6 décembre 2024 5 06 /12 /décembre /2024 11:35

d'Adam Koloman Rybanský - République Tchèque  2022 

 

 

avec Michal Isteník  Standa  Miroslav Krobot  Broňa Anna Polívková  Jana l'épouse de Standa Vladimir Škultéty Jiří Vymětal Martin Šesták Václav Hrzina Marek Pospichal

 

Présenté au 72ème festival de Berlin 

à voir sur 
 

https://artekinofestival.arte.tv/

 

 

Arte festival kino 2024 (du 1 au 31 décembre) 8ème édition 


Standa et Bronya sont pompiers volontaires dans un petit village. Alors que Standa, maladroit, attend avec impatience la naissance prochaine de son fils, Bronya, son ami plus âgé, ne profite plus de la vie car sa femme est décédée récemment. Mais quand un véhicule fonce sur la foule, s’encastre dans la fontaine municipal, .heurte un habitant les pompiers veulent prouver qu’ils se soucient de la sécurité….
 

Somewhere over the Chemtrails (Kdyby radsi horelo)

"les gens sont si stupides qu'ils croiront n'importe quoi" 

 

Pour dénoncer la xénophobie et toute forme de racisme le réalisateur a opté pour une démonstration par l’absurde, l’humour pince sans rire et le rire "jaune"  Voici une fable dans la tradition humoristique tchèque (cf entretien avec le réalisateur) Un village apparemment sans histoire …mais…où la contamination ….ressemble  à une "traînée chimique"  (chemtrail)


Terre et ciel, village et cimetière, maisons et place du village, intérieurs et voisinage proche, arbre à abattre ou élaguer et arbre tutélaire tel un mémoriel, scies haches gourdins, le film nous entraîne de l’un.e à l’autre  alors que la caméra est souvent fixe filmant les personnages en frontal (aussi raides dans leur verticalité que les façades des maisons) et ce, dans un laps du temps assez court -du vendredi saint au lundi de Pâques (temps signalé par des encarts et relayé par la voix d’un « héraut » souvent le maire). Un duo au "comique grinçant"  sert de  "fil conducteur" : hébété souvent hagard c’est Standa, visage grimaçant de rides colériques c’est Bronya ! 

 

Chaque personnage semble incarner un archétype et le réalisateur va jouer des liens qui se tissent se serrent se desserrent se distendent entre ces références archétypales  : le curé incarne la "raison" et le "pardon" dont témoigne son homélie -vite inaudible pour les "fidèles"  ; il saura garder -du moins pendant un temps-,  le « secret » de la confession (le vrai coupable est un habitant du village) Bronya le vétéran des pompiers volontaires et qui semble avoir beaucoup d’ascendant sur ses congénères décrète ex abrupto que l’accident  "ne peut avoir été perpétré que par des basanés des noirs des salauds d’Arabes"  -même s’il n’a pu identifier le chauffeur de la camionnette…; Standa - nonchalant et maladroit- tergiverse, serait enclin à suivre son mentor…alors que son épouse plus raisonnable (et rationnelle) lui enjoint de ne pas céder aux voix (voies) maléfiques voire plus…D’autant que des traînées blanches "maculant"  le  bleu céruléen du ciel  (plusieurs occurrences) alimentent la théorie conspirationniste des chemtrails (mot valise anglais, construit par la contraction de « chemical trail », soit « traînée chimique ») et que Standa persuadé des vertus thérapeutiques du vinaigre en vient à asperger aliments objets et corps pour éviter toute contamination…
 

Contamination ici-bas -où les préjugés racistes s’épandent à la vitesse des bières que l’on ingurgite- en écho à la contamination chimique dans le ciel...
 

Et quand la vérité éclate dans sa surprenante évidence, que les villageois ont retrouvé une certaine « joie de vivre » (où continue à sévir le racisme sexuel…propos qui essentialisent la (les) femme(s) ) voici des rebondissements aux conséquences insoupçonnées avant le twist final…(à ne pas spoiler) 
 

Un film à ne pas rater !!

