28 juillet 2019 7 28 /07 /juillet /2019 06:18

de Wang Xiaoshuai (Chine)

avec Jing-chun Wang, Mei Yong, Qi Xi

 

Au début des années 1980, Liyun et Yaojun forment un couple heureux. Tandis que le régime vient de mettre en place la politique de l’enfant unique, un évènement tragique va bouleverser leur vie. Pendant 40 ans, alors qu’ils tentent de se reconstruire, leur destin va s’entrelacer avec celui de la Chine contemporaine.

So long, my Son

Superposition des temps narratifs,  éclatement chronologique avec raccords (audacieux ou fluides), ellipses,  changement de points de vue, telle est bien la structure complexe de cette fresque familiale sociale et politique, de ce puzzle qui vibre d’émotions contenues (la mort de l’enfant en ouverture…) qui mêle l’intime et le collectif,  l'histoire individuelle et l'Histoire, le passé et le présent

 

Qui oserait encore prétendre que seule l’histoire prime dans l’appréciation d’une œuvre ?

Ici c’est bien plus la façon dont l’histoire est racontée...qui suscite l’intérêt et crée le suspense

 

Au montage vertigineux (où les changements d’époques épousent aussi les changements de lieux) s’ajoute  l’interprétation des deux acteurs principaux (Wang Jing-chun dans le rôle de Liu Yaojun le père et Yong Mei dans celui de Wang Liyun la mère) récompensés d’ailleurs à Berlin (Ours d’argent) interprétation qui va de pair avec la direction d’acteurs. Ajoutons la maîtrise des cadrages et la science des lumières;  ce tempo - qui fait alterner duos,  et scènes de groupes ; intimité toujours pudique et collectif, colères vives et paroles apaisantes  etc.-  ; la récurrence d'un thème musical et  la reprise de "ce n’est qu’un au revoir"

 

Le cinéaste illustre les conséquences de la politique mise en place par Deng Xiaoping (celle d’une démographie planifiée) sur la vie d’un couple pendant  plus de 30 ans (de 1980 à 2015). Un couple qui à l’écran est bouleversant d’humanité et d’abnégation. Le mélo (et la tentation guette insidieuse…) est .à chaque fois évité …Et si la longue séquence finale éclate de ferveur oecuménique voire d’irénisme, elle s’inscrit dans un contexte qui échappe forcément à  "notre"  façon d’appréhender d’autres pratiques culturelles que les nôtres…Esprits chagrins évitez l’ethnocentrisme !

 

Un film à voir!

Absolument!!

 

Colette Lallement-Duchoze

So long, my Son

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26 juillet 2019 5 26 /07 /juillet /2019 11:54

de Kirill Mikhanovsky

avec Chris Galust, Lauren "Lolo"Spencer, Maxim Stoyano

 

Présenté au festival de Cannes (Quinzaine des Réalisateurs)

Vic, malchanceux jeune Américain d'origine russe, conduit un minibus pour personnes handicapées à Milwaukee. Alors que des manifestations éclatent dans la ville, il est déjà très en retard et sur le point d'être licencié. A contrecoeur, il accepte cependant de conduire son grand-père sénile et ses vieux amis Russes à des funérailles. En chemin, Vic s'arrête dans un quartier afro-américain pour récupérer Tracy, une femme atteinte de la maladie de Lou Gehrig.

Give me Liberty

Un film pour le moins exubérant, parfois « confus » (raccords surimpressions cacophonie), au rythme effréné, une caméra virevoltante, et nous voici embarqués pour une journée dans un convoi de handicapés mentaux et moteurs et autres inadaptés (des obèses par exemple)…. Huis clos du bus, huis clos d’intérieurs détériorés qui sont comme les étapes qui jalonnent le parcours à travers la cité de Milwaukee (état du Wisconsin).  Vic conduit chaque jour des personnes à mobilité réduite, qui à l’école, qui à un concert, qui...Mais ce jour-là il accepte (quitte à perdre son boulot s’il ne respecte pas les horaires imposés!) de conduire son grand-père (Alzheimer) et des femmes de la communauté russe à un enterrement ainsi qu’un certain Dima (Russe) -lequel se fait passer pour le neveu de la défunte !!!

