17 juin 2019 1 17 /06 /juin /2019 08:49

de Dexter Flectcher

avec Taron Egerton, Jamie Bell,  Richard Madden

 

Sélection Cannes 2019

 Le film retrace la métamorphose de Reginald Dwight, un jeune pianiste prodige timide, en une superstar mondiale. Il est aujourd’hui connu sous le nom d’Elton John. Son histoire inspirante – sur fond des plus belles chansons de la star – nous fait vivre l’incroyable succès d’un enfant d’une petite ville de province devenu icône de la pop culture mondiale. 

Rocketman

Producteur du film, Elton John avait demandé à ce que la personne qui joue son rôle "sache chanter ". Ainsi et contrairement à la majorité des biopics musicaux, l'acteur Taron Egerton chante en les réinterprétant chacune des chansons de Rocketman. Et rien que pour la "prestation" de l’acteur et le plaisir de entendre les tubes des années 70 80, cette fiction romancée qui tient du biopic et de la comédie musicale vaudrait le déplacement!!!

 

Une scène d’ouverture fracassante : le chanteur en costume à plumes et cornes rouges, entre dans le champ de la caméra avançant vers elle comme s’il allait se produire sur scène...En fait il est attendu par le groupe des alcooliques anonymes ; dès lors il va "raconter"  "se raconter" : son enfance entre un père militaire très distant et une mère folâtre, le trauma dû au  manque d’affection (hormis celle prodiguée par la grand-mère) ses débuts de jeune pianiste prodige, et son ascension fulgurante,  jusqu’à la cure de désintoxication. Soit pour simplifier enfance, ascension, rédemption. Ce schéma lui-même est frappé de suspicion

Et si j’étais moins bon sans l’alcool et les drogues ?

La suite du parcours ce sera pour le générique de fin mais qui  insiste plus sur des choix de vie que sur la musique (abstinence depuis 28 ans…création d’une fondation qui lutte contre le sida, découverte de l’amour).

 

Le film doit dire toute la vérité, sur l’addiction à l’alcool, aux drogues, sur la solitude de l’homosexuel  Hélas leur traitement est souvent entaché par une forme très désagréable de complaisance… L'émotion sincère (?) d'Elton John en découvrant le film à Cannes  ne serait-elle pas liée à la fabrication d’une légende -à laquelle d'ailleurs il a été fier de participer ??? Un biopic aux accents d’hagiographie ???

 

Il est regrettable que le symbolisme du  "dénuement" (Taron Egerton au cours de sa "confession" se débarrasse progressivement de son costume flamboyant pour se revêtir in fine d’un peignoir gris terne) soit si éculé.

Dommage aussi que le trauma de l’enfant mal aimé - thématique  récurrente- soit si appuyé (et la séquence au fond d’une piscine où le chanteur est confronté à son moi/enfant en scaphandre est d'un   goût  douteux …)

De même les "scènes d’apesanteur"  censées illustrer la chanson titre (homme fusée) où l’on voit le chanteur décoller de son piano alors que la foule en délire est en lévitation, frisent le grotesque

 

Un film au rythme souvent enlevé qui, à n’en pas douter, aura autant de détracteurs que de zélateurs !!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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16 juin 2019 7 16 /06 /juin /2019 07:28

de Bertrand Bonnello (France Haïti)

avec Louise Lebeque, Wislanda Louimat, Adilé  David

 

présenté à Cannes 2019 (Sélection Officielle) 

Haïti, 1962. Un homme est ramené d'entre les morts pour être envoyé de force dans l'enfer des plantations de canne à sucre. 55 ans plus tard, au prestigieux pensionnat de la Légion d'honneur à Paris, une adolescente haïtienne confie à ses nouvelles amies le secret qui hante sa famille. Elle est loin de se douter que ces mystères vont persuader l'une d'entre elles, en proie à un chagrin d'amour, à commettre l'irréparable.

