9 décembre 2024 1 09 /12 /décembre /2024 08:36

De Rodrigo Areias  (Portugal 2023)

 

avec Albano Jeronimo (CAH), Scott Coffey (Ruskin), Edward Ashley (Dante Rossetti), Victória Guerra (Lizzie Sidall), Scott Coffey, Christian Vadim (La Rothière), Carmen Chaplin,(Lady Posselthwaite) Simon Paisley Day, Jean-François Balmer (comte Henri de Pourtalès) Edgar Morais (Simeon Solomon) 

 

IFFR – Festival International du Film de Rotterdam 2024 Compétition Big Screen

 

 

A voir sur arte (arte kino 2024)

https://www.arte.tv/fr/videos/121262-000-A/le-pire-homme-de-londres/

 

Dans le Londres victorien, au centre de la communauté artistique et des conspirations politiques, se trouve un homme à l'esprit aventureux et plein d'esprit : Charles Augustus Howell, le Portugais, né à Porto d'une mère portugaise et d'un père anglais. Agent de grands artistes et marchands d'art, agent secret et maître du chantage

 

Le pire homme de Londres

Le réalisateur emprunte le titre de son film à Arthur Conan Doyle qui avait fait de Charles Augustus Howell   un personnage de Sherlock Holmes, le décrivant comme le pire homme de Londres

 

Par deux fois Charles Augustus Howell (qui signe CAH) évolue dans un jardin labyrinthique -qui n’est pas sans rappeler  « meurtre dans un jardin anglais » -seules les deux têtes (CAH et le poursuivant) émergent de ces masses végétales sculptées grâce à ce fameux art topiaire ; parcours sinueux s’il en fut avec impasses et fausses pistes comme autant de possibles égarements (pour la première occurrence) mais qui (pour la seconde alors que s’affrontent deux visages) n’en cherche pas moins à « égarer » (espace temps) ; ces deux scènes ne seraient -elles pas comme une mise en abyme de tout le film (avec cette ponctuation bémol qui aura mis en évidence les difficultés auxquelles est confronté CAH mais qui pervers jusqu’au bout aura réussi à les surmonter…)
 

Affaires conclues ou à conclure, transactions dans le milieu huppé de l’art (luxe et décadence nocturne) et amoral menaces, propos comminatoires, circulation de billets (CAH achète les dessins de Dante Rossetti et lui permet ainsi d’acheter sa « drogue ») le pire homme de Londres est comme un intermédiaire sur l’échiquier de ces transactions douteuses voire illégales- mettant en danger la vie de certains (Lizzie et Dante par exemple) "Quelle bande de vampires !"constatait Dante dès le début. Il semble en outre incarner tous les traits du monde de l'art de l’époque : ses travers, parfois ses bons côtés, ses palabres incessantes et, parfois, l'art lui-même (cf conversation avec le réalisateur)
 

Avec ses costumes ( Susana Abreu) ses ambiances remarquablement restituées (séquences de vernissages raouts) le film se présente lui-même comme un « tableau » qui alterne scènes d’extérieur et d’intérieur certes mais où les premières de nuit ont le pouvoir maléfique de la conspiration satanique et où les secondes mettent au grand jour (et ici le rôle du chef op Jorge Quintela est primordial) la vilénie évidente ou latente et que CAH saura faire surgir du magma …

 

Un film à voir!!

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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8 décembre 2024 7 08 /12 /décembre /2024 09:17

De Laura Luchetti  (Italie 2023)

 

avec Yile Yara Vianello (Ginia) , Deva Cassel, (Amelia) Nicolas Maupas, Alessandro Piavani, Adrien Dewitte 

Turin 1938. Ginia mène une vie sage entre son travail de couturière, l’appartement qu’elle partage avec son frère, débarqué comme elle de la campagne pour gagner leur vie en ville, et leur petit groupe d’amis. Un jour, elle rencontre Amelia, une jeune femme évoluant dans un univers tout à fait différent du sien. À son contact, sa vie commence à changer…

