26 septembre 2018 3 26 /09 /septembre /2018 07:56

de Benoît Delépine et Gustave Kervern 

avec Jean Dujardin Yolande Moreau 

 

Argument:

"Escroc à la petite semaine immoral et odieux, obsédé par la réussite et allergique à l'effort,Jacques (Jean Dujardin) débarque dans la vie de sa soeur (Yolande Moreau), gérante d'une communauté Emmaüs, bien décidé à trouver la recette du succès".

I Feel Good

Une filmographie qui plaide pour l’humain en dénonçant les dérives d’un système qui broie les faibles et les éclopés de la vie, une esthétique déjantée qui exalte la colère (‘Aaltra Mammuth Le grand soir), c’est bien la marque du tandem Kervern Delépine. Pour I Feel Good, ils ont tourné dans le village Emmaüs de Lescar-Pau (Pyrénées-Atlantiques) "une communauté alternative qui accueille les compagnons et développe plusieurs activités : une zone de bric-à-brac, une recyclerie-déchetterie et une ferme alternative" 

Yolande Moreau est Monique la directrice et Jean Dujardin le frère Jacques qui débarque -en peignoir...- Nourri de clichés empreints de macronisme ; clichés qu’il récite comme un bréviaire (et il est truffé de perles !!!) ce loser, est moins à la recherche d’un travail "authentique" que d’une idée qui devrait le rendre immensément riche...Jusque-là tous ses plans ont foiré -et à mesure qu’il les évoque, face à sa sœur médusée, leur illustration à l’écran en dénonce l’imposture ...et le ridicule

L’affrontement (verbal) entre le frère et la sœur ou l’illustration d’un clash entre le monde de la solidarité et celui du profit à tout prix ? (à un moment Yolande Moreau murmure, aimante et bienveillante, les bienfaits de la solidarité, d’un monde qui n’est pas contaminé par la violence mortifère de l’argent et le village -groupuscule- en est la preuve  éclatante )

Mais le film réserve des surprises: le frère a réussi ...à convaincre des compagnons en quête d’une certaine IMAGE (vendue comme condition sine qua non de leur  bonheur ou du moins d'un mieux-être) , de pratiquer une chirurgie plastique à bas prix...en Bulgarie….

Et au final un vrai twist ! Comme ultime pied de nez !!!

Si le choix du plan séquence assure une certaine fluidité (ce qu’a toujours privilégié le duo de metteurs en scène) si le jeu des deux acteurs est "impeccable" (surtout Jean Dujardin qui pour le rôle s’est inspiré de Vittorio Gassman) si la comédie aux allures de fable entraîne sinon l’adhésion du moins la connivence, il y a néanmoins quelques "longueurs" et cette "fâcheuse impression" d’un spectacle cadré et apprêté, ce qui risque d’altérer le plaisir du spectateur.

Il est vrai qu’on est loin de la veine surréaliste dAvida de l’inventivité d’Aaltra et du duo frappadingue du "grand soir"….

 

Colette Lallement-Duchoze


 

 
Le couple de copains-réalisateurs Benoît Delépine et Gustave Kerven sont tout le contraire des frères Dardenne. Ces derniers traitent du social avec talent et profondeur, émotion et tragique, et nous transportent ; les auteurs de I feel good, eux,  se servent du social mais ne déclenchent aucune réflexion, renversent les situations pathétiques en comique de répétition, et  lassent le spectateur même bienveillant au bout de quelques répliques.
Jean Dujardin n’est là que pour attirer du public, la folie du frère de Yolande Moreau jouée sans nuances n’est finalement plus une critique de l’esprit libéral mythomane à la Bernard Tapie mais un simple cas pathologique caricatural qui nous éloigne de l’intention des cinéastes de dénoncer le credo macronien.
En résumé, un film un peu raté sur le plan politique, ambigu même sur le fond car on rit davantage des pauvres hères naïfs et demeurés que de leur manipulateur. Dommage, dans un autre style le sujet aurait pu porter bien plus loin.
La fin du film sous forme de rédemption ne réussit pas non plus à nous convaincre de l’intérêt humaniste du message que les deux réalisateurs, gentiment anars, laissaient entendre dans leurs interviews.
Espérons que leur veine ne soit pas tarie, mais je le crains...à moins de sortir du style “sketch pour télévision grand public”.
 