Le film va se focaliser sur les trois personnages de Vic le chauffeur (Chris Galust)  Dima l’intrus loufoque (Maxim Stoyanov et Tracy munie de son épée et en fauteuil roulant à cause de la maladie de Lou Gehrig, (Lauren Lolo Spencer) dont Vic est amoureux (le tourne disque qu’ils ont bricolé semble sceller leur union…) La cité hétéroclite aux communautés cloisonnées -afro-américaine, russe entre autres - (cf l’épisode de la manif) devient elle aussi un personnage à part entière . (On sait que Kirill Mikhanovsky né à Moscou et installé aux Etats-Unis fin 1980 s’est inspiré de sa propre expérience d’ambulancier pour ce film)

Ce qui frappe c’est l'énergie enthousiaste et communicative  qui habite chacun des éclopés  ; la longue séquence d’ouverture en avait donné le ton : un tétraplégique allongé, la cigarette aux lèvres (qu’une main vigilante -celle de Vic le chauffeur- dégage pour chaque bouffée) clame avec sérénité son amour de la vie « elle doit être chérie » Ce personnage -que nous verrons et entendrons à intervalles réguliers -, est de l’aveu même du réalisateur la  "conscience du film"

« Give me Liberty » Plus sournois que le handicap mental ou physique est celui de l’aliénation due à l’immigration .

 Et si le "handibus"  devenait la métaphore d’un melting pot  assumé ??? la concrétisation du  fameux rêve de Martin Luther King  "nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"

 

Colette Lallement-Duchoze

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24 juillet 2019 3 24 /07 /juillet /2019 08:02

de F Henckel von Donnersmarck (Allemagne) 

avec Tom Schilling, Paula Beer, Sebastian Koch, Saskia Rosendahl 

À Dresde en 1937, le tout jeune Kurt Barnet visite, grâce à sa tante Elisabeth, l’exposition sur "l’art dégénéré" organisée par le régime nazi. Il découvre alors sa vocation de peintre. Dix ans plus tard en RDA, étudiant aux Beaux-arts, Kurt peine à s'adapter aux diktats du « réalisme socialiste ». Tandis qu'il cherche sa voix et tente d’affirmer son style, il tombe amoureux d'Ellie. Mais Kurt ignore que le père de celle-ci, le professeur Seeband, médecin influent, est lié à lui par un terrible passé. Epris d’amour et de liberté, ils décident de passer à l’Ouest…

L'Oeuvre sans auteur Parties 1 & 2

Ce film en deux parties s’inspire de la vie et l’oeuvre du peintre Gerhard Richter . en 1932 cet héritier de "la tradition académique enseignée à Dresde s’empare de la photographie dès les années 1960 pour construire une réflexion sur la peinture et la finalité de l’art" .(il est  exposé d’ailleurs en ce moment avec d’autres artistes contemporains à la fondation Vuitton jusqu’au 26 août). 

L'oeuvre sans auteur (qui certes n’est pas un biopic) a été mal accueilli par cet artiste qui l’a jugé « racoleur » (Et on peut aisément imaginer ce qu’il a pensé de la reconstitution de son fameux tableau Ema Auf einer Treppe .....!!!)

Et de fait que de clichés dans le traitement (très académique de surcroît), que de platitudes dans certains dialogues, que de mièvrerie dans le couple Kurt et Ellie, que de phrases sur la finalité de l’art qui semblent plaquées, que de difficultés à filmer l’artiste « au travail » face à son chevalet ou en mal d’inspiration -suite aux conseils du professeur en qui on aura reconnu ...Beuys! cf le flash back sur sa  "résurrection"  après un crash en Crimée grâce à des Tatares qui l’ont enduit de graisse et enroulé dans des couvertures de feutre!

Est-ce parce qu’il accorde trop d’importance au gynécologue (père d’Ellie d’ailleurs) interprété par Sebastian Koch, qui a oeuvré sans complexe avec les nazis (donnant son aval à la stérilisation et à la solution finale pour malades mentaux…) puis en RDA avec les Russes (pour avoir réussi un accouchement difficile – la parturiente étant la femme d‘un gradé) puis en RFA … sans oublier l’avortement pratiqué sur sa propre fille (le gendre n’étant pas digne de sa lignée!!!) ? Un individu qui incarne et symbolise le Mal,  parasite le propos que sous-entendait le titre énigmatique et prometteur « l’oeuvre sans auteur »

 

Il y a certes des moments assez réussis (encore que...):  la visite commentée de l’expo itinérante sur  "l’art dégénéré" ; la belle folie de la jeune tante Elisabeth -Saskia Rosendahl  (Partie I) mais  la scène finale (Partie 2) qui lui fait écho en atténue la portée qui se voulait triomphale !! 
 

