15 novembre 2017 3 15 /11 /novembre /2017 06:22

argument:

Aujourd’hui, en Algérie. Passé et présent s’entrechoquent dans les vies d’un riche promoteur immobilier, d’un neurologue ambitieux rattrapé par son passé, et d’une jeune femme tiraillée entre la voie de la raison et ses sentiments. Trois histoires qui nous plongent dans l'âme humaine de la société arabe contemporaine.

En attendant les hirondelles

Trois histoires, trois générations. Des gens de catégories sociales diverses. Trois destins qui vont se croiser. Ils s’imbriquent grâce à la présence d'un personnage qui, secondaire à la fin d'un récit sera le personnage principal du suivant. Mais aussi grâce à des  raccords qui pris isolément peuvent  sembler artificiels et  qui, rétrospectivement se chargent de connotations. Qu’il s’agisse de la voiture ou d’une panne occasionnelle : ces raccords illustrent la thématique revendiquée par le réalisateur : être confronté à la crainte d’aller vers ce que l’on ne connaît pas, hésiter à sortir de la "zone de sécurité" ; poids du passé qui vient enrayer la mécanique du présent….On avance on stoppe on bifurque. C’est que l’Algérie est à une "croisée de chemins" ; si elle subit -consciemment ou non-  le trauma de la décennie sanglante (ex l’histoire du neurologue) elle attendrait son réveil (sens littéral du titre)....

Et dans ce "chassé-croisé" le réalisateur fait la part belle au corps : corps de ballet (une comédie musicale en plein désert); corps d'Aicha libérée du poids des traditions,  qui évolue lascive sur une piste de danse dans un lieu improbable sous le regard médusé de Djalil ; corps recroquevillé de cet enfant, né d’un viol dont la parole sera à jamais muselée ; corps de cet homme tabassé que Mourad ne "veut" pas voir…Corps libérés ou en souffrance, c’est une matérialité,  c'est un état brut pour qui veut "ausculter" son pays!

La caméra de Karim Massaoui nous entraîne du nord au sud de l’Algérie -de vastes panoramiques sur des paysages rocailleux  d'une vertigineuse beauté, d'une majestueuse aridité ; des plans rapprochés ou d'ensemble sur des masures ou des bidonvilles. Elle nous plonge dans le milieu urbain rural ou le désert…..Alors que retentit l’incantation du vieux Siméon....Et si précisément le mélange de musique -Bach et Raïna Raï- participait à l’accomplissement d’un rêve ?

 

Certes on pourra reprocher quelques symboliques appuyées (la cataracte de Mourad le promoteur ou l'incapacité à voir le "réel" ; dans les toilettes Dahman le jour de ses noces se regarde fixement dans la glace puis se lave les mains….). De même la lenteur du rythme dans le deuxième épisode ou le jeu théâtral de certains personnages!

 

Mais le film qui suggère plus qu’il ne dit, qui joue sur le contraste entre espaces ouverts et fermés, rend compte avec intelligence d’une oscillation permanente et peut se lire comme la "radiographie de l’Algérie contemporaine en ses trois symptômes imbriqués: corruption, puissance du patriarcat, refoulé de la sale guerre" 

 

 

Et voici qu’au final "surgit" un quatrième personnage que la caméra va suivre jusqu’au générique de fin ; comme si l’histoire allait se prolonger…...dans l’imaginaire du spectateur....

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

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14 novembre 2017 2 14 /11 /novembre /2017 07:35

d'Albert Dupontel 

avec Nahuel Perez Biscayart, Albert Dupontel, Laurent Lafite, Niels Arestrup, Emilie Dequenne, Mélanie Thierry 

adapté du roman éponyme de P Lemaître (prix Goncourt 2013)

Argument 

Novembre 1919. Deux rescapés des tranchées, l'un dessinateur de génie, l'autre modeste comptable, décident de monter une arnaque aux monuments aux morts. Dans la France des années folles, l'entreprise va se révéler aussi dangereuse que spectaculaire..

