27 novembre 2018 2 27 /11 /novembre /2018 07:00

De Kim Ui-seok (Corée du sud)

avec Jeon Yeo-bin, Seo Young-hwa, Jeon So-nee

Prix du Meilleur Film et de la Meilleure Actrice au Festival de Busan (créé en 1996 ce festival est engagé en faveur du nouveau cinéma et du cinéma d’auteur)

 

La disparition soudaine d’une élève d’un lycée pour jeunes filles précipite la communauté scolaire dans le chaos. Famille de la victime, enseignants et élèves cherchent à fuir toute responsabilité, l’image de l’école étant en jeu. Pourtant, sans indice ni corps, on suspecte un suicide. Young-hee, l’une de ses camarades d’école, dernière à l’avoir vue vivante, est suspectée par tout le monde, à commencer par la mère de la victime. Bouc-émissaire idéal, Young-hee va chercher à n’importe quel prix à échapper à la spirale de persécutions qui l’accablent. Mais quel secret, quel pacte peut-elle bien cacher… ?

 

 

After my death

C’est parce qu’il est fait de ruptures narratives et qu’il semble investir successivement tous les "genres" assez "codés", c’est parce que le réalisateur multiplie situations et points de vue, que ce premier long métrage de Kim Ui-seok intrigue et séduit tout à la fois. Drame intime, enquête policière, film de fantômes, fable sociologique, After my dearth ne se laisse pas apprivoiser facilement...(même si le point de départ renvoie à une cruelle réalité de la société sud-coréenne : le suicide, dont le taux est un des plus élevés du monde). Ainsi on va basculer de l’enquête (interrogatoires; indices) aux persécutions que subit Young-hee, la meilleure amie de la "suicidée " ; puis à la "survie" de cette même Young-hee dans un espace proche des « limbes » (du moins pour elle)

Mais la linéarité n’est qu’apparente...Le film s’ouvre sur le retour de Young-hee qui désormais s’exprime par signes...pourquoi ??? signes incompréhensibles pour les lycéennes!  Puis la caméra nous immerge dans un magasin de cosmétique où apparaît comme en surimpression derrière une vitre la "future disparue" et sur le trottoir voici les deux amies Kyung-min et Young-hee; et c’est après ce flash back que le film peut commencer. Ainsi les deux protagonistes auront incarné en deux séquences -post et ante mortem-  ce je ne sais quoi qui les rend si proches dans leur fausse essentialité -ce que confirmera la récurrence de l’image du tunnel coudé où ces deux jeunes filles telles des formes spectrales s’embrassent.

 

L’enquête -du début- ne se limite pas à des interrogatoires ni à la recherche d’indices : elle est comme parasitée soit par des images mentales soit par des flash back. Les images récurrentes de vitres et miroirs dans les hôpitaux et à l’école illustrent une forme de dédoublement comme si la présence/absente de la défunte « occupait » pour toujours ces lieux après sa mort. Et cette tentative de suicide -quand Young-hee avale de l’essence, et que son corps n’est plus que spasmes de douleur, alors qu’au même moment dans une autre pièce sont célébrées -selon un rite chamanique- les funérailles de son amie Kyung-min- illustre à la fois la coexistence dans l’instantanéité même d’Eros et Thanatos et le primat de la Mort sur la Vie.

 

Des mouvements de caméra aux cadrages en passant par une science de la lumière- ; des multiples motivations qu’incarnent les représentants des institutions- police école et famille avec mention spéciale à la mère de Kyung-min-, au sort de jeunes filles bravant la mort comme unique chance de survie, tout concourt à faire de ce film à la fois un thriller passionnant (cf le pitch) et une illustration de la déflagration (physique et mentale) que le suicide peut déclencher 

à voir absolument !

Colette Lallement-Duchoze

 

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25 novembre 2018 7 25 /11 /novembre /2018 09:30

Aga

de Milko Lazarov (Bulgarie) 

avec Mikhail Aprosimov, Shahira Fahmy 

 

La cinquantaine Nanouk et Sedna vivent harmonieusement le quotidien traditionnel d'un couple du Grand Nord de la Sibérie. Jour après jour, le rythme séculaire qui ordonnait leur vie et celle de leurs ancêtres vacille. Ils vont devoir se confronter à u nouveau monde qui leur est inconnu... 