La bella estate

La bella estate, le bel été Un titre ironique ? quand des bribes du discours de Mussolini transpercent les cloisons quand les chemises « noires » par métonymie renvoient au fascisme ? Un bel été étincelant avant « l’obscurité de la guerre » ? Dans cette adaptation du roman de Cesare Pavese (1949) la réalisatrice va faire de  cet été, léger chaud, insouciant,  la matrice d’une émancipation Et de fait dominera une délicatesse lumineuse  celle du visage sensuel de Ginia (Yile Yara Vianello), (filmé de près, alors qu'elle est  assise dans le bus, il rappelle des peintures de la Renaissance italienne ou un mélange de diaphanéité et de corporéité) celle d’ambiances aux couleurs pastel ou mordorées, celle d’une nature qui offre bienveillante ses tapis de verdure aux jeunes pique-niqueurs. Le bel été?  celui du désir inavoué puis assumé (il culmine dans l’étreinte des deux corps féminins- Ginia et Amelia-  dansant sur une piste alors que la caméra zoome sur les lèvres qui lentement enserrent la languide sensualité)

 

Dans une Italie où la puissance du mâle ne saurait être remise en question (Ginia se doit de préparer les repas pour son frère, de travailler pour assurer l’intendance ; les dandys peintres bohême ont un rapport de dominant avec leur modèle) vibrer de tout son être pour une personne du même sexe a ce quelque chose d’inconvenant d’immoral mais que revendique et que vivra intensément Ginia (au point de perdre son emploi à cause de ses retards à répétition…) alors que le frère (étonnant Nicolas Maupas)  incarne le traditionalisme de la ruralité
 

 

Et pourtant malgré une interprétation admirable (surtout celle de Yila Yara Vianello de loin supérieure à celle de Deva Cassel, fille de Vincent Cassel et Monica Bellucci) malgré le soin apporté aux lumières, malgré la subtile dialectique (habiller- c’est le métier de Ginia dont le talent de couturière est apprécié- déshabiller, se décorseter de tout ce qui entrave à la fois la frénésie du désir et la soumission à certains diktats) malgré l’importance accordée au passage à l’âge adulte qu’illustre entre autres la longue séquence de la défloraison , le film manque de tonicité, les costumes sont trop « bien repassés et portés » les discours fleurent un académisme suranné, la « reconstitution » d’un passé turinois est ou trop bien léchée ou simplement « scolaire » -et de ce fait La bella  estate ne saurait nous transporter,  nous habiter...

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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7 décembre 2024 6 07 /12 /décembre /2024 07:41

D'Emmanuel Courcol (2023)

 

 

avec Benjamin LavernheThibaut Desormeaux Pierre Lottin Jimmy Lecocq Sarah Suco Sabrina Jacques Bonnaffé Gilbert Woszniak Clémence Massart-Weit Claudine Anne Loiret Claire

 

Présenté au festival de Cannes 2024 (Sélection Officielle)

Thibaut est un chef d’orchestre de renommée internationale qui parcourt le monde. Lorsqu’il apprend qu’il a été adopté, il découvre l’existence d’un frère, Jimmy, employé de cantine scolaire et qui joue du trombone dans une fanfare du nord de la France. En apparence tout les sépare, sauf l’amour de la musique. Détectant les capacités musicales exceptionnelles de son frère, Thibaut se donne pour mission de réparer l’injustice du destin. Jimmy se prend alors à rêver d’une autre vie ... 

En fanfare

Généreux, populaire -au sens noble ( ?) du terme, bouleversant, le film est plébiscité, à la fois par le public et la critique. ! (Film intergénérationnel, plein de « bons sentiments », il réconcilie la musique classique et la musique de fanfare, tout en développant le thème « universel »( ?) de deux frères séparés à la naissance) Soit deux destins sur fond de crise sociale (fermeture d’usine) deux types de culture musicale, deux manières de parler (dont gouaille et verdeur avec  l’excellent Pierre Lottin) tout en évitant des clichés faciles, mais en recherchant l’équilibre entre comédie et drame, afin de « mieux explorer » la question de l’héritage « génétique et culturel dans la destinée des hommes »  telle est bien la démarche revendiquée par Emmanuel Courcol


