Court métrage documentaire de John Smith (Royaume Uni 2020)
présenté en sélection au 43ème festival international du film documentaire (mars 2021) cinéma du réel
bande annonce et interview du réalisateur https://www.cinemadureel.org/film/citadel/
à voir sur MUBI
Filmé depuis la fenêtre de l’artiste pendant le confinement, le film associe des fragments de discours de Boris Johnson sur le coronavirus à des images du paysage urbain londonien. Conscient de la décision du gouvernement britannique de placer les intérêts économiques avant la santé de la population, John Smith déplace le centre du pouvoir en le faisant passer du Parlement au quartier financier de la City.
Citadel, John Smith © 2021
"Place fortifiée d’une ville" (et/ou "coeur d’une place forte") la citadelle désigne - dans ce court métrage étrange, surprenant, percutant-, la City et son architecture hétéroclite. La bande son - extraits de discours de Boris Johnson (entre février et mai 2020) prouve qu’elle est devenue "centre du pouvoir" comme le prône l’ultralibéralisme. Les exhortations du Premier ministre ? Retirer les lunettes de Clark Kent, se changer en super héros du libre échange" Buy and sell acheter et vendre Business as usual les affaires comme d’habitude...Le coronavirus ou l’aubaine économique !!! Or six mois plus tard on apprendra que le Royaume Uni a atteint le plus grand nombre de morts en Europe (Covid 19) et qu'il est entré dans sa plus profonde récession économique depuis le début de la pandémie .....
De son appartement (immeuble situé à Hackney) le vidéaste va filmer pendant plusieurs mois (caméra fixe sur trépied), enregistrer des sons (travaux de chantiers, jappements de chien, piaillements d'oiseaux). Son pari, qui est aussi parti pris? Filmer le politique "de l'extérieur" en dénoncer les aberrations, par des suggestions audacieuses et ironiques au montage. Au début par exemple la formule "acheter et vendre" est répétée tel un mantra alors que tout dans le "décor" semble figé dans une sorte de Chaos malgré -ou à cause de- la beauté démoniaque et presque irréelle de l'architecture de la City. Lumières et leurs variations au gré des saisons, et selon les moments de la journée? On pense au tableau de Magritte L'Empire des lumières !!!
Voici au premier plan un jeune arbre dénudé. Voici des flocons de neige gelée qui s'en viennent strier l'écran. Entre la fenêtre et la City voici des bâtiments où sont confinés les habitants. Clignotements éclairages furtifs sur leur intimité (qui s'adonnant à des exercices physiques, qui à l'ordinateur, qui préparant le dîner, qui regardant la télévision (écoutant le Premier ministre??). Non pas intrusion voyeuriste : John Smith s'intéresse plus à la façon dont la "crise sanitaire" a été gérée; il opte pour l'ironie (décalage entre les propos du Premier ministre et la réalité suggérée) il refuse le "sentimentalisme" -même si on devine son empathie pour ses congénères "je voulais capturer la mélancolie ....une sorte de tristesse dans leurs postures et leurs actions"
Mais surtout cette pseudo intrusion dans l'intime sert l'opposition entre "le pouvoir d'entreprise sans visage et les particularités de la vie individuelle"
La citadelle, ce bloc imprenable, qui a relayé la parole politique, imposant des diktats -tel un Minotaure des temps modernes- opposée à ces fragments d'humanité : femmes et hommes, marionnettes dans leur maison de poupée, condamnées pendant le confinement à jouer le théâtre de l'Absurde !
Un documentaire ( 16') à ne pas rater
Colette Lallement-Duchoze