Aga

Un long plan fixe sur une femme -visage en frontal-, parée d’un costume traditionnel très coloré et de bijoux : elle joue de la guimbarde….C’est l’ouverture ; une ouverture qui va contraster avec les plans suivants où la couleur vive rouge de l’habit d’apparat a cédé la place à une immensité neigeuse : terre et ciel semblent se confondre ; silhouettés, se détachent sur la ligne d’horizon un homme son traîneau et un chien ; si minuscules...qu’il sont comme aspirés

 

Nous sommes en Iakoutie (zone arctique de la Sibérie) La femme c’est Sedna, l’homme c’est Nanouk (tout au long de cette fiction on devinera l’hommage que rend le réalisateur bulgare à Nanouk l’esquimau, de Robert J. Flaherty, documentaire sorti en 1922). Ils  "vivent" dans une yourte plantée au milieu de nulle part. Des gestes ancestraux -pêche tannage de peaux préparation d’onguents. Peu de dialogues. Une immersion dans des contes ou rêves (dont celui de l’ours à valeur prémonitoire…) Filmés à l’intérieur de la yourte -où le traitement des poses de la lumière des ambiances emprunte aux toiles de Vermeer - le réalisateur dit s'en être inspiré-; ou filmés en extérieur affrontant  neige et  blizzard, ces quinquagénaires vivent un "drame" : l’absence de leur fille Anga;  celle-ci a choisi la "modernité"; les parents ne le lui pardonnent pas... du moins pas encore!!!

Simultanément des "indices" très (trop) signifiants sonnent le glas de leur propre mode d’existence : une traînée blanche qui s’en vient maculer le ciel en le  striant alors que la bande-son amplifie le passage de l’avion ; une tache noire sur le blanc immaculé (celle de la motoneige du fils), la tache rouge de l’animal tué, le renne qui mortellement blessé entrave la chaussée qu’emprunte le chauffeur de poids lourd ; -à noter que cette tache renvoie aussi à celle qui apparaît sur le ventre de Sedna (un "mal incurable"?) qu’elle tente de guérir par des onguents. D'autres indices parlent d'eux-mêmes ou suggèrent "d'inévitables" (?) mutations  : Nanouk  rentre bredouille plusieurs jours d'affilée, la glace fond de plus en plus tôt...

La récurrence de l’image -cette forme ovale -contrastant avec l’aspect rectiligne alentour-- désigne le trou que fore Nanouk à la recherche de poissons et d’eau pure (gages de survie) ; et plus tard, en un violent contraste, désignera le cratère -vue aérienne par drone- de cette mine de diamants, comme une immense trouée blasphématoire dans la pureté quasi virginale du paysage.

 

Hormis ce symbolisme un peu appuyé, hormis les gros plans sur le visage du fils qui l’apparentent à une icône,  Aga est un film à la beauté plastique sidérante, que je vous recommande vivement 

 

Colette Lallement-Duchoze

PS pour infos sur les conditions de tournage consulter  le dépliant dans le hall de l'Omnia

 

Aga

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20 novembre 2018 2 20 /11 /novembre /2018 10:43

Documentaire réalisé par Leonor Teles    Portugal

présenté en compétition internationale au Cinéma du réel 2018

 

Un an dans la vie du pêcheur lisboète Albertino Lobo, entouré de sa femme Dalia et de ses filles, dont l'aînée s’apprête à se marier. La fin d'un cycle de vie, à hauteur de barque et de regard.

Terra Franca

Un pêcheur cadré en plan américain, telle une figure de proue, sur son bateau, un fleuve -le Tage-, un pont, un rivage semi urbain, ce plan récurrent qui semble rythmer le film, suggère plus qu’il ne montre (que regarde cet homme dans un lointain pourtant si proche ?- Alors qu’il semble faire corps avec l’élément liquide  qu’appréhende-t-il?).

Le passage d’un train, des voies poussiéreuses, une morne tranquillité, c’est l’environnement sur terre. Un bar où travaille Dalia l’épouse. Une petite maison où la famille réunie (les parents leurs filles Laura et Lucia le gendre Tiago la petite fille Alice) entre deux plats ou deux verres discute d’un aspirateur très sophistiqué, des préparatifs de la noce (c’est que l’aînée va bientôt se marier…) Un village entier dans la lumière nocturne de la fête.

C’est cette apparente banalité du quotidien que filme avec beaucoup d’empathie, en plans fixes, et dans un format 4/3, la documentariste Leonor Teles.