Un film qui s’ouvre et se clôt sur deux séquences « musicales » « magistralement interprétées » (la seconde sert de « finale » avec un triomphe en fanfare alors que le contexte humain individuel -greffe de la moelle osseuse -, collectif et social -situation économique- vire au cauchemar…)


Un film où le public pourra se délecter en entendant Aznavour et Ravel, du jazz (saxophoniste Benny Golson) et Verdi, où il sera au cœur d’un orchestre symphonique dirigé par …Benjamin Lavernhe, ou parmi les instrumentistes d’une fanfare locale dont le truculent Jacques Bonnaffé . Oui la musique nourrit le propos et toute la dramaturgie de ce film -dont le titre se débarrasse bien vite d’oripeaux peu flatteurs. La musique ou l’art de « fédérer et réconcilier les contraires » ??? 

 


S’il fait la part belle à la « fraternité », si les deux interprètes emportent l’adhésion du spectateur, s’il cherche autant à faire rire (humour et comique de situation) qu’à émouvoir (importance des rôles secondaires, solidarité) force est de reconnaître que le traitement du « déterminisme social est appuyé (sans verser toutefois dans la caricature !) et que de ce fait, l’émotion suscitée est « forcée »

Oui la « culture cloisonne les gens » « toi à 3 ans on t’a mis au piano moi on m’a mis chez Claudine » On ne peut « renverser la courbe du destin ». Jimmy (qui a pourtant l’oreille absolue) en fait la douloureuse expérience dans cette séquence où le cadrage, la répartition dans l’espace, l’anonymat (le tromboniste est filmé de dos face à un jury invisible) les marches d’un escalier que le frère Thibaut descend alors qu’ils matérialisaient un mouvement ascensionnel, renforcent cette injonction/couperet « tu ne peux te mesurer à ces premiers prix de Conservatoire » 

 

Et pourtant Jimmy avait répété des nuits durant du … Mahler (symphonie n°3) 

 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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6 décembre 2024 5 06 /12 /décembre /2024 11:35

d'Adam Koloman Rybanský - République Tchèque  2022 

 

 

avec Michal Isteník  Standa  Miroslav Krobot  Broňa Anna Polívková  Jana l'épouse de Standa Vladimir Škultéty Jiří Vymětal Martin Šesták Václav Hrzina Marek Pospichal

 

Présenté au 72ème festival de Berlin 

à voir sur 
 

https://artekinofestival.arte.tv/

 

 

Arte festival kino 2024 (du 1 au 31 décembre) 8ème édition 


Standa et Bronya sont pompiers volontaires dans un petit village. Alors que Standa, maladroit, attend avec impatience la naissance prochaine de son fils, Bronya, son ami plus âgé, ne profite plus de la vie car sa femme est décédée récemment. Mais quand un véhicule fonce sur la foule, s’encastre dans la fontaine municipal, .heurte un habitant les pompiers veulent prouver qu’ils se soucient de la sécurité….
 

Somewhere over the Chemtrails (Kdyby radsi horelo)

"les gens sont si stupides qu'ils croiront n'importe quoi" 

 

Pour dénoncer la xénophobie et toute forme de racisme le réalisateur a opté pour une démonstration par l’absurde, l’humour pince sans rire et le rire "jaune"  Voici une fable dans la tradition humoristique tchèque (cf entretien avec le réalisateur) Un village apparemment sans histoire …mais…où la contamination ….ressemble  à une "traînée chimique"  (chemtrail)


Terre et ciel, village et cimetière, maisons et place du village, intérieurs et voisinage proche, arbre à abattre ou élaguer et arbre tutélaire tel un mémoriel, scies haches gourdins, le film nous entraîne de l’un.e à l’autre  alors que la caméra est souvent fixe filmant les personnages en frontal (aussi raides dans leur verticalité que les façades des maisons) et ce, dans un laps du temps assez court -du vendredi saint au lundi de Pâques (temps signalé par des encarts et relayé par la voix d’un « héraut » souvent le maire). Un duo au "comique grinçant"  sert de  "fil conducteur" : hébété souvent hagard c’est Standa, visage grimaçant de rides colériques c’est Bronya ! 

