De Samuel Kishi Leopo (Mexique 2019)
avec Martha Ryes Arias, Maximiliano Najar Màrquez, Leonardo Nàjar Màrquez
En quête d’une vie meilleure, Lucia, une jeune mère mexicaine s’installe dans une chambre insalubre d’Albuquerque. Promettant à ses deux garçons d’aller à Disneyland elle les force à apprendre l’anglais à l’aide d’une cassette audio
We want to go Disney, can I have a ticket, please?
Ils n’ont pas dix ans, ils ont quitté le Mexique, le regard le cœur et l’esprit emplis ce cet espoir de voir les couleurs les attractions de Disneyland leur terre promise, We want to go to Disney …Après le défilement de vastes paysages aperçus derrière la vitre, les voici à Albuquerque, à la recherche d’un appartement …Infructueuses tentatives traitées sur un mode répétitif et accéléré ! Ce sera in fine une pièce vide, miteuse insalubre, ce sera un confinement de tous les jours dans l’attente de leur mère aimante Lucia -qui chaque matin part travailler cumulant les emplois pour leur "vie", leur "survie". Le lien avec l’extérieur ? cette fenêtre barreau, poste d’observation d’où, filmés de dos (caméra subjective avec ce double encadrement qui s’en vient dupliquer l’enfermement), ils "voient" la vie quotidienne d’autres enfants et habitants du motel
Filmé à hauteur d’enfants, los lobos ne verse jamais dans le dolorisme ni le misérabilisme. Car ces gamins ont su investir de leur imaginaire, les murs de « l’appartement» par leurs dessins qui bien vite vont s’animer. Car l’espace salle à manger/chambre s’est transformé en salle de jeux (ils miment parodient, ils seront les louveteaux super héros). Car une cassette (le magnéto est un des fils narratifs du récit) sur laquelle est enregistrée la voix du grand-père s’accompagnant à la guitare, sert de lien avec leur « passé » et leur pays d’origine. Une autre sur laquelle la mère enregistre les consignes (dont la défense de sortir, l’extérieur étant le lieu de tous les dangers…) et des exercices d’apprentissage de la langue anglaise (condition sine qua non à la concrétisation de leur rêve) dicte leur "mode de vie" Les loups ne pleurent pas, les loups mordent et défendent leur maison »
Mais l’intrusion de l’extérieur et sa violence peuvent fissurer le monde « imaginaire » Et Max qui a enfreint les « règles » fera l’apprentissage de la « cruauté » du « mensonge » ; en ce sens los lobos serait un film initiatique (ce que corrobore aussi la thématique de l’ampoule, comme support d’un trip, qui lui fait comprendre soudainement les causes de la disparition de son père) ….
Si la frontière entre confinement et vie extérieure est poreuse son franchissement permet au cinéaste d’évoquer l’entraide dont celle apportée par Mme Chang et de porter un regard sur l’environnement : voici des habitats insalubres des lieux de vie très exigus, voici d’immenses hangars entrepôts -dont celui où travaille Lucia- qui rapetissent l’être humain, voici des routes qui semblent mener nulle part…
Et surtout voici des habitants filmés de pied en cap, en plan fixe (à l’instar de portraits) le corps fatigué, les traits tirés, le regard hagard, signes extérieurs d’une population en « souffrance » ? en tout cas ouvrant et refermant le film ces portraits et leur environnement immédiat, sont comme le négatif de la photo du fameux « rêve américain » et dans le contexte d’une promesse de l’El Dorado, c’est l’exact antonyme de Disney ce parc de loisirs tant et tant rêvé !!!!
Une façon assez originale d’évoquer le déracinement, de faire vivre à hauteur d’enfants (de leurs yeux, de leurs jeux) les contraintes de l’enfermement et de l’adaptation.
Un film qui bien qu’ancré dans un souvenir personnel, vise à une forme d’universel
« Il faut apprendre à nous adapter, même si on ne quitte pas son pays »dit le cinéaste ; ce qui lui a valu le Grand prix du Jury International de Berlin
Un film que je vous recommande
Colette Lallement-Duchoze