21 janvier 2022 5 21 /01 /janvier /2022 08:26

De Samuel Kishi Leopo  (Mexique 2019)

avec Martha Ryes Arias, Maximiliano Najar Màrquez, Leonardo Nàjar Màrquez

 

En quête d’une vie meilleure, Lucia, une jeune mère mexicaine s’installe dans une chambre insalubre d’Albuquerque. Promettant à ses deux garçons d’aller à Disneyland elle les force à apprendre l’anglais à l’aide d’une cassette audio 

 

 

Los Lobos

 We want to go Disney, can I have a ticket, please?

 

Ils n’ont pas dix ans, ils ont quitté le Mexique, le regard le cœur et l’esprit emplis ce cet espoir de voir les couleurs les attractions de Disneyland leur terre promise, We want to go to Disney  …Après le défilement de vastes paysages aperçus derrière la vitre, les voici à Albuquerque, à la recherche d’un appartement …Infructueuses tentatives traitées sur un mode répétitif et accéléré ! Ce sera in fine une pièce vide, miteuse insalubre, ce sera un confinement de tous les jours dans l’attente de leur mère aimante Lucia -qui chaque matin part travailler cumulant les emplois pour leur "vie", leur "survie". Le lien avec l’extérieur ? cette fenêtre barreau, poste d’observation d’où, filmés de dos (caméra subjective avec ce double encadrement qui s’en vient dupliquer l’enfermement), ils "voient" la vie quotidienne d’autres enfants et habitants du motel

 

Filmé à hauteur d’enfants,  los lobos ne verse jamais dans le dolorisme ni le misérabilisme. Car ces gamins ont su investir de leur imaginaire, les murs de « l’appartement» par leurs dessins qui bien vite vont s’animer. Car l’espace salle à manger/chambre s’est transformé en salle de jeux (ils miment parodient, ils seront les louveteaux super héros). Car une cassette (le magnéto est un des fils narratifs du récit) sur laquelle est enregistrée la voix du grand-père s’accompagnant à la guitare, sert de lien avec leur « passé » et leur pays d’origine. Une autre sur laquelle la mère enregistre les consignes (dont la défense de sortir, l’extérieur étant le lieu de tous les dangers…) et des exercices d’apprentissage de la langue anglaise (condition sine qua non à la concrétisation de leur rêve) dicte leur "mode de vie" Les loups ne pleurent pas, les loups mordent et défendent leur maison »

 

Mais l’intrusion de l’extérieur et sa violence peuvent fissurer le monde « imaginaire » Et Max qui a enfreint les « règles » fera l’apprentissage de la « cruauté » du « mensonge » ; en ce sens los lobos serait un film initiatique (ce que corrobore aussi la thématique de l’ampoule, comme support d’un trip, qui lui fait comprendre soudainement les causes de la disparition de son père) ….

Si la frontière entre confinement et vie extérieure est poreuse son franchissement permet au cinéaste d’évoquer l’entraide dont celle apportée par Mme Chang et de porter un regard sur l’environnement : voici des habitats insalubres des lieux de vie très exigus, voici d’immenses hangars entrepôts -dont celui où travaille Lucia- qui rapetissent l’être humain, voici des routes qui semblent mener nulle part…

Et surtout voici des habitants filmés de pied en cap,  en plan fixe (à l’instar de portraits) le corps fatigué, les traits tirés, le regard hagard, signes extérieurs d’une population en « souffrance » ? en tout cas ouvrant et refermant le film ces portraits et leur environnement immédiat, sont comme le négatif de la photo du fameux « rêve américain » et dans le contexte d’une promesse de l’El Dorado, c’est l’exact antonyme de Disney ce parc de loisirs tant et tant rêvé !!!!

 

Une façon assez originale d’évoquer le déracinement, de faire vivre à hauteur d’enfants (de leurs yeux, de leurs jeux) les contraintes de l’enfermement et de l’adaptation.

Un film qui bien qu’ancré dans un souvenir personnel, vise à une forme d’universel

« Il faut apprendre à nous adapter, même si on ne quitte pas son pays »dit le cinéaste ; ce qui lui a valu le Grand prix du Jury International de Berlin

Un film que je vous recommande

 

Colette Lallement-Duchoze

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18 janvier 2022 2 18 /01 /janvier /2022 16:57

 

 

 

 

Approchez Approchez, Mesdames et Messieurs !