Serge Diaz (2/09/18)
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23 septembre 2018 7 23 /09 /septembre /2018 04:58

De Jacques Audiard (USA France)

avec Joaquin Phoenix, John C. Reilly, Jake Gyllenhaal, Riz Ahmed

 

Ce film présenté à la Mostra de Venise a obtenu le prix du meilleur réalisateur (le 8/09/2018)

 

En 1851, dans l'Oregon, les frères Eli et Charlie Sisters sont deux tueurs à gages engagés par le Commodore, pour récupérer la formule du chimiste Hermann Kermit Warm et tuer celui-ci à l'aide du détective John Morris....

 

Les Frères Sisters

En s’attaquant au genre le plus canonique Jacques Audiard -dont c’est le 8ème film- semble avoir réussi son  pari

 

Comme Leone -pour ses westerns dits spaghetti – il a tourné en Espagne  les scènes d’extérieur, les 3 régions sont mentionnées dans le générique de fin, (les scènes d’intérieur ont été filmées dans des studios en Roumanie) ; comme dans le western dit crépusculaire il complexifie les caractères : Charlie et Eli Sisters seraient les deux faces d’une même médaille et ce duo -à la gâchette facile- est par un effet spéculaire dupliqué par cet autre :Warm – le chimiste- et Morris -le détective lettré ; il fait de la traversée de l’Orégon à la Californie en passant par Mayfield, une fable picaresque avec un substrat moins "moral" que philosophique ou psychanalytique. Entendons par là que l’aspect circulaire (à la fin de leur périple les deux frères dont l’un amputé retrouvent le giron maternel), et  l’image du père -elle s’impose sous forme de cauchemar, elle a son équivalent dans la figure du Commodore redoutable et invisible- renvoient explicitement à Freud alors  que la vision d’un monde plus égalitaire en phalanstères, celle revendiquée par le chimiste, à l’opposé de la recherche effrénée du profit personnel, confère à ce film une portée "politique". .Certains aspects : la recherche de l’hygiène - découverte amusée de l’usage de la brosse à dents ou d’une chasse d’eau-  ,le  symbole de l’araignée qui a fait son nid dans la bouche d’Eli, l'amputation (castration?), le  jeu constant d’inversion (Frères/Soeurs, Mme Mayfield tenancière Virago) renvoient à la fable (apologue?) alors que d’autres : scintillement des pépites grâce au produit miracle de Warms, fragrances dont s’imprègne Eli alors qu’il touche délicatement l’étole de la prostituée, écran noir qui joue le rôle de raccord cut,  s’apparentent à une forme d’onirisme qui contraste avec la violence qui a précédé ou qui va suivre….

Les coups de feu seront quasiment hors champ (on leur préfère un crépitement étoilé), pas de très gros plans prolongés (hormis sur le cheval d’Eli moribond), des effets de ralenti ou quelques fondus enchaînés, une voix off celle du détective lettré qui  joue le rôle de narrateur, le fait d'écrire, lire philosopher pendant certaines "pauses", tout cela qui en soi n’est pas innovant, l’est indubitablement dans le genre western revisité par...

La scène d’ouverture (cf affiche) mériterait un commentaire particulier tant elle encode le film et pour la forme et pour le sens

 

Jacques Audiard en "renouvelant" un genre a fait la part belle à la musique d’Alexandre Desplat, tout en dirigeant quelques monstres du cinéma américain dont Joaquin Phoenix et John C Reilly (qui est plus ou moins à l’origine du projet)

 

Un film à voir, certes, mais qui à mon humble avis ne mérite pas la critique dithyrambique de certains commentateurs patentés (les mêmes qui avaient encensé les lourdingues "de rouille et d’os" et  "Dheepan")

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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21 septembre 2018 5 21 /09 /septembre /2018 02:33

de Germinal Roaux

avec Kidist Siyum Beza, Bruno Ganz, Patrick d'Assumçao

 

 

Sélectionné à la Berlinale dans la section «Generation», dédiée à l’enfance,  ce film a reçu l'Ours de Cristal pour le meilleur film et le Grand prix du Jury International de Generation 14plus

 

 

Fortuna jeune Ethiopienne de 14 ans est accueillie avec d'autres réfugiés par une communauté de religieux catholiques dans un monastère des Alpes suisses. Elle y rencontre Kabir, un jeune Africain, c'est le coup de foudre. C'est l'hiver  et à mesure que la neige recouvre les sommets, le monastère devient leur refuge mais aussi le théâtre d'événements qui viennent ébranler la vie paisible des chanoines. Ceux-ci vont-ils renoncer à leur tradition d'hospitalité? Parviendront-ils à guider Fortunata vers sa nouvelle vie?