 

Nous sommes à Vila Franca de Xira. (commune située dans le Grand Lisbonne)

La réalisatrice procède par touches successives et  passe du portrait d’un homme à celui d’une famille, alors que se dessine en creux la dureté du monde Ils affament les gens dira à un moment Albertino ; son métier de pêcheur est en voie de disparition. On lui a saisi son matériel car la zone de pêche est désormais réserve naturelle et il faut des autorisations pour jeter les filets. Attaché à la famille (même s’il affirme pince-sans-rire qu’après 5 ans un couple...ce à quoi Dalia lui rétorque et pourtant ça fait 3 décennies que ... Lui " le pire vient après le mariage, hein Dalia" Elle "et le meilleur...")  Attaché aux liens sacrés du mariage (les préparatifs de la noce, puis la cérémonie elle-même le prouveraient aisément). Homme ancré dans son temps mais nostalgique d’une autre époque  ? (en tout cas conscient qu'une ère est révolue.)  Lui le taiseux forme avec sa femme -habituée par son métier à communiquer- et ses filles -qui ont opté pour la modernité- un saisissant contraste .. Mais la chronique de Leonor Teles jamais ne verse  dans le drame social et la répétitivité des gestes ou des situations jamais ne  provoque quelque ennui (conversations pimentées d'humour et de rires, regards si éloquents dans leur mobilité silencieuse)

 

Le fleuve ne symbolise-t-il pas une mouvance inéluctable, le flux inexorable ? (Inutile de verser dans la philosophie héraclitéenne pour  répondre à la question; les photos que l'on voit dans le générique de fin illustrent  en un saisissant raccourci les différentes étapes de ce qui a été la vie....leur vie)

Des plans somptueux sur sa majesté inviolable, une lumière qui fait vibrer les variations de paysages au gré des heures et des saisons; l'espace  que filme Leonor Teles est devenu un personnage à part entière ; et dans un tel « cadre » son portrait de famille, s’en trouve  magnifié …

 

Un documentaire à ne pas rater !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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19 novembre 2018 1 19 /11 /novembre /2018 08:11

d'Andrea Bescond et Eric Métayer

avec A Bescond, Karin Viard, Clovis Cornillac, Pierre Deladonchamps, Cyrille Mariesse

 

présenté au festival de Cannes (Un Certain Regard)

Ce film est l'adaptation de leur pièce de théâtre "Les Chatouilles ou la danse de la colère"

Odette a huit ans, elle aime danser et dessiner. Pourquoi se méfierait-elle d'un ami de ses parents qui lui propose de "jouer aux chatouilles"? Adulte, Odette danse sa colère, libère sa parole et embrasse la vie.... 

Les Chatouilles

Avouons-le sans ambages : l’adaptation à l’écran du spectacle Les chatouilles Ou la danse de la colère -Andréa Bescond seule sur scène y interprétait tous les rôles- m’a déçue.

Le pathos, que l’extrême vélocité dans le changement de personnages, le fait de happer l’air ou de s’arc-bouter dans le silence et les pointes d’humour avaient évacué sur scène, investit dans le film trop de séquences -ne serait-ce que par des plans trop appuyés sur ou sur…

On pourrait appliquer à ce film le "bilan" qu'un professeur de danse (interprété par Eric Métayer) fait d’une chorégraphie d’Odette  "elle dégage beaucoup d’émotion mais manque totalement de technique"

Certes l’énergie rageuse d’Andrea Bescond - elle interprète Odette adulte trentenaire- est restée intacte, Sur scène l'actrice usait de son corps comme d'un partenaire pour faire naître la cohorte des témoins :  Elle avait trouvé le ton juste entre l'hyperréalisme et la petite touche de comédie qui permet au spectateur de respirer, voire de rire. .Mais en passant de la scène à l’écran, "son" personnage est comme "héroïsé"…Et  son interprétation - une forte tendance à surjouer - se heurte à celle de tous les autres acteurs si "justes" au demeurant (Pierre Deladonchamps le violeur pédophile, Karine Viard la mère bourgeoise plus préoccupée du regard des autres que de la douleur de sa propre fille ou encore Clovis Cornillac en père bienveillant )

L’éclatement chronologique et  la coexistence de deux époques dans le même plan voire le même cadre, le déplacement de la psy à l’intérieur de la pensée reconstituée, ce procédé trop répété a quelque chose d’artificiel. Et pourtant le début avait entraîné le spectateur vers une autre manière de filmer : Odette (Andrea Bescond) danse sur un fond noir puis flash back par un raccord sur un dessin que la jeune Odette (Cyrille Mariesse) esquisse, avant que n’entre dans le champ de la caméra Gilbert, une proposition, la porte rose de la salle de bains qui se ferme – tout est dit et suggéré à la fois : viol hors champ trauma que l’on cherche - des années plus tard- à exorciser dans la danse dans la dernière scène (en écho d’ailleurs avec la première) l’enfance que les viols lui avaient arrachée, Odette la retrouve symboliquement !!

