13 janvier 2024 6 13 /01 /janvier /2024 06:13

De Joachim Lafosse (2023)

 

avec Daniel Auteuil (François Schaar), Emmanuelle Devos (Astrid Schaar) , Jeanne Cherhal  (la commissaire) Matthieu Galoux  (Romain Schaar, le fils adoptif)

Argument Silencieuse depuis 25 ans, Astrid, la femme d’un célèbre avocat, voit son équilibre familial s’effondrer lorsque ses enfants se mettent en quête de justice.

Un silence

le fait divers ne fait pas un film, c'est l'écriture (Joachim Lafosse)

 

 

Le film s’Inspire de l’histoire de Victor Hissel, cet avocat des familles des fillettes disparues victimes de Marc Dutroux  avant d’être lui- même impliqué dans une affaire de détention d'images à caractère pédopornographique. Si le cinéaste fait allusion à certains faits « vérifiables » :la volonté d’en finir (l’avocat se dit contraint d’abandonner la défense 1998) la perquisition 2008, la tentative d’homicide, les procès,  ce sera le plus souvent en courts instantanés et dans une chronologie éclatée. Car là n'est pas le propos !!

Non seulement Joachim Lafosse refuse le spectaculaire, le voyeurisme, et le naturalisme (lui préférant la théâtralisation) mais il adopte de bout en bout le point de vue de la mère, une mère aimante certes, mais une épouse complice qui a choisi de se taire…des décennies durant ! Le visage d’Astrid/Emmanuelle Devos ? un palimpseste à décrypter ! Silence ? le "personnage"  principal de la tragédie qu'un motif musical  rend encore plus suffocant(e) (implosion annoncée d'une famille?  "lourd secret"  qui taraude  avant d'être ébruité?)  

Le film s’ouvre sur une séquence assez longue où le regard inquiet d’Astrid au volant de sa voiture s’impose au spectateur dans le reflet du rétroviseur (en écho le tout dernier plan du film, plan fixe prolongé sur son visage…presque plus éloquent que le verdict !) Séquence suivante : au commissariat Astrid a choisi de « parler » face à une « commissaire » bienveillante (étonnante Jeanne Cherhal); encore que …la question « pourquoi avez-vous cherché à me joindre ? » restera en suspens

Le film ? à la question (comme dans A perdre la raison) « comment en est-on arrivé là ? une réponse en flash back. Mais une réponse par bribes. Réponse assez déroutante (recours aux périphrases aux allusions censées sinon combler du moins expliciter les non-dits), mais ô combien efficace (la scène au commissariat par exemple reprise mais « contextualisée », la récurrence de gestes apparemment identiques mais filmés sous un autre angle, la circulation des regards souvent de biais, inquisiteurs réprobateurs rarement complices) une réponse qui restera parcellaire …(surtout ne pas spoiler)

L’enfermement des personnages avec leur "conscience" -aux prises avec leurs démons pour l’avocat- Joachim Lafosse le rend palpable par la récurrence de l’habitacle de la voiture, -qui par métaphore devient habitacle de la conscience- par la spatialisation intérieure de la maison bourgeoise, son cloisonnement  -l’antre où "se réfugie"  l’avocat,  son ordinateur où est compilé l’abject et dont la bande-son en une fraction de seconde dit l’innommable, les escaliers qui jouent le même rôle que la grille à l’entrée de la propriété, la télévision que regardent enlacés la mère et le fils quand la parole de l’avocat est médiatisée, et le couple qui se frôle sans vraiment se parler. Palpable aussi par le choix d’ambiances semi obscures et celui du flou (la part d’ombre de l’avocat ? alors que son propre discours s’affichera toujours tel un plaidoyer pro domo dans l’hypocrisie permanente de l’évitement ou, plus condamnable, dans la stigmatisation de l’autre, cet autre (justice médias famille) forcément "coupable"  Sobre Daniel Auteuil l’est assurément (gestes déplacements placidité) mais Emmanuelle Devos est cardinale dans l’incarnation d’une mère, non exemplaire, dépositaire d’une culpabilité honteuse….

Un film à ne pas rater !