 

Dans le cadre de l’exposition CIRQUE ET SALTIMBANQUES actuellement au Musée des beaux-arts de Rouen, Courtivore vous propose de découvrir une sélection de courts-métrages : des fictions ou documentaires sur l’univers contemporain du cirque mais aussi des films du début du 20è siècle (Méliès, Segundo de Chomon) mettant en scène magiciens ou acrobates à l’aide des premiers trucages de l’histoire du cinéma.

 

 

Jeudi 20 janvier à 20h

 

 

Durée : 1h30 environ / Auditorium du musée des Beaux-Arts / Gratuit / Dans la limite des places disponibles

 

 

 

LE CIRQUE TOUT COURT

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18 janvier 2022 2 18 /01 /janvier /2022 07:34

Documentaire de Abdallah Al-Khatib (Liban France Qatar 2021 )

 

 Grand Prix et le Prix des Étudiants du Festival 2 Cinéma de Valenciennes 2021.

2021 : ACID Cannes - Cannes (France) –

Sélection 2021 : Visions du Réel - Nyon (Suisse) - Prix Interreligieux - Compétition Internationale Longs Métrages

Cinemed 2021 Prix Ulysse

War on Screen 2021  prix de la presse

 

Suite à la révolution syrienne, le régime de Bachar Al-Assad assiège le quartier de Yarmouk (banlieue de Damas en Syrie), plus grand camp de réfugiés palestiniens au monde. Yarmouk se retrouve alors isolé et le réalisateur témoigne des privations quotidiennes, tout en rendant hommage au courage des enfants et des habitants du quartier.

 

 

 

Little Palestine, journal d'un siège

La genèse de ce  film? Elle est expliquée dans les deux génériques. Abdallah Al-Khatib a vécu à Yarmouk, il a documenté le quotidien et quand en 2015 le camp passe sous le joug islamique, il fuit en Allemagne et c’est là qu’il « se replonge dans ce matériel filmique » où s’impose un impressionnant travail de montage Little Palestine, journal d’un siège. Un film comme « nécessité de survie » -dans les deux sens propre et figuré-. ?

 

 

Guidé par sa voix, nous allons suivre  le réalisateur à l’intérieur du camp.  Deux approches, image et texte, deux façons d’appréhender le réel, à la fois entrelacées et concomitantes  Un texte:  qui ne se contente pas d’illustrer une réalité -souvent insoutenable- mais la transcende par une réflexion à la fois politique et poétique ; l’image qui n’est pas plate reconstitution dans le "rendu" mais qui par des «"jeux" d’échos et/ou de non-dits  (le camp et le régime syrien ; l’histoire personnelle et collective) par la récurrence de certains plans (la rue, les façades, la foule) imprime au vécu testimonial (texte) une portée presque universelle ; où le temps support et attente infernale, contamine de sa férule l’exiguïté de l’espace…

 

Voici un camp -Yarmouk dans la banlieue de Damas – en état de siège-, une prison à ciel ouvert, un lieu maudit où les besoins élémentaires (nourriture, médicaments) ne seront plus satisfaits, où les concepts de Vie et Mort vont changer d’essence, d’acception, où le chant « ma Palestine » surgi du tréfonds d’un corps qui est aussi le tréfonds de l’Histoire, devient un palimpseste, où la longue séquence consacrée à une gamine déjà « désabusée » alterne avec l’errance d’un mendiant, où l’exaltation et la joie (piano en pleine rue, chants et chansons, rires d’enfants), peuvent triompher parfois des colères (cf la rue envahie de ces manifestants scandant « Yarmouk agonise ») et des servitudes,

et pourtant

Le siège est un long emprisonnement fait d’attente et d’ennui qui ne pose pas de limites aussi claires que les barreaux d’une prison : il s’étale comme un désert écrasé de chaleur en plein été. Le siège est un chemin qui conduit à la folie et au suicide, et le seul moyen d’en réchapper c’est de trouver une idée qui vaille la peine de vivre Abdallah Al Khatib

 

Petite Palestine, prolongement des souffrances de la grande Palestine ?