Au revoir là-haut

Je trouvais le livre extrêmement inspirant. J’y ai vu un pamphlet élégamment déguisé contre l’époque actuelle. Tous les personnages me paraissaient d’une modernité confondante. Une petite minorité, cupide et avide, domine le monde" avoue Dupontel quand il décide d’adapter le roman de P Lemaître prix Goncourt 2013

Fort de son budget de 15 millions d’euros, le réalisateur n’a pas lésiné sur le casting, les décors, les effets spéciaux pour une "reconstitution historique" des années 1920  ; tout en jouant sur des effets de miroirs il privilégie le plan séquence ; il fait retravailler la photo -image terne couleurs sépias etc.… Au passage des clins d’œil à ses habitudes facétieuses (le hachoir à viande dans un hôpital où se meurent les blessés...par exemple)

Et pourtant le film qui se veut esthétisant et burlesque, et qui tient aussi du cartoon (Pradelle tel le loup de Tex Avery) pêche par une pesanteur illustrative et c’est encore plus irritant pour qui a lu le roman de P Lemaître. Non qu’il faille à tout prix comparer un roman et son adaptation cinématographique (après tout le romancier a donné son aval à tous les choix du réalisateur ; après tout on sait qu'une adaptation est forcément "trahison") ; mais on peut s’interroger sur certains choix

 

Celui d’une narration en flash back (Maillard est arrêté au Maroc il subit un interrogatoire et il va "raconter" son histoire au brigadier…); ce choix impose une structure trop mécanique voire parfois lourdingue : le verbe paraphrase l’image ou bien le brigadier interrompt le récit en quête d'éclaircissements...

Que dire de cette prédilection pour les vues aériennes ou pour les plans en plongée et ce dès la séquence d’ouverture -du moins le premier épisode relaté par Maillard- ? Sinon qu’elle biaise pour ne pas dire " fausse" le concept de verticalité qui est au coeur du roman. Porté par un drone on suit le cheminement d’un chien qui furette de ci de là avant de pénétrer dans une tranchée où s’entassent les soldats; ils attendent le fameux armistice ; après le coup d’éclat du méchant Pradelle, on aura droit à une séquence spectaculaire ...qu’accompagne une musique grandiloquente digne d’une représentation hollywoodienne

Et cette façon bien trop carrée de présenter un personnage : il sort de l’ombre, le voici c’est lui le méchant Pradelle ; et là attention plan prolongé sur un visage à la douceur angélique ; ce sera la sœur d’Edouard et le dolorisme; que Dupontel s’amuse à faire du Chaplin ou du Keaton, logique ! mais en quoi cela ajoute-t-il au personnage de Maillard ?

Admettons que le saltimbanque et bouffon Dupontel ait voulu renouer aussi avec la Comedia dell arte (et la profusion de masques très artistiques en serait l’illustration) mais sa caméra virevoltante ne produit pas le sens  attendu ; il en va de même pour les scènes de rue réduites à un simple décorum

En revanche les propos auxquels il a habitué son public "les élites sont responsables de la fracture économique et sociale" on peut les deviner au détour d’une phrase (cf la scène où l’on exécute à coups de bouchons de champagne les généraux de la grande guerre (Foch ? Mais un trou du cul comme les autres ) plus éloquente que les contrastes appuyés (faciles) entre les intérieurs bourgeois et le misérabilisme de certains quartiers

 

Au final un film prétentieux qui, surfant avec tous les genres (poésie, critique politique et sociale, burlesque et sublime, etc.. ), rate son objectif !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

Pas d'accord avec toi Colette.

Il faut certes oublier le livre en voyant ce film mais j'ai adoré la réalisation de Dupontel. Travail soigné, on se laisse emporter par un tourbillon d'images, de drôleries, d'émotions, d'horreurs, de dénonciation de l'absurde total. Sans oublier ce qui est montré avec la force du cynisme : comment dans ce monde le pouvoir économique (Niels Arestrup) domine le politique (le maire idiot du 8ème arrondissement de Paris). Le jeu des acteurs trouve le ton : un air de libertaire complètement dingue.

J'ai été transporté. 