Il semblerait qu’à force de mélanger tous les styles (certains plans sur fond noir  renvoient même à la théâtralité)  le film ne parvienne pas à "trouver" le sien propre alors que la pièce assurait un juste équilibre entre texte et chorégraphie

Cela étant, il faut saluer une démarche courageuse : dénoncer la pédophilie, évoquer le lent cheminement vers la "résilience"

Mais elle est moins convaincante dans le film (même si le duo a jugé opportun d'ajouter le témoignage de la soeur de Gilbert, lors du procès )

On peut être écriveur sans être écrivain

Ce n’est pas la colle qui fait le collage (Max Ernst)

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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15 novembre 2018 4 15 /11 /novembre /2018 13:24

De Pierre Salvadori

avec Adèle Haenel, Pio Marmaï, Vincent Elbaz, Audrey Tautou

 

Présenté au festival de Cannes , Quinzaine des réalisateurs, ce film a obtenu le prix SACD

Yvonne jeune inspectrice de police, découvre que son mari, le capitaine Santi, héros local tombé au combat, n’était pas le flic courageux et intègre qu’elle croyait mais un véritable ripou. Déterminée à réparer les torts commis par ce dernier, elle va croiser le chemin d’Antoine injustement incarcéré par Santi pendant huit longues années. Une rencontre inattendue et folle qui va dynamiter leurs vies à tous les deux.

En liberté!

La scène d’ouverture est saisissante : une arrestation bien musclée; ce sont du moins les images qui s’imposent à l’esprit du garçon de 9 ans à partir du récit que lui fait chaque soir sa mère, veuve de Santi ce capitaine valeureux, mort au combat. D’emblée, on est au cœur même de l’imago ou de l’artificialité, de l’impact des mots, du rapport mot - image. Quand Yvonne (la mère) apprend la triste vérité : son mari était en fait un affreux ripou, elle est confrontée à un dilemme : soit continuer à mentir et ne pas altérer l’image du héros que vénère l’enfant; soit dire la vérité mais décevoir et peut-être traumatiser à jamais le garçonnet. Elle-même souffre d’avoir été injustement « au cœur du mensonge »

Mais sa démarche première est de « racheter » la faute de son mari qui a fait coffrer un innocent. Commence alors une série de gags (support de cette comédie) : Antoine, l’innocent, après 8 ans d’incarcération, a visiblement pété les plombs, lui le "gentil"  est devenu une force diabolique incontrôlable ; Yvonne -qui est aussi flic- l’épie comme si elle était son ange gardien ; et c’est un chassé-croisé parsemé de quiproquos assez loufoques (qui forcément emportent le rire). Elle-même est "épiée"  par un confrère éperdument amoureux…

Mêlant moments de répit aux envolées poétiques et très "littéraires" (incarnées par Audrey Tautou la compagne d’Antoine), gags à répétitions (ce psychopathe dont la "confession"  est toujours reportée alors qu’il trimbale les morceaux de ses victimes dans des sacs en plastique…), comique de situation : un curé au cœur d’une soirée sado-maso, etc.., et presque ad infinitum, des "projets"  avortés ou contrecarrés, tout cela fait que la volonté initiale de "rédemption" vire non pas au cauchemar mais au comique désopilant…à la farce bouffonne

La récurrence de la scène inaugurale va progressivement se délester des affects et oripeaux de l’héroïsme, tout comme le questionnement sur l’artifice, le mensonge, le jeu dangereux des apparences s’en viendra percuter le roc de l’immanence !

 

Une comédie certes enlevée, et des acteurs qu’on devine heureux dans leur rôle…

Est-ce pour autant La comédie de l’année ? Comme on le rabâche

À l’instar de l’affiche saturée de pub, cette comédie pêche par des excès : répétitions inutiles et longueurs qui en altèrent l’esprit de "saine" déraison (je vous invite à commander une bouteille de cognac avec du pain quand l’être "aimé" ou supposé tel, n’est pas au rendez-vous...)