(Même avec des bémols …caricature de la presse , épisode nocturne avec Romain)

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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12 janvier 2024 5 12 /01 /janvier /2024 08:06

de Cédric Khan (2023)

 

avec Denis Podalydès, Jonathan Cohen, Souheila Yacoub, Stefan Crepon, Emmanuelle Bercot

Simon, réalisateur aguerri, débute le tournage d'un film racontant le combat d'ouvriers pour sauver leur usine. Mais entre les magouilles de son producteur, des acteurs incontrôlables et des techniciens à cran, il est vite dépassé par les événements. Abandonné par ses financiers, Simon doit affronter un conflit social avec sa propre équipe. Dans ce tournage infernal, son seul allié est le jeune figurant à qui il a confié la réalisation du making of.

Making of

Bienvenue dans le monde merveilleux du cinéma dit l'affiche

Surtout ne pas prendre à la lettre ce pseudo slogan publicitaire …C'est une antiphrase

 

Plus qu’un film sur le tournage d’un film (c’est le sens littéral de making of) le dernier opus de Cédric Khan est aussi un film mise en abyme (d’ailleurs à un moment Diana se moque du jeune récemment embauché, il faillit à sa tâche en faisant un film « sur le cinéaste » et non « sur le tournage »). Film gigogne Making of ou l’histoire du film d’un film dans le film et à chaque fois trois points de vue, trois formats d'images, trois tonalités. Des « manières de voir » (fonction de l’image) donc mais qui vont de pair avec des situations de « travail » (les ouvriers du film, toute l’équipe de tournage, le jeune dont les rêves se concrétisent dans son making of) et que Cédric Khan met  en étroite relation avec des « situations » -réelles filmées fantasmées- dans un  jeu de « pistes » mais dont le questionnement permanent est bien le rapport entre le « réel » et sa « représentation » lequel se double de problématiques annexes, multiples en leur arborescence,; certaines sont « vitales » eu égard  à la survie du film    .

Avec un mélange de burlesque ( limite pantalonnade parfois) et de sérieux (les affres du réalisateur ses problèmes de santé et de couple) un tempo qui fait alterner séquences trépidantes et scènes plus « intimes », making of se plaît à jouer sur les « effets miroir » : au moment du tournage du film sur une lutte sociale, le cinéaste (admirablement interprété par Denis Podalydès) est confronté aux mêmes problèmes que ceux vécus par les ouvriers du film …dont certains d’ailleurs interprètent leur propre rôle !!!. A la question cruciale « poursuivre ou non la lutte quand on ne touche pas un centime » accepter ou non  la prime -de survie- proposée par le patronat, fait écho « continuer à tourner sans « cachets » sans indemnités, accepter de  "travailler gratuitement"  ?

Cédric Khan met en exergue certains clichés?  (producteur mytho, acteur vedette égocentrique -cf les vitupérations de Diana à son encontre)  Oui mais n’est-ce pas pour mieux les « incorporer » au film en fabrication sur le film ? où domineront en permanence le financement du projet (course contre la montre), le respect ou non du scénario initial (cf les discussions avec les tenants de la rentabilité à tout prix exigeant une fin « optimiste ») et les histoires personnelles. Trois problématiques qui s’entrelacent avec équilibre grâce au travail de montage (Yann Dedet)

Un film que je vous recommande même si Cédric Khan  occulte (délibérément ?) un enjeu bien réel - qui a existé bien avant « l’affaire Depardieu »- à savoir les violences sexistes et sexuelles sur les plateaux de tournage… Il se contente d’un « vague clin d’œil »

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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8 janvier 2024 1 08 /01 /janvier /2024 04:26

de Matteo Garrone (Italie 2023)

 

avec Seydou Sarr (Seydou) Moustapha Fall  (Moussa) Issaka Sawadogo  (Martin)  Hichem Yacoubi (Ahmed) Doodou Sagna  (Charlatan)  Ndeye Khady Sy  (Mère de Seydou)

 

 

Récompense Mostra de Venise :Lion d'argent du meilleur réalisateur et Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir pour Seydou Sarr

Argument: Seydou et Moussa, deux jeunes sénégalais de 16 ans, décident de quitter leur terre natale pour rejoindre l’Europe. Mais sur leur chemin les rêves et les espoirs d’une vie meilleure sont très vite anéantis par les dangers de ce périple. Leur seule arme dans cette odyssée restera leur humanité...

Moi Capitaine

Adopter un point de vue différent de celui auquel les Européens sont habitués, suivre les migrants depuis leur pays d’origine et terminer leur douloureuse -pour ne pas dire tragique- odyssée au moment où ils arrivent sur les côtes italiennes, c’est ce que revendique Matteo Garrone.