Serge

14/11/17

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7 novembre 2017 2 07 /11 /novembre /2017 04:42

Dans le cadre du jumelage entre les villes de Rouen et de Norwich, le Rouen-Norwich Club organise le 6ème festival du court métrage This is England 

du 13 au 18 novembre 2017

Omnia Rue de la République Rouen 

"l'édition 2017 propose une trentaine de courts métrages -fiction, documentaire, animation- après une sélection rigoureuse parmi de nombreux films reçus du Royaume-Uni "

 

http://www.thisisengland-festival.com/?p=home


 

 Festival du court métrage britannique
Dates & horaires

Du  13 au 18 novembre 2017
 

La grille horaire est disponible ici.

 

Tous les films sont présentés en version originale anglaise, sous-titrée en français.

Accès

Toutes les séances du festival ont lieu au cinéma Omnia République. 
28 rue de la République, 76000 Rouen

 

Billetterie

Les places pour le festival sont en vente au guichet de l'Omnia pendant toute la durée du festival.

  • Plein tarif : 6€

  • Tarif réduit* : 4€

  • Pass festival** : 21€

 

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6 novembre 2017 1 06 /11 /novembre /2017 04:18

De Han Hrebejk  2016 Slovaquie

avec Zuzana Mauréry Csongor Kassai Peter Bebjak

 

Présenté à la soirée de clôture du Festival à l'Est du nouveau (Rouen mars 2017)

Argument

Bratislava, 1983, au moment où le communisme s’achève…Maria Drazdechova, enseignante et membre du parti communiste manipule élèves et parents afin de prouver que tout individu est naturellement prédisposé à être corrompu.

 

Leçon de classes

Avec l’air de rien.... quel film puissant !

 

Le réalisateur slovaque règle son compte au socialisme en place en 1983, mais il va même au-delà car à la  fin on voit le même personnage principal, sous l’après-socialisme quelques années plus tard en une très courte séquence, et c’est terrible aussi !...

Le scénario part de petits riens de la vie quotidienne : une enseignante pernicieusement malfaisante qui s’inscrit dans le système pour en tirer des avantages personnels en transformant en enfer la vie des enfants et des familles sur lesquels elle exerce un chantage permanent.

 

Leçons de classes est une comédie dramatique qui part d’un sujet banal et développe une analyse de l’humain en régime oppresseur, une réflexion sur nos capacités ou non à refuser l’humiliation, l’abus de pouvoir, à vaincre sa peur aussi. Le film nous montre que n’importe quel système social engendre et se nourrit de la lâcheté, de la nullité des uns,  du sadisme ou de l’absence de morale des autres.

 

Pour ceux qui ont cru, comme moi à une époque au socialisme “globalement positif”, on reçoit une claque monumentale. La fin intelligente et désespérante du film interpelle le spectateur sur les phénomènes identiques dans son propre pays.

Magistrale leçon de lucidité.

Bref, à voir absolument.

 

Serge Diaz

 

 

Bilan mitigé à propos de ce film vu en mars (soirée de clôture du festival à l’est du nouveau) ; son titre à l’époque "the teacher"

Une première séquence séduisante -choix d’une double narration et montage alterné ; puis le huis clos de la classe et celui des appartements comme métaphore de l’enfermement -avec toutes ses connotations- est prometteur : on va mêler réalisme et allégorie.

Très vite on déchante : des dialogues "sur écrits", un scénario trop "balisé" (martelé à l’instar des talons de la teacher)

Le côté bouffon aurait pu être plus amplement développé (il affleure certes ça et là surtout en ce qui concerne les " services rendus")

Reste la "leçon" (apologue) à tirer de ce film que Serge a bien analysée 

Colette

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5 novembre 2017 7 05 /11 /novembre /2017 16:21

Film d'animation réalisé par Dorota Kobiela et Hugh Welchman (Pologne Angleterre)

avec Douglas Booth (Armand) Saoirse Ronan (Marguerite Gachet) Jerome Flynn (docteur Gachet) Eleanor Tomlinson (Adeline Ravoux) John Sessions (Père Tanguy) Robert Gulaczyk (Vincent Van Gogh)

 

Voix de Pierre Niney (Armand Roulin) Gérard Boucaron (Joseph Roulin) Chloé Berthier (Marguerite Gachet ) Gabriel Le Doze (Docteur Gachet)

 

musique Clint Mansell

 