Zombi Child

Comment faire coexister l’histoire vraie de Clairvius Narcisse, celle d’adolescentes pensionnaires à l’école de la Légion d’honneur (fondée par Napoléon…) , l’interrogation sur la liberté, la transmission de l’histoire, la dénonciation de l’esclavage ?

Bertrand Bonello (réalisateur exceptionnel  de Tiresia, l’Apollonide, Nocturama) a certes choisi le montage alterné – deux lieux, deux temporalités (Haïti en 1962 1980 et Paris XXI°siècle), deux façons de filmer; mais il les relie par de subtiles correspondances  : ainsi la voix de Melissa récitant un extrait d’un poème de René Depestre semble se confondre avec celle du poète ; ainsi les parallèles -inclus dans le titre-, entre la souffrance du vrai zombi et les inquiétudes des lycéennes de Saint-Denis ; (mais avec ces audaces contrastées entre la rigidité des salles de cours à la lumière froide, des élèves figées telles des statues, et sa transgression par la musique rap de Damso..)

Mais  c’est la séquence du cours d’histoire où l’on entend Patrick Boucheron (professeur au Collège de France il interprète ici un enseignant) énoncer ces vérités  "Napoléon a achevé la Révolution dans les deux sens du terme" ou "comment raconter l’Histoire alors qu’elle est hoquetante"  qui -située juste après une scène d’ouverture presque terrifiante-, va irriguer telle une mise en abyme tout le film…( par un jeu permanent d’échos tant formels que thématiques ne serait-ce que par ces histoires souterraines hésitantes et résurgentes)

Le film s’ouvre sur les "préparatifs" à la  lenteur calculée d’une mise à mort : on extirpe d’un poisson spongieux ce qui va servir à fabriquer une poudre que l’on verse dans une paire de chaussures ; puis dans une rue déserte et sombre la caméra suit en travelling la victime titubante qui s’effondre : c’est Clairvius Narcisse. Nous sommes en 1962 Haïti ...Il sera enterré, déterré, exploité dans les champs de canne à sucre .La figure de ce zombi hante encore l'Histoire et les mentalités !

Et c’est Melissa (personnage de fiction) dont les parents ont connu la dictature de Duvalier, qui servira de relais ; pensionnaire intronisée par Fanny dans le cercle des sororités, elle "racontera"  l’histoire de son grand-père

 

Progressivement les frontières s’abolissent : images et paroles se confondant par des effets de superposition ; images mentales et réalité (l’être aimé fantasmé(?) dont se languit Fanny jusqu'à en être possédée) ; rites et rituels à l’atmosphère curieusement envoûtante (ceux pratiqués par le cercle des 5 pensionnaires à Saint-Denis et ceux des Haïtiens avec Baron Samedi par exemple); etc.

 

Tout cela fait de Zombi Child un film presque hypnotique ; à condition -excusons ce truisme- de se laisser porter voire transporter  !

 

Colette Lallement-Duchoze

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10 juin 2019 1 10 /06 /juin /2019 07:10

de Bong Joon-Ho (Corée Sud) 

avec Song Kang-Ho, Cho Yeo-jeong, Lee-Sun-Kyun, So-Dam Park

 

Palme d'Or Cannes 2019

Toute la famille de Ki-taek est au chômage, et s’intéresse fortement au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable...

Parasite

Le réalisateur recommandait de ne rien "dévoiler" de son film avant la sortie officielle. Et de fait on ne raconte pas l’intrigue faite de soubresauts, de pièges (ceux tendus par les arnaqueurs mais aussi par le cinéaste) ; le spectateur doit se laisser entraîner dans un labyrinthe un puzzle au dénouement « inattendu » . Le titre lui-même est polysémique ! Le vocable parasite peut désigner un perturbateur humain, biologique et  "communicationnel"

 

Puisque le seul recours pour survivre -quand on est chômeur, que l’on vit dans les bas-fonds mais qu’on dispose d’un portable- est le vol, rien d’étonnant à ce que l’on profite du wifi  du voisin...On parasite. Puis se met en place avec méthode et ingéniosité une "manipulation" qui fera des quatre membres de la famille (les parents et leurs deux enfants) des arnaqueurs ; sympathiques au demeurant, ils profitent (en tant que parasites) de la naïveté (comique) du couple employeur, les Park….Seule suspicion une odeur -que détecte leur jeune enfant- l’odeur indélébile des égouts, de la Misère ; elle risque de parasiter l’air ambiant  