 

Chaque personnage semble incarner un archétype et le réalisateur va jouer des liens qui se tissent se serrent se desserrent se distendent entre ces références archétypales  : le curé incarne la "raison" et le "pardon" dont témoigne son homélie -vite inaudible pour les "fidèles"  ; il saura garder -du moins pendant un temps-,  le « secret » de la confession (le vrai coupable est un habitant du village) Bronya le vétéran des pompiers volontaires et qui semble avoir beaucoup d’ascendant sur ses congénères décrète ex abrupto que l’accident  "ne peut avoir été perpétré que par des basanés des noirs des salauds d’Arabes"  -même s’il n’a pu identifier le chauffeur de la camionnette…; Standa - nonchalant et maladroit- tergiverse, serait enclin à suivre son mentor…alors que son épouse plus raisonnable (et rationnelle) lui enjoint de ne pas céder aux voix (voies) maléfiques voire plus…D’autant que des traînées blanches "maculant"  le  bleu céruléen du ciel  (plusieurs occurrences) alimentent la théorie conspirationniste des chemtrails (mot valise anglais, construit par la contraction de « chemical trail », soit « traînée chimique ») et que Standa persuadé des vertus thérapeutiques du vinaigre en vient à asperger aliments objets et corps pour éviter toute contamination…
 

Contamination ici-bas -où les préjugés racistes s’épandent à la vitesse des bières que l’on ingurgite- en écho à la contamination chimique dans le ciel...
 

Et quand la vérité éclate dans sa surprenante évidence, que les villageois ont retrouvé une certaine « joie de vivre » (où continue à sévir le racisme sexuel…propos qui essentialisent la (les) femme(s) ) voici des rebondissements aux conséquences insoupçonnées avant le twist final…(à ne pas spoiler) 
 

Un film à ne pas rater !!

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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3 décembre 2024 2 03 /12 /décembre /2024 06:07

De Gilles Bourdos (France 2023)

 

Avec Vincent Lindon (Joseph) et les voix d'Emmanuelle Devos (Catherine)   Micha Lescot (Damien)  Pascale Arbillot (Béatrice)   Gregory Gadebois (Garcia)  Solan Machado Graner (Simon)  Milo Machado-Graner (Lucas) 

Joseph Cross ressemble à son métier. Solide comme du béton. Marié, deux enfants, son existence est parfaitement organisée. Pourtant cette nuit, seul au volant, il doit prendre une décision qui peut ruiner sa vie.

Le choix

Exercice de style ? Peut-être, mais dont le rendu est bien en-deçà de Guilty du Danois Gustav Möller (cf  http://www.cinexpressions.fr/2018/07/the-guilty.html )  -dans ce film le travail sur le « design sonore » était époustouflant !!!

Performance d’acteur ? discutable……

 

Voici un dispositif minimaliste :  l’habitacle d’une voiture mais où l’asphalte de l’autoroute, et l'environnement  (filmés en alternance avec le huis clos) jouent  le rôle d’échappée (pour la forme) et de contrainte chrono (pour le fond) alors que les différentes voix (le téléphone est constamment sollicité) illustrent à la fois une « bataille des mots » (car il s’agit à chaque fois de « convaincre » l’interlocuteur)  et les trois « missions » dont se sent investi Joseph:  préserver une famille en "rassurant" une épouse,  seconder consoler une parturiente, piloter un chantier colossal 

 

A force de revendiquer son « honnêteté »,d'afficher  sa droiture (quand bien même le ton de la voix change en fonction de l’interlocuteur), la « pureté des sentiments » de Joseph en devient suspecte ….(l’hymne au « courage » tout en se déclinant en multiples aveux -comme autant de mea culpa -est dissonant !!!)