Prix du public Festival d’animation Annecy juin 2017

Argument

Quelques semaines après la mort de l’artiste (1890) Armand Roulin, fils turbulent du postier Roulin, est chargé par son père, qui a bien connu Vincent Van Gogh lors de son passage à Arles, de remettre une lettre posthume à son frère Théo. Alors qu’il se fait une piètre image du peintre, le jeune homme découvre, au fil de ses rencontres, quel artiste Van Gogh était. Son frère, Théo, étant mort, Armand Roulin se rend à Auvers-sur-Oise pour chercher à découvrir les raisons qui l’ont poussé à se suicider. La simple mission que lui a confiée son père tourne à l’enquête…

La Passion Van Gogh

Une fois n'est pas coutume: ce film invite à dissocier la forme et le contenu

Pour la forme: nul ne saurait en contester la performance technique. Dorota Kobiela (spécialiste du court métrage d'animation) et son mari Hugh Welchman (co-scénariste, co-réalisateur et producteur) ont voulu illustrer les propos du peintre "on ne peut s'exprimer que par ses tableaux" en mêlant peinture et animation.

Comment? Tourné en prise de vues réelles avec des comédiens -britanniques pour la plupart, cf la distribution- le film est reproduit manuellement en peinture puis animé en infographie. Une centaine d'artistes ont travaillé dans les ateliers de Gdansk "à la manière de.."

Soit plus de 60 000 plans à partir de 120 tableaux originaux; un tableau peint à la main pour chaque plan; en fait un même tableau sera modifié imperceptiblement entre chaque prise et après l'ensemble sera (re)travaillé sur ordinateur pour des transitions plus souples!

Travail de Titan  quand on sait que certains plans de 3 secondes ont demandé un mois de travail 

Dès lors le film se donnerait à voir comme une Toile immense où se répondent le jeu des acteurs et le travail des peintres animateurs. Une Toile où vibre lumineux et sonore le fameux "coup de pinceau" de l'artiste 

 

Mais un film ô combien bavard, ô combien débilitant et au final peu convaincant!

Passons sur l'intrigue -qui se veut enquête sur les circonstances de la mort du peintre cf argument. Le romancier Jean-Michel Guenassia dans son exofiction " la valse des arbres et du ciel" (2016) avait malencontreusement cassé sa plume en optant à mi-voix pour la thèse de l'homicide

Que dire de la distribution française (La Belle Company) qui a choisi le doublage; on entend des dialogues roucoulades souvent insipides artificiellement plaqués -et la voix de Pierre Niney n'y change rien

Quand un personnage interrogé évoque une scène du passé dont il fut le témoin oculaire ou un acteur , celle-ci est restituée en un noir et blanc convenu purement formel -et la démarche répétitive tourne vite au procédé

 

Une musique parfois trop illustrative; et l'omniprésence de clignotements  obstrue voire condamne toute ouverture vers l'imaginaire, etc.

 

Bref, un film qui se targue d'être une peinture vivante mais qui n'en ressuscite pas pour autant l'homme/Artiste. Dommage! 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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4 novembre 2017 6 04 /11 /novembre /2017 06:51

Documentaire d'Eric Caravaca

 

Présenté hors compétition au festival de Cannes 2017

Argument:

Carré 35 est un lieu qui n’a jamais été nommé dans ma famille ; c’est là qu’est enterrée ma sœur aînée, morte à l’âge de trois ans. Cette sœur dont on ne m’a rien dit ou presque et dont mes parents n’avaient curieusement gardé aucune photographie. C’est pour combler cette absence d’image que j’ai entrepris ce film. Croyant simplement dérouler le fil d’une vie oubliée j’ai ouvert une porte dérobée sur un vécu que j’ignorais, sur cette mémoire inconsciente qui est en chacun de nous et qui fait ce que nous sommes 

Carré 35

L’épitaphe sur la tombe de Christine tel un livre ouvert revient en leitmotiv; de même que la façade aux volets clos (l’Oasis à Casablanca) : une photo en noir et blanc -ombre et lumière comme l’ombre blanche de l’enfance... Epitaphe qui parce qu’elle est citation/exhortation devient l’exergue de ce film . Un film-enquête sur la sœur aînée disparue en 1963 à l’âge de 3 ans. Pourquoi les parents n’ont pas gardé de photo ? Pourquoi quand ils en parlaient s’exprimaient-ils en espagnol – la langue de leurs ancêtres- ? Pourquoi la mère dans une forme de déni permanent "invente" une autre histoire,  mais qui est "sa propre" vision de l'histoire?...