Fortuna
Mon Dieu quel ennui !
 
Peut-être est ce dû à mon esprit laïc allergique à la compassion religieuse mais je n’ai aimé que 3 minutes du film : la conversation entre le moine interprété par Bruno Ganz et l’acteur Patrick d’Assumçao, interprétant une sorte d’homme à tout faire du monastère. Il s’agit de savoir si la jeune Ethiopienne de 14 ans, enceinte d’un Africain qui a fui le monastère, doit avorter ou pas. Bruno Ganz dit “parfois on fait le mal en voulant faire le bien”. Et les choses en resteront là.
 
Le scénario est bien maigre, le noir et blanc mal éclairé rend encore plus sinistre le déroulé de l’histoire quasiment tout le temps sous la neige . Les plans sont longs sans recherche esthétique particulière autre que du déjà vu des ambiances bibliques.
Nous sommes dans la tristesse jusqu’au cou, et j’ai senti de la part du réalisateur comme un voyeurisme de type religieux très malsain, voire... de plus : démobilisateur.
 
La compassion est une condition nécessaire mais pas suffisante.
 
Il serait intéressant de comparer ce film avec le documentaire Libre qui sort en même temps à l’Omnia cette semaine, sur le même thème.
L’ambiance ne sera pas la même !
 
Serge Diaz
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19 septembre 2018 3 19 /09 /septembre /2018 16:20

De Jim Cummings (USA)

Avec lui-même, Kendal Farr, Nican Robinson

Section ACID Cannes 2018 

Grand Prix Festival de Deauville 2018

 

L’histoire de Jimmy Arnaud, un policier texan qui essaie tant bien que mal d’élever sa fille. Le portrait tragi-comique d’une figure d’une Amérique vacillante.

Thunder Road

Écrit réalisé interprété et produit par Jim Cummings ce film s’ouvre sur un (trop) long plan-séquence qui sert de prologue : les funérailles de la mère. Jimmy Arnaud officier de police, le fils, s’abstrait de l’assistance et il va prononcer une oraison funèbre faite de paroles à la fois convenues et inattendues, de gesticulations, de pleurs non maîtrisées ; et patatras le lecteur CD ne fonctionne pas...on ne pourra entendre le morceau préféré  de la défunte! qu’à cela ne tienne Jimmy Arnaud en pantomime muet exécute Thunder Road …. (C’est sur ce plan que le film se clôt d’ailleurs ; "rappel " inutile,  n’importe quel spectateur l’aurait mis en parallèle avec la chorégraphie à laquelle assistent le père et la fille dans la dernière séquence…)

Le ton est donné. Celui de la logorrhée et du dérapage (non) contrôlé. Et de fait, nous allons assister à une succession de "ratés" tant dans la vie privée (divorce, garde de l'enfant Crystal) que professionnelle (désobéissance, propos comminatoires) de cet homme. Qu'on est loin des propos affichés avec arrogance quand son "ami" lui demande si ça va "si un jour tu me vois me battre avec un alligator, aide l'alligator"  Ratés et pertes successives ponctuent l'itinéraire de ce (faux?) bravache. A travers Jimmy Arnaud le réalisateur/acteur semble dénoncer des schémas culturels et des comportements qui font florès dans le sud des Etats Unis, où le "mâle" rêve d'être John Wayne. Si l'acteur est talentueux, si le film fait la part belle aux plans séquences, si l'alternance violence/accalmie, larmes/rires crée un tempo, si le personnages est presque pathétique - à l'instar d'un clown- dans sa vaine tentative de "revenir en arrière", il y a ce je ne sais quoi qui peut vous laisser à quai ....

à vous de juger !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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17 septembre 2018 1 17 /09 /septembre /2018 05:20

d'Emmanuel Mouret 

avec Cécile de France, Edouard Baer, Alice Isaaz

 

argument: 

Mme de La Pommeraye, jeune veuve retirée du monde, cède à la cour du marquis des Arcis, libertin notoire. Après quelques années d’un bonheur sans faille, elle découvre que le marquis s’est lassé de leur union. Follement amoureuse et terriblement blessée, elle décide de se venger de lui avec la complicité de Mademoiselle de Joncquières et de sa mère...