 

Little Palestine, journal d’un siège un documentaire qui allie l’efficacité -du témoignage-, à l’esthétique -de la forme-,  

à ne pas rater

 

Colette Lallement-Duchoze

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18 janvier 2022 2 18 /01 /janvier /2022 04:43

 

 

 

En ce début d'année, vous pourrez nous retrouver au mois de mars avec deux projections.

Le 11 mars au cinéma le Kinepolis à Rouen :
- Sur les traces de Madeleine Pelletier (militante féministe et activiste de gauche au début du siècle), documentaire de florence Sitoleux en présence de la réalisatrice.
En ouverture de cette projection, le chœur de femmes Source d'Elles, dirigé par Soléne Duparc.

Le 18 mars à l'auditorium du musée des Beaux-Arts en partenariat avec Rouen donne des Elles :
- Beyond the visible documentaire de Halina Dyrschka, sur Hilma Af Klint ( pionnière de l'art abstrait), en présence de Marie-Jo Bonnet historienne d'art.

cf  Beyond the visible - Le blog de cinexpressions

 

Elles font leur cinéma mars 2022

 

D’autres projections sont en préparation pour l’année 2022.

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15 janvier 2022 6 15 /01 /janvier /2022 14:56

 

De  Christian Schwochow. (Allemagne 2019)

 

Avec Ulrich Noethen, Tobias Moretti, Levi Eisenblätte

 

Siggi Jepsen est enfermé dans une prison pour jeunes délinquants Après avoir rendu copie blanche lors d'une épreuve de rédaction, sur  "Les joies du devoir" il est en isolement. Dans sa cellule, il se remémore la période qui a fait basculer sa vie. En 1943, son père, officier de police, est contraint de faire appliquer la loi du Reich et ses mesures liberticides à l'encontre de l'un de ses amis d'enfance, le peintre Max Nansen, privé d’exercer son métier. Siggi remet alors en cause l'autorité paternelle et se donne pour devoir de sauver Max et son œuvre...

La leçon d'allemand

Dès la séquence d’ouverture domine une atmosphère pesante, malaisante voire malsaine. Ce qu’accentue cette façon de filmer et de cadrer qui fait la part belle aux plans fixes, aux couleurs blanchâtres, aux vues en plongée ou aériennes, aux silences et aux regards plus éloquents que certains dialogues. Sigi est le seul parmi ses camarades « délinquants» à avoir rendu copie blanche ; il sera en isolement. Toutes les humiliations (se déshabiller, exposer une nudité que l’on palpe et ausculte) trouveront un écho au cours d’un récit …qui va exhumer certains pans de son passé.

 

Les joies du devoir.!!!

Flash back. 1943 Sigi enfant préadolescent est écartelé  entre le respect dû au père, Jens Ole Jepsen  -mais un père autoritaire et brutal qui obéit de façon maladive aux diktats du nazisme (le devoir comme valeur suprême)-  et un peintre Max Ludwig Nansen (ami de longue date) plus aimant, plus amène, mais condamné par le régime, au prétexte que sa peinture est de l’art dégénéré.

 

En adaptant le livre de Siegfried Lenz (paru en 1968) Christian Schwochow alterne les scènes d’intérieur (où chaque plan semble emprunter à la peinture ; la peinture n’est-elle pas au cœur du conflit ?) et les extérieurs où l’environnement spectaculaire des bords de la mer du Nord filmé avec une certaine lenteur peut faire éclater des forces vives capables de terrasser l’être humain ; beauté apollinienne de ces étendues, de l’estran, de ces grains de sable, de ces éclaircies et beauté démoniaque des essaims de mouettes, de l’horizon que noircit l’orage, des vents tumultueux. (l'artiste installé sur l'estran avoue peindre "la douleur"). Un double environnement pour le jeune Sigi et un tiraillement intérieur. Une étrange étrangeté au service d’une quête voire de cette « révélation » ? formulée par JP Sartre le devoir, c’est la volonté de l’autre en moi, l’aliénation de ma liberté propre

 