 

Scotché à son volant, mais à l’écoute de sa femme Catherine,  de Damien auquel  il "dispense "des ordres, de son supérieur hiérarchique Garcia  de Béatrice de ses deux fils Simon et Lucas,  Joseph est devenu le temps d’une nuit une sorte de « chevalier des temps modernes", en l’absence duquel le monde s’écroulerait…et les kilomètres avalés (oui j’arrive je serai là ça roule bien sur l’autoroute) sont comme des secondes grappillées au temps : celui de la vie (naissance d’un enfant) de la survie (d’un couple ?) d’un futur en béton indestructible (érection d’une tour géante)

 


Le hic est que tout cela fonctionne un moment mais s’épuisant dans le répétitif, dans le « lisse » propret d’une « masculinité prétendue courageuse » , saupoudré de références psychanalytiques… dont témoignerait le dédoublement du "je"  dans l'adresse au père...-, ne saurait convaincre….

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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2 décembre 2024 1 02 /12 /décembre /2024 06:31

de Gianfranco De Bosio (Italie 1963)

 

 

avec Gian Maria Volonté, Anouk Aimée

 

Prix spécial du jury au festival de Venise 1963

 Venise, hiver 1943. Depuis la chute de Mussolini en juillet 1943 et l'armistice du 8 septembre, le Comité national de libération, - CNL -, organise des opérations de sabotage contre l'occupant allemand. Les membres du CNL parviennent à faire sauter la kommandantur, ce qui provoque immédiatement de lourdes représailles de la part des Allemands. De nombreux otages sont exécutés...

Le terroriste

Un film à ne pas rater ! lucide intelligent froid glacial parfois,  à la tension très « palpable » (sabotages répressions discussions fuites dans les ruelles désertes et labyrinthiques ambiance embuée hivernale de la ville vénitienne) où chaque plan est millimétré (comme tiré au cordeau selon l’expression consacrée), ce film de Gianfranco De Bosio (1924-2022) sur la résistance italienne mérite plus qu’un détour. 


Même la longue séquence de débats au sein du CNL (comité de libération nationale) malgré le statisme apparent frappe par les « mouvements » de la pensée et le réalisateur multiplie les angles de vue avant une prise en plongée et surtout limite dans la durée les interventions de chacun. Nous assistons à l’affrontement de points de vue divergents émis avec conviction par les représentants des 5 partis politiques—communiste, socialiste, démocratie chrétienne, parti libéral et parti d’Action-  sur la stratégie à adopter car les méthodes des résistants posent problème : ainsi des gap, groupes d’action politique chargés des « sabotages », groupes issus des Brigades Garibaldi, ainsi surtout de Renato Braschi dit « l’ingénieur » universitaire originaire de Padoue ; le livrer ? ou du moins le freiner dans ses « démarches » ? ) …

 
 Gian Maria Volonté incarne le « terroriste », cet ingénieur militant entré en Résistance, cet homme de l’ombre efficace, capable d’agir en solo quand en « haut lieu » on aura décidé de ne plus commettre d’attentats et de « négocier » avec les forces d’occupation (libération des otages).

Lors de la rencontre « clandestine » avec sa femme Anna (Anouk Aimée) il sera le porte-parole du cinéaste quand il affirme « Dans vingt ou trente ans, quand tout cela sera fini, y aura-t-il de nouveau une période dans laquelle les gens se laisseront endormir, anesthésier, par un peu de paix et d’abondance ? Et peut-être que, pour des raisons matérielles, on acceptera de tout perdre à nouveau. » Oui dans les années 1960 avec le « miracle économique » le gouvernement italien aura « liquidé le programme de la résistance »….

 


On retiendra cette longue séquence d’ouverture où à l’intérieur d’une église bondée le choix du travelling (lent) permet d’approcher les visages des fidèles qui récitent psalmodient, le regard fixe fixé sur ? alors que se trame dans les « coulisses » (presbytère) l’opération sabotage de la Kommandantur…avec  Rodolfo, Oscar et Danilo pilotée d’ailleurs par l’ingénieur dont la silhouette apparaîtra sur un quai ….Aux non-dits emplis de « suspicion » de la « masse » des fidèles répondra une « mécanique » de la précision (propos minimalistes, cageots de bière entassés puis livrés, silence avant l’explosion) mais c’est bien parce que cet « attentat a échoué » dans sa finalité que la « riposte » de l’ennemi sera « disproportionnée » et que le CNL doit décider dans l’urgence de la « stratégie » à adopter ….