Enquête qui se mue bien vite en quête de Soi! 

Eric Caravaca convoque toutes les images d’archives dont il dispose; il interroge restant pudiquement hors champ. Voici des photographies, des extraits de films en super-8: mariage des parents, vacances en bord de mer. Tombe, objets, murmures, livret de famille -et commentaire de cette tache qui couvre l’identité de la sœur- interviews (frère, oncle, père, mère surtout ): ainsi  se construit dans le réel et l’imaginaire l’histoire de cette aînée,  pour lui,  Eric à qui l’on ne dit rien ou à qui l’on ment,  à qui l’on a menti....

Et de même qu’Annie Ernaux dans L’’autre Fille est convaincue que la sœur disparue joue un rôle dans sa propre identité, de même Eric Caravaca sinuant dans l’ombre blanche de l’enfance, associe sa naissance à la perte de l’aînée...

 

Le point de départ de cette démarche ? Un malaise inexpliqué lors de la visite du carré -espace du cimetière dédié aux enfants- il est alors en Suisse pour un tournage.. Cet épisode furtif va vite devenir l’épicentre, le centre même du film. En effet le réalisateur inscrit son histoire intime dans l’Histoire ; à un moment nous voyons défiler les visages d’enfants dits "anormaux" (extraits de films de propagande nazie) où montrer le handicap sert de blanc-seing à l’élimination -la mort comme délivrance-. Ce faisant, le cinéaste place le spectateur face à lui-même, face à son appréhension de l’Autre, cet Etrange Etranger si différent,  et pourtant sa vie ne vaut-elle pas d’être vécue ??

Eric Caravaca sait aussi tisser en les entremêlant l’histoire de sa famille et l’Histoire de la décolonisation (au Maroc en Algérie), celle des crimes qu’exhument des images d’archives… Et si des mécanismes similaires engendraient la culture de l’oubli ? La censure voire l’autocensure ? Ses parents n’ont-ils pas enterré avec leur fille un passé trop lourd ? Semble nous révéler le fils qui malgré tout se penche sur ce palimpseste, l’ausculte et l’interprète

 

Annie Ernaux avouait dans la lettre à sa sœur inconnue "j’ai l’impression de ne savoir parler de toi que sur le mode de la négation, du non-être continuel. Tu es l’anti-langage". Le cinéaste lui, loin du genre "littérature de la perte, du manque" a trouvé un langage, son langage en déposant sur la tombe de Christine  ce film tout en délicatesse, sans voyeurisme ni pathos -ce film qui est aussi un voyage initiatique dans le temps et l’espace-

 

Ultime hommage à la Vie  Carré 35  est  dédié à François Dupeyron disparu en 2016

 

Un homme vu de dos (Caravaca acteur) se dirige lentement vers la chambre d’où viennent des cris d’enfant ; il va fermer la porte sans entrer… Cet extrait du "Passager" inséré dans  "carré 35", n'illustre-t-il pas, rétrospectivement, la culpabilité inconsciente de la mère ??

 

Colette Lallement-Duchoze

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27 octobre 2017 5 27 /10 /octobre /2017 04:07

d'Ildiko Enyedi (Hongrie)

avec Alxandra Borbély, Morcsanyi, Réka Tenki

 

Ours d'Or Berlin 2017

Argument   Mária, nouvelle responsable du contrôle de qualité dans un abattoir et Endre, directeur financier de l'entreprise, vivent chaque nuit un rêve partagé, sous la forme d'un cerf et d'une biche qui lient connaissance dans un paysage enneigé. Lorsqu'ils découvrent ce fait extraordinaire, ils tentent de trouver dans la vie réelle le même amour que celui qui les unit la nuit sous une autre apparence...