Un film qui condamne la justification des crimes nazis par le  "sens du devoir" , un film qui dénonce l’obéissance aveugle -et fatalement destructrice- à l’ordre politique mais aussi social et patriarcal (et l’acteur Ulrich Noethen qui vient du théâtre incarne avec maestria ce père impitoyable et barbare), un film qui revendique la prise de position comme expression du libre arbitre, vécue telle une évidence solaire par le peintre, mais via tout un cheminement intérieur pour Sigi et ce, malgré quelques zones d’ombre -dont les motivations peut-être inavouables qui  l’ont conduit plus tard à « voler » les tableaux

 

On peut  "déplorer"  le  parti  pris esthétisant, des longueurs, la  "rigidité cadavérique"  ou encore des raccords appuyés--sur la paume blessée par exemple-

 

Malgré ces  bémols La leçon d'allemand  est un film à voir , assurément 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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14 janvier 2022 5 14 /01 /janvier /2022 07:20

De Robert Guédiguian (France Sénégal 2021) 

 

avec Stéphane Bak, Alicia Da Luz Gomes, Saabo Balde, Ahmed Dramé 

En 1962, le Mali goûte son indépendance fraîchement acquise et la jeunesse de Bamako danse des nuits entières sur le twist venu de France et d'Amérique. Samba, le fils d'un riche commerçant, vit corps et âme l'idéal révolutionnaire : il parcourt le pays pour expliquer aux paysans les vertus du socialisme. C'est là, en pays bambara, que surgit Lara, une jeune fille mariée de force, dont la beauté et la détermination bouleversent Samba. Samba et Lara savent leur amour menacé. Mais ils espèrent que, pour eux comme pour le Mali, le ciel s'éclaircira.

Twist à Bamako

Un film hommage au photographe Malick Sidibé ? (cf générique de fin) Rappelons que Robert Guédiguian fut impressionné par la rétrospective que la fondation Cartier consacrait en 2017 au photographe, décédé en 2016. En cela le film serait réussi, si l’on admet qu’il joue le rôle de « bande son aux clichés du photographe ». Voici, en couleurs, des jeunes aux rires francs, aux corps comme désarticulés dans leurs déhanchements twistés, qui "s’éclatent"  dans des boîtes de la capitale Bamako (même si pour des raisons sécuritaires le film a été tourné au Sénégal) sur fond de musiques yé-yé et rock ; et soudainement le flux dansant se fige en un « arrêt sur image » noir et blanc -un procédé récurrent. Or c’est la même vitalité, la même frénésie la même fièvre dans une ambiance nocturne qui émanent des clichés de Malick Sidibé (cf Malick Sidibé, Mali Twist - Fondation Cartier pour l'art contemporain).

Couleurs et noir et blanc, nuit (la fièvre dansante) et jour (la fièvre émancipatrice, l’effervescence révolutionnaire) cette alternance formelle le cinéaste la met au service d’une « démonstration » aux allures de dialectique : de l’espoir (confiance absolue dans le socialisme naissant juste après l’indépendance avec Modibo Keïta) à l’amère déception (quand le pouvoir détricote les "acquis" fondés sur le collectivisme, musèle l’opposition et condamne une jeunesse "déviante" celle qui s'adonne aux plaisirs de la danse , celle qu’’incarne précisément un jeune couple : Samba le militant de la première heure et Lara cette jeune fille mariée de force qui s’échappe de la chape de plomb familiale.

Un double dynamique donc -amoureuse et politique, avec leurs icônes respectives qui tapissent les murs des chambres-  et une double confrontation -aux préjugés ancestraux d’une part qu’incarnent les chefs de village inféodés à leur pouvoir-, et aux visées affairistes d’autre part, qu’incarnent les bourgeois commerçants, soucieux avant tout de leurs bénéfices, ils ne peuvent adhérer aux idéaux socialistes de solidarité….