Faire un film de réflexion idéologique et morale », visant à « pousser le public vers une analyse concrète des problèmes » telle était l’ambition du cinéaste

Pari réussi avec brio

 

Colette Lallement-Duchoze


Séances lundi 20h15 (salle 8) mardi 18h20 (salle 8)
 

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1 décembre 2024 7 01 /12 /décembre /2024 08:30

de Mareike Engelhhardt, (France 2023)

 

avec Megan Northam, Lubna Azabal, Natacha Krief Léna Lauzemis Klara Wördemann, Maria Wördemann 

 

Directrice  de la photographie et monteuse  : Agnès Godard 

 

Musique originale composée par  David Chalmin

 

 

Prix D’Ornano-Valenti au Festival du Film Américain de Deauville 2024


Prix du Public à Arte Mare Festival 2024


Festival de Sarlat, Prix du public,  Prix du Jury jeunes et Prix de la meilleure interprétation féminine (Megan Northam) 
 

 

Poussée par les promesses d'une nouvelle vie, Jessica, une Française de 19 ans, part pour la Syrie rejoindre Daech. Arrivée à Raqqa, elle intègre une maison de futures épouses de combattants et se retrouve vite prisonnière de Madame, la charismatique directrice qui tient les lieux d'une main de fer.

Rabia

Ce film de l’aveu même de la cinéaste -dont c’est le premier long métrage- a exigé 8 années de travail : une documentation précise -interviews recueils de témoignages lectures diverses etc…de plus la thématique abordée était hérissée de difficultés ; montrer de l’intérieur le processus de « radicalisation » Car si l'on se fie au titre (prénom que l'on imposera au  personnage principal) il s’agirait du parcours d’une jeune femme–aide soignante Jessica en a marre de « soigner la merde des autres » d’être invisibilisée, convertie à la religion musulmane elle « épouse » avec son amie l’utopie islamiste où Laïla sera la femme d’Akram et Jessica la seconde épouse. MAIS après maintes désillusions vécues comme autant d’uppercuts et non sans souffrances psychologiques et physiques elle deviendra elle-même bourreau…

Tel est bien le processus que le film est censé « analyser » :Jessica rebaptisée Rabia radicalisée acculée ou consentante ? masochisme ? compromission ?

Entendons nous bien il ne s’agit nullement de « critiquer » le point de vue adopté ni l’angle d’approche mais la façon dont ils sont mis en forme,  en images 
 

Voici un huis clos (celui d’une madafa syrienne) où l’on « enferme » où l’on bat où l’on trie et (re)dresse des femmes pour satisfaire les exigences des représentants d’un califat tout puissant (Daech); maison close, savamment compartimentée, gérée par une « marâtre » (admirablement interprétée par  Lubna Azabal  glaçante)  préoccupée par « la rentabilité de son biseness » et par l’injection régulière de drogue…
 

 

Or ce qui nuit au propos c’est la surenchère (même si parfois la caméra cherche à capter des non-dits sur des visages filmés de près) : une musique trop illustrative, une violence complaisante (scènes de viol ou de flagellation qu’accentue la bande-son) des éructations, le choix de l’obscurité et de la noirceur (hormis quelques scènes très brèves en extérieur et si l’on fait abstraction du final…) comme gage d’authenticité ou de symbolisme (facile..) ? ainsi la privation de lumière comme manifeste de « l’aveuglement » ou symbole de l’enfermement (mental plus que physique) 
 

 

Et ce à un point tel que l’immersion des un. es dans le glauque mortifère, ne saurait entraîner celle du spectateur  et provoquer une quelconque adhésion Dès le prologue d’ailleurs la cinéaste avait évacué avec légèreté les motivations profondes et la mini séquence où une patiente, sangsue qui s’accroche au bras de Jessica, aurait un effet d’insistance annonciateur de? 
 