Corps et âme

Le film s’ouvre sur la chorégraphie amoureuse d’un cerf et d’une biche : forêt enneigée, couleurs bleutées, silence alentour que le martèlement de leurs pas s’en vient troubler. À la délicatesse de cette scène inaugurale s’opposent bien vite la froideur et la rudesse d’un abattoir : regards inquiets des bêtes, bruits métalliques ; c’est l’antichambre de la mort, c’est là que vont être tués dépecés puis suspendus alignés en carcasses, les bovins...C’est là que travaillent Endre directeur financier … et la nouvelle employée Maria responsable des contrôles qualité ; le premier, handicapé (bras) , la seconde complètement inadaptée au monde des humains (autiste à la mémoire phénoménale… rigide insensible, ce dont rendent compte ses gestes son allure et les quelques bribes de paroles…).

À partir de ces prémices le film propose une sorte d’éducation des sens et des sentiments. Car ces deux personnages que tout semble opposer se rencontrent la nuit dans leurs rêves (Endre est le cerf et Maria la biche). Cette connexion nocturne et poétique à la fois, impose au film son tempo : va-et-vient entre réel et rêve, alternance entre scènes de la vie ordinaire – le self, les chambres froides, l’abattage … et séquences hors les murs dans cette nature préservée, réceptacle des ébats amoureux entre les cervidés.  Progressivement le visage de Maria jusque-là impassible va s’illuminer d’un sourire ; progressivement la jeune femme va découvrir la volupté des sens (caresser le poil d’un bovin, regarder sans voyeurisme des corps qui s’ébattent sur l’herbe, etc.) et au final disparaîtra de l’écran le "couple" qui hantait -berçait - leurs nuits 

Illustration du principe de synchronicité (cher à Jung?) : le même rêve que font deux personnages qui ne se connaissent pas ; rêve qui va les mener l’un vers l’autre…Peut-être

L'opposition un peu facile et ici trop appuyée entre le paysage extérieur immaculé -où évoluent les deux animaux sauvages- et les sols rouges de l’abattoir, (le sang des bêtes que l’on a tuées afin de nourrir les hommes….) ne renvoie-t-elle pas à une autre dichotomie celle qui s’exerce au sein même du monde des humains et dont l’orgie - hors champ- due au vol de doses d’aphrodisiaque est le point d’orgue ? Et dont les scènes récurrentes du self -lieu par excellence de tous les cancans : on mâche on mange on déblatère- seraient l’illustration ? Peut-être.

En tout cas le film est d’emblée biaisé : on plaque sur deux êtres "mal en peine" (mutilation physique ou psy) une mécanique psychologisante -en contraste permanent avec la mécanique froide et quasi inhumaine du lieu de travail- ; on ouvre les portes sur un onirisme feutré ou grandiose...le rêve comme principe libérateur et l’on signe une romance amoureuse certes délicate, certes empreinte d’humour – celui grinçant des pays de l’Est post communiste- mais qui n’émerveille pas...ou du moins où le charme cesse vite d’opérer

 

Colette Lallement-Duchoze

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24 octobre 2017 2 24 /10 /octobre /2017 07:16
Festival du film fantastique  du 3 au 5 novembre

La 9 ème  édition du Festival du Film Fantastique de Rouen se déroulera du 3 au 5 Novembre 2017 à la Halle aux toiles et au Cinéma Omnia.

Projections de courts métrages en compétition 
Diffusion de classiques du cinéma fantastique
Invités - exposants - conférences - animations - concerts
Maison Hantée: Francky et son aventure extraordinaire 
Zombie/Fantastic Walk de Rouen

 

 

www.rouenfantastique.com/
Page FB: FestivalduFilm Rouen
 

Festival du film fantastique  du 3 au 5 novembre

Convention à la Halle aux toiles:
Vendredi: 14h -18h
Samedi et dimanche: 10h - 18h
Entrée Gratuite

Projection au Cinéma Omnia
20 courts métrages en compétition + 2 classiques du Cinéma Fantastique:


Vendredi 3 Novembre :
19h : Diffusion des courts métrages en compétition :
22h : Projection de SUSPIRIA de Dario Argento (1977 / Italie/1h35/VOST/- 12ans)

Samedi 4 Novembre
19h : Diffusion des courts métrages en compétition :
Remise des prix - Piranha Alien d’Or

21h30 : DERNIER TRAIN POUR BUSAN de Sang-Ho Yeon (2016/Sud-coréen /1h58/VOST/-12 ans) 