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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3 décembre 2024 2 03 /12 /décembre /2024 06:07

De Gilles Bourdos (France 2023)

 

Avec Vincent Lindon (Joseph) et les voix d'Emmanuelle Devos (Catherine)   Micha Lescot (Damien)  Pascale Arbillot (Béatrice)   Gregory Gadebois (Garcia)  Solan Machado Graner (Simon)  Milo Machado-Graner (Lucas) 

Joseph Cross ressemble à son métier. Solide comme du béton. Marié, deux enfants, son existence est parfaitement organisée. Pourtant cette nuit, seul au volant, il doit prendre une décision qui peut ruiner sa vie.

Le choix

Exercice de style ? Peut-être, mais dont le rendu est bien en-deçà de Guilty du Danois Gustav Möller (cf  http://www.cinexpressions.fr/2018/07/the-guilty.html )  -dans ce film le travail sur le « design sonore » était époustouflant !!!

Performance d’acteur ? discutable……

 

Voici un dispositif minimaliste :  l’habitacle d’une voiture mais où l’asphalte de l’autoroute, et l'environnement  (filmés en alternance avec le huis clos) jouent  le rôle d’échappée (pour la forme) et de contrainte chrono (pour le fond) alors que les différentes voix (le téléphone est constamment sollicité) illustrent à la fois une « bataille des mots » (car il s’agit à chaque fois de « convaincre » l’interlocuteur)  et les trois « missions » dont se sent investi Joseph:  préserver une famille en "rassurant" une épouse,  seconder consoler une parturiente, piloter un chantier colossal 

 

A force de revendiquer son « honnêteté »,d'afficher  sa droiture (quand bien même le ton de la voix change en fonction de l’interlocuteur), la « pureté des sentiments » de Joseph en devient suspecte ….(l’hymne au « courage » tout en se déclinant en multiples aveux -comme autant de mea culpa -est dissonant !!!)

 

Scotché à son volant, mais à l’écoute de sa femme Catherine,  de Damien auquel  il "dispense "des ordres, de son supérieur hiérarchique Garcia  de Béatrice de ses deux fils Simon et Lucas,  Joseph est devenu le temps d’une nuit une sorte de « chevalier des temps modernes", en l’absence duquel le monde s’écroulerait…et les kilomètres avalés (oui j’arrive je serai là ça roule bien sur l’autoroute) sont comme des secondes grappillées au temps : celui de la vie (naissance d’un enfant) de la survie (d’un couple ?) d’un futur en béton indestructible (érection d’une tour géante)

 


Le hic est que tout cela fonctionne un moment mais s’épuisant dans le répétitif, dans le « lisse » propret d’une « masculinité prétendue courageuse » , saupoudré de références psychanalytiques… dont témoignerait le dédoublement du "je"  dans l'adresse au père...-, ne saurait convaincre….

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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2 décembre 2024 1 02 /12 /décembre /2024 06:31

de Gianfranco De Bosio (Italie 1963)

 

 

avec Gian Maria Volonté, Anouk Aimée

 

Prix spécial du jury au festival de Venise 1963

 Venise, hiver 1943. Depuis la chute de Mussolini en juillet 1943 et l'armistice du 8 septembre, le Comité national de libération, - CNL -, organise des opérations de sabotage contre l'occupant allemand. Les membres du CNL parviennent à faire sauter la kommandantur, ce qui provoque immédiatement de lourdes représailles de la part des Allemands. De nombreux otages sont exécutés...

Le terroriste

Un film à ne pas rater ! lucide intelligent froid glacial parfois,  à la tension très « palpable » (sabotages répressions discussions fuites dans les ruelles désertes et labyrinthiques ambiance embuée hivernale de la ville vénitienne) où chaque plan est millimétré (comme tiré au cordeau selon l’expression consacrée), ce film de Gianfranco De Bosio (1924-2022) sur la résistance italienne mérite plus qu’un détour. 


