23 juin 2024 7 23 /06 /juin /2024 08:36

d'Olivier Assayas  (2023)

 

avec Vincent Macaigne, Micha Lescot, Nora Hamzawi, Nine d'Urso

Synopsis: Paul, réalisateur, et son frère Etienne, journaliste musical, sont confinés à la campagne dans la maison où ils ont grandi. Avec eux, Morgane et Carole, leurs nouvelles compagnes. Chaque pièce, chaque objet, les arbres du jardin, les sentiers parcourant les sous-bois leur rappellent les souvenirs de leur enfance, et leurs fantômes

Hors du temps

Le film débute telle une visite guidée… Guidée par la voix off du cinéaste. Visite inventaire ? Un préambule aussi lent que poussif. La caméra nous promène dans l’immense propriété familiale, (un cadre, tel l’exact opposé du confinement) ; elle nous immerge dans des pièces au mobilier et à l’atmosphère suranné.es ; elle est censée nous apprivoiser avec les « voisins » -ceux d’hier dont les voix se sont tues, ou ceux d’aujourd’hui-  tout cela dans une atmosphère à la fois bucolique éthérée et iridescente, où la flore va épouser l’âme des objets inanimés -??; le film sera ponctué par d’autres passages à la teneur rétrospective  similaire, sur ce paradis perdu ( ?) C’est que le confinement aura ressuscité tout un pan du passé. Le ton est sinon nostalgique du moins mélancolique et la voix éraillée du cinéaste/mémorialiste a parfois des accents d’outre-tombe, hors du temps.

2020 Voici les deux frères en train de se chamailler (l’un partisan d’un suivi méticuleux -voire outrancier- des directives imposées par le pouvoir contre la propagation du covid, l’autre se contentant du « service minimum » le port du masque ; l’un victime d’achats compulsifs via Amazon et sévèrement tancé par l’autre ; les « motifs » de ces chamailleries pullulent mais ...ils sont si dérisoires   L’espace imparti -hormis ces repas en plein air- paraît  suffisamment immense pour que chacun s’adonne à ses activités ; activité comme déconnectée du réel pour Paul (double d'Olivier Assayas) ; ses discussions les plus banales sont toujours hyper référencées (Hockney, le maître vénéré) son rendez-vous hebdomadaire avec sa psy par écran interposé au pied du même arbre, et surtout l’interprétation de Vincent Macaigne (il excelle en dégingandé, au phrasé saturé d’afféteries) accentuent le ridicule du personnage (saluons le regard nullement attendri mais lucide du réalisateur dans cette autofiction) Quant aux deux femmes, elles servent trop souvent de « faire-valoir » ….(on devine le malaise dans le jeu de Nine d’Urso, alors que l’humour est omniprésent dans celui de Nora Hamzavi ….)

Ces moments vécus au grand air à la campagne (vallée de Chevreuse) lors du confinement, les considérations sur les bienfaits de la vie qui ralentit, la fraternité (re)assumée, font de cette pseudo fiction un opus peu convaincant …

Au grand dam du spectateur (qui, comme moi, s’est laissé piéger par la bande-annonce !!)

 

Colette Lallement-Duchoze

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22 juin 2024 6 22 /06 /juin /2024 17:29

de Pier-Philippe Chevigny  (Canada 2023)

 

avec Ariane Castellanos Ariane,  Marc-André Grondin Stéphane,  Nelson Coronado Manuel Morales,  Marc Beaupré L'agent d'indemnisation , Micheline Bernard Nicole , Marvin Coroy Hector

 

 

Festival international du film Saint Jean de Luz (octobre 2023) : Prix du public + grand prix + prix d’interprétation féminine

Festival du film canadien Dieppe :  Prix du public

Synopsis Dans la Vallée du Richelieu, région agricole du Québec, Ariane est embauchée dans une usine en tant que traductrice. Elle se rend rapidement compte des conditions de travail déplorables imposées aux ouvriers guatémaltèques. Tiraillée, elle entreprend à ses risques et périls une résistance quotidienne pour lutter contre l’exploitation dont ils sont victimes