Mademoiselle de Joncquières
Ce film est un régal pour les yeux, les oreilles, le cœur et l’esprit.
 
La belle langue française du XVIIIème siècle est à l’honneur dans ce festival d’habiles et raffinés dialogues, ponctuée par des musiques d’époque. Les costumes et les coiffures des femmes en harmonie avec les décors sont un enchantement. Cécile de France incarne une femme perverse certes, mais si séduisante ! et son jeu est parfait. Edouard Baer ne badine pas comme on aurait pu le craindre, ses répliques sont autant de traits d’esprit qui traduisent la philosophie libertine de l’époque : Névrose de la séduction quand tu nous tiens !
On nous dit qu’il s’agit d’une vengeance féministe contre ces hommes qui séduisent pour mieux abandonner leur proie, prémisse d’un combat contemporain mais le procédé utilisé par la Marquise pour se venger du désamour du Marquis est tout aussi cruel même si la fin surprend tout un chacun.
 
C’est léger, profond, bien mené, et ça donne même envie de lire ou relire Diderot !
 
A voir comme un élixir de jouissance.
 
Serge Diaz
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8 septembre 2018 6 08 /09 /septembre /2018 02:59

 

Ce documentaire de Michel Toesca (présenté à Cannes HC ) sera projeté

 

en avant-première, dimanche 23 septembre à 10h30 à l'Omnia (Rue de la

 

République Rouen) 

 

Un débat en présence du réalisateur suivra la projection 

 

Libre

synopsis

La Roya, vallée du sud de la France frontalière avec l'Italie. Cédric Herrou, agriculteur, y cultive ses oliviers. Le jour où il croise la route des réfugiés, il décide, avec d'autres habitants de la vallée, de les accueillir. De leur offrir un refuge et de les aider à déposer leur demande d'asile.
Mais en agissant ainsi, il est considéré hors la loi... Michel Toesca, ami de longue date de Cédric et habitant aussi de la Roya, l'a suivi durant trois ans. Témoin concerné et sensibilisé, caméra en main, il a participé et filmé au jour le jour cette résistance citoyenne. Ce film est l'histoire du combat de Cédric et de tant d'autres.

 

lien

https://www.jour2fete.com/distribution/libre

 

Extraits de l'article de David Fontaine paru dans le  Canard enchaîné du 26/09/18

 

 Libre (l'étoffe des Herrou)

 

[...] Un documentaire exceptionnel. Il fait saisir sur le vif le sens d'un combat pour la dignité et fait peu à peu émerger la figure d'un vrai héros, d'un héros tout simple, qui ne se prend pas au sérieux, qui prend sans façon un bébé dans ses bras mais sait aussi  tenir tête aux flics de tout poil (police aux frontières, CRS, gardes mobiles...) et aux autorités de tout acabit (proc, juges, dircab du préfet...) Juste parce qu'il veut être "libre" , libre de manifester sa fraternité  envers les clandestins, libre de leur permettre d'exercer leur droit d'asile, envers et contre l'Etat, qui les refoule illégalement [...]

Un documentaire-à-terre, qui fait aussi voir le ciel

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6 septembre 2018 4 06 /09 /septembre /2018 17:42

Documentaire réalisé par  Margarethe von Trotta (Allemagne France)

 

Ingmar Bergman est considéré comme l’un des réalisateurs les plus importants de l’histoire du cinéma. À l’occasion du centenaire de sa naissance en 2018, la cinéaste allemande Margarethe Von Trotta s’interroge sur l’héritage du maître, son travail et sa vie personnelle, qui continue d’inspirer des générations de réalisateurs.

A la recherche d'Ingmar Bergman

Ni biopic ni hagiographie

J'entends déjà des esprits chagrins  dénoncer des « manques » ou s'offusquer de l’omniprésence à l'écran de Margarethe von Trotta (il n'y aura pas de voix off) . Or la réalisatrice allemande a été invitée par la Fondation Ingmar Bergman à "livrer un regard personnel qui réinvente la vision que l’on peut avoir sur les travaux du réalisateur" (décédé en 2007) Et c’est bien d’une recherche qu’il s’agit et du rapport qu’elle entretient avec l’oeuvre du cinéaste suédois. (cinéaste qu’elle avait bien connu à Munich à l’époque où suite à des démêlés avec le fisc il avait dû fuir la Suède). Un questionnement aussi sur son héritage dans le cinéma d’aujourd’hui

 

Voici un paysage marin que dévorent falaises et rochers ; Margarethe von Trotta se promène et nous guide en commentant tous les plans qui « ouvrent » le  "Septième sceau".  C'est à Paris qu'elle a vu ce film - sorti en 1957, et ce fut comme  une Révélation ; elle sera cinéaste alors que rien ne la prédisposait à l’être ….