Même la longue séquence de débats au sein du CNL (comité de libération nationale) malgré le statisme apparent frappe par les « mouvements » de la pensée et le réalisateur multiplie les angles de vue avant une prise en plongée et surtout limite dans la durée les interventions de chacun. Nous assistons à l’affrontement de points de vue divergents émis avec conviction par les représentants des 5 partis politiques—communiste, socialiste, démocratie chrétienne, parti libéral et parti d’Action-  sur la stratégie à adopter car les méthodes des résistants posent problème : ainsi des gap, groupes d’action politique chargés des « sabotages », groupes issus des Brigades Garibaldi, ainsi surtout de Renato Braschi dit « l’ingénieur » universitaire originaire de Padoue ; le livrer ? ou du moins le freiner dans ses « démarches » ? ) …

 
 Gian Maria Volonté incarne le « terroriste », cet ingénieur militant entré en Résistance, cet homme de l’ombre efficace, capable d’agir en solo quand en « haut lieu » on aura décidé de ne plus commettre d’attentats et de « négocier » avec les forces d’occupation (libération des otages).

Lors de la rencontre « clandestine » avec sa femme Anna (Anouk Aimée) il sera le porte-parole du cinéaste quand il affirme « Dans vingt ou trente ans, quand tout cela sera fini, y aura-t-il de nouveau une période dans laquelle les gens se laisseront endormir, anesthésier, par un peu de paix et d’abondance ? Et peut-être que, pour des raisons matérielles, on acceptera de tout perdre à nouveau. » Oui dans les années 1960 avec le « miracle économique » le gouvernement italien aura « liquidé le programme de la résistance »….

 


On retiendra cette longue séquence d’ouverture où à l’intérieur d’une église bondée le choix du travelling (lent) permet d’approcher les visages des fidèles qui récitent psalmodient, le regard fixe fixé sur ? alors que se trame dans les « coulisses » (presbytère) l’opération sabotage de la Kommandantur…avec  Rodolfo, Oscar et Danilo pilotée d’ailleurs par l’ingénieur dont la silhouette apparaîtra sur un quai ….Aux non-dits emplis de « suspicion » de la « masse » des fidèles répondra une « mécanique » de la précision (propos minimalistes, cageots de bière entassés puis livrés, silence avant l’explosion) mais c’est bien parce que cet « attentat a échoué » dans sa finalité que la « riposte » de l’ennemi sera « disproportionnée » et que le CNL doit décider dans l’urgence de la « stratégie » à adopter ….


Faire un film de réflexion idéologique et morale », visant à « pousser le public vers une analyse concrète des problèmes » telle était l’ambition du cinéaste

Pari réussi avec brio

 

Colette Lallement-Duchoze


Séances lundi 20h15 (salle 8) mardi 18h20 (salle 8)
 

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1 décembre 2024 7 01 /12 /décembre /2024 08:30

de Mareike Engelhhardt, (France 2023)

 

avec Megan Northam, Lubna Azabal, Natacha Krief Léna Lauzemis Klara Wördemann, Maria Wördemann 

 

Directrice  de la photographie et monteuse  : Agnès Godard 

 

Musique originale composée par  David Chalmin

 

 

Prix D’Ornano-Valenti au Festival du Film Américain de Deauville 2024


Prix du Public à Arte Mare Festival 2024


Festival de Sarlat, Prix du public,  Prix du Jury jeunes et Prix de la meilleure interprétation féminine (Megan Northam) 
 

 

Poussée par les promesses d'une nouvelle vie, Jessica, une Française de 19 ans, part pour la Syrie rejoindre Daech. Arrivée à Raqqa, elle intègre une maison de futures épouses de combattants et se retrouve vite prisonnière de Madame, la charismatique directrice qui tient les lieux d'une main de fer.

Rabia

Ce film de l’aveu même de la cinéaste -dont c’est le premier long métrage- a exigé 8 années de travail : une documentation précise -interviews recueils de témoignages lectures diverses etc…de plus la thématique abordée était hérissée de difficultés ; montrer de l’intérieur le processus de « radicalisation » Car si l'on se fie au titre (prénom que l'on imposera au  personnage principal) il s’agirait du parcours d’une jeune femme–aide soignante Jessica en a marre de « soigner la merde des autres » d’être invisibilisée, convertie à la religion musulmane elle « épouse » avec son amie l’utopie islamiste où Laïla sera la femme d’Akram et Jessica la seconde épouse. MAIS après maintes désillusions vécues comme autant d’uppercuts et non sans souffrances psychologiques et physiques elle deviendra elle-même bourreau…

Tel est bien le processus que le film est censé « analyser » :Jessica rebaptisée Rabia radicalisée acculée ou consentante ? masochisme ? compromission ?