Dissidente

Pour dénoncer l’outrageuse (et pourtant légale…) exploitation des ouvriers étrangers temporaires, ici guatémaltèques, pour mettre à nu les conditions de travail inhumaines cauchemardesques, pour démonter les « rouages » d’un système (le supérieur d’Ariane la « traductrice » sait lui rappeler, aux moments les plus opportuns, que lui-même obéit aux diktats d’un patron et que la moindre petite faille aura des répercussions sur l’ensemble) le réalisateur Pier-Philippe Chevigny a choisi le format 1,4 (censé enfermer encore plus les personnages) le recours aux plans séquences ; il use (et abuse parfois) des gros plans prolongés, il privilégie les face à face (deux visages dans le même cadre, ou champ contre champ témoins d’une incompréhension réciproque, il privilégie en outre une forme de « sensationnalisme » (cf la séquence à l’hôpital son ambiance chirurgicale verdâtre le vomi rouge etc. ) . Certains choix loin de servir le propos ont tendance à l’alourdir… C’est vrai !

Mais cela est largement compensé par l’interprétation d’Ariane Castellanos -le personnage est d'ailleurs au centre de l'intrigue, de la narration, de la dramatisation-, compensé aussi par la dynamique interne qui va de l’acceptation plus ou moins complice à la prise de conscience « dissidente » :Oui Ariane en est désormais persuadée chacun malgré tous les malgré peut influer sur ce qu’il jugeait inéluctable (sans arrière-pensée démagogique)  Embauchée comme traductrice elle va jouer le rôle de   déléguée syndicale

Certaines scènes révèlent des accointances avec le cinéma des frères Dardenne ne serait-ce que la justesse du traitement, la « peinture » du quotidien d’ouvriers corvéables englués dans les mécanismes d’un capitalisme sauvage,  mais aussi leurs espoirs (sur le petit écran de smartphone voici que s’animent les attentes d’une famille) leur solidarité, alors que la dramatisation pamphlétaire aurait des accents loachiens ( ?)

Dans le bus qui les mène à l’exploitation agricole la caméra se pose sur le visage de Manuel Morales  où perle une larme ; en écho au final, un bus, les ouvriers, le visage de Manuel, une larme mais ce n’est plus le regret qu’épreint ce pleur lacrymal … 

Réaliste social politique oui Dissidente est tout cela à la fois

Un film à ne pas manquer !

 

Colette Lallement-Duchoze

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20 juin 2024 4 20 /06 /juin /2024 08:12

Documentaire d'Alexe Liebert ( France  Irak 2023)

 

Photo Michel Slomka

Voix : Golshifteh Farahani

Musique Benjamin Chaval, Dakhil Osman

 

 

Le 3 août 2014, le groupe État Islamique s'est lancé à la conquête de la région du mont Sinjar, en Irak. Cinq ans plus tard, plus de trois mille Yézidis sont toujours entre leurs mains ou portés disparus. Le demi-million de Yézidis qui vivaient dans les villes et villages de la région ont fui. Ne leur reste plus aujourd'hui que la souffrance vive laissée par ceux qui sont absents : les hommes et les vieillards qui remplissent les charniers laissés par Daech.

entre 2016 et 2017 la réalisatrice est partie à la rencontre des rescapés 

Sinjar, naissance des fantômes

Je suis la mémoire et la douleur est mon nom.

Nous, Yézidis, nous sommes tous morts.

 

Ecran noir, silence sépulcral.