Tarifs 1 soirée ciné = 6,50 € / 5,00 € (-26 ans) Pass 2 soirées ciné = 11,00 € / 8,00 € (-26 ans)




 

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23 octobre 2017 1 23 /10 /octobre /2017 06:24

De Kathryn Bigelow (USA) 

Avec John Boyega, Will Poulter, Algee Smith, J. Latimore 

Argument

Eté 1967. Les USA connaissent une vague d'émeutes sans précédent. La guerre du Vietnam et la ségrégation raciale nourrissent la contestation. A Détroit, alors que le climat est insurrectionnel depuis deux jours, des policiers soumettent une poignée de clients d'un hôtel à un interrogatoire sadique pour extorquer leurs aveux....

Détroit

En réponse à toutes les inepties et autres insanités entendues ou lues çà et là,  (presse américaine) voici un billet d’humeur

 

Même si la cinéaste insère quelques "documents" d’archives, son film n’est pas stricto sensu un "documentaire". Il s’inspire des événements qui ont marqué l’été 1967 à Détroit (émeutes insurrections) ; et si le script de Mark Boal insiste sur la nuit d’horreur du 25 juillet 1967 au motel d’Algiers (disons pour simplifier que le huis clos et l’acharnement de la police constituent la deuxième partie de Détroit) n’est-ce pas pour mettre en évidence ce qui ressemble au point "nodal" de la question raciale en Amérique? 

Alors que reproche-t-on à Kathryn Bigelow ? D’avoir traité avec réalisme et une forme de rage explosive la folie meurtrière et raciste de certains représentants de l’ordre…. ? D’avoir représenté les tanks de la Garde Nationale (première partie) pénétrant dans le "ghetto" noir de Détroit tels des guerriers « impérialistes » (on est en pleine guerre du Vietnam et dans ce bar on fêtait le retour de "vétérans"...)? D'avoir insisté avec "complaisance" voire "manichéisme", sur la douleur des Noirs et le sadisme de certains Blancs? Des événements récents -soit 50 ans après les faits - prouvent aisément que la "ségrégation raciale" perdure ... que les préjugés racistes sont loin d'être abolis... que la Justice est toujours partiale... que ... et  que...

Mais que penser du grief "d'illégitimité" ("la réalisatrice est une Blanche" donc elle ne peut "comprendre" )….sinon qu’il relève d’un essentialisme "primaire"? comme si seuls les Noirs étaient habilités à parler des Noirs, ou comme si  les Blancs avaient le monopole dans leur propre "représentation" à l'écran "Suis-je la mieux placée pour raconter cette histoire? Certainement pas. Mais j'ai pu le faire alors que cela faisait 50 ans que cette histoire attendait d'être racontée" a-t-elle répliqué (mutatis mutandis : Je fais une thèse sur l’empereur Hadrien et pourtant je n’ai pas vécu au II° siècle, je n’ai pu le côtoyer, je ne fais pas partie de la famille des Antonins,  dois-je être discréditée pour autant??? )

On peut néanmoins déplorer avec Isabelle Boni-Claverie (« trop noire pour être française ») le fait que peu de cinéastes issus des minorités portent leurs récits à l’écran et/ou choisissent de parler des Blancs...

 

A force d’insister sur le "contenu" on occulte  allègrement la "forme"

Saluons une parfaite maîtrise dans la diversité des traitements: film d'animation en guise de prologue -pour la contextualisation-  "movie journalism" ; film d’horreur et thriller judiciaire. Une caméra au plus près des corps martyrisés, un rythme époustouflant que renforce la   bande-son

Une musique signée James Newton Howard qui fait la part belle aux chansons rythm and blues sound ; un morceau inoubliable de J Coltrane.

Le " héros"  de ce film serait Larry (cf l'affiche) : avant la nuit d’horreur où il a vu des compagnons tués "pour rien", il avait pour unique objectif : chanter dans le groupe the dramatics; écœuré par l’impunité dont bénéficient  les vrais coupables, il préférera chanter des gospels avec (et pour) sa communauté...  que de cautionner une musique au son de laquelle se trémoussent  les  Blancs dans les clubs…. Et là ne pas verser  dans une critique spécieuse du "communautarisme": c'est bien la voie(x)  de la Conscience qu'a choisie Larry!! -  la précarité matérielle plutôt qu'un blanc-seing à l'Injustice

 

Un film puissant qui marquera (et pour longtemps) le public !