 

Et la voici qui "musarde" elle erre dans les rues enneigées de Paris (prologue), sur la plage en Suède, en Allemagne, entre dans le restaurant préféré de Bergman:  en marchant sur les "pas" de son Maître, elle  arpente son passé.

Témoins, acteurs, comédiennes (dont Liv Ullman) réalisateurs (Assayas Carlos Saura ou Ostlund entre autres ) collaborateurs, membres de la famille et le documentariste Stig Björkman, se prêtent au jeu  des questions/réponses;  et ces interviews entrecoupées d’images d’archives (dont celle de l'enterrement ) et d’extraits de films (Persona, le Septième sceau, Les fraises sauvages,  Les forains,  le miroir, Scènes de la vie conjugale,  Fanny et Alexandre, Saraband) composent une sorte de puzzle d’où émerge la personnalité du cinéaste - ses exigences en tant qu’artiste, ses « manques » ou « tares » en tant que père ou amant...ses obsessions et ses cauchemars (Olivier Assayas insiste par exemple sur le rôle de l'enfance dans la filmographie de l'auteur) 

Daniel (fils de Bergman et de la pianiste Kabi Laretei) lui-même cinéaste évoque la difficulté à grandir dans l’ombre d’un tel génie avant que retentisse cet aveu "depuis qu’il est mort jamais il ne m’a manqué" ; plus facétieux Ruben Ostlund  -palme d’or à Cannes 2017 pour The Square – avoue carrément préférer se « marrer » avec les vidéos YouTube plutôt que disserter sur Saraband  (2003) ou Persona. (1966) À l’inverse il faut entendre le scénariste Jean-Claude Carrière, exégète de Persona,, ce film à la beauté inégalée 

 

En partant sur les traces du cinéaste et celles de son propre passé Margarethe von Trotta propose ainsi un regard original sur des  "destins croisés" (rappelons que le film Les années de plomb figure sur la liste des 11 films préférés de Bergman ....)

 

Un documentaire à voir (absolument) 

 

Colette Lallement-Duchoze

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4 septembre 2018 2 04 /09 /septembre /2018 05:48

De Matthew Portefield   (USA)

Avec McCaul Lombardi (Keith) , Jim Belushi  (le père)  Zazie Beetz (Courtney) 

 

Prix du jury du long-métrage au dernier Champs Elysées Film Festival.

argument

Sollers Point, Baltimore. Aujourd’hui. Après une absence forcée, Keith, 24 ans, retourne habiter chez son père, il retrouve Sollers Point, son quartier de Baltimore de plus en plus marqué par le chômage, la violence et la ségrégation. Il y retrouve aussi ses démons.

Sollers Point -Baltimore

Si la trajectoire concerne un personnage (Keith récemment sorti de prison assigné à résidence) s’’il est quasiment de tous les plans, (McCaul Lombardi est admirable de force et de justesse), le réalisateur le filme très souvent en présence de ...car Sollers Point est bien -à travers le parcours d’un individu- un portrait de groupe, le tableau désolant d’un quartier de Baltimore et partant le microcosme d’une Amérique désoeuvrée. Lors d’une partie de cartes chez le père de Keith, un des joueurs rappelle avec nostalgie la notoriété des aciéries Bethlehem et la fierté d’y travailler (or leur faillite depuis le début des années 2000 a laminé les villes qui en dépendaient). Si le père vit de sa retraite les jeunes s’adonnent à des trafics (drogue armes) à la prostitution et c’est le triomphe de codes dits « virilistes »

 