Heureusement le film est proposé en deux séances distinctes (1h30 chacune) ennui et insipidité  sont plus "supportables"

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

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15 juillet 2019 1 15 /07 /juillet /2019 05:41

de Chany Button (Irlande G-B) 

avec Gemma Arterton, Elizabeth Debicki, Isabella Rosselini 

Virginia Woolf et Vita Sackville-West se rencontrent en 1922. La première est une femme de lettres révolutionnaire, la deuxième une aristocrate mondaine. Quand leurs chemins se croisent, l'irrésistible Vita jette son dévolu sur la brillante et fragile Virginia. Commence une relation passionnelle qui fait fi des conventions sociales et de leurs mariages respectifs.

 

Vita & Virginia

Si le romancier est un prédateur s'il ressemble au "scribe" du tableau de Füssli (Le cauchemar) alors Virginia Woolf aura lové dans la texture d’Orlando une proie, sa proie, en s’emparant de tout l’être de Vita - cette aristocrate poétesse elle-même  "prédatrice".

Chanya Button en "restituant"  un épisode de la vie de Virginia Woolf : sa relation amoureuse avec Vita Sackville-West, cherche aussi à l’inscrire dans la genèse de l’oeuvre à venir...qui d'ailleurs révélera la romancière au  grand public!

Thématique séduisante! Mais....

 

Dès le prologue le procédé de la duplication (en littérature ce serait le roman et le roman en train de se faire) est trop appuyé et le très gros plan sur les lèvres de la récitante le rend factice. (Rappelons que le film s’inspire d’une pièce de théâtre, elle-même adaptée de la correspondance entre Vita Sackville-West et Virginia Woolf)

Procédé que l’on retrouvera s’agissant de l’une ou l’autre des deux femmes : au tout début c’est une interview enregistrée reprise quasi simultanément par Vita – elle répète...en les récitant...les propos réponses à son intervieweur. Puis ce seront à intervalles réguliers des "paroles" écrites -correspondance et/ou manuscrit- reprises susurrées du bout des lèvres avec en surimpression la plume crissant sur le papier et le visage de la récitante/auteure alors que l’on entend sa voix comme en off

 

Cette tentative de film épistolaire et ses effets spéculaires s’insèrent maladroitement dans l’ensemble de ce "biopic". Un biopic assez cérébral -dont témoignent les ambiances tamisées mais sans âme, ce plan récurrent sur la façade du château comme un trompe l’oeil-, la pudeur calculée dans les rares scènes d’érotisme, les dialogues " récités" (avec les époux, les amis), les hallucinations visuelles de Virginia métamorphosant le milieu urbain en jungle, peu convaincantes, une musique électro décalée, censée "reproduire"  la pulsation amoureuse….

 

Si Elizabeth Debicki en Virginia apeurée et fragile, anxieuse et dépressive et Gemma Aterton en Vita séductrice extravagante toute en minauderies...incarnent avec talent leur personnage respectif, le film ne vibre pas pour autant d'une passion dévorante, celle qui précisément embrasait leur corps et leur correspondance 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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9 juillet 2019 2 09 /07 /juillet /2019 08:34

de Benjamin Naishtat (Argentine)

avec Dario Grandinetti (Claudio)  Andrea Frigerio,  Alfredo Castro (l'inspecteur ) , Laura Grandinetti, Diego Cremonesi 

 

Festival de San Sebastian : prix Meilleur Acteur, (pour Dario Grandinetti) Meilleur Réalisateur et Meilleure Photographie

Argentine, 1975. Claudio, avocat réputé et notable local, mène une existence confortable, acceptant de fermer les yeux sur les pratiques du régime en place. Lors d’un dîner, il est violemment pris à partie par un inconnu et l’altercation vire au drame. Claudio fait en sorte d’étouffer l’affaire, sans se douter que cette décision va l’entraîner dans une spirale sans fin.