 

Colette Lallement-Duchoze

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11 novembre 2018 7 11 /11 /novembre /2018 17:43

De Catherine Corsini

Avec Virginie Efira, Niels Schneider, Camille Berthonnier

 

 

À la fin des années 50 à Châteauroux, Rachel, modeste employée de bureau, rencontre Philippe, brillant jeune homme issu d'une famille bourgeoise. De cette liaison passionnelle mais brève naîtra une petite fille, Chantal. Philippe refuse de se marier en dehors de sa classe sociale. Rachel devra élever sa fille seule. Peu importe, pour elle Chantal est son grand bonheur, c'est pourquoi elle se bat pour qu'à défaut de l'élever, Philippe lui donne son nom. Une bataille de plus de dix ans qui finira par briser sa vie et celle de sa fille.  D’après le roman de Christine Angot paru en 2015

Un Amour impossible
Ce film grand public mérite son label de qualité à plus d’un titre. D’abord parce que l’histoire touche la plupart des téléspectateurs – le statut de fille non reconnue par son père et celui de la mère femme aimante délaissée lorsqu’elle tombe enceinte est largement répandu dans notre société.
 
Catherine Corsini a su choisir et dirigé ses acteurs merveilleusement bien, on est loin du jeu téléfilm faussement réaliste à la manière de “plus belle la vie”. Virginie Elfira est de ces femmes dont le charme prend le pas sur la beauté ordinaire, son timbre de voix  si doux et ses paroles mesurées, ses réactions dénuées d’agressivité face à la cruauté arrogante de l’homme qu’elle aime, sa posture de femme courageuse, solide, ordinairement humaine, en font une héroïne féministe banale mais ô combien touchante, jamais une victime.
 
Saluons la prouesse d’actrice de la jeune adolescente de 16 ans qui joue sa fille. Dans la scène où elle rencontre son père après 10 ans d’absence... que le spectateur qui n’a pas eu les larmes aux yeux à ce moment là lève la main.
 
Ce film n’est pas un mélo mais un phénomène de société très bien traité, si bien traité même que la fin surprenante débouche sur une analyse sociétale de classe qu’on n’a pas l’habitude de voir dans un film sentimental. Quel beau point d’exclamation final !
 
A voir, un film qui s’accroche dans notre esprit longtemps après être sorti du cinéma.
 
Serge Diaz

Toujours difficile d'adapter un roman 
(on s'en sort pour l'histoire mais pas pour l'écriture ici celle de C Angot )
Des 3 impossibilités socio-culturelles (fossé entre parents, tabou entre père et fille et silence entre mère et fille) C Corsini ne peut restituer que des situations et quelques émotions ; c'est déjà pas mal certes mais.... 

Elisabeth 14/11/2018

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10 novembre 2018 6 10 /11 /novembre /2018 17:53

Documentaire réalisé par Laetitia Carton

présenté au festival de Cannes

Chaque été, dans l’Allier, des milliers de personnes venues des quatre coins de l’Europe se réunissent pendant sept jours et huit nuits pour participer au Grand Bal. Ça tourne, ça rit, ça virevolte, ça chante. Et la vie pulse

 

Le grand Bal

Le film s’ouvre sur une sorte de voyage dans le temps -la voix off de la réalisatrice au volant de sa voiture, rappelle sa première expérience de grand bal, s’appropriant une tradition familiale-, et dans l’espace : une route comme perdue dans un vaste paysage nimbé de brume.

C’est que l’expérience du grand bal est à la fois un continuum -le choix des musiques et danses le prouverait aisément : mazurka, branle de Noirmoutier, quadrille anglais, cercle circassien- et immersion dans un espace où le temps semble aboli. Nous sommes certes dans l’Allier, où chaque année des milliers de personnes (de tous âges) se retrouvent, apprennent à danser dans des ateliers le matin et le soir célèbrent en une liesse collective le plaisir de la danse. Mais dans cette campagne reculée, la réalisatrice caméra à l’épaule, parvient à immerger le spectateur dans un microcosme où les danseurs ne formeront plus qu’un seul Corps et où -effet hypnotique?- le temps est comme suspendu.

