De Todd Phillips
Avec Joaquin Phoenix, Robert de Niro, Frances Conroy
Lion d'Or Venise 2019
Dans les années 1980, à Gotham City, Arthur Fleck, un comédien de stand-up raté, méprisé de tous et bafoué, bascule peu à peu dans la folie pour devenir le Joker un dangereux tueur psychotique..
Un film-brûlot ? Oui car il dessine la cartographie des inégalités sociales mortifères, met à nu les pouvoirs insidieux des médias et des hommes politiques, et métamorphose le "fameux" rêve américain en cauchemar ! La violence subie par Arthur est retournée en boomerang contre tous ses tortionnaires.
Mais qui est Arhur Fleck ? Un clown méprisé de tous? (et le prologue en serait la toute première illustration) Un schizophrène? (cf les séances avec la psy et l’épilogue) Arthur ou l'anti-héros? Le film de Todd Phillips illustre sa métamorphose : il deviendra le Joker – ce "super vilain" du monde des comic books Evolution scandée par les scènes presque chorégraphiées, la récurrence de cette lente et longue montée des marches et de leur descente illuminée aérienne voire hypnotisante, les courses poursuites avec les représentants de l’ordre public, évolution ponctuée par le rire incontrôlable, et les révélations successives qui vont saper ses certitudes.
Arthur, avili méprisé sera Joker (tueur psychotique) adulé par une frange de la population qui reconnaît en lui le paria: n'est-il pas perçu comme la figure tutélaire du soulèvement anti-élite voire nihiliste?
Mais surtout Joker est un film époustouflant dans ses partis pris de mise en scène, son sens du rythme et de la narration et par la prestation d’un Joaquin Phoenix au top de sa forme: cet acteur rend palpables toutes les nuances de la folie, il désarticule son corps amaigri pour en faire un pantin ou un danseur, et les très gros plans sur son visage qu'il maquille ou dont il déforme les lèvres en un énorme rictus impressionnent tant pour le rendu visuel que pour tous les sens cachés, connotés
Dès le prologue le spectateur est comme happé : il assiste à la course effrénée d’Arthur au milieu du trafic urbain ; car ce clown tente de récupérer la pancarte que de jeunes malfrats(?) lui ont arrachée –or n’est-elle pas son viatique, sa raison d’être, de sur-vivre –; au bout de cette course exténuante, les jeunes utilisent la pancarte comme une arme: elle terrassera Arthur; son corps est cloué au sol...tel un gisant
Une course qu’accompagne la musique quasi hallucinée de l’Islandaise Hildur Guônadottir.
Tout est dit
Un film à ne pas rater!
Colette Lallement-Duchoze