Entendons nous bien il ne s’agit nullement de « critiquer » le point de vue adopté ni l’angle d’approche mais la façon dont ils sont mis en forme,  en images 
 

Voici un huis clos (celui d’une madafa syrienne) où l’on « enferme » où l’on bat où l’on trie et (re)dresse des femmes pour satisfaire les exigences des représentants d’un califat tout puissant (Daech); maison close, savamment compartimentée, gérée par une « marâtre » (admirablement interprétée par  Lubna Azabal  glaçante)  préoccupée par « la rentabilité de son biseness » et par l’injection régulière de drogue…
 

 

Or ce qui nuit au propos c’est la surenchère (même si parfois la caméra cherche à capter des non-dits sur des visages filmés de près) : une musique trop illustrative, une violence complaisante (scènes de viol ou de flagellation qu’accentue la bande-son) des éructations, le choix de l’obscurité et de la noirceur (hormis quelques scènes très brèves en extérieur et si l’on fait abstraction du final…) comme gage d’authenticité ou de symbolisme (facile..) ? ainsi la privation de lumière comme manifeste de « l’aveuglement » ou symbole de l’enfermement (mental plus que physique) 
 

 

Et ce à un point tel que l’immersion des un. es dans le glauque mortifère, ne saurait entraîner celle du spectateur  et provoquer une quelconque adhésion Dès le prologue d’ailleurs la cinéaste avait évacué avec légèreté les motivations profondes et la mini séquence où une patiente, sangsue qui s’accroche au bras de Jessica, aurait un effet d’insistance annonciateur de? 
 

 

Un film mise en garde ? Sonnette d'alarme ? (ce que confirmerait le générique de fin)  certes mais où les « zones grises » de la « banalité du mal » resteront (doivent-elles le rester d’ailleurs?) « zones grises »

 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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29 novembre 2024 5 29 /11 /novembre /2024 05:31

De Miguel Gomes (Portugal 2023)

 

 

avec Gonçalo Waddington, Crista Alfalate, Teresa Madruga Lang Khé Tran 

 

 

Prix de la mise en scène Cannes 2024

Argument: Rangoon, Birmanie, 1918  Edward, fonctionnaire de l'Empire britannique, s'enfuit le jour où il devait épouser sa fiancée Molly. Déterminée à se marier, Molly part à la recherche d'Edward et suit les traces de son Grand Tour à travers l'Asie.

Grand tour

Epoques langues (récits aux  voix off différentes) noir et blanc et couleurs vont s’entrecroiser se télescoper dans ce film hybride (qui mêle  le récit d’aventures le "documentaire"  l’onirisme) et audacieux (récompensé d’ailleurs à Cannes 2024 par le prix de la mise en scène) ; le public était certes préparé à une telle approche innovante et perturbante (rappelez-vous Tabou 2012)

Des scènes ont été tournées en studio -sans les artifices de fonds verts et des trucages digitaux MAIS avec de vrais décors construits comme on le faisait …..à une époque à Hollywood !!!

 

Après une scène de manège forain en couleurs -qui reviendra d’ailleurs tel un rappel ludique ou la marque d’une scansion- le spectateur va suivre le parcours d’Edward -Birmanie Singapour Chine Japon - puis dans un deuxième temps celui de Molly. Film d’aventures (presque au sens classique) celles d’une comédie loufoque. Car si l’expression « grand tour » renvoie  au voyage qu’entreprenaient de riches Britanniques au XIX° en Asie (de l’Inde à la Chine en passant par la Birmanie) dans le film éponyme de Miguel Gomes, Edward alors à Rangoon, va fuir par couardise sa promise Molly – laquelle l’obstinée -au rire intempestif disgracieux - partant de Londres est bien décidée à rejoindre le « promis » renonçant à toutes les propositions… (pour les dernières étapes elle sera  accompagnée de la fidèle Gnoc) , vivant elle aussi comme à la marge, celle d’un trépas annoncé … Chacun -dans ce chassé-croisé-  aura enduré la moiteur la touffeur de la jungle aura participé peu ou prou à des coutumes locales, ballotté ou emporté par des vents mauvais ou les forces vives telluriques  -empruntant des trains qui déraillent …suivant le cours de fleuves aux tourbillons mortifères, ou traversant des forêts de bambous, vivant des situations « improbables » ou trépidantes d’un imaginaire collectif