Mais quand à un moment le film bascule vers  l’horreur que le rythme s’accélère qu’une descente vertigineuse nous mène aux portes de l’enfer, et qu’un déluge... les rires se figent -encore que -

La violence sociale, celle des criantes inégalités sert ainsi de toile de fond à la déshérence de ces êtres qui vivent dans les bas-fonds ; et une palette souvent bichrome est au service d’une peinture contrastée entre les "richissimes" qui vivent à la lumière (à noter ici que la somptueuse maison des Park est construite sur un abri anti-atomique au cas où la Corée du Nord…) et ceux qui doivent se contenter du glauque, des "miasmes morbides". À cela s’ajoutent la subtilité des changements de rythme et de tonalités (mélange de comique et de tragique), la prestation des acteurs, et cette fluidité dans la narration alors même qu’elle traduit des chocs et des heurts !

Parasite: Une comédie sans clowns, une tragédie sans méchants (propos du réalisateur)

Parasite: un film à ne pas rater

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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7 juin 2019 5 07 /06 /juin /2019 12:59

de Jim Jarmusch (USA)

avec Bill Murray, Adam Driver, Tilda Swinton, Tom Waits

 

présenté en ouverture du festival de Cannes 2019

Dans la sereine petite ville de Centerville, quelque chose cloche. La lune est omniprésente dans le ciel, la lumière du jour se manifeste à des horaires imprévisibles et les animaux commencent à avoir des comportements inhabituels. Personne ne sait vraiment pourquoi. Les nouvelles sont effrayantes et les scientifiques sont inquiets. Mais personne ne pouvait prévoir l’évènement le plus étrange et dangereux qui allait s’abattre sur Centerville : THE DEAD DON’T DIE – les morts sortent de leurs tombes et s’attaquent sauvagement aux vivants pour s’en nourrir. La bataille pour la survie commence pour les habitants de la ville.  

The Dead don't die

Voici Ronnie (Adam River) et Cliff (Billy Murray) son chef désabusé ; ils patrouillent, la routine quoi ! et la ville défilera en un long travelling latéral (avec les images iconiques du commissariat, des pompes funèbres, de la station service avec son tenancier friand de fanzines et d’histoires d’horreur(mise en abyme).) et voici le diner (façade alu)

Mais la terre est sortie de son axe suite à une fracture hydraulique polaire. Les repères temporels sont abolis. Et cette catastrophe écologique fait sortir les morts de leurs tombes, leur nombre grossit envahit une ville jusque-là pépère... Ces "zombies" voraces  se nourrissent  des vivants (alors on aura droit à des plans prolongés sur les premiers corps éventrés, sur des morceaux d’intestin que suce un zombie en qui on aura reconnu Iggy Pop ; mauvais goût ...apparemment revendiqué...)

Protégés dans leur habitacle, les deux "patrouilleurs" -quand ils ne participent pas à la décapitation de zombies par le sabre ou les armes à feu- s’interrogent sur le scénario : oui ils ont lu le script oui ils connaissent la chanson de Sturgill Simpson the dead don’t die (normal c’est la chanson-titre affirme nonchalant Ronnie). Oser un pied de nez au réalisateur avant de disparaître eux aussi (mort du scénario?)

 

Que la préposée aux pompes funèbres aux allures de samouraï (Tilda Swinton) soit protégée par la soucoupe qui in fine la recueille dans les airs (non contaminés ?), que les trois ados échappent à l’apocalypse (on ne sait trop pourquoi), que la voix de l’ermite qui a élu domicile depuis belle lurette dans la forêt (Tom Waits en homme des cavernes hirsute) soit celle de la Sagesse, que tout cela joue le rôle de contre point pourquoi pas ??