 

Un film mise en garde ? Sonnette d'alarme ? (ce que confirmerait le générique de fin)  certes mais où les « zones grises » de la « banalité du mal » resteront (doivent-elles le rester d’ailleurs?) « zones grises »

 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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29 novembre 2024 5 29 /11 /novembre /2024 05:31

De Miguel Gomes (Portugal 2023)

 

 

avec Gonçalo Waddington, Crista Alfalate, Teresa Madruga Lang Khé Tran 

 

 

Prix de la mise en scène Cannes 2024

Argument: Rangoon, Birmanie, 1918  Edward, fonctionnaire de l'Empire britannique, s'enfuit le jour où il devait épouser sa fiancée Molly. Déterminée à se marier, Molly part à la recherche d'Edward et suit les traces de son Grand Tour à travers l'Asie.

Grand tour

Epoques langues (récits aux  voix off différentes) noir et blanc et couleurs vont s’entrecroiser se télescoper dans ce film hybride (qui mêle  le récit d’aventures le "documentaire"  l’onirisme) et audacieux (récompensé d’ailleurs à Cannes 2024 par le prix de la mise en scène) ; le public était certes préparé à une telle approche innovante et perturbante (rappelez-vous Tabou 2012)

Des scènes ont été tournées en studio -sans les artifices de fonds verts et des trucages digitaux MAIS avec de vrais décors construits comme on le faisait …..à une époque à Hollywood !!!

 

Après une scène de manège forain en couleurs -qui reviendra d’ailleurs tel un rappel ludique ou la marque d’une scansion- le spectateur va suivre le parcours d’Edward -Birmanie Singapour Chine Japon - puis dans un deuxième temps celui de Molly. Film d’aventures (presque au sens classique) celles d’une comédie loufoque. Car si l’expression « grand tour » renvoie  au voyage qu’entreprenaient de riches Britanniques au XIX° en Asie (de l’Inde à la Chine en passant par la Birmanie) dans le film éponyme de Miguel Gomes, Edward alors à Rangoon, va fuir par couardise sa promise Molly – laquelle l’obstinée -au rire intempestif disgracieux - partant de Londres est bien décidée à rejoindre le « promis » renonçant à toutes les propositions… (pour les dernières étapes elle sera  accompagnée de la fidèle Gnoc) , vivant elle aussi comme à la marge, celle d’un trépas annoncé … Chacun -dans ce chassé-croisé-  aura enduré la moiteur la touffeur de la jungle aura participé peu ou prou à des coutumes locales, ballotté ou emporté par des vents mauvais ou les forces vives telluriques  -empruntant des trains qui déraillent …suivant le cours de fleuves aux tourbillons mortifères, ou traversant des forêts de bambous, vivant des situations « improbables » ou trépidantes d’un imaginaire collectif

 

Simultanément le spectateur est ainsi convié à un voyage dans le temps et surtout dans l’univers du cinéma (cf Resnais et son approche du Temps dont se réclame d’ailleurs Miguel Gomes) …Voici une Asie « fabriquée » par le cinéma (l’histoire se passe certes en 1918 or des images ayant les mêmes espaces sont filmées de nos jours (cf présence de portables de scooters) et la voix off -qui changera selon les contrées traversées- nous guide dans l’approche de ce que les deux personnages principaux mais aussi tous les protagonistes rencontrés sont en train de faire 

 

Là est une des revendications du cinéaste : un temps unique ou du moins comme suspendu (n’est-ce pas précisément  celui du monde du cinéma »)-ce dont témoignent les références au cinéma muet, aux origines du cinéma, le mélange de décors réels et reconstitués et les images d’archives. Un film sur la mémoire du cinéma ? Oui à n’en pas douter 

 

La charge à la fois critique, ironique (colonialisme revisité, devenir du couple, quintessence de l’amour) est évidente dans un film qui serait avant tout une « aventure mentale » parfois déroutante, à ne pas manquer ! 