 

Hormis le commentaire (voix off de Laetitia Carton) qui pêche parfois par excès de poésie ou de « pédagogie » ce documentaire est un hymne vibrant d’énergie

En quelques plans rapides sont évoquées les conditions matérielles (bracelet, cantine, tentes, hamacs etc..) mais l’essentiel est ailleurs

Voici donc des couples qui se forment animés par l’unique plaisir (passion) de danser, voici des danses collectives, voici des orchestres (la réalisatrice alterne d’ailleurs vues en frontal ou légère contre plongée sur les instrumentistes et vues d’ensemble sur les danseurs quand la caméra ne s’attarde pas sur des couples en plans moyens). Et même pendant les « pauses » (cantine par exemple) certains continuent à évoluer dans l’espace comme des danseurs ! Le désir -avec ou sans connotation sexuelle- affleure, la caméra le rend palpable (des yeux clos, des mains qui se cherchent, des frémissements de paroles chuchotées, des regards..)

 

Le grand bal c’est un rythme, mais surtout une expérience collective hors norme -et certains témoignages de personnes interrogées évoquent la magie de la découverte et du partage (l’individualisme si forcené au quotidien est ici relégué au vestiaire)

Le grand bal ou le flux et reflux du vertige

Le grand bal un ondoiement de couleurs de sons de sourires et de corps, qui traverse l’écran !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

PS attention ce documentaire risque de quitter l'affiche mercredi 14

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10 novembre 2018 6 10 /11 /novembre /2018 08:58

Documentaire réalisé par Stefano Savona

 

Oeil d'Or du meilleur documentaire Festival de Cannes 2018 (Quinzaine des Réalisateurs)

Dans la périphérie rurale de la ville de Gaza, la famille Samouni s’apprête à célébrer un mariage. C'est la première fête depuis la dernière guerre. Amal, Fouad, leurs frères et leurs cousins ont perdu leurs parents, leurs maisons et leurs oliviers. Le quartier où ils habitent est en reconstruction. Ils replantent des arbres et labourent les champs, mais une tâche plus difficile encore incombe à ces jeunes survivants : reconstruire leur propre mémoire. Au fil de leurs souvenirs, Samouni Road dresse un portrait de cette famille avant, pendant et après l’événement qui a changé leur vie à jamais.

Samouni road

Une fillette dessine à même le sol l’emplacement du sycomore ; c’est Amal -dont on apprendra qu’elle fut ensevelie sous les décombres pendant 3 jours..- Immense et majestueux cet arbre était l’emblème du quartier et de la famille Samouni en particulier, famille dont Tsahal a décimé 29 de ses membres lors de l’opération « plomb durci » en janvier 2009  Amal intimidée face à la caméra  dit ne pas savoir raconter ...mais elle sera notre guide tout comme elle sert de fil conducteur dans ce documentaire aux formes hybrides et à la temporalité éclatée.

En effet Stefano Savona nous immerge d’emblée dans une ville -ou plutôt le quartier Zeitoun- en pleine reconstruction : nous sommes en 2010 ; soit un an après la tragédie. Amal nous entraîne susurre touche avec délicatesse des pousses, montre du doigt les lieux de son enfance ; à nous de les imaginer !!!

Mais comment rendre compte des années qui ont précédé la tragédie ? Comment l’illustrer ? Dans L’image manquante  Rithy Panh avait eu recours à des figurines ; Stefano Savona, lui, a demandé à Simone Massi qui utilise la carte à gratter, de créer des images d’animations ; elles vont reconstituer les souvenirs des protagonistes (Et voici que surgissent maisons vergers mosquée, voici que prennent corps les membres de la famille qui furent sauvagement exterminés…). À cela s’ajoutera l’oeil du drone israélien (janvier 2009) qui ne voit que des silhouettes thermiques et qui confond planches de bois et lance-roquettes...épisode d’une rare intensité mais qui correspond si bien à la stratégie de Tsahal (cf Le livre noir de l’occupation israélienne ; les soldats racontent 2013). Retour aux images du présent 2009 : celles des ruines ; celles des survivants arpentant les tonnes de gravats..La future mariée ne peut contenir ses larmes « pourquoi nous marier ? Si nous allons manquer à nos enfants comme nos parents nous manquent » Une séquence douloureuse et bouleversante qui nous met face aux rescapés et à leurs mutilations (psychologiques) 

La dernière partie du film revient à son point de départ soit 2010 alors que se prépare la fête : célébration du mariage.  Le documentaire se clôt ainsi sur un authentique hymne à la Vie (Résilience? peut-être !) 