Un film roboratif pour des cerveaux sclérosés!! 

Colette Lallement-Duchoze

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22 octobre 2017 7 22 /10 /octobre /2017 06:17

De Ruben Östlund.(Suède)

Avec Claes Bang, Elisabeth Moss, Dominic West.

Palme d'Or Cannes 2017

Argument: 

Christian est un père divorcé qui aime consacrer du temps à ses deux enfants. Conservateur apprécié d’un musée d’art contemporain, il fait aussi partie de ces gens qui roulent en voiture électrique et soutiennent les grandes causes humanitaires. Il prépare sa prochaine exposition, intitulée « The Square », autour d’une installation incitant les visiteurs à l’altruisme et leur rappelant leur devoir à l’égard de leurs prochains. Mais il est parfois difficile de vivre en accord avec ses valeurs...

The Square

Dans ce film prétentieux et corrosif - cible de controverses….forcément !- Ruben Östlund poursuit son travail de sape (rappelez-vous snow therapy…) dont l’art contemporain est le prisme

On démonte une statue équestre -signe manifeste d’un art révolu- on dessine à la place au sol, un carré lumineux (the square) dans la mouvance de l’art conceptuel (œuvre de l’artiste argentine Lola Arias). Interviewé par une journaliste américaine dans une salle du musée d’art contemporain, Christian est assis au milieu de monticules de graviers -installation d’un artiste contemporain- et peine à répondre à des concepts (qu’il a lui-même élaborés); soit ce sont de pures tautologies soit ils sont vides de sens. Critique de (et sur) l’art, créations/installations, l’art contemporain est mis à mal dès le début….il en ira de même avec tous ceux qui occupent les postes de communication et de décision ! Portraits charges -on verse dans la caricature au grand dam de certains...au bonheur de tous ceux pour qui l’art contemporain n’est qu’une arnaque

Un texte explicatif accompagne le carré- le square sera un sanctuaire où règnent confiance et altruisme. Dedans nous sommes tous égaux en droits et devoirs" . Ce vœu ô combien démocratique ne sera pas respecté tant il sera constamment mis à mal. Et ce, en une suite de séquences -incongrues parfois- C’est la thématique du film. Séquences filmées en plans larges (ceux qu’affectionne le cinéaste) avec des jeux spéculaires entre l’objet et sa représentation (escaliers vus en plongée quand Christian et ses deux gamines les empruntent ; en frontal quand ils sont le thème d’une toile).

Car que dénonce le réalisateur sinon l’hypocrisie de nos sociétés ? -on paraît charitable mais on est foncièrement égoïste ; ériger la solidarité en principe suprême est un leurre quand l’homme reste un loup pour l’homme. Au début Christian vient en aide à une femme agressée ; laquelle de connivence avec l’agresseur en profite pour lui soutirer portefeuille portable et boutons de manchette ; œil pour œil dent pour dent il va mettre au point un stratagème qui accusera tous les locataires d’un immeuble….

La dualité civilisation/barbarie est illustrée dans cette (trop) longue séquence où un performeur joue le rôle d’un gorille éructeur; (cf affiche) les hôtes -bourgeois corsetés dans leur habits de gala et leur bien-pensance - vont subir terrorisés les assauts de ce faux singe !!! on rit on sourit puis on est gêné voire agacé

Le personnage de Christian est au cœur de tout ce dispositif ; père, amant, administrateur il doit illustrer en les incarnant tous les sujets abordés par Ruben Östlund   "la responsabilité et la confiance, la richesse et la pauvreté, le pouvoir et l'impuissance, l'importance croissante accordée à l'individu par opposition à la désaffectation vis-à-vis de la communauté et la méfiance envers l'Etat en  matière de création artistique et de médias"

Mais malgré la prestation de Claes Bang, la démonstration tourne à vide ! Alors que formellement s’impose la figure du carré (figure déclinée ad libitum … on serait tenté de dire à chaque plan)

Christian ou notre Golconde du XXI° siècle? -si l'on se réfère à "la trahison des images"

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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