de George Ovashvilli (Géorgie)
avec Lika Babluani (Tatia) , Hossein Mahjoub (Zviad Gamsakhurdia) , Zurab Antelava (Shalva) ...
argument
Le président déchu qui incarnait autrefois l'espoir d'une nation nouvelle, tente de reconquérir le pouvoir. Escorté par une poignée de fidèles, il traverse clandestinement les paysages majestueux de la Géorgie, tour à tour accueillants et inquiétants...
Le nom du président géorgien, Zviad Gamsakhourdia, -démocratiquement élu, renversé par un putsch, contraint à l’exil- n’est mentionné qu’au générique de fin. Il est salué par ses proches et les hôtes qui lui sont encore favorables par la formule de déférence "monsieur le président". Le réalisateur -qui ne cache pas ses sympathies pour cet homme- s’intéresse moins aux questionnements d’ordre politique -ils sont suggérés- qu’à la solitude fondamentale d’un être déchu mais obstinément accroché au pouvoir; il en vient même à pénétrer sa conscience -donnant à voir par exemple ses cauchemars en de courtes scènes hallucinées sans raccord, ce qui donne l’illusion du vrai….
Errance forcée, marche inexorable vers la mort, le film est scandé par la récurrence de l’injonction "il faut partir". Nous traversons avec les marcheurs clandestins (garde rapprochée qui ira s’amenuisant) des paysages à couper le souffle : montagnes forêts plans d’eau. Voici le groupe formant une théorie presque gracile qui se détache sur une pente enneigée, le voici filmé de plus près et la compacité dit dans le silence la force authentique de la fraternité. Traverser des forêts (où perle la lumière diffractée), arpenter des montagnes (avec cette alternance entre plans en plongée et contre plongée selon que l’on veut mettre en évidence la faiblesse ou la puissance de l’homme, la majesté bienveillante ou hostile de la nature).
Un film dépouillé à la beauté sidérante. Peu de dialogues ; la musique est celle du vent, du crissement de la neige -amplifiée par la bande-son- ou celle des chants lors de certaines pauses, dans des gîtes ou chez l'habitant. Le tempo naît de cette alternance. Alternance entre scènes d’extérieur (avec toutes les nuances de lumière) et scènes d’intérieur (où les cadrages les jeux de clair obscur, la répartition dans l’espace des personnages peuvent évoquer des scènes de genre ou du moins ont la puissance évocatrice de certaines peintures) Entre l’horizontalité (scènes d’intérieur ; le président tel un "gisant") et la verticalité du mouvement ascensionnel ; entre groupe et individu : le président isolé dans sa quête vouée à l'échec ; sensations émotions se lisent à fleur de peau sur son visage -quand il est filmé de très près. Un président magistralement interprété par l’acteur iranien Hossein Mahjub
Christ des temps modernes (avec son par-dessus sa cravate son attaché-case, métonymie d’un pouvoir qui se délite) il fuit avec ses "apôtres", ses "fidèles", et nous suivons son calvaire, son chemin de croix, balisé par des "stations" jusqu’à sa mort à Khibula (suggérée …elle restera hors champ)
On oubliera vite quelques symboliques appuyées (oiseau encagé ; blessure prémonitoire ; gros plan sur les chaussures boueuses) ou le dispositif répétitif (marche, pause, départ forcé) pour retenir le mélange de réalisme et de contemplation, la maîtrise formelle (plans cadres variations de lumière, infinité des ambiances) maîtrise à laquelle George Ovashvilli avait habitué son public (cf la terre éphémère)
Un film envoûtant (dernière séance ce jour à 15h30 Omnia)
Colette Lallement-Duchoze