Or le documentaire de la cinéaste belge Morgane Witz Teghadez Agadez TEGHADEZ AGADEZ - Le blog de cinexpressions la fiction L’ordre des choses de Andrea Segre sur l’hypocrisie des politiques menées en Lybie L'ordre des choses - Le blog de cinexpressions ou encore la fiction Hope De Boris Lojkine, HOPE - Le blog de cinexpressions pour ne citer que quelques films récents, prouveraient si besoin était que Moi capitaine n’est pas le premier film à renverser le point de vue européen en adoptant celui du migrant

 

En mêlant réalisme et onirisme, tendance documentaire et fiction, en esthétisant à tout prix (la longue traversée du désert, les choix de cadrages,  la répartition des couleurs) en opposant la douceur du contexte familial (scène d’ouverture placée sous le signe de la fête et du partage au Sénégal) et la rudesse impitoyable du périple, la foi en des pouvoirs animistes et la violence dans les ghettos des passeurs sur le sol africain, en privilégiant l’humanité foncière du jeune Seydou (formidable Seydou Sarr) confronté à la barbarie (cf tortures et prisons en Lybie) Matteo Garrone, certes excellent « conteur »(cf Tale of tales, Dogman Dogman - Le blog de cinexpressions évoquerait plus un rite de passage, une odyssée quasi mythique -voire épique- hérissée de toutes les horreurs.

 

Atmosphères nocturnes bleutées, plans aériens, chorégraphies savantes où l’être humain individualisé est comme un noir bâtonnet dans l’ocre infini du désert, corps calcinés ou desséchés, gros plans sur des visages tuméfiés, etc. la succession des tragédies ainsi traitée (esthétique esthétisante), dévitalise le propos initial,  et dessert une démarche revendiquée haut et fort !

 

Dommage !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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7 janvier 2024 7 07 /01 /janvier /2024 09:48

De Selma Vilhunen (Finlande 2023)

 

avec  Eero MilonoffAlma PöystiOona Airola

 

Juulia découvre que son mari Matias a une liaison avec une autre femme prénommée Enni. Pour sauver leur mariage, elle lui propose d’expérimenter le polyamour et d'inventer les nouvelles règles de leur vie conjugale. Un champ des possibles amoureux s’ouvre alors à eux…

Amours à la finlandaise

Un titre programmatique (et l'ajout sur l'affiche  scènes de la vie extra conjugale  serait un clin d’œil complice à Bergman ?) Une mélodie doucereuse (cf couleurs pastel et mièvrerie de l’affiche) ? Le titre en version originale serait plus prosaïque : Quatre adultes insignifiants  Neljä pientä aikuista

En fait, nous allons assister, et ce, pendant plus d’un an, à la mise en  " pratique" du polyamour (Julia a "potassé"  la méthode, a offert  un exemplaire à son mari et  un autre à la maîtresse Eni)

Comique de situation : la  "pratique"  ne correspond pas toujours à la "théorie"  (les spécialistes n’auraient pas envisagé tous les cas de figure ; bifurcations, aléas, revendications et surtout le piège (insurmontable ?) des différences de classe sociale (cf les aveux de Miska  au restaurant)

 

Amours à la finlandaise ou Une façon d’en finir avec le couple hétérosexuel exclusif monogame ? Peut-être 

 

Mais enrober moult clichés (jérémiades ou lamentations, discussions aux thèmes éculés etc..) dans une surprenante fadeur, voilà qui ne peut que déplaire (du moins à certains spectateurs)

Et pourtant les deux acteurs (Alma Pöysti héroïne sublime des feuilles mortes de Kaurismäki et Eero Milonoff héros non moins sublime de Border d'Ali Abassi) jouent à merveille ce contraste éloquent qui oppose la fougue de l’un à la placidité assumée de l’autre (Matias semble toujours extérieur à ce qu’il vit, hormis peut-être lors de cet ultime  "sermon " (il est pasteur) où pour la première fois il s’exprimera sans …lunettes…. Un cri ! Une déchirure venue du tréfonds ! un dévoilement de ce qu’est l’humain !

 

En voulant contourner les pièges du drame bourgeois (celui du trio vaudevillesque) la réalisatrice proposerait une réflexion sur tous les possibles de l’amour quand on veut éviter le divorce (le spectateur est ainsi ballotté du duo originel, aux deux « nouveaux » duos jusqu’au quatuor et au quintet Julia Matias Eni Miska et son compagnon- l’acmé est la séquence de Noël chez les parents de Matias)

 

Mais attention nulle licence, nul débordement tout est gentillet (soft) -même dans les scènes de séduction sexuelle-.  Chacun joue sa partition en « respectant » scrupuleusement les règles …

Après avoir inhalé les "fameux poppers "(scène d’ouverture où le couple quadragénaire scelle dans l’étreinte amoureuse le serment d’amour éternel) voici un vol d’oiseaux striant de ses hachures le ciel automnal….  premier cliché !