Mais comme souvent chez Guédiguian la démonstration se veut trop didactique…

Au tout début de Twist à Bamako la succession de saynètes censées valoriser le travail de groupe est entachée par une musique surdimensionnée, et l’épilogue (Bamako 2012) (ne pas spoiler) est assez acrobatique ; un "twist" au  sens cinématographique? un "savant gloubi boulga" ? ou tout simplement l’illustration de cette conviction ."Tout le mouvement ouvrier, les socialistes, les communistes, le mouvement syndical, ont pêché par manque de sens de la fête, du spectacle et du rire", "le twist, c'est extrêmement efficace pour remporter une victoire idéologique »

 

Colette Lallement-Duchoze

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12 janvier 2022 3 12 /01 /janvier /2022 16:02

de Donn Alan Pennebaker  et Chris Hegedus (US 1979)

 

à voir sur Tënk

 Town Bloody Hall - Tënk (on-tenk.com)

Le soir du 30 avril 1971, un public de lettré·e.s et de militant·e.s se presse à l'hôtel de ville de New York pour voir l'écrivain, scénariste, réalisateur et acteur Norman Mailer (qui vient d'écrire "The Prisoner of Sex") débattre avec un panel d'intellectuelles féministes. Le sujet est la libération des femmes, question sur laquelle Mailer se fait l'avocat du diable. Pour le mettre à l'épreuve sont notamment réunies l'écrivaine et critique Jill Johnston (autrice de "Lesbian Nation : The Feminist Solution"), la critique littéraire Diana Trilling, la présidente de la National Organization of Women (NOW), Jacqueline Ceballos, et peut-être son adversaire la plus coriace, l'autrice de "La Femme eunuque" à la langue affûtée, Germaine Greer.

Cet événement a fait date, et ce film se révèle stimulant ainsi que diablement divertissant.

Town Bloody Hall

Commentaire de Tënk 

 

Un film incroyable, un document historique d’une vive actualité. Town Bloody Hall est la « captation » en cinéma direct d’un débat passionné organisé à New York en 1971, auquel participent quatre intellectuelles : l’écrivaine et critique Jill Johnston, la critique littéraire Diana Trilling, la présidente de la National Organization of Women Jacqueline Ceballos, et l’autrice de « La Femme eunuque », Germaine Greer. Et au milieu (mais un peu devant quand même), un homme : l’écrivain Norman Mailer. Tout ce beau monde est rassemblé pour débattre du sujet de la libération des femmes (et un peu de Norman Mailer aussi).

Federico Rossin, qui a choisi de programmer ce film en parle ainsi : « Town Bloody Hall est une étonnante capsule temporelle qui mérite d’être revisitée : si de nombreux sujets de discorde semblent dépassés, le cœur de la discussion entre le misogyne Mailer et un groupe d’intellectuelles/guerrières féministes états-uniennes est toujours brûlant, vu l’état pitoyable de certaines émissions télé et de débats journalistiques d’aujourd’hui. »

La parole est belle, le débat joyeux, houleux, les propos forts, parfois honteux, le public réactif et engagé : on s’indigne, on hue, on rit ! Et la caméra et les micros des réalisateurs captent tout cela au vol, attrapant la poésie de certaines interventions, les vérités énoncées, les incompréhensions et tout ce qui aujourd’hui, autour de la révolution féministe, résonne encore. Par exemple, écoutons Germaine Greer : « Je pense que le problème est que nous réalisons tous, d’une certaine manière, que nous avons été dirigés par la force, et le monde a été dirigé par la force d’aussi loin qu’on se souvienne. Et que si nous sommes au bord d’une révolution et que c’est ça ou la mort alors ce doit être la seule révolution qui substituera à la loi du plus fort quelque chose d’autre, un ordre social plus complexe et sophistiqué, construit sur une interaction plus complexe des facultés et des personnes. »

Ce qui est un tout petit peu chiffonnant, 50 ans après, c’est qu’une autre prise de parole résonne encore – celle d’un homme dans le public à la fin du débat : « Je ne comprends vraiment pas ce que les femmes demandent. Supposons que je veuille le leur donner. »

 

 

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3 janvier 2022 1 03 /01 /janvier /2022 05:34

de Valdimar Jóhannsson (Islande Suède 2021)

avec Noomi Rapace, Hilmir Snær Guðnason, Björn Hlynur Haraldsson

 

 

Festival de Cannes 2021 : Prix de l'originalité (Un certain regard

 

Festival international du film de Catalogne 2021 : meilleur film et meilleure actrice pour Noomi Rapace

 

 En lice pour l'Oscar du  meilleur film étranger 

 

María et Ingvar vivent reclus avec leur troupeau de moutons dans une ferme en Islande. Lorsqu’ils découvrent un mystérieux nouveau-né, ils décident de le garder et de l'élever comme leur enfant. Cette nouvelle perspective apporte beaucoup de bonheur au couple, mais la nature leur réserve une dernière surprise…