Mais avouons-le quelque chose "cloche" dans ce film

Un message  si poussif et tautologique qu’il est contre-productif. Un scénario et une mise en scène aux références (tant au cinéma qu’à la littérature) trop visibles. La métaphore appuyée de la voracité -matérialiste-

 

On  pourra toujours objecter que le film n’était qu’un jeu, une farce mi-grotesque mi-tragique!!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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6 juin 2019 4 06 /06 /juin /2019 06:03

de Jean-Pierre et Luc Dardenne (Belgique)

avec Idir Ben Addi , Myriam Akheddiou, Olivier Bonnaud

 

Prix de la Mise en scène Cannes 2019

En Belgique, aujourd’hui, le destin du Jeune Ahmed, 13 ans, pris entre les idéaux de pureté de son imam et les appels de la vie.

Le jeune Ahmed

Il se prénomme Ahmed, il a 13 ans, et déjà tout son être est envoûté (au sens fort) par les paroles de l’imam. Ce dont témoignent les gestes récurrents de la prière, des ablutions, et l’apprentissage du Coran, qui désormais vont scander le rythme de ses jours. Trop jeune pour prendre quelque distance, ou plutôt déjà trop radicalisé, il met un point d’honneur à appliquer à la lettre certains préceptes. Se sentant investi d’une mission, il doit « tuer » sa prof d’arabe car c’est une mécréante !!! (elle refuse de prendre pour support de ses cours les textes coraniques.Geste effarant -cette tentative d'homicide- qui le conduit directement dans un centre de détention et d’éducation pour adolescents (la partie la plus longue du film)

Comment ce jeune de 13 ans en est-il arrivé là ? Cela n’intéresse pas les réalisateurs. Pas de démonstration psychologisante. Pas de lestage socio-économique (comme chez Ken Loach). Le factuel à l’état brut. De longs plans séquences, une caméra qui colle au personnage : on reconnaît la marque des frères Dardenne (cf Rosetta La promesse L’enfant) Une mise en scène qui privilégie les petits gestes, ou/et le corps mal à l’aise souvent dégingandé, une attention particulière aux "professionnels",  éducateurs pétris de bienveillance, et c’est bel et bien une autre approche d’un sujet désormais ancré dans notre quotidien : la radicalisation islamique. Mais ici on est presque aux antipodes du film -peu convaincant- de Téchiné L’adieu à la nuit

Ahmed ne rit pas, ne sourit pas (hormis une seule fois...) . Enfermé dans ses certitudes, c’est un bloc hermétique, comme si sa part d’enfance était à jamais abolie. Ce que déplore sa mère quand, lors d’une visite au centre, elle le serre dans ses bras telle une piéta "j’aimerais tellement que tu redeviennes comme avant". Le séjour à la ferme reliée au centre fermé où il est détenu, sera-t-il salutaire ?

Un film âpre et sobre, épuré et pessimiste

Quand cloué au sol Ahmed implore sa "maman" -est-ce la résurgence de l’enfance? ou quand il demande "pardon" - est-ce la part de l’irréductible .....enfin mise à mal ? Ou….?

Je vous laisse juge !!!

Colette Lallement-Duchoze

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1 juin 2019 6 01 /06 /juin /2019 05:19

de Muayad Alayan (Palestine)

avec Maisa Abd Elhadi, Adeeb Safadi, S. Kretchner

Sur fond de conflit politique, une liaison extraconjugale à Jérusalem entre Sarah, une femme israélienne et Saleem, un homme palestinien,  déclenche un jeu dangereux de duperie entre ceux qui détiennent le pouvoir et ceux qui ne le détiennent pas.

