la même justice immanente comme dans une zone de non-droit ! (ici on tue qui on veut affirme péremptoire une femme)
Intrigue policière (avec effet de miroir car l’inspecteur est comme le double de la romancière assassinée qui avait remué des secrets!!) intrigue sentimentale (ce serait le point faible du film) quête de soi (ou quand des révélations sur les origines de Fergan exacerbent les inimitiés) Qui a tué Lady Winsley est tout cela à la fois ; et si le réalisateur lorgne toujours du côté du burlesque (façon Otar Iosseliani), le ton facétieux et l’humour se sont un peu émoussés et avouons-le certains gags sont convenus…
Mais pour ceux qui découvriraient Hiner Saleem, Qui a tué lady Winsley est un film agréable à voir ; une fable non corrosive certes mais empreinte d’humour sur l’intolérance et le racisme
Colette Lallement-Duchoze
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31 décembre 2018
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11:40
de Gustavo Pizzi (Brésil)
avec Karine Teles, Otavio Müller, Adriana Esteves
Irène, mère de famille brésilienne, a des journées bien remplies. Entre 4 garçons, un mari rêveur, une sœur au bord de la crise de nerfs et une maison qui prend l’eau, elle tâche de tout orchestrer. Quand son aîné de 17 ans, recruté par une équipe de handball, annonce son départ pour l’Europe, Irène est prise de court : saura-t-elle, avec son optimisme bienveillant, inventer un nouveau quotidien pour sa tribu ?
Le film se présente comme une suite de petites scènes, de tableautins, d’où émerge une figure tutélaire, celle d’une mère aimante (Irène a quatre garçons; le départ imminent de l’aîné sélectionné par une équipe allemande de handball est vécu comme une amputation), celle d’une épouse qui ne s’en laisse pas conter (son mari est un brin mollasson en tout cas velléitaire). Comme les ratés domestiques (plomberie, porte condamnée qui oblige à passer par la fenêtre) elle perd parfois pédale (une seule séquence toutefois où elle crie son désarroi et risque de flancher ...mais son enthousiasme sa vitalité reprennent vite le dessus).
Une famille élargie (car la sœur d’Irène, victime de violences conjugales a élu domicile chez elle avec son fils) ; une famille modeste dans un contexte socio-économique que l’on devine au détour de transactions (avec la bureaucratie locale) d’humilités (la scène où Irène fière d’avoir réussi son bac pour adultes invite son ex employeuse à la cérémonie de remise de diplôme, frappe par ses non-dits si éloquents) de constats amers (délocalisation des usines qui hésitent à embaucher)
L’essentiel pour le réalisateur (qui est aussi le mari de l’actrice) est de montrer la vitalité d’un personnage quasi "loachien". Un personnage ordinaire qui par son énergie sa bienveillance en deviendrait presque extraordinaire ! Et l’actrice Karine Teles - qui est de tous les plans- interprète à merveille ce rôle
Et pourtant !
Est-ce la répétition (échelle qu’on escalade pour entrer ou sortir) est-ce l’insistance de certains plans -là où on eût aimé un peu plus de sobriété (l’exemple le plus frappant est celui où les deux corps de la mère et de son fils blotti en position fœtale semblent dériver sur une bouée) ou encore ? Est-ce tout cela qui fait que ces petits riens qui jalonnent le quotidien d’une vie « comme elle vient » perdent de leur intensité ?
Un film à voir ! Bien évidemment !
Colette Lallement-Duchoze
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29 décembre 2018
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D'Isabel Coixet 2017
avec Emily Mortimer, Bill Nighy, Patricia Clarkson, J. Lance
Adapté du roman de Penelope Fitzgerald (1994) ce film a remporté les Goyas du meilleur film, de la meilleure réalisatrice et du meilleur scénario adapté lors de la 32e cérémonie des Goyas (ou Premios Goya) 2018
En 1959 à Hardborough, une bourgade du nord de l’Angleterre, Florence Green, décide de racheter The Old House, une bâtisse désaffectée pour y ouvrir sa librairie. Lorsqu’elle se met à vendre le sulfureux roman de Nabokov, Lolita, la communauté sort de sa torpeur et manifeste une férocité insoupçonnée.
C’est un très beau film à déguster pour les fêtes que nous offre la réalisatrice espagnole Isabel Coixtet.
Film romanesque à souhait, délicat, attachant, profond, avec un zeste de tristesse, mais une belle leçon de courage féminin qui finit par l’emporter.
La dignité très british prend le pas sur le désir de vengeance. Nous sommes en 1959 au pays des sœurs Brontë, mais cette histoire flaubertienne est universelle comme le sont tous les bons scénarios.
Chaque personnage a droit à sa construction complète et maîtrisée, on traverse diverses saisons au temps bien typique, pluies, et éclaircies, mais le ton donné par la protagoniste principale est au sourire.