Lamb

Un écran envahi par la brume la neige et le blizzard. On ne peut identifier les quelques formes noires qui se détachent au loin dans cette  vastitude blanchâtre tourmentée par la tempête. Et quand l’objectif de la caméra s’approche voici un troupeau de chevaux apeurés, désorientés qui émerge  de la confusion ciel-terre. Un prologue pour le moins surprenant et mystérieux ! le film s’inscrit-il dans les peurs séculaires liées aux forces vives de la nature ? celles qui entrent en conflit avec la communauté animale, humaine ? et comme un prologue souvent encode un film....

 

Lamb est découpé en 3 chapitres, soit trois parties d’un « drame » avec gradation jusqu’à un dénouement -inattendu…Depuis la découverte d’un être hybride, la volonté de le traiter et l’éduquer en humain jusqu’à une forme de vengeance primitive en passant par la venue inopinée de Petur frère d’Ingvar.

Soit un couple Maria et Ingvar ; ils élèvent des moutons dans une ferme isolée. Travail répétitif, dur labeur ; on devine leur empathie avec le monde animal, tant ils sont « attendris » à chaque nouvelle naissance… (ou émergence de drames enfouis ?)

Un chat, un chien et des moutons « islandais » que la photographie magnifie dans leur pose et leur silence de lumière. Regard captif d'un bélier filmé en gros plan prolongé (on en comprendra la raison). Ainsi dans un premier temps le cinéaste attire  notre attention sur le monde animal plus que sur les humains, et oriente de ce fait certaines de nos attentes ; puis c’est le basculement avec la naissance d’un être hybride et l’astuce du réalisateur (ou son sens du suspense) est de différer le moment où on découvrira avec certitude cette hybridité (au tout début on ne distingue que la tête d’un agneau à qui l’on prodigue les mêmes soins qu’à un bébé). Or cette irruption du « fantastique » (ou de l’horreur) est vécue par le couple comme « allant de soi » et devient très vite une raison de vivre. L’anomalie vécue sur le mode de la normalité!  Un comportement que Petur, le frère , dans un premier temps condamne ….tenté d'ailleurs d'en finir avec la monstruosité ! (rôle majeur du  fusil comme arme de vengeance ....de délivrance...)

Mais le « bonheur » du couple, de  la nouvelle cellule familiale n'est pas à l’abri d’autres menaces. Les non-dits et les ellipses,  la lenteur calculée des plans, la musique de Toti Guönason "atmosphérique et bruitiste" (Lamb (2021) - la BO • Musique de Tóti Guðnason • - Soundtrack • :: Cinezik.fr )  laissent présager du…pire

 

Le réalisateur alterne les scènes d’intérieur (bergerie, maison d’habitation,  chambre) et vastes panoramiques sur la campagne islandaise (à différentes saisons) avec leurs jeux de couleurs et de  lumière. Mais  la récurrence de l’image des fenêtres cloisons -où l’on guette et d’où l’on est épié -celle du plan sur la brebis « chassée » la « mère » de l’agnelle, désormais prénommée Ada, créent  une forme de malaise qui sera de plus en plus palpable et qui accentue la bizarrerie de la situation. Dans cette nature sauvage Maria (excellente Noomi Rapace, qu'on avait vue dans Millenium et Babycall (BABYCALL - Le blog de cinexpressions) officie non seulement en « mère » et « épouse » mais en Parque des temps modernes ( en décidant du sort de "tous" les vivants ) et au plus fort de la tragédie son cri primal aura aboli à jamais ( ?) l’harmonie primitive ! mais est-ce bien la Nature naturans qui a repris ses droits ? ou  la  Nature naturata?

 

Malgré quelques « réserves » (rôle artificiel de Petur, final vite expédié) on comprend que ce premier long métrage de Valdimar Johannson ait remporté à Cannes (2021) le prix de l’originalité (section Un certain Regard) et qu'il reste en lice  pour l'Oscar du meilleur film étranger (2022) alors que Titane (Palme d'or ) a été éliminé ..

