Certes le film s’inspire d’un poème épique de Jaroslav Vrchlicky 1853 1912 (mythologie des Croisades, celle des enfants en 1212 Svojanovský křižáček. ) -une phrase est d’ailleurs citée en exergue dans le long prologue. Mais la thématique essentielle est celle de l’absence, de la recherche de l’être aimé (ce que n’a cessé de répéter le cinéaste à l’issue de la projection et lors d’une masterclass)
Dès lors nous allons assister à une autre forme de "croisade" celle d’un père en quête du fils disparu….avec, tel un scapulaire, le visage de Janik brodé par la mère
Si le réalisateur a choisi le format 4.3 celui du portrait, celui qui enferme, c’est que le "voyage" du père est aussi un voyage intérieur où la conscience affronte ses propres démons : la peur et la culpabilité. Enfermé dans le cadre, enfermé dans son être intérieur. Et dès que le petit Janik revêtu de son casque d’enfant et muni de son épée aura quitté le château familial, dès que débute la quête, Borek sera de tous les plans : filmé de face, de dos, seul ou au milieu de groupes, à cheval ou terrassé; les gros plans sur son visage alternant avec des plans moyens et plus larges
Chaque "étape" pourrait évoquer une station du Calvaire. Les personnages rencontrés, des manants le plus souvent, sont filmés dans la compacité d’un groupe aux habits mordorés alors que les enfants s’alignent en une théorie au blanc typique de Zurbaran
Dans ce "voyage" les longues plaines (le film a été tourné en Italie) vont se substituer aux forêts, l’horizontalité à la verticalité ; ciel infini et au milieu ce chevalier/cavalier; à la foi inébranlable en la réussite de sa "quête" . La narration minimaliste allie une fluide délicatesse à la permanence de la tension (celle précisément qui se lit sur le visage de Borek, celle du désarroi, des attentes et des espoirs déçus...)
Le récit est rythmé par la récurrence du thème musical créé et interprété par Votjech Havel et Irina Havlova. Scandé par une bande-son très travaillée (martèlement des sabots des chevaux, bruissement du vent ...) il fait de la Nature un personnage à part entière
Les fondus au blanc, les décalages dans le déplacement de la caméra, le rendu de faits concomitants alors qu’ils sont séparés et dans l’espace et dans le temps, tout cela concourt à illustrer les images mentales de Borek, où le temps est comme figé dans la fixité de l’éternel
Un film d’une sidérante beauté
Un film envoûtant
Colette Lallement-Duchoze
Lors de la séance en sa présence, le réalisateur a insisté sur l'importance de la relation père fils dans le choix du sujet de son film. Ce choix se comprend mieux quand on a vu "80 lettres" (2011) son film précédent (programmé en 2013 au festival) qui raconte son histoire, celle d'une famille: Les vaines démarches administratives en Tchécoslovaquie communiste d'une mère et d'un fils cherchant à rejoindre le père en Grande Bretagne.
Little Crusader peut alors se lire comme une sorte de miroir au film précédent, les deux films se construisant sur une quête inversée.
J'avais particulièrement aimé le précédent, celui-ci, beaucoup plus lent et onirique a mis une bonne demi heure à me happer!
Jacqueline
vendredi 9/02/18