 

Simultanément le spectateur est ainsi convié à un voyage dans le temps et surtout dans l’univers du cinéma (cf Resnais et son approche du Temps dont se réclame d’ailleurs Miguel Gomes) …Voici une Asie « fabriquée » par le cinéma (l’histoire se passe certes en 1918 or des images ayant les mêmes espaces sont filmées de nos jours (cf présence de portables de scooters) et la voix off -qui changera selon les contrées traversées- nous guide dans l’approche de ce que les deux personnages principaux mais aussi tous les protagonistes rencontrés sont en train de faire 

 

Là est une des revendications du cinéaste : un temps unique ou du moins comme suspendu (n’est-ce pas précisément  celui du monde du cinéma »)-ce dont témoignent les références au cinéma muet, aux origines du cinéma, le mélange de décors réels et reconstitués et les images d’archives. Un film sur la mémoire du cinéma ? Oui à n’en pas douter 

 

La charge à la fois critique, ironique (colonialisme revisité, devenir du couple, quintessence de l’amour) est évidente dans un film qui serait avant tout une « aventure mentale » parfois déroutante, à ne pas manquer ! 

 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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26 novembre 2024 2 26 /11 /novembre /2024 06:41

d'Antonella Sudasassi  Furniss (Costa Rica 2023)

 

 

Avec Sol Carballo, Paulina Bernini

 

Prix du public dans la section Panorama de la Berlinale 2024, 

Ana, Patricia et Mayela, élevées à une époque répressive où la sexualité était taboue, ont peu à peu trouvé le sens de la féminité Aujourd'hui, leurs voix sont incarnées par une femme de 65 ans qui revisite leurs souvenirs et leurs secrets.

Mémoires d'un corps brûlant

Ce film est la conversation que je n’ai jamais eue avec mes grands-mères.” La réalisatrice a en effet interrogé plusieurs  femmes sur leur maternité leur sexualité les violences dont elles furent victimes -des « sujets » que délibérément on avait occultés et surtout pour lesquels la responsabilité incombait à la femme …Qu'as tu fait pour éveiller ces instincts chez ton cousin ou chez ton oncle ?  " Tu as dû faire ta séductrice ? ", Qu'as tu fait pour que ton mari te frappe ? )
 

Matériau qu'elle met en "en scène" (en forme)  grâce à un dispositif à la fois original et efficace


Voici une actrice qui  incarnera  Ana -mais aussi toutes ces femmes, dont nous entendons la voix off.  Elle évolue dans un décor unique un appartement empli d’objets (abolis bibelots d’inanité sonore ?) objets souvenirs de toute une vie ? et tandis qu’elle époussette déchire lacère des photos se maquille, voici que se télescopent différentes temporalités (parfois au sein d’un même cadre ; cf la présence d’une poule qui s’invite…).Apparaissent ainsi d’autres « personnages/acteurs » censés incarner les propos (un  parcours depuis l’enfance jusqu’au divorce en passant par une éducation tatillonne et des frustrations) mais loin d’être pure illustration, la présence simultanée de tous ces protagonistes (flash-back côtoyant le présent de narration) rend « universels » des cheminements particuliers (apparemment individualisés) et la confrontation passé/présent fait que le récit -ces mémoires légèrement déformé.es par le souvenir et réactualisé.es au goût du jour- va « accoucher » d’une autre « vérité »  -ce que renforcent le recours au plan séquence et l’enfermement dans un lieu unique -métonymie d’une prison -les verrous les portes que l’on ferme- mais aussi métaphore de l’habitacle de la pensée, si propice à l’introspection  

Oui le dispositif choisi chronique d’une vie par l’intime, à laquelle se superposent en voix off les témoignages de trois septuagénaires enfin libérées du « carcan de la vie maritale » et l’éclatement chronologique évitent le piège de la simple illustration !