Puis en off la voix de Golshifteh Farahani

 

Le mont Sinjar tel un leitmotiv, -contemplez-le noyé dans la brume, inondé de soleil, ses flancs hébergeant des coquelicots- ou immergez vous dans la béance de la plaine et sa Douleur-, avant que le documentaire ne donne la parole à ces femmes à jamais dévastées (des témoignages plus que bouleversants sur la violence, les viols, les meurtres savamment perpétrés par Daech, femmes esclaves « Esclave sexuelle à vendre. Belle, grande, élancée, obéissante. 12 000 $) Elles sont là comme figées dans le deuil portant un enfant essuyant ces larmes qui tracent sur leur visage le dessin de leur destin

 

La réalisatrice a construit son conte documentaire sur l’interdépendance -une osmose- entre les habitants les Yézidis (leur culture, leur religion mélange de zoroastrisme et d’autres cultes perses de l’Antiquité) et leur environnement le macrocosme (travail remarquable du photographe Michel Slomka,) avec ralentis zooms et vues d’ensemble ou en plongée, et une palette de couleurs qui s'harmonisent avec la (les) lumière(s)

Elle l’a scandé en plusieurs « mouvements » comme autant d’étapes- : les témoignages de femmes (rescapées de l’enfer) d’hommes orphelins de leurs familles, de combattants locaux face à l’absence d’une aide internationale, mais aussi par des scènes de liesse collective ou de rites, Une bande-son suggère parfois le massacre (d'autant plus intolérable...) ou de gros plans sur des ossements ou un zoom sur un crâne couturé  illustrent la barbarie  (l'impossible cicatrisation?) 

Mais les voix, jamais,  ne se sont tues, chants musiques et poèmes survivent en résilience- hantée  par les fantômes des disparus.

 

O temps suspendu du traumatisme et de l’exil,

ô crête du mont Sinjar, 

ô l’attente de voir revenir les tiens

 

 

je suis la voix

mémoire du passé mémoire du présent

je suis

 

Projet singulier qui mêle journalisme, engagement humanitaire, photographie et poésie.

 

Un  conte documentaire  subtil à ne pas manquer

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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18 juin 2024 2 18 /06 /juin /2024 05:39

de Marjane Satrapi (2023)

 

avec Monica Belluci, Rossy de Palma, Roschdy Zem, Alex Lutz, Marina Garcia, Ben Aldridge, André Dussolier, Gwendal Marimoutou, Eduardo Noriega, Charlotte Dauphin,

Sypnosis Ex-star de l’opéra, Giovanna fulmine : alors qu’elle a été déclarée morte par erreur, les hommages de la presse tardent à venir. Mike, cascadeur anglais, peut-il décemment trembler devant la mort alors qu’il la défie tous les jours ? Fumer tue, mais Dolorès s’en fout : le jour des 15 ans de sa petite-fille, elle passe unilatéralement un pacte avec Dieu. Alors qu’elle essaie de se suicider, Marie-Cerise, ado harcelée, humiliée et déprimée, est kidnappée et va tout naturellement faire de son ravisseur son psy. Edouard, bien qu’il présente depuis des années une célèbre émission criminelle à la télé, accuse le coup quand sa mortalité se rappelle à lui.

Dans les rues vivantes et cosmopolites de Paris, ces destins s’entremêlent et se répondent, connectés les uns aux autres par des figures universelles du quotidien : une femme de ménage, un flic, un cafetier. Et si, face à la mort, le mieux était encore de vivre ?

Paradis Paris

Je vous ai tant parlé de la mort que je voudrais vous parler de la vie », Edouard (André Dussolier) pour sa toute dernière émission

 

 

Proposer un film choral où tous les personnages -dont les destins se croisent sans toutefois converger, sont reliés entre eux par un seul  "fil" la mort. -  s'y  confronter  relevant  de la tragédie de l'accident ou de la farce-. Pourquoi pas ?

Mais hormis quelques scènes (celle avec Rossy de Palma, fumeuse invétérée pactisant avec la « faucheuse » ou celle avec le kidnappeur cagoulé qui danse dans l’espace clos de sa folie) l’ensemble de ce film à sketches est assez poussif laborieux. Dans la forme et dans le fond.

Le montage alterné par trop élémentaire manque de fluidité (compilation bien fade pour ne pas dire inconsistante) et l’humour (cf la diva morte ressuscitée du tout début) tombe à plat tant est prononcé l’écart entre la gravité bien « réelle » d’une existence et la mièvrerie des conclusions apportées (le plus éloquent serait la déposition de l’ado au commissariat).