Une belle histoire à contre courant des films actuels et ce n’est pas un mince compliment, à voir comme on lit une nouvelle émouvante auprès d’un feu de cheminée.
Serge Diaz
Published by cinexpressions
29 décembre 2018
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De Alvaro Delgado-Aparicio 2017 (Pérou)
avec Junior Béjar Roca, Amiel Cayo, Magaly Solier
Meilleur film péruvien festival de Lima 2017
Ours de Cristal, Berlin 2018
Dans une région reculée du Pérou, Segundo, un jeune garçon de 14 ans, se prépare à suivre les traces de son père dans l'art traditionnel du retable. En se rendant à une fête de village, Segundo observe accidentellement son père dans une situation qui le bouleverse profondément. La découverte de ce secret inavouable lui révèle la réalité brute du monde dans lequel il grandit
Le titre choisi « mon père » de préférence à « Retablo » insiste sur la relation père/fils. Elle est prégnante voire primordiale ; relation complice qui va se fissurer avant de renaître dans une forme de rédemption. Dans la première partie le réalisateur filme le père et le fils dans le même plan -vus de dos au moment de la toilette ; de face quand ils travaillent à l’atelier ; de pied en cap quand ils partent livrer ; dans la deuxième -à partir du moment où Segundo a découvert l’homosexualité de son père- le fils est seul, seul avec son chagrin, seul avec sa révolte contenue ; dans le dernier tiers du film il accompagnera la souffrance d’un père mourant. Filiation et transmission. Mais que vaut l’héritage quand la figure paternelle dispensatrice d’un savoir-faire et d’un savoir-être s’effondre ? Et ce d’autant plus quand on vit comme Segundo dans une petite communauté isolée, si respectueuse de traditions ancestrales qu’elle condamne toute déviance ; toute violation de ses principes; jusqu’à nous paraître homophobe et primitive. En deux tableaux d’un réalisme cru le réalisateur met l’accent sur la punition collective (ces deux « voleurs » de vaches torse nu fouettés jusqu’au sang sur la place publique ; le fils qui subit l’opprobre des jeunes de son âge car il est pour l'opinion, contaminé malgré lui « fils de pédé; pédé toi même »).
Pour répondre à cette problématique le réalisateur a choisi l’art du retable; un art qui précisément ne peut se transmettre que de père en fils ; un art qui va présider à certains choix formels.
Car la puissance de son film vient essentiellement de sa beauté formelle ; une beauté sidérante ! Caméra fixe souvent, le réalisateur a cadré les personnages telles des figurines ; de plus il nous fait pénétrer dans les arcanes de cet art en ouvrant et fermant des fenêtres et/ou des portes (semblables à celles des retables) Ainsi se conjuguent l’art du retable et l’art cinématographique. Car si le premier est un portail de vie, le second découpe les scènes en « petites boîtes », avec cette impeccable concordance entre fond et forme ; variant couleurs et lignes en fonction de ce qu’éprouve Segundo.
Un film à ne pas rater !
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
28 décembre 2018
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À la fin du XIXe siècle, le dandy et écrivain de génie Oscar Wilde, intelligent et scandaleux brille au sein de la société londonienne. Son homosexualité est toutefois trop affichée pour son époque et il est envoyé en prison. Ruiné et malade lorsqu’il en sort, il part s’exiler à Paris. Dans sa chambre d'hôtel miteuse, au soir de sa vie, les souvenirs l'envahissent…
Le célèbre acteur anglais Rupert Everett a investi énormément de temps et d’argent pour réaliser les dernières années d’Oscar Wilde... Un vieux rêve qui lui tenait à cœur, un grand coup de chapeau au génie de ce poète homosexuel à l’humour si brillamment british. L’auteur du portrait de Dorian Gray fut condamné à deux ans de prison pour ses frasques sexuelles bannies dans l’Angleterre victorienne du 19ème siècle.
On se laisse embarquer dans un tourbillon de scènes tantôt en flashback tantôt lors de son errance de dramaturge célèbre devenu pauvre, de la France à l’Italie.
Certes les images sont belles et la caméra légère, les couleurs raffinées, mais la musique en surcharge fait écho au jeu trop appuyé de Rupert Everett.
Ce manque de sobriété nous prive de l’émotion que l’on s’attendait à éprouver pour une fin de vie tragique.
Le réalisateur/acteur en rajoute dans le vieillissement, copie à l’évidence Marlon Brando dans le Parrain, et l’on s’étonne d’une telle influence du cinéma mélodramatique américain sur un personnage aussi anglais.
Volontairement ou pas, les personnages ne sont pas sympathiques, hormis Robbie son ex-amant malmené.
Quant aux dialogues ils sont trop littéraires ou hectiques pour donner de la chair aux protagonistes.
Dommage.
Serge Diaz
Published by cinexpressions