Une femme députée, briguant le poste de « présidente » du « parti de l’équité », va mêler sa « propre » histoire (polyamour vécu au grand jour et non en cachette) aux revendications sociétales de son parti, est-ce vraiment « révolutionnaire » ?

 

Je vous laisse juge

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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6 janvier 2024 6 06 /01 /janvier /2024 06:53

documentaire réalisé par Mila Turajlić (Serbie 2010)

 

à voir gratuitement sur Tënk (jusqu'à demain minuit)

 

Cinema Komunisto - Film documentaire - Tënk (on-tenk.com)

Leka Konstantinovic, projectionniste personnel de Josip Broz Tito durant 32 ans, a montré exactement 8801 films au président de la Yougoslavie. Avec des réalisateurs, vedettes et chefs de studio yougoslaves, il nous raconte comment le Maréchal Tito (1892-1980) a donné forme à la Yougoslavie d’après-guerre et a en même temps utilisé l’industrie cinématographique pour créer l’histoire du nouveau pays. Ce film raconte l’histoire du pays d’une manière jamais vue à l’écran. Rassemblant des archives exclusives inédites, il recrée l’histoire d’un pays qui était peut-être lui-même une fiction.

Cinema Komunisto

 

« La citation inaugurale du film, « l'histoire du cinéma est l'histoire du pouvoir de créer l'histoire» synthétise bien le projet de Mila Turajlić, de Cinema Komunisto jusqu’à son récent diptyque, Ciné-guerrillas et Non-alignés, tous deux construits à partir des images tournées par Stevan Labudović, caméraman pour les actualités cinématographiques yougoslaves à travers le monde, et notamment en Algérie. Avec Cinema Komunisto, la cinéaste prend comme point de départ les studios abandonnés de Belgrade, vaste cité du cinéma qui lui sert de métaphore pour l'ex-Yougoslavie dans son entier. En faisant dialoguer des images d’archives, d’actualité ou de fiction, et les témoignages de ceux qui ont participé à l’essor de l’industrie cinématographique à l’époque, Mila Turajlić interroge la manière dont le gouvernement socialiste de l'époque a utilisé le cinéma pour écrire le récit politique du pays, autant dans les histoires que le cinéma raconte que dans les moyens déployés pour en faire une industrie rivalisant avec Hollywood. 
 

L’équipe éditoriale de Tënk

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5 janvier 2024 5 05 /01 /janvier /2024 14:00

Documentaire réalisé par Marianne Lère Laffitte (2023)

Chapelle-Darblay est la dernière et unique usine à fabriquer du papier journal 100% recyclé en France. Fermée depuis septembre 2019 sur décision de son propriétaire finlandais, la papeterie centenaire est désormais menacée de démantèlement. À sa place, un site de production d'hydrogène est prévu. Alors que les 217 salariés, les "pap-chap", ont perdu leur emploi, trois délégués du personnel, deux ouvriers syndiqués et un cadre sans étiquette, toujours présents sur le site, se battent pour sauver la papeterie de la fermeture. Vont-ils réussir à sauver leur usine ?

L'usine, le bon, la brute et le truand

Dès que je suis arrivée sur le site, j’ai vu un film : le lieu est très cinématographique et impressionnant. C’est le génie humain incarné dans ces machines. Et les trois personnages que j’avais devant moi formaient un attelage parfait. Même en écrivant une fiction je n’aurais pas pu faire mieux. »

 

Et de mai 2021 à juin 2022, elle va filmer au plus près à la fois les lieux -gros plans ou plans d’ensemble ou ralentis sur le  monstre d’acier  – et le combat mené essentiellement par trois hommes, Cyril et Julien, syndiqués CGT et Arnaud un cadre, trois hommes qui malgré une appellation/sobriquet (censée les rapprocher du western…) ont mis leur fougue leur enthousiasme leurs convictions dans un combat pour « sauver l’entreprise’ ».

(Foin de la brutalité et de la malfaisance à la Sergio Leone mais lutte pour l’équité) Après un rappel historique où se succèdent à un rythme rapide les photos témoins d’une activité prospère (l’ébullition en flagrante opposition avec le vide sidéral ambiant, un changement de format -cadre dans le cadre- alors qu’une voix mezzo interprète un chant -diatribe contre le libéralisme carnassier- ) nous allons pénétrer dans les « coulisses » de la « lutte sociale ».