Parfois on rit de bon cœur avec ces femmes dont la raucité de la voix peut se briser en éclats de ....rire (quel vocabulaire soudainement trivial pour évoquer une sexualité enfin (re)découverte) et Ana (interprétée par l'épatante Sol Carballo ) peut reprendre à son compte une formule lapidaire…Filmée en chemise de nuit, la voici (mais « je » est un autre) qui redécouvre à 71 ans le sexe sans tabou le plaisir faisant fi de tout ce qui pouvait entraver (flatulences ronflements) mais valorisant des « interdits » dont les plaisirs buccaux et l’onanisme

 


 Oui l’ignorance (dans laquelle ces femmes furent cantonnées) oui l’oppression masculine (dont elles furent victimes) oppression que renforce la prégnance pour ne pas dire l’omnipotence du catholicisme au Costa  Rica , ont eu raison en leur temps (elles sont nées dans les années 50) des incandescences (j’ai eu deux enfants sans orgasme…) 


Ces « mémoires d'un corps brûlant » sont le chant d’une revanche ; 
c’est bien le corps de la femme qui depuis les premiers baisers volés...jusqu'à la ménopause en passant par l'onanisme   est « embrassé dans ce film » 
le corps ce « brasier  du désir -enfin assouvi…

 

Colette Lallement-Duchoze

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21 novembre 2024 4 21 /11 /novembre /2024 04:54

d'Agathe Riedinger (2023)

 

avec Malou Khebizi, Idir Azougli, Andréa Bescond 

 

Musique Audrey Ismaël

 

Festival de Cannes Compétition Officielle

Liane, 19 ans, téméraire et incandescente, vit avec sa mère et sa petite sœur sous le soleil poussiéreux de Fréjus. Obsédée par la beauté et le besoin de devenir quelqu'un, elle voit en la télé-réalité la possibilité d'être aimée. Le destin semble enfin lui sourire lorsqu'elle passe un casting pour "Miracle Island

Diamant brut

C’est l’histoire de Liane (incarnée avec une puissance explosive par l’étonnante Malou Khebizi) qu’Anne Riedinger raconte dans son premier long métrage Diamant brut (présente à l’Omnia lors de l’avant-première le mardi 22 octobre elle en a expliqué la genèse, le casting sauvage, a bien fait le distinguo entre les différentes émissions dites de téléréalité)

 

En choisissant le format 4,3 aux grains rugueux elle capture son personnage à « fleur de peau » la confrontant ainsi à une réalité « brute d’existence » et de ce fait entraîne le spectateur dans une immersion physique qui ne le quittera pas.

Agathe Riedinger ne juge pas elle « montre » les chemins tortueux (tordus) des réseaux sociaux, elle met en exergue les mirages de la sexualisation des corps qui « irait de pair » avec une reconnaissance sociale à défaut d’une authentique émancipation. Rendre visibles ces « invisibles » et qu’importe les souffrances infligées à son propre corps. Déterminée obstinée Liane fonce avec l’animalité d’une « guerrière moderne » car il s’agit bien pour elle en s’extrayant de son milieu (quelle « image » donnée en pâture par la mère !!!) d’accéder à une forme de réussite : et sa quête existentielle sera de tous les instants. 

