17 avril 2024 3 17 /04 /avril /2024 07:14

De Ryüsuke  Hamaguchi  (Japon 2023)

 

Musique d'Eiko Ishibashi

avec Hitoshi Omika, Ryo Nishikawa, Ryüji Kosaka

 

 

Lion d'Argent Grand Prix du Jury Mostra de Venise 2023

 

 

Takumi et sa fille Hana vivent dans le village de Mizubiki, près de Tokyo. Comme leurs aînés avant eux, ils mènent une vie modeste en harmonie avec leur environnement. Le projet de construction d’un « camping glamour » dans le parc naturel voisin, offrant aux citadins une échappatoire tout confort vers la nature, va mettre en danger l’équilibre écologique du site et affecter profondément la vie de Takumi et des villageois…

 

Le mal n'existe pas

" Ne lâche pas la bûche des yeux"

 

Après les mégapoles, toiles de fond des précédents films de Ryusuke Hamaguchi, voici le village de Mizubiki perdu dans les montagnes de Nagano, et une immense forêt où l’on s’égare en même temps que l’intrigue gagne en consistance…; là où vivent Takumi, bûcheron père célibataire et homme à tout faire,  sa fille Hana ; là où une réunion oppose les « locaux » les villageois aux représentants de Playmode défendant le projet de « glamping » (glamour + camping). (Longue séquence traitée comme un film dans le film)

Non pas un film écologique (c’est ce qu’affirme le réalisateur) quand bien même le titre serait une antiphrase, quand bien même la récurrence de ce plan sur la carcasse d’un faon, la stridence de coups de feu et certaines scènes plus champêtres (couper le bois, s’approvisionner en eau) nous inciteraient à comparer ce film -aux allures de conte - à une « fable écologique »- Fable où la musique envoûtante d’Eiko Ishibashi -qui a préexisté - la fixité de certains plans, la lenteur de gestes presque séculaires célèbrent la connivence entre Takumi et une nature qu’il «vénère » apprivoise dans sa flore et  sa faune, tout en accomplissant les gestes de destruction -dont l'abattage d'arbres-,  mais une nature dont il a appris les « lois » fussent elles les plus mortifères, (l’épisode de la cognée, le discours sur les cerfs, la battue et la scène finale font de Takumi le dépositaire d’un savoir et d’une philosophie : accepter les équilibres entre les forces en présence  )

 

Tout ne serait-il pas « dit » ou du moins « encodé » dès le début ? Voici un très long et très lent travelling ascendant vers le gris du ciel, ciel que l’on devine à travers les branchages et les feuilles, feuilles de moins en moins drues branchages devenus stigmates de la mort, alors qu’un ample mouvement musical, épousant la majesté de la tristesse, accompagne cette contreplongée… Dès le plan suivant, l’œil de la gamine, Hana, s’est substitué à celui de la caméra. La musique s’est tue mais Hana est à l’écoute d’autres musiques celles que dispense cette forêt ….où elle va se perdre !

 

Le film est parcouru de « signaux » comme autant d’alertes, de balises traitées souvent avec la grâce de la pudeur ou de la poésie (ce que renforce le choix de plans-séquence qui étirent le temps); tout comme le réalisateur se plaît à multiplier les regards et les perspectives et en leur absence il fait la part belle à ce mariage entre bande-son et image dans la captation du vivant « l’eau coule toujours vers le bas » (dit le maire lors de la réunion) …Tout en nous incitant (sans injonction morale) à ne pas rompre  l'équilibre entre les forces (dont celles des humains) entre les "ordres" 

 

Un film qui se regarde comme on écoute de la musique. C’est-à-dire, plus que pour son sens, pour les remous qu’il produit à la surface de notre conscience. (tel est le vœu du cinéaste)

 

Un film à ne pas rater!

 

Colette Lallement-Duchoze

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