En effet, le « trio » va empêcher la multinationale finlandaise UPM United Paper Mills (alors propriétaire de l’usine) de démanteler leur outil de travail, revendre les Pap Chap au groupe Samfi-Prapec, qui reprendrait éventuellement la moitié des employés licenciés. Le trio -aidé en cela par la métropole, (préemption)-  est partisan de l’offre Veolia qui avec Fibre-excellence propose de racheter l’usine et de restaurer les 230 emplois originels.

Un bras de fer donc ! Une lutte menée par ceux qui auraient pu s’appeler « les 3 connards » comme le rappelle, facétieux, Cyril Briffaut mais qui n’ont rien « lâché » (tant sur le plan du droit, de la finance que sur le plan écologique) Un combat avec l’appui de la CGT, du collectif Plus jamais ça, des élus locaux, de toutes les personnes qui ont soutenu les Pap Chap. La réalisatrice suit les fluctuations dans leurs négociations avec minutie et empathie  (il y aura quelques spectateurs réfractaires : l’attelage « cadre + syndiqués CGT » leur paraissant "suspect"  - et pourtant  Arnaud avait  explicité son choix-,  et critiquent vertement l’emphase ou l’optimisme béat de ce film; grand bien leur fasse  !!!)

 

Des plans d’ensemble sur les ouvriers en liesse, un plan très rapproché sur une femme dont le visage laisse perler un(e) pleur, etc. attestent de la « victoire » (du jamais vu affirme Philippe Martinez alors secrétaire général de la CGT) Cf l’article Mediapart Rachetée, la papeterie de la Chapelle Darblay va reprendre le recyclage | Mediapart

 

Un film sur l’intelligence collective et sur la fraternité (Marianne Lère Laffitte)

Ce film va faire comprendre aux gens que la résignation n’est pas une solution. Lorsqu’un employeur décide de fermer un site, aujourd’hui, cette décision peut être remise en question, et plus seulement sur le thème des indemnités de départ Arnaud le  "mec de droite"

 

 

Un film à ne pas rater !!…

 

Colette Lallement-Duchoze

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28 décembre 2023 4 28 /12 /décembre /2023 08:23

De João Miller Guerra - Filipa Reis (Portugal 2023)

avec  Carla Maciel Fátima SoaresVitória Nogueira da SilvaPaulo Calatré Sara Machado

 

Présenté au festival de Cannes 2023 Quinzaine des cinéastes 

Synopsis: Dans un vieux manoir situé au nord du Portugal, Ana aide Emília, la vieille gouvernante qui continue de prendre soin d’une demeure où les propriétaires ne se rendent plus. Au fil des saisons, Mónica, la fille d’Ana, remet en question les choix de sa mère, et ces trois générations de femmes tentent de comprendre leur place dans un monde en déclin, où le cycle de la vie ne se renouvelle qu’après d’inévitables fins.

Légua

"Les lumières sont allumées, mais il n'y a personne à la maison"

Une chouette effraie sur une branche, tache blanche dans l’obscurité verte, c'est le premier plan; en écho au final le même rapace mais filmé sous un autre angle. On sait que ce rapace aime les vieilles bâtisses et les endroits tranquilles. La première séquence, consacrée à Ana, est marquée par la sensualité et la sexualité (longue scène d’amour avec son mari). Le film semble s'ouvrir sur des perspectives …que la suite va corroborer ou déjouer ?

Ana, fidèle servante, aide la vieille gouvernante Emilia à entretenir une vaste maison vide (les propriétaires sont absents) et -comme ce sera souvent le cas dans ce film- certains gestes sont filmés en temps réel non par souci de  "lenteur" mais pour les magnifier les sacraliser (ainsi de l’art de faire un lit qui  appartient à un temps révolu). La bâtisse -dont les contours extérieurs ne seront "montrés" qu’à la fin- mais dont l’intérieur respire l’ancien (mobilier tapisseries photos/souvenirs, couleurs) et que certains plans avec ou non des profondeurs de champ, restituent dans le silence quasi sidéral propre aux maisons hantées, est le réceptacle d’une problématique : inanité des efforts déployés ? (c’est le point de vue de Monica la fille d’Ana), respect quasi religieux du passé dans la continuité des rites du pays ancestral? (Emilia) coexistence passé présent à sauvegarder sans entacher un "possible" futur ? (Ana). Victor, le mari maçon, plus pragmatique, veut profiter d’un salaire plus décent à l’étranger et il enjoint sa femme de le suivre en France …  Alors que nous voyons s’activer les deux femmes, préparant la venue des propriétaires ou d’éventuels locataires  -imaginaires ??-  dépoussiérer, lustrer, préparer les repas-,  que nous entendons les diktats de l’aînée et sommes témoins des tentatives avortées d’Ana pour « égayer » les lieux par la musique. En extérieur Ana s’adonne aux travaux champêtres au jardinage etc.. Comme la digne incarnation des « travaux et des jours » ?