Paris capitale composite multiculturelle et radieuse, si l’on se fie au titre.?  Or le casting choisi (impressionnant) n’est international qu’en apparence…Et quand bien même la cinéaste filme avec amour la ville (travellings ascendants sur les façades, captations d’ambiances et de lumières celles des ponts, rue piétonne, terrasse d'un bar-brasserie,- silhouette de la Bergère ô Tour Eiffel, un commissariat de quartier, une friche industrielle) la  cartographie  propose une vision anachronique de Paris… Osons espérer que ce choix est délibéré…

 

L'alternance de ces pseudo-courts métrages se contente -pour le fond- d’enfiler des clichés sur la mort, la vie. A la limite peu importe que la mort soit  le lot quotidien,(thanatopracteur ou cascadeur) que l’on soit suicidaire (l’ado harcelée sur les réseaux puis kidnappée) l’essentiel n’est-il pas de croire en la vie ? … Vous avez un seul devoir celui d’être heureux Tel serait le message dispensé avec un aplomb (assez désarmant dans sa banalité même )

Vous avez dit Philosophie de comptoir ?

 

On peut éviter ce film ou accepter de patiner de concert !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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17 juin 2024 1 17 /06 /juin /2024 12:13

De Jean-Christophe Meurisse  (2024)

 

avec Delphine Baril, Charlotte Laemmel, Laurent Stocker, Gaëtan Peau, Vincent Dedienne Aymeric Lompret, Jonathan Cohen, François Rollin, Romane Bohringer, Philippe Rebbot, Nora Hamzawi

 

 

présenté en clôture de  la Quinzaine des cinéastes Cannes 2024

 

 

sortie en salles  le 26 juin 

Synopsis: Léa et Christine sont obsédées par l'affaire Paul Bernardin, un homme soupçonné d’avoir tué toute sa famille et disparu mystérieusement. Alors qu'elles partent enquêter dans la maison où a eu lieu la tuerie, les médias annoncent que Paul Bernardin vient d'être arrêté dans le Nord de l’Europe

 

Dupont de Ligonnes version comédie (cf l'affiche) ??

Les pistolets en plastique

Dans ce troisième long métrage (après Apnée et Oranges sanguines) le cinéaste (qui est aussi rappelons -le à la tête de la troupe de théâtre, « Les Chiens de Navarre »), continue à « bousculer » la comédie française ; en prenant plaisir à mêler l’absurde la tragédie la comédie, l’humour et la gravité, dans un film plus qu’hybride (parodie du policier, comédie sociale et même film d’horreur). Refusant de se cantonner dans un genre unique, il opte une fois de plus  pour une succession de tableaux multipliant les points de vue

Vous allez assister à une farce loufoque baroque déjantée, irrévérencieuse et caustique, dont l’intrigue policière - inspirée de l’affaire Dupont de  Ligonnès- sert de prétexte

Le ton est donné dès le générique (prologue qui encode le film) : toutes les informations sont entrecoupées par le dialogue entre deux médecins légistes en train de disséquer un cadavre, dans un décor verdâtre, maculé de sang avec une panoplie d’instruments d’équarrissage…: Oui et c’est à déplorer disent-ils -surtout Jonathan le mytho- à grand renfort de clichés, les gens aiment le sang, le mal, les séries gore, les tueurs en série ; il colporte aussi la rumeur  concernant un célèbre indicateur de l’orientation sexuelle....

C’est bien la France contemporaine que l’on va disséquer….et en particulier son goût trop prononcé pour les faits divers glauques 