 

 "Ce n’est pas un film de genre mais pour moi c’est un poème visuel"  Valdimar Jóhannsson )

 

Un "conte troublant" à ne pas rater

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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1 janvier 2022 6 01 /01 /janvier /2022 20:32

de Daniel Brühl (Allemagne 2021)

avec Daniel Brühl, Peter Kurth, Aenne Schwartz, Rike Eckermann, Vicky Krieps

 

Sélection officielle Berlinale 2021

A Berlin, Daniel est un acteur célèbre qui vit dans un bel appartement avec sa charmante compagne, leurs deux enfants et la nounou. Il s’apprête à décoller pour Londres où l’attend le casting d’un film de superhéros. En attendant son chauffeur, Daniel se rend au bar du coin sans savoir qu’il est suivi par son mystérieux voisin, Bruno. Cette rencontre préméditée va emmener Daniel vers les recoins sombres de son intimité. Bruno est bien décidé à lui faire vivre un enfer

Next Door

Daniel Brühl, un acteur mondialement connu, dont c’est le premier long métrage et interprétant lui-même un acteur prénommé Daniel ! une gageure ? de l’auto-dérision ? dans une  mise en scène de tous les problèmes liés au métier d’acteur (vie publique et vie privée, mégalomanie, infatuation, importance du regard de l’autre quand on est une « célébrité »), avec une critique grinçante de  la superproduction cinématographique (Marvel) et en toile de fond, un  questionnement sur les  « plaies » encore vives, séquelles de  la réunification des deux Allemagne ?

 

Dès la première séquence le ton est donné : voici l’acteur dans sa « vie privée » : immense loft dans un quartier chic de l’ex Berlin Est rénové (gentrification ?), exercices physiques (rame), choix vestimentaire, petit déjeuner (un bol de céréales et  de fruits bien rangé.e.s telle une œuvre d’art) en solitaire (la maisonnée est encore ensommeillée) des recommandations (en espagnol) à la nounou, des bises furtives aux enfants, ou un baiser sur les pieds de sa compagne…. C’est que Daniel est fier de se rendre, ce matin-là,  à Londres pour un casting (un rôle de super héros !!) Son regard son sourire de fanfaron   en témoignent aisément

Mais ce départ sera sans cesse différé par un processus d’effeuillements successifs jusqu’au dénuement: jeu des portes que l'on ouvre et ferme, celle du bar et du taxi entre autres ou plus métaphorique celui de cloisons qui séparent le réel du fantasme et dupliquées par les effets spéculaires des miroirs/glaces  

 

L’essentiel du film se passe à huis clos, dans le bar « la rincette » où Daniel répète (une incongruité qui vaut son pesant de ridicule) mais où un inconnu (en réalité un voisin) va lui asséner  - tel un couperet- des vérités comme autant de constats négatifs -sur sa vie privée et sexuelle, sur ses talents « contestables » d’interprète etc…-,  en une escalade à la fois verbale et « dramatique ». Le voisin ? C’est Bruno un de l’ex RDA qui se comporte comme le faisait la Stasi ! (ce dont témoigne la liasse de documents accablants et « vérifiables ») :démoniaque il distille des détails sur Daniel, sur Clara sa femme, sur Mattis l’assistant,  sur Conchita la nurse, sur Merten l’ami, sur la gentrification, la boboïsation, les clivages sociaux ; vengeance personnelle?  constats amers empreints d'humour? 

 

Une structure pour le moins artificielle et convenue.  Et ce malgré le refus du « statisme » théâtral dans la façon de filmer les deux personnages principaux, assis ou debout, côte à côte ou éloignés, en plans rapprochés ou moyens, (filmé de dos à  plusieurs reprises Daniel ne livrera qu'à son interlocuteur le "texte" de son visage) , avec quelques profondeurs de champ et malgré quelques "ouvertures" sur le quotidien urbain . Primauté accordée aux dialogues, dont certains malgré quelque invraisemblance ne manquent pas de piment, ainsi qu’à l’acharnement (supposé ou réel) de Bruno à « démolir » l’image …trop lisse du tout début. Ou ne s’agirait-il pas d’une simple répétition d’un scénario à venir sur la déconstruction/reconstruction -alors qu’ on assiste ici  à une entreprise de démolition (l'acteur et son double) tempérée, certes,  par l'auto-dérision

 

Et  malgré l’interprétation « impeccable » des deux acteurs principaux, la joute -bel exercice de style- a tendance à tourner en rond…

 

Tout cela n’est qu’une impression

Je vous laisse juge !!