The reports on Sarah and Saleem

À partir d’une relation amoureuse entre un Palestinien et une Israélienne à Jérusalem, Muayad Alayan crée une œuvre intelligente et efficace qui refuse la complaisance et le manichéisme. Film politique certes ne serait-ce que par la cartographie des fractures à Jérusalem -ce dont rend compte le montage alterné jouant de la géométrie spatiale- et par l’ingérence manipulatoire des hauts services de renseignement, ces dispensateurs de psychoses et replis identitaires.. Mais le réalisateur avoue s’être intéressé avant tout à des gens  "ordinaires qui à cause de la politique se retrouvent dans des situations absurdes"  Tout en rappelant qu’aujourd’hui encore, la ségrégation règne à Jérusalem, où vous êtes filmés en permanence                    

Une histoire d’amour extra-conjugal interdite par la religion et la morale, par le devoir et la culture. Les rencontres « torrides » entre Sarah juive mariée à un colonel et Saleem livreur palestinien dont la femme va bientôt accoucher, se font dans la voiture de Saleem où le plaisir semble exacerbé par l’exiguïté et le risque encouru. Une soirée à Bethléem un début de bagarre la soif de vengeance de " l’humilié" et c’est le début d’une descente infernale. Les accusations qui pèsent sur Saleem et ses dénégations réitérées en font un dangereux espion...Suspecté (par Israël) de faire passer illégalement en Cisjordanie des téléphones portables susceptibles d’être utilisés à des fins terroristes, il  se voit également accusé (par l’Autorité palestinienne) de trafic de prostituées et d’espionnage….L’enfer de la prison est suggéré par quelques plans sur le visage capté à travers les barreaux ou quelques séances de tabassage lors des interrogatoires -pour ne pas dire tortures- sans insistance (comme certains seraient tentés de le faire avec gros plans prolongés sur un visage tuméfié par exemple)                                             

 Le portrait de l’armée d’occupation (Tsahal) à travers celui du colonel David mari de Sarah (spécialisé dans la Sécurité, en clair l’organisation, la planification des mesures préventives d’interventions chez les Palestiniens) et celui des services de renseignements qui, des deux côtés, use et abuse de fake news, éclatent au grand jour là où souvent ils se dessineraient en creux à travers une trame scénaristique ! Le film prend parfois l’allure d’un thriller quand on assiste à des "courses poursuites"; il mêle dans une structure relativement classique, réalisme documenté et fiction, mais il explore surtout des consciences : que de porosité morale chez le beau-frère de Saleem ! que de bassesses et vilenies chez David obnubilé par sa carrière militaire !   De cette histoire d’amour "interdit" ce sont les femmes qui sortiront grandies :femmes autonomes et responsables (l’avocate de Saleem par exemple) ; femme en passe de l’être : d’abord docile -sans être soumise- la femme de Saleem,  Bissan,  bafouée et trahie, se libérera d’un carcan (religieux et social)                                             

À voir absolument!                                                                                 

Colette Lallement-Duchoze                                                                                  

 

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31 mai 2019 5 31 /05 /mai /2019 06:29

De Justine Triet

avec Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel, Sandra Hüller, Niels Schneider, Laure Calamy  

 

présenté en sélection officielle festival de Cannes 2019

Sibyl est une romancière reconvertie en psychanalyste. Rattrapée par le désir d'écrire, elle décide de quitter la plupart de ses patients. Alors qu'elle cherche l'inspiration, Margot, une jeune actrice en détresse, la supplie de la recevoir. En plein tournage, elle est enceinte de l'acteur principal… qui est en couple avec la réalisatrice du film. Tandis qu'elle lui expose son dilemme passionnel, Sibyl, fascinée, l’enregistre secrètement. La parole de sa patiente nourrit son roman et la replonge dans le tourbillon de son passé. Quand Margot implore Sibyl de la rejoindre à Stromboli pour la fin du tournage, tout s'accélère à une allure vertigineuse…

Sibyl

La réalisatrice aurait-elle inventé un genre nouveau l’ "autothriller" et une nouvelle tonalité la "dramédie"? à travers cette  histoire d’une psy qui devient la romancière de sa propre vie ? Spectateur, on assisterait à l’adaptation du propre roman de Sibyl???