Ainsi c’est par Keith et par toutes ses rencontres que nous allons découvrir les tensions qui innervent le tissu périurbain de Baltimore en même temps que nous découvrons sa personnalité profonde : Courtney son ex amie dira explicitement  "il n’a pas mûri c’est un ado"  Voyez-le avec Scout -chien bien-aimé ; avec sa mamie substitut de la mère dans l’étreinte des retrouvailles ; tel un enfant démuni il en vient à solliciter de l’aide auprès d’un chef de gang raciste, ou hésiter à acheter des armes pour se débarrasser de ses ex-compagnons de taule -alors ses protecteurs….Et pourtant que de tentatives de réinsertion!! Toutes frappées d’inanité ? …serait-ce une fatalité ???  que de déceptions ! (il ne peut se rendre à l’anniversaire de sa nièce, il est viré du stage de clim, il est définitivement « plaqué » par Court, etc. ) En tout cas le film semble traversé par deux forces contraires "chute et rédemption"  mais sans la connotation religieuse

 

Certains plans sont éminemment signifiants dans leur sobriété même : première séquence Keith écoute du Heavy Metal dans sa chambre et la caméra montre sans insister le bracelet électronique à la cheville....voici dans une pièce, le père avachi dans une chaise longue, c’est l’été, le ventilateur est en marche; voici une femme "en vrac" assise côté passager Keith la reconduit chez elle -(sans demander une quelconque participation) nous ne voyons pas son visage mais ses tremblements et les morsures sur le bras tels des stigmates en disent long sur ses pratiques de droguée ; plan large Keith d’un côté d’un grillage s’adresse à son ex amie (le grillage dit la séparation définitive alors qu’il vient de subir deux ans durant l’enfermement). un vaste panoramique sur un cimetière: Keith écrasé dans l'immensité, va se recueillir sur la tombe de sa mère; douleur et solitude;  le plan choisi pour l'affiche illustre la vaine tentative de réinsertion : Keith est, restera comme entre deux eaux

 

Sans verser dans le misérabilisme, renouant par moments avec le genre dit naturaliste, jouant avec ellipses et non-dits, imposant un tempo qui fait alterner violence et accalmie avant que n'éclate la fureur  contenue  Matthew Porterfield signe là un film d’auteur indépendant que je vous recommande  vivement

 

Colette Lallement-Duchoze

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31 août 2018 5 31 /08 /août /2018 05:29

Trois  courts métrages (même producteur Emmanuel Chaumet) révélés à la Semaine de la Critique à Cannes

After school knife fight de Caroline Poggi et Jonathan Vinel

Laetitia Roca Nico Naël se retrouvent en terrain vague pour leur ultime répétition. Leur groupe n’existera bientôt plus car Laêtitia va partir pour ses études. Histoire de ces jeunes adultes qui n’ont pas envie de se dire au revoir

 

Les Îles de Yann Gonzalez

des personnes traversent un dédale érotique et amoureux avec le désir pour seul guide

 

Ultra Pulpe de Bertrand Mandico

Station balnéaire abandonnée. Fin de tournage d’un film fantastique sur la fin d’un monde. Deux femmes membres de l’équipe de cinéma, l’une actrice l’autre réalisatrice, Apocalypse et Joy, sont sur le point de mettre fin à leur relation amoureuse

 

Ultra Rêve

Puisque les 3 courts métrages sont présentés ensemble, on est en droit de se poser la double question de la thématique et d’une éventuelle progression.

 

Musique (en I) théâtre (II) cinéma (III) et pour les 3 une  puissance esthétique et un travail sonore indéniables (avec un  bémol pour I où la bande son est trop cristallisante); refus du "naturalisme"; (cf  le manifeste paru dans les Cahiers du Cinéma  "nous poursuivons un cinéma enflammé un cinéma pour les rêveurs transpirants, les monstres qui pleurent et les enfants qui brûlent. Un cinéma qui jouit et se consume sans compter")

 

Ultra Rêve? en I un jeune rockeur doit se séparer de la chanteuse à qui il n'a jamais (pu) déclaré(er) son amour;  mais le traitement -jeu distancié, et non-dits, voix off, images rajoutées, la clairière comme garage de répétition-   m'a donné l'impression d'un court métrage expérimental (et ce, quoi qu'en dise Yann Gonzalez présent lors de la projection mardi 28 août qui, sincèrement ébahi,  en louait l'admirable fluidité)  A ce chant d’adieu, vont succéder deux chaudes nuits où la fusion fantasmagorique par le sexe (en II) devient érotisme pulpeux  qui n'exclut nullement l'humour (en III). Et c'est dans ce dernier que l'explosion des couleurs des sensations de la musique est la plus manifeste, d'autant qu'elle est sous-tendue par une interrogation sur l'essence même du cinéma. Bertrand Mandico avait habitué son public à ces atmosphères - entrelacs de surréalisme et de fantastique, une île à la fois décor et mirage dans Les Garçons sauvages; où  "la beauté doit être redéfinie comme dépendant plus de l'imaginaire de chacun que de diktats collectifs"  Pour exemple : voici  Vilma Pons qui raconte son trouble quand à 10 ans elle a découvert le cinéma cannibale et porno de Joe d'Amato ....