Rojo

Non l’écriture n’est pas décousue -comme certains le prétendent

Oui le spectateur est constamment sollicité pour combler interstices ellipses ou chaînons apparemment manquants

Oui en évoquant une période précise -l'année  qui a précédé "le coup d’Etat" et la dictature de Videla en 1976 en Argentine – le réalisateur non seulement restitue une ambiance mais filme à la manière de.. .. ralentis, zooms, fondus enchaînés, scènes de route filmées du capot, choix de certaines couleurs par exemple

 

Au tout début nous sommes confrontés à une sorte  d’énigme. Plan fixe sur la façade d’une maison ; puis un par un des gens vont sortir emportant du matériel, du mobilier ; on pense d’abord à un déménagement;  mais quand un militaire s’assure que la maison est bien vide.....on devine qu’on a assisté à un pillage ! (Cette  "maison  abandonnée" fera l’objet de magouilles immobilières….plus tard dans la narration)

Puis sans transition un pré-générique nous immerge dans l’ambiance festive  d’un restaurant plutôt bourgeois ; un homme seul attablé attend son épouse ; il est pris à partie  par un client ..debout...Notable connu et respecté il  consent à céder sa place moins par politesse que par condescendance et sa tirade-diatribe à l’encontre de l’intrus, convaincra toute l’assistance... La suite ? Scène d’extérieur .. l’avocat sera  responsable ....de la "disparition" de ce perturbateur…

Alors peut apparaître sur l’écran en lettres géantes rouges le titre du film ROJO

Prologue et pré-générique ou les présages de disparitions à venir ? Rôle de la bourgeoisie dans ce processus ?

 

Le réalisateur cherche à  "disséquer" une société qui par son silence aura été complice.(la junte militaire est au pouvoir depuis 1973). Son film suit -trois mois après l’épisode inaugural- l’itinéraire de Claudio, (en famille, en réunions, au spectacle, lors de réceptions) notable interprété par Dario Grandinetti -(rappelez-vous son rôle dans "Parle avec elle" d’Almodovar). Rojo se découpe en tableaux à valeur "démonstrative"  -entendons par là que chaque tableau est censé illustrer une "preuve" -citons par exemple le spectacle que prépare la fille de Claudio sur la colonisation espagnole ; une visite d’un élevage, le jour de la castration des veaux, les rapports de force entre jeunes de milieux sociaux différents…). L’arrivée d’un enquêteur ….chilien...(formidable Alfredo Castro l'acteur fétiche de Pablo  Larrain) qui joue son Colombo pour identifier l'assassin de  l’intrus.... de la séquence du pré générique..., insuffle un peu d’humour burlesque dans une  atmosphère  souvent délétère

On retiendra la belle séquence de l’éclipse : le rouge envahit tout l’écran ; le rouge et toutes ses connotations (sang, communisme entre autres) Et les personnages protégés par leurs lunettes n’incarnent-ils pas cet aveuglement généralisé que dénonce précisément Benjamin Naishtat ???

 

A voir absolument !!!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

 

 

 

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3 juillet 2019 3 03 /07 /juillet /2019 06:25

De Laure De Clermont-Tonnerre (France USA)

Avec Matthias Schoenarts, Jason Mitchell 

 

Incarcéré dans une prison du Nevada, Roman n’a plus de contact avec l’extérieur ni avec sa fille... Pour tenter de le sortir de son mutisme et de sa violence, on lui propose d’intégrer un programme de réhabilitation sociale grâce au dressage de chevaux sauvages. Aux côtés de ces mustangs aussi imprévisibles que lui, Roman va peu à peu réapprendre à se contrôler et surmonter son passé.

 

Nevada

Robert Redford a produit le film. Et Laure de Clermont-Tonnerre installée aux USA s’est documentée sur des expériences en cours dans diverses prisons - ce que mentionne d’ailleurs le générique d’ouverture et ce qu’illustre le générique de fin.

 

Certes la réalisatrice insuffle une part de romanesque (dont la relation de Roman avec sa fille) dans un cadre et une démarche proches du documentaire. Certes son film est très bien construit : après un prologue assez époustouflant, on va suivre les différentes étapes du dressage jusqu’à la connivence complice entre l’équidé et l’homme que semble immortaliser ce cadrage repris pour l’affiche ; dressage de l’animal qui va de pair avec l’apprentissage du self-control : Roman progressivement apprivoise ses pulsions et s’ouvre  au monde extérieur.