Les deux enquêtrices du web, Léa (Delphine Baril) et Christine (Charlotte Laemmel), le vrai (Faux ?) Paul Bernardin  (Laurent Stocker) le tueur réfugié en Argentine, et le danseur country Michel Uzès (Gaëtan Peau) sont les quatre personnages principaux dont les trajectoires servent de trames narratives. A leurs côtés et sur le modèle de la comptine "trois petits chats" dorica castra (que nous entendrons à la fin du générique de fin) des personnages « secondaires » (dont certains que nous ne reverrons plus…)  des « sous intrigues », des péripéties qui toutes à des degrés divers dénoncent des incompétences notoires (enquêteurs de la police française dans une séquence où par écran interposé les deux Français sont incapables de communiquer avec leurs homologues danois) séquences /sketches aussi (cf la concierge qui débite, triviale,  propos racistes, homophobes, et clichés sur l’insécurité). Ces péripéties  sont l’occasion de one man show (cf l’entrée dans le cadre et dans l’aéroport de ce Zavatta (Anthony Pialotti) journaliste aussi célèbre qu’incompétent et son machouillage de cure-dent) Et ce faux coupable (comme le fut Guy Joao) objet de tous les délires, victime d’une  erreur politico-médiatico judiciaire et pire encore.... (ne pas spoiler…)

Oui la société est mal barrée ; oui la justice est incompétente, oui la police est incapable, oui l’opinion est versatile et toutologue, oui le méchant ne peut que triompher en absurdie !! Mais quand le film « reconstitue » la scène du crime,  on ne rit plus…

 

Parfois les décors d’un blanc laiteux ou chirurgical théâtralisent le propos (esthétisation ? formalisme décadent ? opposition un peu trop facile avec le rouge et ses connotations ?). Parfois ils versent dans la caricature (cf les intérieurs bourgeois de la bâtisse en France et de son double en Argentine), De même que la musique composite (où Julien Clerc, Dalida Taj Mahal côtoient Bach et Mahler) accentue les dysfonctionnements dénoncés de bout en bout

Certes il y a des passages qui, paradoxalement s’étirent inutilement (les « fausses découvertes » des enquêtrices leur diabolique justice immanente, les engueulades au téléphone, la cérémonie en Argentine) ou incongrus saugrenus (la pseudo performance de la commissaire française, Anne-Lise Heimburger, les confidences d’un ancien alcoolique décidé à boire le jour du mariage car précisément il a cessé de boire …celles de la femme enceinte, voisine de Michel Uzès dans l’avion Paris Copenhague)

 

Certes on pourra toujours reprocher les excès (outrances, profusions formelles, complaisances dans le « gore ») mais n’épousent-ils pas l’impertinence cynique qui sied à la dénonciation du sensationnalisme ?

 

Et d’ailleurs le cinéma de Jean Claude Meurisse ne serait-il pas cathartique? l

"plutôt que de pleurer sur le sort de notre société il vaut mieux rire de notre monstruosité" (Pierre Larvol)

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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16 juin 2024 7 16 /06 /juin /2024 13:40

d'Una Gunjak (Bosnie/Serbie 2023)

 

avec Asja Zara LagumdžijaNađa SpahoMaja IzetbegovicMediha MusliovićIzudin Bajrović

 

 

Festival Premiers Plans Angers janvier 2024

5e édition de Cinemed, festival du cinéma méditerranéen de Montpellier du 20 au 28 octobre 2023 : 

Mention spéciale Cinéastes du présent festival de Locarno 

Prix d’interprétation féminine pour Asja Zara Lagumdzija au Festival du Film de Marrakech,

Synopsis: À Sarajevo, Iman une adolescente en quête de reconnaissance affirme lors d'une partie d'action ou vérité entre collégiens -,-qu'elle a eu son premier rapport sexuel. Piégée dans son propre mensonge, elle invente une grossesse et devient le centre d'une controverse qui échappe à tout contrôle

Excursion

Action ou vérité ?

Deux trames narratives principales créent la dynamique interne du premier long métrage d’Una Gunjak. Un "mensonge" dont on suit la "dramatisation" : de l’étonnement à l’auto persuasion, de l’acceptation au rejet par les proches et les autorités laïques ou religieuses, de l'ostracisme à l’exclusion. Parallèlement, on suit les préparatifs d’un voyage de classe  sur fond de rumeurs (17 jeunes filles enceintes  suite à  un voyage organisé …) ces réunions avec les parents  filmées en montage parallèle seraient-elles censées illustrer une confrontation générationnelle ? . Et voici comme toile de fond, la ville de Sarajevo (de rares plans d’ensemble ou en plongée, mais des ambiances urbaines) encore marquée par les dissensions entre Serbes et Bosniens, et Bosniaques, autochtones et étrangers et un contexte socio-politique imprégné du patriarcat d’un autre âge…. Et ce sont bien les différentes étapes de la première qui, contaminant les autres, illustrent le jeu (pervers ?) "action ou vérité ?