 

Féminité outrancière ? ce sera son étendard face au mépris de classe, face au sexisme ambiant « Le “pretty privilège” [concept selon lequel les personnes considérées comme belles bénéficient d’avantages,] est à la fois une force et une injustice. C’est cette injonction à la perfection, à la sexualisation que j’évoque dans Diamant brut) capsules ongulaires (attention aux détails de chacune), extensions capillaires, customisation des talons aiguilles, chirurgie des seins  autant de moyens pour « être regardée, voire « aimée »

 


Et quand à l’écran apparaissent des commentaires de réseaux sociaux sous forme de textes à la typographie sacrée, nous voici comme entraîné vers un ailleurs où la figure -certes stéréotypée- de la postulante est devenue icône et où les couleurs (chaudes et flashy) seront le « cadre » de ce « royaume » tant convoité qu’accompagnent quelques notes de violoncelle …(question de vie, de survie pour Liane « si je ne suis pas prise je meurs » ) 

 

Un film qui bouscule nombre de nos préjugés !!! 
Un film à ne pas manquer ! 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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20 novembre 2024 3 20 /11 /novembre /2024 05:59

De Julien Colonna 2023)

 

avec Saveriu Santucci, Ghjuvanna Benedetti 

 

Musique Audrey Ismaël

 

 

Festival de Cannes 2024 Un Certain Regard

Corse, 1995. Lesia vit son premier été d'adolescente. Un jour, un homme fait irruption et la conduit à moto dans une villa isolée où elle retrouve son père, en planque, entouré de ses hommes. Une guerre éclate dans le milieu et l'étau se resserre autour du clan. La mort frappe. Commence alors une cavale au cours de laquelle père et fille vont apprendre à se regarder, à se comprendre et à s'aimer.

Le Royaume

Une bande son fait la part belle aux stridulations de plus en plus métalliques des cigales ; puis écran noir. Vus de dos des hommes -telles des ombres maléfiques( ?) -portent leur gibier, des cadavres de sangliers. L’un d’eux sera éviscéré, avec une précision chirurgicale, par Lesia, adolescente de 15 ans; suivront  les agapes.

Cette scène inaugurale (sorte de prologue) si elle se prête à une lecture plurielle a surtout une valeur initiatique. S’y côtoient les éléments de la mythologie corse (le maquis, la chasse aux sangliers, les cigales)  les enseignements que lèguent les adultes à leurs enfants -or la relation père/fille sera au centre de ce royaume-, alors que tout ou presque respire l’odeur de la mort.

Et pour rendre compte de la dialectique vie/mort, de leur concomitance le cinéaste a fait appel à la compositrice Audrey Ismaël (tonalités cristallines du piano et « gravité plus texturée du violoncelle », à un point tel que la musique devient personnage ; et les airs de bossa nova accompagneront les confidences du père évoquant les années lumière vécues au Venezuela). 

 

Et nous allons assister au déchirement progressif de ce voile protecteur de l’enfance. Tout est appréhendé par le regard de l’adolescente. Elle ne comprend pas, on lui a caché et on continue à lui cacher tant de choses et la tante qui en rabrouant oppose une fin de non recevoir !!! Son regard furète interroge, (cf les gros plans sur le visage);  elle-même traquée par ses questionnements qu’elle confronte aux images télévisées, elle s’en vient à décrypter les silences, à glaner sous des mots à peine chuchotés  un réel étouffé . Mais elle sait qu’elle suivra ce père (chef de clan contraint à se réfugier en permanence (le tempo est précisément scandé par cette alternance entre courses poursuites et haltes précaires, avec cet acmé (un face à face intime, le père confie à sa fille  ses « secrets » depuis qu’il a vu son propre père abattu sous ses yeux d’enfant…sa soif de vengeance son amour indéfectible pour la mère de son unique, enfant.  Lui  père et chef de clan, lui le « pénitent de sa propre vie qui paie le prix fort et le fait payer à sa famille » 

 

Il faut saluer la prestation des deux interprètes, des acteurs non professionnels, le père est incarné par Saveriu Santucci à la présence charismatique -il est guide sur le GR20 - et Lesia la fille par Ghjuvanna Benedetti à l’incroyable magnétisme (sapeure volontaire de son état)

 

Certes la Corse avec le maquis les cours d’eau les bords de plage est omniprésente mais Julien Colonna la filme loin des clichés pour touristes et s’il choisit un contexte estival, n’est-ce pas pour mieux opposer la frénésie des « touristes, des vacanciers » à  la belle gravité insulaire (la Corse et ses sombres recoins ) 

 

Julien Colonna lui-même fils de Jean-Jé Colonna figure du banditisme insulaire s’est probablement inspiré de son propre vécu;  mais un vécu qu’il transcende(ra) bien vite...