 

Colette Lallement-Duchoze 

 

 

 

 

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30 décembre 2021 4 30 /12 /décembre /2021 07:08

de Pedro Almodovar (Espagne 2021) 

avec Penelope Cruz, Milena Smit, Israel Elejade, Rossy de Palma 

 

Venise 2021 meilleur rôle féminin: Penelope Cruz

Janis et Ana, deux femmes célibataires et enceintes par accident, sont sur le point d'accoucher. Elles se rencontrent dans leur chambre d'hôpital. Janis, photographe professionnelle, quarantenaire, n'a aucun regret. Ana, encore adolescente vivant chez sa mère actrice, est effrayée. Ces quelques jours à la maternité vont créer un lien étroit entre ces deux femmes.

 

 

 

Madres paralelas

Une histoire de destins croisés (ou parallèles?) mais surtout une histoire de « mères » (cf le titre). Deux mères que tout semblait opposer (grossesse désirée tardive pour l’une, grossesse subie et précoce pour l’autre, parcours conception et mode vie, attaches familiales) et qui à la faveur de quelques mots échangés à l’hôpital où elles accouchent s’en viendra sceller leur « destin » de manière inattendue.

 

Mais cette " intrigue" (très « romanesque » avec parfois des renversements de situations qui rappellent la « farce » ou la simple comédie) se « double » d’une autre qui s’inscrit dans l’Histoire du peuple espagnol et qui   fait encore débat : rouvrir ou non les plaies de la guerre civile ? déterrer les victimes du franquisme de leur charnier ?  Janis  est convaincue -d’autant que son arrière-grand-père fait partie de ces victimes. Lambeaux et plaies d’un passé à revisiter et à exhumer, Almodovar semble les faire sien.ne.s en les insérant comme ouverture (tel un exergue, avec une charge contre l’ex-premier ministre espagnol Mariano Rajoy, telle que le « ton » politique est d’emblée donné !) et épilogue (dernière séquence l’excavation), entre ces deux séquences nous aurons assisté au « destin croisé de deux mères » soit une trame politique encadrant une trame plus romanesque ! …. Or, inscrire la « petite » histoire dans la « grande » est devenu  un  "marronnier" (en littérature comme au cinéma, ) et cette construction (encadrement comme arc-boutant ou clef de voûte) pèche une fois de plus (hormis dans certains docu-fictions) par facticité et facilité !!!  Madres paralleles mêle donc maternité, identité et mémoire. Si exhumer les « morts » c’est exhumer la mémoire (et Janis/Penelope Cruz est obsédée par ce travail de mémoire !!!), donner la vie c’est aussi transmettre ….thématique pour le moins éculée de la descendance, des liens du sang !! Et la scène finale de l’excavation sans grandiloquence certes et qui aurait pu émouvoir, ne saurait convaincre tant elle s’inscrit dans la complaisance (avec cette superposition des corps, mariage du présent et du passé…)

 

La critique est assez dithyrambique : on loue les "couleurs chaudes" la "science du montage" "l'excellent portrait de femmes"  etc.. Certes l’interprétation, le rythme (hormis le montage alterné long et systématique au moment de l’accouchement) une certaine densité picturale (aplats de couleurs chaudes et  palette plus « impressionniste ») le syllabaire  almodovarien et/ou ses thèmes de prédilection (maternité, bisexualité, héritage, éducation, entre autres) sont la marque inviolée du cinéaste.

 

Mais que de facticité (et de complaisance) : pour ne mentionner que quelques exemples : la confession-soudaine, brutale- de Teresa (la mère d’Ana) à Janis, la cohabitation/rupture entre la mère (Janis) et le « père » (Arturo) comme illustration du contexte politique, présent ou passé (?),  la rapidité avec laquelle Ana "récupère"  l’enfant -comme un dû-, la mention du viol collectif minimisé par un juge …en "abus sexuel",  une certaine "désincarnation"  dans « l’incarnation » trop lisible (des rôles du contexte)

 

Bref une déception à la hauteur d’attentes (qui me semblaient  justifiées)

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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