L’actrice (aux allures androgynes, aux cheveux teints) interprète royalement l’adolescente Iman Elle est de tous les plans (seule, en groupe, en classe, en duo avec son "amie"  Mediha, en famille -grand-père aveugle, mère compréhensive, frère taquin) et son regard d’azur dira le désarroi quand le « mensonge » initial (avoir eu un rapport sexuel avec Damir, au-delà des prélis) prend d’imprévisibles proportions (surtout quand elle ne dément pas l’éventualité d’une grossesse… )

Oui il y a de l’audace à mettre en exergue les absurdités d’une société hétéropatriarcale (et les effets collatéraux dont les déboires imposés à la mère sont bouleversants) Oui oser avouer en public un désir en le maquillant derrière un mensonge, s’apparente à un cri de révolte- celui d’une jeunesse bâillonnée ici (Sarajevo) ou là (d’où la portée universelle du propos) Le désir sexuel serait donc tabou ? (on ne peut s’empêcher d’opposer le How to have a sex de Molly Manning Walker (prix un certain regard 2023) film beaucoup plus convaincant en son exact contraire……

Le film s’apparente parfois à un « teen movie » mais il manque de ‘tonus » et souffre d’étirements inutiles (surtout dans la première partie où la succession de « tableaux » censés contextualiser un parcours, s’encombre de longueurs ou piétine)

Dommage car le film se donne à lire comme la radiographie d’une certaine jeunesse contrainte à se « réinventer » face à un monde adulte, marqué par des décennies de troubles (c’est un euphémisme) et par les tentatives de l’économie néolibérale ; les sanction infligées, communiquées par téléphone interposé en disent long sur l’état de « santé mentale » de la société bosnienne 

 

Colette Lallement-Duchoze

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15 juin 2024 6 15 /06 /juin /2024 07:09

De Rose Glass (USA G-B 2023)

 

avec Kristen Stewart, Katy O'Brien, Jena Malone, Ed Harris

 

Présenté à la Berlinale 2024 en sélection officielle hors compétition

Synopsis: Lou gère une salle de sport où elle rencontre et tombe amoureuse de Jackie, une culturiste ambitieuse qui traverse la ville pour se rendre à Las Vegas à la poursuite de son rêve. Leur relation passionnée et explosive va les entraîner malgré elles dans une spirale de la violence 

Love lies bleeding

 Love Lies Bleeding évoque les aspects toxiques de l'amour et comment il peut susciter à la fois l'excitation et la terreur (propos de la réalisatrice)

Dès le générique, le rythme trépidant, les très gros plans (voire zooms) sur des parties de corps bodybuildés ou/et sur des rouages d’appareils de sport, les éclairages, la bande-son surdimensionnée, tout  encode le film : une démonstration de force -nous sommes en1989, c’est la fin de l’ère reaganienne qui au cinéma avait imposé la culture du virilisme…culture que la réalisatrice va se réapproprier en la revisitant. La séquence suivante où Lou nettoie des chiottes plongeant dans la merde mains et avant-bras …parachève les prémices ; alors que dans la voiture un couple (le beau-frère et la culturiste qui débarque) s’envoie en l’air avec fracas…

Un échange de regard(s) qui électrise. Un amour naissant.