Dans mon film le royaume est partage de souvenirs d’odeurs de moments forts. Le royaume Lésia s’en souviendra plus tard comme d’un paradis perdu…

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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19 novembre 2024 2 19 /11 /novembre /2024 07:08

de Judith Kaufmann et de Georg Maas (Allemagne Autriche 2023)

 

avec Sabin Tambrea, Henriette Confurius Manuel Rubey 

A l’été 1923, au bord de la Baltique, Franz Kafka fait la rencontre de Dora Diamant, jeune animatrice pour enfants dont il tombe éperdument amoureux. Le célèbre écrivain le sait, tout s’oppose à cette idylle : sa santé déclinante, son spleen chronique, la mainmise de son père sur sa vie. Mais auprès de la jeune femme, Franz retrouve le goût d’écrire et l’envie de profiter de chaque minute. Comme pour faire du temps qu’il lui reste un grand chef d’œuvre.

Kafka , le dernier été

Si le film restitue la progression de la maladie (tuberculose) avec force détails et quelques démêlés avec la famille, la mise en scène est bien fade dans le traitement de la relation sentimentale (qui se contente à peu de frais du registre romantique), manquant d’audace elle reste très conventionnelle 


Voyez ce premier plan d’une outrageante banalité, et il va « encoder» le film  : la mer (Baltique) le mouvement à peine chorégraphié des herbes, un double bercement « conventionnel » et un cadrage classique (répartition dans l’espace) avant l’apparition d’une jeune femme.. Arrêt sur « image » :un ruban rouge qui volète (ce même plan sera repris en écho vers la fin, tel l’indice signifiant l’inévitable circularité …)

Couleurs pastel (souvent déclinées dans le vert amande) illusions spectrales quand le blanc envahit l’écran (Dora à la recherche de Franz au sanatorium ) 


Mais comble de l’insoutenable ou de l'ironie,  la « création littéraire » est limitée à des balbutiements, des ânonnements très laconiques, à telle enseigne que ce film pourrait concerner n’importe quel dernier été (un thème crépusculaire) de n’importe quel malade tuberculeux (suffisamment nanti toutefois) du début du XX° siècle.

Or en vivant une passion amoureuse dont l’intensité ne peut être qu’exacerbée par la conscience d’une mort prochaine, Franz Kafka est censé être « métamorphosé » : n’avait-il pas retrouvé à la fois l’envie d’écrire et l’envie de profiter de chaque minute ? Comme pour faire du temps qu’il lui reste un grand chef d’œuvre. (cf le synopsis) 


Hélas ce film (assez prétentieux au demeurant) ne montre pas une « passion dévorante » (attention ! le jeu de la talentueuse Henriette Confurius n’est pas en cause) ne rend pas compte des tourments intimes profonds ni de la création littéraire…Une mise en scène bien trop sage eu égard à la personnalité complexe de Franz Kafka 

 

Mais…. on aura vu un Franz Kafka enfourcher une moto, éplucher des pommes de terre, on aura vu son intérêt croissant pour le Talmud, on aura vu des « appareils chirurgicaux » comme autant d’instruments de torture, on l’aura vu jouer aux échecs avec Max Brod et gagner … la partie (à charge de revanche dit l’ami « qui lui veut du bien »…)
 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Un livre doit être la hache qui fend la mer gelée en nous ; voilà ce que je crois

C'est ce qu'écrivait  Kafka à Oskar Pollak en 1904 
 

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18 novembre 2024 1 18 /11 /novembre /2024 04:39

 

Le festival "Caméra au poing" - le cinéma des luttes- organisé par Les amis de l'Humanité,  et dont Gilles Perret fut  le parrain en 2023,    aura lieu 

 

du vendredi 29 novembre au dimanche 1er décembre

 

au cinéma l'Omnia Rue de la République Rouen

Festival Caméra au poing

                                                                             

                                                                 

                                                           PROGRAMME

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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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