 

A vous de juger (encore deux séances à l'Omnia dimanche et lundi à 21h45)

 

Colette Lallement-Duchoze

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30 août 2018 4 30 /08 /août /2018 12:28

Premier long métrage de Lukas Dhont (Belgique) 

Avec Victor Polster (Lara) Arieh Worthalter (le père)

 

Caméra d'Or au festival de Cannes  et prix d'interprétation masculine (pour Victor Polster) dans la section Un Certain Regard

Argument

Lara, 15 ans, rêve de devenir danseuse étoile. Avec le soutien de son père, elle se lance à corps perdu dans cette quête d’absolu. Mais ce corps ne se plie pas si facilement à la discipline que lui impose Lara, car celle-ci est née garçon.

Girl

Pour réaliser son double rêve : être femme, être danseuse étoile, Lara,  née Victor, doit lutter et physiquement et psychologiquement, pendant cette période de transition (traitement médical intensif avant la grande opération). Alors que l’entourage est bienveillant (surtout le père qui l’accompagne l’encourage) Lara est impatiente : son corps ne change pas ou du moins pas assez vite (et nous la voyons à maintes reprises regarder dans la glace d’éventuelles métamorphoses au niveau des seins et des fesses).

C’est ce parcours que le jeune réalisateur Lukas Dhont met en scène et c’est le jeune Victor Polster, un ado de 16 ans, au physique androgyne, qui incarne de façon sidérante le personnage.

Ce film est inspiré d’une histoire vraie -comme le réalisateur l’a rappelé hier soir à l’Omnia face à un public nombreux, impressionné et conquis- une histoire qui l’a hanté depuis ses 18 ans (Nora le « modèle » a d’ailleurs accompagné l’équipe à la Croisette mais elle ne tient pas à sortir de l’ombre)

Loin des clichés ou des poncifs il s’agit bien d’une souffrance dans la chair comme condition sine qua non de sa métamorphose !

 

Lara est de tous les plans. Elle porte le film, dévore l’écran par son énergie sa ténacité mais aussi par sa grâce ! Le réalisateur a privilégié les gros plans (visage, pieds meurtris) et plans rapprochés (cours de danse, chambre, voiture aux côtés du père, cuisine). Ce n’est pas le regard de l’autre qui est primordial mais les émotions qu’éprouve Lara en toute circonstance, et ces émotions se lisent sur le visage de Victor Polster, s’expriment dans des gestes apparemment banals (préparations culinaires, mouvements de la main) Les séquences consacrées à la danse (très nombreuses et répétitives) insistent moins sur les tortures que le milieu inflige (c’est devenu presque un poncif) que sur la volonté de Lara à les braver en se faisant violence ; pieds ensanglantés, pénis sanglé dans des sparadraps, infections urinaires, tout cela devient comme la métaphore d’une autre souffrance, celle de ne pas encore habiter un corps désiré (même si extérieurement le visage maquillé, les cheveux blonds relevés en chignon, les vêtements donnent à voir une jeune femme) ; de même les « mutilations » qu’elle impose à son corps, en préfigurent une autre …. qui a fait frémir certains spectateurs !

 

Ni vulgarisation clinique, ni plaidoyer moral, encore moins drame licencieux flirtant avec le sensationnalisme, ce film sur le mal-être est aussi une histoire de tolérance toute en sensibilité en émotion retenue (et le père contenant souvent son désarroi face au mutisme de sa fille, n’en a pas moins adopté une belle solidarité avec elle)

 

 

Un chuchotement :Lara Lara c’est l’éveil/ réveil écran encore noir ; c’était le prologue

Lara Lara c’est l’appel angoissé du père à son chevet (après la mutilation…)

Majestueuse et sereine(?) Lara avance filmée en frontal :  c’est le plan final

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Un film à ne pas  manquer! 

 

Girl
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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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