Le film opère un tournant avec la découverte de la  "maladie"  incurable d’Emilia (devenue Milinha) et nous assisterons simultanément à la lente « agonie » de cette femme (à l'instar d'un monde qui se meurt?) et à la souveraine conquête d’Ana sur elle-même, sur les lieux et sur le temps, dans l’exercice même d'une soignante zélée et affectueuse (cf le pouvoir incontesté de ses mains qui massent, qui caressent la douleur) Dans cette partie il est des plans sublimes où le corps souffrant, dans sa nudité vieillissante, est comme métamorphosé grâce à cette "liturgie" des gestes  (auparavant nous avions découvert le corps d’Emilia allongé, les yeux clos écoutant ave et pater, préfiguration de la mort ?). 

Ana la servante  "maîtresse des lieux"  devenue ??

Outre la relation filmée avec délicatesse (deuxième partie) entre Ana et Milinha, le film témoigne  -sans ostentation- du conflit de générations et des perceptions du monde opposées (la fougue de Monica contrastant avec le visage renfrogné d’Emilia, l’ambiance festive lors de l'anniversaire  d’Ana -pour ses 49 ans-  opposée au silence de la gouvernante gardienne d’un vide qu’elle habite de sa fidélité) ; la musique illustre ces dissimilitudes (contrebasse harpe piano d’une part et morceau de techno pour la scène de rave party par exemple)

Et pourtant via Skype Monica sollicite l’aide de sa mère pour la cuisson d’un steak !!! (Traditions culinaires à perpétuer !!!)

La campagne environnante, celle du hameau Légua, dont la lumière et les couleurs varient avec le passage des saisons, témoigne dans sa diversité même -montagnes plaines plan d’eau rivière Tâmega- d’une force tellurique aussi puissante que cette race bovine portugaise (cf le plan où une vache envahit de sa superbe tout l’écran)

Un film à ne pas rater !   

 

Colette Lallement-Duchoze

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27 décembre 2023 3 27 /12 /décembre /2023 16:18

d'Henrik Martin Dahlsbakken (Norvège 2023)

 

avec Alfred Ekker Strande (Munch 21 ans) Mattis Herman Nyquist (Munch 30 ans) Ola G Furuseth (Munch 45 ans) Anne Krigsvoll (Munch 80 ans) Jesper Kristensen (Dr Jacobson) Ylva Fuglerud (Inge la soeur de Munch)

 

Musique Tim Fain

Argument: Sur quatre temporalités distinctes, cette fiction retrace le parcours et les tourments d’Edvard Munch (1863-1944) mondialement célèbre et pourtant méconnu. Après son premier amour, le jeune Edvard Munch se rend à Berlin où la révélation de son génie se heurte aux réticences de l’arrière-garde. On le retrouve plus tard à Copenhague, en proie aux doutes et en lutte contre ses propres démons. Au crépuscule de sa vie, il consacre ses dernières heures à préserver son œuvre de la mainmise des nazis qui occupent la Norvège. Ces motifs dressent le portrait foisonnant et changeant de l’homme derrière Le Cri.

Munch

Un biopic apparemment « inventif » : le peintre norvégien est « incarné » par 4 acteurs différents dont une actrice, en des lieux différents (dont une île norvégienne, Berlin, Copenhague); Henrik Martin Dahlsbakken se plaît en outre à "jouer" de  l'anachronisme (la période berlinoise est traitée post mortem, début XXI° siècle) ainsi que  des allers et retours incessants  d’une période à l’autre (après un plan où un travelling latéral montre 4 portraits en effigie  -les interprètes de Munch-, le film consacre la première séquence à Munch vieillard en butte à la Wehrmacht)

Un « portrait éclaté » donc ! Telle une mosaïque ? Ce que renforceraient les traitements différents (passage de la couleur au noir et blanc, changement de format). Assurément !