 

En optant pour ce dispositif assez complexe, le réalisateur vise à « redonner aux Samouni une existence longue, et à cesser de les ensevelir tous, les vivants et les morts sous le poids de l’événement fatal ».

Une famille de paysans non politisée, mais consciente de toutes les récupérations politiques (dont celle du Hamas ; à noter ici qu’une certaine critique s’en gargarise et justifie l’opération « plomb durci » comme riposte aux tirs de roquette; ce prétendu bien-fondé risque d’évacuer l'essentiel…l'épisode des condoléances et la présence des représentants politiques ne dure que quelques minutes dans le film..;)

Une famille établie à Gaza depuis des générations bien avant la partition, bien avant l’arrivée de réfugiés

Une famille vivant de ses oliveraies de ses vergers, de tous les travaux des champs

 

Une famille qui désormais va connaître le sort des réfugiés même si un an après la catastrophe elle réussit à « transformer une étendue de décombres et de terre rouge en un quartier cultivé et verdoyant »

 

Un documentaire coup de poing

Un documentaire à ne pas rater!!

 

Colette Lallement-Duchoze

PS à noter le lien (démontré) entre l'industrie des bijoux et les violations des droits de l'homme par Israël...

Ainsi en 2012 a été mis à jour le lien entre le groupe de diamants Steinmetz (SDG) et la brigade Givati responsable du massacre de la famille Samouni à Gaza...

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7 novembre 2018 3 07 /11 /novembre /2018 06:10

 

 

 

Du 12 au 18 novembre 2018 

 

7ème festival du court métrage britannique

 

au cinéma Omnia République Rouen

 

This is England Festival du court métrage britannique

Séances

tous les soirs du lundi 12 au samedi 17 à 20h 

 

mercredi à 14h et 17h30 projection de deux longs métrages 

                               

 

samedi 20h  remise des prix + projection du long métrage "Adult life skills"         

 

                             

 

dimanche 18 novembre 18h reprise des films primés 

 

 

Tarif

 

Tarif plein 6 euros; tarif réduit 4 euros, pass festival 21 euros

 

 

Programme:

 

32 courts métrages3 longs métrages1 concert (et demi)...

 

sans oublier les rencontres avec les équipes des films

 

 

           Télécharger le programme en PDF (7 Mo)

 

www.thisisengland-festival.com

 

 

 

 

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5 novembre 2018 1 05 /11 /novembre /2018 05:20

 D' Adilkhan Yerzhanov (Kazakhstan)

Avec  Dinara BaktybayevaKuandyk DussenbaevKulzhamiya Belzhanova

Présenté au festival de Cannes section Un Certain Regard 

La belle Saltanat et son chevalier servant Kuandyk sont amis depuis l’enfance. Criblée de dettes, la famille de Saltanat l’envoie dans la grande ville où elle est promise à un riche mariage. Escortée par Kuandyk qui veille sur elle, Saltanat quitte son village pour l’inconnu. Les deux jeunes gens se trouvent entraînés malgré eux dans une suite d’événements cruels et tentent d’y résister de toutes les façons possibles.   

La tendre indifférence du monde

Vous n’avez pas vu le film Kazak projeté à Cannes ?

Rassurez-vous, vous avez économisé une place de cinéma et évité de vous ennuyer mortellement pendant 1 H 40.

 

Très mauvais scénario, aucune beauté plastique, de l’humour lourd comme les montagnes du Caucase, une fin débile, tout sauf de la poésie : le spectateur attiré par le synopsis, la critique de Télérama, la bande annonce, se fait bien avoir !

On croit partir en voyage au Kazakstan et on est exaspéré, on a hâte que le film se termine en se demandant comment le réalisateur avait pu trouver un producteur français pour tourner un navet pareil.

 

Quand on n’a rien à dire on s’abstient au moins de faire un film.

 

Serge Diaz

 

Quelle sévérité!!
Ai vu avec un immense plaisir ce remake de Shakespeare sur l'amour interdit -et le titre emprunté à Camus portait en lui tout un programme!!!
Scénario intéressant, beauté formelle et ces clins d'oeil à Kitano
On est loin de votre "critique" si négative

Elisabeth

5/11/18

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Mode d'emploi

Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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