Mais cette histoire d’amour va vite tourner au cauchemar "rouge sang" (cf le titre) La famille de Lou rappelle étrangement celle des Atrides un père criminel allié au potentat local et au FBI, une sœur défigurée à force d’être tabassée par le mari, la justicière Lou  engluée dans les mensonges, victime collatérale de "crimes" à répétition  qu’elle doit "maquiller"

Thriller, road movie criminel ce film mêle fantastique (la faille géologique comme réservoir et habitacle de passés individuels trop lourds à supporter, le corps qui gonfle sous nos yeux grâce aux produits dopants) et réalisme cru (avec une certaine complaisance pour les très gros plans sur des visages fracassés tuméfiés et des corps dégoulinants de rouge sang)

Mais ne nous méprenons pas ; Jackie la massive ne serait-elle pas un colosse aux pieds d’argile?  Et l’annonce racoleuse « thriller lesbien » doit être nuancée. Certes le film fait la part belle à la relation amoureuse sexuelle entre les deux femmes, mais il ne saurait ériger le lesbianisme en dynamique militante, il interroge plutôt la toxicité de l’amour -le coup de téléphone au  frère résonne comme un avertissement désespéré « ne sois jamais amoureux…Grâce au sexe et par le sexe, Jackie voit littéralement ses pulsions bestiales jaillir sur le devant de la (sa)  scène alors que Lou l’amante tente de préserver la part aimante de chacune en une étonnante symbiose

Un film qui décoiffe, un film viscéral mené tambour battant par les deux actrices Kristen Stewart et Katy O'Brien

Un film à ne pas manquer (malgré les outrances et redondances pétaradantes)

Un film riche aussi en références cinématographiques (laissons aux exégètes patentés le soin de les identifier, de les commenter,  la réalisatrice facilitera leur tâche dans ses « notes d’intention »)

 

Colette Lallement-Duchoze

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14 juin 2024 5 14 /06 /juin /2024 04:00

De Blandine Lenoir (2024)

 

avec Izïa Higelin (Juliette) Sophie Guillemin (Marylou, la sœur) Jean-Pierre Darroussin (Léonard,  le père) Noémie Lvovsky (Nathalie, la mère) Liliane Rovère  (Simone, la grand-mère) Eric Caravaca (Stéphane le mari de Marylou) Salif Cissé (Pollux) Thomas de Pourquery (Adrien l'amant de Marylou) 

 

D’après le roman graphique Juliette: les fantômes reviennent au printemps de Camille Jourdy.

Juliette, 35 ans, illustratrice de livres pour enfants, retourne dans le lieu où elle a grandi pour passer quinze jours en compagnie de ses proches : un père un peu lunaire, une sœur qui a d'autres chats à fouetter entre ses gosses, son boulot, son falot de mari et son amant, une mère aux abonnés absents et une grand-mère qui perd la tête. Souvenirs enfouis, non-dits et secrets de famille remontent à la surface…

Juliette au printemps

Un film « miroir », tant il renvoie aux petits riens qui peuplent notre quotidien, tant il met à nu (parfois avec complaisance) petits bobos mais aussi problèmes existentiels énoncés dans ces formules-clichés auxquelles nous recourons en permanence, le fameux « bon sens populaire ». Dans cette  famille dysfonctionnelle, décomposée recomposée,  voici un couple aussi saugrenu qu’attachant, Pollux et le « petit canard »,  voici de la chair (celle de la sœur aînée Marylou) triturée léchée dans sa nudité à la Rubens explosant de plaisir, dans des scènes bucoliques…et fidèle à lui-même voici  Jean-Pierre Darroussin en père facétieux, aimant tendre et bourru (rôle dans lequel il excelle)

Reprenons : Juliette souffre d’impatiences, d’insomnie et d’aménorrhée et le séjour à la campagne chez les « siens » (retour dans le giron familial, retour aux « sources ») aura la vertu thérapeutique tant espérée !!!…C’est qu’un trauma enfoui dès la prime enfance va être exhumé (ah la magie de la parole/souvenance, des aveux ) alors que simultanément la sœur aînée va remettre en question « son destin  tout tracé » de mère et d’épouse

Si la lumière, quelques jeux de caméra, des plans d’ensemble mais aussi des gros plans (les visages de Pollux de Juliette qui envahissent parfois l’écran) se prêtent à la succession de tableaux, et inscrivent le film dans une  symbolique vernale , si la réalisatrice ne néglige aucun personnage dit secondaire (dont la mère fantasque, la grand-mère impayable avec ses amours incontrôlés en Ehpad,  l’amant Adrien et ses grotesques déguisements) force est de reconnaître que cette "prétendue" odyssée familiale si elle est parfois émouvante -par son mélange de mélancolie et de fantaisie burlesque -, n’en est pas pour autant une « précieuse épopée des sentiments » (comme on a voulu nous la « vendre »)…..