Certes il y a les plaines du Nevada -ces grandes étendues désertiques- (attention il ne s’agit pas de western comme se complaisent à l’affirmer certains critiques pour simplifier ou se référant uniquement à la séquence d'ouverture), et surtout  il y a la présence et  le jeu de Matthias Schoenarts  à la puissance fragile, au mutisme éloquent et au regard qui semble sonder un infini bleu et tourmenté......

 

Mais à partir d'un thème assez convenu - réhabilitation sociale de détenus par une formation au dressage de chevaux sauvages ou en termes plus cliniques et dans d'autres contextes, rédemption par l’équithérapie- la réalisatrice sur-ligne sa métaphore filée (analogies entre la condition de Marquis le cheval et Roman le détenu -deux "bêtes" sauvages - et leur apprivoisement réciproque). De plus, elle semble recourir aux clichés propres au  " film carcéral" - deal, drogue, incompréhension au parloir, cellules et mitard, corps des hommes sous la douche, etc. - comme simples référents illustratifs et il en va de même (parfois) avec la bande-son !!

 

Dommage !

 

Colette Lallement-Duchoze

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30 juin 2019 7 30 /06 /juin /2019 07:00

De Monia Chokri  Canada 

Avec  Anne-Elisabeth Bossé, Patrick Hivon, Sasson Gabai, Evelyne Brochu

présenté au festival de Cannes (Un Certain Regard)

Montréal. Sophia, jeune et brillante diplômée sans emploi, vit chez son frère Karim. Leur relation fusionnelle est mise à l’épreuve lorsque Karim, séducteur invétéré, tombe éperdument amoureux d’Eloïse, la gynécologue de Sophia…

 

La femme de mon frère

Tout est exacerbé voire hystérique dans ce film de Monia Chokri (on l’avait vue comme actrice dans des films de Xavier Dolan). Rythme, montage et raccords, couleurs, dialogues – ponctués de fameuses punchlines- débités à une vitesse folle et même les références à Xavier Dolan. L’actrice Anne Elizabeth Bossé qui interprète Sophia, une trentenaire super diplômée mais sans emploi, célibataire, "amoureuse" de son frère (du moins la relation est très fusionnelle) , est aussi survoltée que le film (attention cela n’enlève rien à sa prestation !!). Et tout en riant -sans se moquer tout à fait- de ce personnage, le spectateur risque sinon d’être exaspéré (à moins que ce ne soit le but recherché par la réalisatrice) du moins de s’ennuyer quelque peu...

 

Et pourtant la scène d’ouverture était prometteuse (pour le ton et pour la façon de filmer). La présidente du jury (Sophia défend une thèse d’anthropologie sur les politiques familiales chez Gramsci) s’exprime face à la caméra dans son jargon philosophique le ponctuant de mimiques qui la transforment en pantin ridicule et névrosé puis elle sollicite l’avis des membres du jury -visages en gros plan face à l’objectif- eux aussi vite discrédités….Un prénom pour le moins symbolique (Sophia) le sujet d’une thèse comme mise en abyme du film, et les querelles de chapelles comme caricature du milieu universitaire... Règlement de comptes? Peu importe.

 

Suit une exposition sous forme de galerie de portraits (Karim le frère, et les parents assez excentriques). Nous voici immergés dans une comédie humaine (façon québécoise) dont les scènes de repas festives exubérantes mais aussi sarcastiques  seront la  "ponctuation" 

 

À partir du moment où la réalisatrice opte pour la sur-stylisation et l’outrance (dans la mise en scène comme dans les dialogues) même si des scènes empreintes de tendresse sont censées assurer un tempo, même si le personnage principal est censé évoluer (de son "infantilisme" initial à une forme de "maturité"  qui passe par l’acceptation de soi et l’acceptation de la "femme de son frère") le film dans son exubérance même a tendance à s’embourber

 

Dommage !!

 

Colette Lallement-Duchoze

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29 juin 2019 6 29 /06 /juin /2019 08:25

de Darko Stante  2018 Slovénie

avec Matej Zemljic, Timon Sturbej, Gasper Markun

A 17 ans, Andrej est placé dans un centre de détention pour jeunes. Il y intègre un groupe de garçons délinquants avec lesquels il se perd dans la drogue et la violence. Mais bientôt les désirs d'Andrej le rattrapent. Démasqué, il va devoir faire un choix pour rester fidèle à lui-même..