A cela il convient d’ajouter ces derniers plans où l’audacieuse vue circulaire et rapide sur des tableaux du peintre invite le spectateur à les mettre en parallèle, rétrospectivement, avec ce qu’il vient de voir, où le gros plan sur un autoportrait souligne l’étrange ressemblance avec  l'acteur Alfred Ekker Strande qui interprète la première période, et où un lambeau de film d'époque en noir et blanc saisit le visage de Munch vieillissant,  tel celui d’Anne grimée. Dont acte. (de vraisemblance ??)

 

Mais que dire de ces ciels en arrière fond qui prétendent « imiter » ceux des toiles de Munch ? De cette tendance « tableaux animés » ? Sinon qu’on est en plein « exercice de style » 

Exercice de style inscrit précisément dans cette volonté de raconter à tout prix et simultanément l’homme et l’artiste dans une chronologie éclatée et une narration fragmentée (avec ces clichés pour le premier :  le romantisme du jeune amoureux, la période en noir et blanc à la clinique avec tous les effets de trucage indicateurs de folie, les conquêtes amoureuses, la violence des rapports, l’addiction à l’alcool -et ces glougloutements si exagérés qu’ils frisent le ridicule ; et ces non moins clichés pour le second :  Munch vu de dos dans un coin de verdure harnaché de son chevalet et de sa palette, ou ces plans serrés sur ce geste qui fait crisser la toile, ou les esquisses de ce qui deviendra « le cri », la déception à Berlin quand il doit essuyer le refus d’une galerie, qui lui avait pourtant promis de l’exposer et ces hurlements qui s’ensuivent dans les toilettes (les cris ?) etc. )

 

On pourra toujours arguer que tout cela doit rendre palpables à la fois la versatilité et l’universalité du peintre!!!

N’empêche !!!

Bousculer une trame narrative, suffit-il à s’affranchir de tous les clichés sur le biopic dit traditionnel, ceux que l’on déplorait a priori?

 

A vous de juger !!!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

PS: les Rouennais qui en 2006 avaient vu  le film (référence) de  Peter Watkins  (1973) E Munch, la danse de la vie, dans le cadre du festival du cinéma nordique, pourront "comparer" avec ce "biopic" (qui se veut très branché....)

Munch

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25 décembre 2023 1 25 /12 /décembre /2023 08:00

 

  De Hamé Bourokba et Ekoué Labitey  (2022)

 

avec Garance Marillier, Amir Bettayeb, Bakary Keita, Mamadou Minté, Sandor Funtek, Virginie Acariès

Synopsis: Mia, 25 ans, employée dans un petit salon de manucure dans le 18e à Paris, apprend qu’elle est enceinte. Il lui faut trouver d’urgence un nouvel appartement alors que son copain Nabil, en liberté conditionnelle, peine à joindre les deux bouts. Lancée dans une frénétique course contre la montre, Mia monte une combine impliquant des clientes du salon, des soirées privées, et un footballeur-star. Cette fois, elle n’a plus le choix : elle doit reprendre son destin en main...

Rue des Dames

Un film au rythme de « thriller » urbain ? Certes Mais en mêlant plusieurs « intrigues » en arborescence, le film dit choral- voix et partitions interprétées par une profusion de personnages- souffre précisément d’une inégalité dans le traitement et Mia censée être LE personnage principal devient un point de convergence, un instrument (double sens) (ce qui ne remet nullement en cause la prestation de Garance Marillier)

 

A cela s’ajoutent des portraits aux traits exacerbés : le flic en civil querelleur et baiseur, les footballeurs hypermédiatisés et hyper-friqués - leurs nuits tarifées grâce au recrutement dans un lieu hyper-huppé près des Champa Elysées, les intermédiaires dans des « guerres intestines » et à chaque fois un détail révélateur mis en exergue puis « oublié » dans le mouvement d’une « course contre la montre ». Or les « sous-intrigues » ne font que parasiter l’ensemble au lieu de le « sublimer » ce qu’accentuent le choix de la caméra portée et la prédilection pour les plans serrés (visages par exemple) au service de tractations peu légales, de castagnes , d’hémoglobine et d’embourbement incontrôlé pour les « victimes »

 

La circulation souvent endiablée de personnages (les fils narratifs) se conjugue avec la localisation qu’impose le titre toponymique Rue des Dames - le métro La Fourche séparant le 17ème et le 18ème. Les cinéastes rappeurs tentent de la restituer en ses couleurs spécifiques avec un mélange de réalisme et de naturalisme.  (à l’instar de la séance d’échographie en ouverture, qui montre et dit sans souci moralisateur ? hormis que le radiologue prodigue en conseils n’avait pas pu envisager  l’éventualité d’un « coup de pied »)

La rue comme personnage principal ?

