De Kim Ui-seok (Corée du sud)
avec Jeon Yeo-bin, Seo Young-hwa, Jeon So-nee
Prix du Meilleur Film et de la Meilleure Actrice au Festival de Busan (créé en 1996 ce festival est engagé en faveur du nouveau cinéma et du cinéma d’auteur)
La disparition soudaine d’une élève d’un lycée pour jeunes filles précipite la communauté scolaire dans le chaos. Famille de la victime, enseignants et élèves cherchent à fuir toute responsabilité, l’image de l’école étant en jeu. Pourtant, sans indice ni corps, on suspecte un suicide. Young-hee, l’une de ses camarades d’école, dernière à l’avoir vue vivante, est suspectée par tout le monde, à commencer par la mère de la victime. Bouc-émissaire idéal, Young-hee va chercher à n’importe quel prix à échapper à la spirale de persécutions qui l’accablent. Mais quel secret, quel pacte peut-elle bien cacher… ?
C’est parce qu’il est fait de ruptures narratives et qu’il semble investir successivement tous les "genres" assez "codés", c’est parce que le réalisateur multiplie situations et points de vue, que ce premier long métrage de Kim Ui-seok intrigue et séduit tout à la fois. Drame intime, enquête policière, film de fantômes, fable sociologique, After my dearth ne se laisse pas apprivoiser facilement...(même si le point de départ renvoie à une cruelle réalité de la société sud-coréenne : le suicide, dont le taux est un des plus élevés du monde). Ainsi on va basculer de l’enquête (interrogatoires; indices) aux persécutions que subit Young-hee, la meilleure amie de la "suicidée " ; puis à la "survie" de cette même Young-hee dans un espace proche des « limbes » (du moins pour elle)
Mais la linéarité n’est qu’apparente...Le film s’ouvre sur le retour de Young-hee qui désormais s’exprime par signes...pourquoi ??? signes incompréhensibles pour les lycéennes! Puis la caméra nous immerge dans un magasin de cosmétique où apparaît comme en surimpression derrière une vitre la "future disparue" et sur le trottoir voici les deux amies Kyung-min et Young-hee; et c’est après ce flash back que le film peut commencer. Ainsi les deux protagonistes auront incarné en deux séquences -post et ante mortem- ce je ne sais quoi qui les rend si proches dans leur fausse essentialité -ce que confirmera la récurrence de l’image du tunnel coudé où ces deux jeunes filles telles des formes spectrales s’embrassent.
L’enquête -du début- ne se limite pas à des interrogatoires ni à la recherche d’indices : elle est comme parasitée soit par des images mentales soit par des flash back. Les images récurrentes de vitres et miroirs dans les hôpitaux et à l’école illustrent une forme de dédoublement comme si la présence/absente de la défunte « occupait » pour toujours ces lieux après sa mort. Et cette tentative de suicide -quand Young-hee avale de l’essence, et que son corps n’est plus que spasmes de douleur, alors qu’au même moment dans une autre pièce sont célébrées -selon un rite chamanique- les funérailles de son amie Kyung-min- illustre à la fois la coexistence dans l’instantanéité même d’Eros et Thanatos et le primat de la Mort sur la Vie.
Des mouvements de caméra aux cadrages en passant par une science de la lumière- ; des multiples motivations qu’incarnent les représentants des institutions- police école et famille avec mention spéciale à la mère de Kyung-min-, au sort de jeunes filles bravant la mort comme unique chance de survie, tout concourt à faire de ce film à la fois un thriller passionnant (cf le pitch) et une illustration de la déflagration (physique et mentale) que le suicide peut déclencher
à voir absolument !
Colette Lallement-Duchoze