Conséquences

En enfermant le spectateur avec Andrej dans un centre de détention, le réalisateur (qui s’inspire de sa propre d’expérience d’éducateur) attaque frontalement un système incompétent et simultanément plaide la tolérance dans un pays où l’homosexualité est encore tabou où les droits de la communauté LGBT évoluent (trop) lentement

 

Après quelques scènes rapides qui illustrent la faillite du milieu parental, nous allons suivre la trajectoire d'Andrej dans le  centre... Là aussi le personnel de surveillance et les éducateurs semblent impuissants face à l’existence d’un microcosme régi par la loi du plus fort, où l'on doit " faire ses preuves" sous la houlette d’un leader à la fois charismatique et violent., Zelko.

Rackets, drogue, alcool, vol de voiture, pugilats, filles ...sont illustrés en des scènes-tableaux au rythme souvent trépidant. Les étapes d’un engrenage, la progression dans la Violence sont saisies  dans une approche réaliste, sans fard.  Et les propos comminatoires des adultes  "sur les conséquences inéluctables"  d'actes répréhensibles  sont frappés d’inanité !

 

Andrej est de tous les plans imposant sa présence de jeune homme à la gueule d'ange et aux muscles d'acier!!!  

Refoulant dans un premier temps son homosexualité,  il l'assume en la concrétisant dans une relation   avec Zelko (plusieurs scènes exaltent le désir ardent du corps ) ...Mais  il sera  trahi…Rejeté par tous les siens (la communication téléphonique avec sa mère, les salves dévastatrices des jeunes du centre  témoignent de l'incompréhension généralisée),  il est  relégué à une  Solitude fondamentale 

 

Andrej incarne une jeunesse sauvage et tendre à la fois  (cf sa relation avec SON rat  blanc et surtout son  choix final...) Et  le plan fixe prolongé qui clôt le film  semble  le magnifier en icône! 

 

Un film saisissant ; un film coup de poing.

A voir! 

 

Colette Lallement-Duchoze 

 

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23 juin 2019 7 23 /06 /juin /2019 08:36

De Quentin Dupieux (Belgique, France) 

avec jean Dujardin, Adèle Haenel, Albert Delpy

 

Sélection Cannes 2019  Quinzaine des réalisateurs

 

Georges, 44 ans, quitte sa banlieue pavillonnaire et plaque tout du jour au lendemain pour s'acheter le blouson 100% daim de ses rêves. L'achat vire à l'obsession et finit par plonger le détenteur du daim dans un délire criminel....

Le Daim

Plus minimaliste qu’au Poste, aussi perturbant que Rubber (le pneu psychopathe ) moins trash que Wrong cops  ( polar dégénéré) encore que… Le daim propose un univers humain aux couleurs marronnasses  (à l’instar de la couleur du blouson 100 % daim), des paysages "naturels" comme floutés (anomalie du regard de Georges qui la communiquerait au spectateur ?) et surtout met en scène une forme de folie qu’incarne avec un certain brio Jean Dujardin.

Georges a décidé d’éradiquer le monde de tous les  blousons ; sa mégalomanie le pousse à en être le seul détenteur. Et nous allons suivre son cheminement depuis ce "caprice"  jusqu’à la schizophrénie, depuis une forme de dépression (style de malade... se plaît-il  à répéter) jusqu’au meurtre. Comme il a reçu en prime (lors de son achat) un caméscope, il va s’amuser à filmer…à .se filmer (jouant son  Alain Cavalier) imaginant un dialogue entre lui et son blouson. Denise, une barmaid (admirable Adèle Haenel) qui rêve d’être monteuse,  sera son acolyte…

 

Ainsi et à l’inverse des autres films de Quentin Dupieux,  la  " folie" n’est pas dans la construction du récit mais elle habite le personnage principal: ce qui autorise à  suivre sa progression, scandée d'ailleurs par le motif instrumental récurrent de Mort Stevens -tiré de la série  Hawaii Five-0 - The Long Wait -

 

Mais comme dans d’autres films de ce réalisateur,    il y a le film et l’histoire du film. Georges (double peut-être du cinéaste qui pratiquerait l'auto-dérision)  est un piètre "réalisateur":  il apprend son  "métier" sur le tas en s’aidant d’un manuel et il est encouragé par Denise (elle a remonté dans l’ordre Pulp fiction et c’est franchement nul …) Il commande il cadre il impose de rares répliques à de rares individus de " passage"  (cinéphiles accostés  à la sortie de l’unique salle de cinéma dans un bled assez paumé par exemple) "je promets de ne plus jamais porter de blouson" . Et ce qu’il filme, Denise le voit sur petit écran tout comme le spectateur d’ailleurs (cf l’affiche)

 

Une étrange  étrangeté, un humour comme "décalé", des cadrages qui rappellent parfois des "vignettes", une bande sonore qui convoque entre autres Jo Dassin (en ouverture) Et si tu n'existais pas.....autant de bonnes raisons (parmi d'autres...) pour aller voir cette comédie! 