 

Célébrer les « gens de peu » tel était l’objectif des deux cinéastes

Pari réussi ?

A vous de juger

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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24 décembre 2023 7 24 /12 /décembre /2023 06:09

de Celine Song (USA 2023 )

 

avec Greta Lee (Nora adulte) , Yoo Tea (Hae Sung adulte) , John Magaro (Arthur) Moon Seung-ah (Nora enfant)   Seung Min Yim (Hae Sung enfant) 

 

Présenté au Festival Sundance 2023 et à la Berlinale en compétition

Prix : meilleur premier film au New York Film Critics Circle Awards, meilleur film aux Gotham Awards

 Nominations aux Golden Globes (dont meilleure actrice pour   Greta Lee)

Synopsis: A 12 ans, Nora et Hae Sung sont amis d’enfance, amoureux platoniques. Les circonstances les séparent. A 20 ans, le hasard les reconnecte, pour un temps. A 30 ans, ils se retrouvent, adultes, confrontés à ce qu’ils auraient pu être, et à ce qu’ils pourraient devenir.

Past lives  - nos vies d'avant

La scène d’ouverture est surprenante : dans l’atmosphère feutrée d’un bar new-yorkais voici attablés face au public, trois personnages dont deux Asiatiques; on entend une (ou 2) voix off qui questionne(nt) à partir de ce que suggèrent les sourires les regards et les silences, et ce questionnement pourrait être le nôtre qui sont-ils ? deux touristes et un guide ? un frère une sœur un ami ?-un trio amoureux ? Première réponse : 24 ans plus tôt en  Corée …Le flashback va ainsi structurer le film en trois mouvements rétrospectifs à partir de cet « épisode » « augural », (cf le synopsis).

 

Un film salué par la critique dans l’unanimité du dithyrambe Osons quelques bémols

 

Pour cette romance si empreinte de mélancolie (celle du "bonheur d’être triste"??)  et magistralement interprétée (jeu tout en nuances de Yoo Tea) , la mise en scène serait fluide  Une fluidité hélas souvent entachée d’affectation… Ne serait-ce que dans cette recherche quasi systématique des contre-jours, dans le recours au floutage, aux travellings et aux gros plans fixes et longs (visages, mains qui se frôlent sans se toucher). Ne serait-ce aussi que dans une forme de symbolisme qui, trop appuyé, perd en force suggestive (ainsi des mouvements de va-et-vient de ces bateaux touristiques qu’accentuerait le bouillonnement de l’eau, de ces hublots dans le métro, cadres dans le cadre, ainsi de ce plan -qui s’impose au flux mémoriel – une bifurcation qui sépare spatialement les deux enfants, prélude à deux itinéraires, le chemin plat et les escaliers,   etc…) Quant à la façon de filmer les deux mégapoles -et surtout New-York- on a souvent la fâcheuse impression d’être comme immergé dans les décors d'une immense carte postale. Et pourtant la ville n’est pas qu’une « toile de fond », car pour isoler -symboliquement le duo  amoureux ,  la réalisatrice sait déceler de furtives encoches dans le lustré et le satiné tels les marqueurs de leurs pérégrinations

 

Dialogues subtils ? Hormis ceux qui insistent sur la force d’un fatum et ses (faux)  sortilèges,  sur les « vertus » et la puissance du « inyeon » -à l’insu ou non d’Arthur - ils pêchent souvent par la récurrence du constat "c’est compliqué"  :conclusion hâtive comme pour couper court à l’énigme (insoluble?)  d’une attirance magnétique, comme pour se contenter d’une esquisse là où on était en droit d’attendre tout autre chose (du moins telle semblait être la démarche de la réalisatrice)

 

Si les deux grands antagonistes à la « romance » sont le temps et le Pacifique - le dernier travelling latéral très lent et l’effondrement de Nora dans les bras d’Arthur après le départ de Hae Sung sont impressionnants et ne donneraient-ils pas  in fine la réponse à la question qui taraude Hae-Sung ? Si tu n'avais pas quitté Séoul, est-ce que je t'aurais cherchée

 

La scène inaugurale, prélude à nos vies d’après  ?

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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