 

Un film aussi tape-à-l'œil parfois que les vulves aux couleurs flashy peintes par  Nathalie, la mère? 

Un film aussi bancal et trébuchant que le chat de gouttière ? (Chat dont les dérapages intempestifs seraient censés scander la narration… ?)

 

 

A vous de juger !!

 

Colette Lallement-Duchoze

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13 juin 2024 4 13 /06 /juin /2024 06:26

De Leos Carax (2023) 42'

 

avec Denis Lavant, Ekaterina Yuspina, Lorera Juodkaite Nastya Golubeva Carax

 

 

présenté  à Cannes Première au Festival de Cannes 2024

C'est pas moi

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10 juin 2024 1 10 /06 /juin /2024 06:11

de Sol-hui Lee (Corée 2022)

 

avec Seo-Hyeong Kim, Jae-sung Yang, So-yo Ahn

Aide-soignante à domicile, Moon-Jung s’occupe avec bienveillance d'un vieil homme aveugle et de sa femme. Mais quand un accident brutal les sépare, tout accuse Moon-Jung. Elle se retrouve à devoir prendre une décision intenable

Greenhouse

",Les membres d'une famille peuvent ne pas se côtoyer, se rejeter, se haïr ou vouloir disparaître  je souhaitais explorer ces réalités troubles , qui existent bel et bien, même si elles vont à l'encontre de l'idée que l'on se fait de la famille"  "

 

 

Film misérabiliste ? Portrait d’une laissée pour-compte ? C’est du moins ce que suggérerait la première partie du film. Le spectateur est invité à suivre le quotidien humiliant de Moon-Jung  : plan fixe sur cette serre recouverte de bâches noires où elle « survit » , silence désapprobateur du fils auquel elle rend visite au centre de détention, gifles d’auto flagellation, apeurement  lors de  séances de thérapie de groupe, abnégation au service d’un couple âgé (lui aveugle et bienveillant, elle atteinte de démence sénile et méchante), visite à la mère hospitalisée insensible aux marques d’affection de sa fille, réification par l’amant aux exigences machistes. Tout cela accentué par la couleur terne des vêtements, la pâleur presque livide du visage, par la lenteur des gestes toujours recommencés, et par une forme de mutisme ou du moins d’une forme de captation de la voix (comme si elle ne lui appartenait pas ou plus)

Mais un « accident » tragique va faire basculer le tout…le film lui-même empruntant les voies du thriller Pour maquiller le réel que d’astuces mensongères ! que de décisions à prendre rapidement !  la femme bienveillante et résignée devenue « hors la loi » ?

Toujours prégnante la peinture sociale (dont les ravages de la maladie de la vieillesse de la cruauté et en filigrane la critique du pouvoir de son incurie dans la prise en charge des personnes âgées), s’inscrit dès lors dans une autre dramaturgie - et la scène finale serait en fait l’acmé irréversible d’une tragédie. Le cauchemar quotidien de « survie » s’est mué en enfer.

On pourra reprocher à la mise en perspective initiale d’être « redondante » ou « laborieuse », -malgré les effets spéculaires censés avertir le spectateur –mais on sera sensible à l’interprétation éblouissante de Kim Seo-hyung à la mise en scène hyper soignée et à cette tension millimétrée -à tel point que ce qui prêterait à sourire (cf les tâtonnements du vieillard aveugle persuadé de perdre la mémoire alors que la sensation tactile disait le vrai-) a le drapé de la tragédie 

 

A voir !

 

Colette Lallement-Duchoze

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