 

Mais il y a les irréductibles, ennemis farouches de cet univers déjanté ! 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

….

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21 juin 2019 5 21 /06 /juin /2019 12:36

Suite au scandale de la projection de L’ÂGE D’OR à Paris en 1930, Luis Buñuel se retrouve totalement déprimé et désargenté. Un ticket gagnant de loterie, acheté par son ami le sculpteur Ramon Acin, va changer le cours des choses et permettre à Buñuel de réaliser le film TERRE SANS PAIN et de retrouver foi en son incroyable talent. 

Buñuel après l’Age d’or

Ce film d’animation raconte le tournage (assez épique) du documentaire "terre sans pain", réalisé en 1932  par Bunuel (1900-1983) Sorte de making of il  mêle réalisme et onirisme, incrustant aussi des images en noir et blanc du documentaire lui-même.

Nous voici projetés à la fois dans l’univers mental du cinéaste (ne serait-ce que par la récurrence de scènes de son enfance traumatisée par la relation au père et par des cauchemars), dans le paysage et les mœurs d’une des régions les plus pauvres d’Espagne, les Hurdes, et au coeur même de l’acte Créateur.

L’équipe de tournage ? Un jeune poète parisien Pierre Unik, le photographe français Eli Lotar, l’ami sculpteur Ramon Acin -qui a financé le projet après avoir gagné à la loterie... - et Luis Buñuel. Salvador Simo (ex dessinateur pour Disney) a opté pour les couleurs à dominante mordorée jaune-brun et brunâtre ; il a fait appel à Arturo Cardelus pour la partition -dont certains extraits hanteront la sensibilité du spectateur bien après la projection…

.Et le portrait qu’il brosse du cinéaste est sans complaisance : non seulement par souci de "réalisme"  (quitte à le « forcer ») ce dernier n’a pas hésité à faire décapiter un coq, à "tuer" des chèvres afin de les filmer dans leur chute dans le ravin, ou encore à sacrifier un âne ….dévoré par des abeilles ; il va jusqu’à  "mettre en scène"  une liturgie funèbre, un bébé mort, dans un moïse qui s’en va rejoindre l’élément liquide…..

Mais au cours de ce tournage, cet homme autoritaire, exigeant et fantasque va s’humaniser -et en cela le film de Salvador Simo est aussi un récit initiatique- ; de même que "Terre sans pain" -même s’il fut un temps interdit de projection- marquera un tournant dans le parcours du cinéaste (il devient ce qu’il sera)

Choquer pour conscientiser les esprits ? Donner à VOIR une population laissée à l’abandon, aux conditions de vie insalubre (et c’est un euphémisme). Une vue en plongée sur des toits qui ressemblent étrangement à des carapaces de tortues, un labyrinthe de ruelles, des êtres faméliques, des bouches édentées, un environnement austère, la mort qui rôde. Après le délire surréaliste de L’Age d’or, voici le documentaire social Terre sans pain .

Mais dans Bunuel après l’âge d’or, la veine surréaliste coexiste avec le making of. Voici des éléphants aux pattes graciles, (on pense à la tentation de Saint Antoine de Dali) voici une théorie de poules au bec rouge prédateur: ils envahissent l’écran comme ils taraudent l’esprit tourmenté de Luis Bunuel...Et le voici lui-même déguisé en Bonne Sœur (au grand dam des autorités locales…) Pied de nez à ??? Toute sa filmographie -à venir- sera à jamais marquée par la coexistence du rêve et de la réalité, du vécu et du fantasmé, de l’intériorité et de l’extériorité bousculant l’ordre existant obligeant le spectateur à douter de sa pérennité

Un film d’animation à ne pas rater !!

 

Colette Lallement-Duchoze 

 

 

Voici un lien pour  visionner terre sans pain 

https://www.dailymotion.com/video/x2t72xy

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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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