 

Film et roman, en train de se faire, film dans le film, roman dans le roman, fantasmes et réalité ...et ce ad libitum ; ce que vient renforcer le principe de gémellité -entre Sibyl et Margot, Sibyl et sa sœur, Sibyl et Mika la réalisatrice, entre Gabriel et Igor ; et même si la gémellité fonctionne en miroir inversé, Justine Tiret se plaît à démultiplier le motif du double (est-ce Sibyl qui envahit tous les personnages comme elle envahit l’écran de bout en bout ? Chacun reflétant une part d’elle-même : dont la mauvaise conscience "incarnée" par celui qui partage sa vie, et la solitude par l’enfant qu’elle reçoit en tant que psy). Le montage accentue cet enchevêtrement, cet enchâssement d’histoires, (qui se jouent en fait dans l’esprit de Sibyl). Le film bascule avec l’épisode de Stromboli (le paysage naturel se substitue au paysage urbain ; les forces vives de la nature remplacent les intérieurs d’appartements) ..mais n’entachons pas le  "plaisir"  de la découverte ! (fût-elle décevante!)

A tout cela s’ajoute la présence troublante de l’enfant : qu’il s’agisse de Daniel (est-ce le fantôme de l’enfant qu’elle a eu avec Gabriel) et qui prédit au cours d’un jeu de Monopoly "vous allez perdre"; de Selma fille de Sibyl qui se révèlera être le coeur de sa vie (même si la prise de parole finale de l’enfant contraste avec les assertions de la mère/romancière assimilant les gens de son entourage à des "personnages de fiction")

 

Certes Virginie Efira triomphe dans le rendu du personnage (thérapeute, psy idéale ou sans scrupules, amante folle, séductrice, alcoolique récidiviste, mère aimante et absente) par un talent protéiforme

 

Mais dans ce foisonnement, ce chaos organisé, il manque pourtant un chaînon susceptible d’entraîner l’adhésion ! Et ce n'est pas la thématique de l'ivresse déclinée dans ses sens propre et figuré (depuis la logorrhée verbale de l'éditeur en ouverture du film jusqu'à l'ébriété finale de Sibyl en passant par l'embrasement de corps aimantés par le désir) qui fera chambouler ! Ni le procédé de la mise en abyme,  sur-exploité! 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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28 mai 2019 2 28 /05 /mai /2019 05:22

De Pedro Almodovar (Espagne) 

avec Antonio Banderas (prix d'interprétation Cannes 2019) Penelope Cruz, Asier Etxeandia, Leonardo Sbaraglia 

Une série de retrouvailles après plusieurs décennies, certaines en chair et en os, d’autres par le souvenir, dans la vie d’un réalisateur en souffrance. Premières amours, les suivantes, la mère, la mort, des acteurs avec qui il a travaillé, les années 60, les années 80 et le présent. L’impossibilité de séparer création et vie privée. Et le vide, l’insondable vide face à l’incapacité de continuer à tourner.

 

Douleur et Gloire

Au cinéma de mon enfance, ça sent toujours la pisse, le jasmin et l'été…

A l'instar du titre (où la conjonction et  peut signifier complémentarité causalité et/ou opposition) le récit fonctionne sur un jeu de réminiscences, d'allers et retours entre présent et passé mais aussi entre autobiographie et fiction. Un artiste en panne d’inspiration -et ce faisant de création-, victime de troubles physiologiques, de maux réels ou fantasmés (asthme acouphènes douleurs lombaires dysphagie) s’interroge sur la maladie la mort, alors que resurgit son passé proche ou lointain à la faveur d'une sensation, d’une musique, d’une parole, d’une vision - comme dans le processus proustien de la Mémoire. Mais les raccords ici ne sont pas toujours élégants.....certains trop appuyés, d’autres inattendus et aléatoires (faut-il comprendre que l’oeuvre est faite de coutures/sutures -dont l’oeuf de bois serait un élément métaphorique en ce sens qu’il est le support des raccommodages?? œuvre faite aussi d’amalgames savants de couleurs -celles du générique ?)

 

 

Oui le cinéma n’a qu’un seul guide : la VIE

 

On aura reconnu des façons de cadrer ou filmer une scène qui renvoient aux propres oeuvres d'Almodovar de même qu'on retrouve les thématiques chères au cinéaste - chant d'amour dédié à la mère,  homosexualité, prégnance de la religion, drogue,  vertiges fulgurants et du Désir et de la Création. Car dans Douleur et gloire l'art est bien le médium incontournable : un texte lu en public,  un dessin dédicacé et c'est un  passé revisité qui s'impose à l'écran et qui dans l’autofiction est déterminant pour une aube nouvelle (rôle salvateur de la  création artistique -littérature et dessin- plus puissant que les opiacés!!!) Même si les deux éléments déclencheurs arrivent inopinément….(ou alors serait-ce du hasard objectif??)

 

Mais que de complaisance dans l'analyse pseudo scientifique des maux qui affligent Salvatore.  Sa voix off en fait le catalogue, commente graphismes et graphiques en 3D (c’est vraiment longuet et assez lourd) ; les maux sont visibles uniquement au moment où le personnage les évoque (claudication renvois gastriques) comme s'ils étaient pure illustration et non handicap; le spectateur a droit aux consultations  auprès de spécialistes aux images scanner et irm. Que de complaisance aussi dans la préparation de la drogue -même si elle est censée pallier les insuffisances d’un traitement médical? Même si c’est pour insister sur les propriétés addictiogènes. Et que dire de ces plans inutiles dans la mesure où ils disent trop (bavards) ? Etc..

 

Troisième volet d’une trilogie sur le désir et la fiction cinématographique, dit-on.  Si tel est le cas, le second volet " la mauvaise éducation (après la loi du désir) est sans conteste le plus original  et le plus convaincant !!! car il est inspiré et inspirant alors que l’autoportrait de Douleur et gloire est assez.... ennuyant !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

oui ce film est assez décevant car il relate une vie somme toute ordinaire pour un artiste qui l'est moins. Curieusement Almadovar ne met pas au compte de sa biographie ce qui est le plus honorifique pour lui : avoir participé grandement à dévisser la tête de l'esprit franquiste en bousculant les préjugés. La Movida est ce courant, qui grâce à lui, restera dans l'histoire du cinéma et d'Espagne.
Néanmoins, le prix d'interprétation à Cannes pour Antonio Banderas est à mes yeux mérité

Serge 28/05/19 

Ce n'est pas le  thème traité (un septuagénaire plus ou moins déprimé, l'interrogation sur  la naissance du désir ) ni  la "belle" leçon (l'art est salvateur,  le cinéma n'a qu'un seul guide: la vie)  qui m'ont "déçue" (loin de là) mais la façon dont ceux-ci sont "mis en forme" ...

Colette 28/05/19

 

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25 mai 2019 6 25 /05 /mai /2019 19:53

De  João Salaviza et Renée Nader Messora

 

Avec Henrique Ihjãc KrahôKôtô Krahô

 

prix spécial du jury festival de Cannes 2018 Un Certain Regard

 

Habité par le pouvoir de communiquer avec les morts, un jeune Indien du Brésil refuse de devenir chaman et décide de quitter les siens pour échapper aux esprits...

Le chant de la forêt

D’une beauté visuelle et plastique sidérante "le chant de la forêt" (à Cannes 2018 "les morts et les autres")  entrelace documentaire, fable ethnographique, récit initiatique. Il nous immerge dans le village de Pedra Blanca -où vit une communauté indigène celle des Krahos- au nord du Brésil. Et c’est le parcours d’Ihjac (son refus d’être chaman, son éloignement de la forêt vers la ville et son retour) qui servira de trame scénaristique 

La séquence d’ouverture (reprise en écho à la fin) mêle croyances onirisme osmose entre l’homme et la nature. Ihjac entend l’appel de son père défunt qui le guide jusqu’à une cascade. La caméra le suit dans le dédale végétal et son torse, par les vibrations de la lumière et de l’ombre, se métamorphose en un tableau de verdure… Son père lui enjoint de préparer la fête de fin de deuil qui lui permettra de rejoindre le village des morts et d’accéder à l’éternité…

Mais!

Un film qui ne se raconte pas ; un film qui nous habite

Il faut se laisser emporter, moins par la peinture des rites et des activités domestiques (on serait alors le spectateur friand d’exotisme), moins par la confrontation avec le monde des « blancs » (seconde partie quand Ijhac est soumis aux diktats administratifs de l’utilitaire) que par la qualité d’écoute d’un peuple (voué à disparaître?) qui nous (ré)apprend à entendre le "chant de la forêt" ; c’est le bruissement d’un Etre-là que n’a pas altéré la prétendue "civilisation"  technologique et capitaliste

 

Et l’indolence apparente -celle du rythme, de la durée des plans, des gestes et des paroles- n’est pas lenteur calculée ; elle illustre un rapport au temps, inviolé lui aussi, écoutons-le frémir !

À ne pas rater !!

 

Colette Lallement-Duchoze

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22 mai 2019 3 22 /05 /mai /2019 10:00

d' Alejandro Fadel (Argentine)

Avec Victor Lopez Esteban BigliardiTania Cascian

 

présenté au festival de Cannes 2018 (Un Certain Regard)

Dans une région reculée de la Cordillère des Andes, le corps d’une femme est retrouvé décapité. L’officier de police rurale Cruz mène l’enquête. David, le mari de Francisca, amante de Cruz, est vite le principal suspect. Envoyé en hôpital psychiatrique, il y incrimine sans cesse les apparitions brutales et inexplicables d’un Monstre. Dès lors, Cruz s’entête sur une mystérieuse théorie impliquant des notions géométriques, les déplacements d’une bande de motards, et une voix intérieure, obsédante, qui répète comme un mantra : “Meurs, Monstre, Meurs”…

Meurs, monstre, meurs

Fantastique et clownesque, surréaliste et grand-guignolesque si le film de l’Argentin Alejandro Fadel ne peut laisser indifférent, force est de reconnaître que dans le "genre" -  "la région sauvage" du réalisateur mexicain Escalante par exemple- on aura vu plus "convaincant" et moins complaisant

 

Dans le décor à la fois sublime et effrayant des montagnes (plan large) voici qu’apparaît au premier plan un troupeau de moutons (dont un à la tête partiellement rouge) ; puis gros plan sur la femme qui face à la caméra assiste hébétée au décollement de son crâne ; sa (une) main bienveillante essaie (en vain) de recoller. Dont acte. D’emblée est annoncée la dialectique humain/animal…d'emblée mélange de réalisme et d'horreur

Reprenons : une créature hante la Cordillère des Andes, elle décapite ses victimes. La brigade locale (avec Cruz) s’ingénie à trouver une solution "rationnelle"  (avec cet appel récurrent à la "scientifique")  ; peine perdue. Mais c’est l’occasion pour le réalisateur d’opter pour une "mise en scène" qui flirte avec les visions cauchemardesques et ...les effets faciles (très gros plans sur des lésions bizarres, sur la bave gluante, extraction du crâne de la décapitée d’une "dent"  animale(?) flamboiement de fumées rouges, récurrence de ces motards qui pétaradent nimbés de brumes, gueules terreuses des protagonistes, bande-son plus qu’illustrative, etc.)

 

Si l’incompétence de la brigade -surtout le supérieur de Cruz- prête à sourire -c’est le ressort d’une "comédie grinçante" , donner à voir la bête ignoble avec une queue immense à la Marsupilami qui se termine en phallus… et une gueule ouverte en immense vagin, provoque le rire…(forcément)

 

La bête plus qu’hybride – ici monstrueusement sexualisée- c’est  bien évidemment "le monstre" tapi en chacun de nous ; -d'autant que le réalisateur se plaît à faire de chaque personnage, tour à tour,  un coupable potentiel-; mais son traitement en fait une pure attraction,  là où Escalante proposait une cartographie des sentiments, des désirs et du refoulement ; là où la dévoration par le sexe sans être aussi vénéneuse que chez Zulawski, était autant suggestive que symbolique

 

Le  débat est ouvert

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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