 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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26 novembre 2024 2 26 /11 /novembre /2024 06:41

d'Antonella Sudasassi  Furniss (Costa Rica 2023)

 

 

Avec Sol Carballo, Paulina Bernini

 

Prix du public dans la section Panorama de la Berlinale 2024, 

Ana, Patricia et Mayela, élevées à une époque répressive où la sexualité était taboue, ont peu à peu trouvé le sens de la féminité Aujourd'hui, leurs voix sont incarnées par une femme de 65 ans qui revisite leurs souvenirs et leurs secrets.

Mémoires d'un corps brûlant

Ce film est la conversation que je n’ai jamais eue avec mes grands-mères.” La réalisatrice a en effet interrogé plusieurs  femmes sur leur maternité leur sexualité les violences dont elles furent victimes -des « sujets » que délibérément on avait occultés et surtout pour lesquels la responsabilité incombait à la femme …Qu'as tu fait pour éveiller ces instincts chez ton cousin ou chez ton oncle ?  " Tu as dû faire ta séductrice ? ", Qu'as tu fait pour que ton mari te frappe ? )
 

Matériau qu'elle met en "en scène" (en forme)  grâce à un dispositif à la fois original et efficace


Voici une actrice qui  incarnera  Ana -mais aussi toutes ces femmes, dont nous entendons la voix off.  Elle évolue dans un décor unique un appartement empli d’objets (abolis bibelots d’inanité sonore ?) objets souvenirs de toute une vie ? et tandis qu’elle époussette déchire lacère des photos se maquille, voici que se télescopent différentes temporalités (parfois au sein d’un même cadre ; cf la présence d’une poule qui s’invite…).Apparaissent ainsi d’autres « personnages/acteurs » censés incarner les propos (un  parcours depuis l’enfance jusqu’au divorce en passant par une éducation tatillonne et des frustrations) mais loin d’être pure illustration, la présence simultanée de tous ces protagonistes (flash-back côtoyant le présent de narration) rend « universels » des cheminements particuliers (apparemment individualisés) et la confrontation passé/présent fait que le récit -ces mémoires légèrement déformé.es par le souvenir et réactualisé.es au goût du jour- va « accoucher » d’une autre « vérité »  -ce que renforcent le recours au plan séquence et l’enfermement dans un lieu unique -métonymie d’une prison -les verrous les portes que l’on ferme- mais aussi métaphore de l’habitacle de la pensée, si propice à l’introspection  

Oui le dispositif choisi chronique d’une vie par l’intime, à laquelle se superposent en voix off les témoignages de trois septuagénaires enfin libérées du « carcan de la vie maritale » et l’éclatement chronologique évitent le piège de la simple illustration !

Parfois on rit de bon cœur avec ces femmes dont la raucité de la voix peut se briser en éclats de ....rire (quel vocabulaire soudainement trivial pour évoquer une sexualité enfin (re)découverte) et Ana (interprétée par l'épatante Sol Carballo ) peut reprendre à son compte une formule lapidaire…Filmée en chemise de nuit, la voici (mais « je » est un autre) qui redécouvre à 71 ans le sexe sans tabou le plaisir faisant fi de tout ce qui pouvait entraver (flatulences ronflements) mais valorisant des « interdits » dont les plaisirs buccaux et l’onanisme

 


 Oui l’ignorance (dans laquelle ces femmes furent cantonnées) oui l’oppression masculine (dont elles furent victimes) oppression que renforce la prégnance pour ne pas dire l’omnipotence du catholicisme au Costa  Rica , ont eu raison en leur temps (elles sont nées dans les années 50) des incandescences (j’ai eu deux enfants sans orgasme…) 


Ces « mémoires d'un corps brûlant » sont le chant d’une revanche ; 
c’est bien le corps de la femme qui depuis les premiers baisers volés...jusqu'à la ménopause en passant par l'onanisme   est « embrassé dans ce film » 
le corps ce « brasier  du désir -enfin assouvi…

 

Colette Lallement-Duchoze

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21 novembre 2024 4 21 /11 /novembre /2024 04:54

d'Agathe Riedinger (2023)

 

avec Malou Khebizi, Idir Azougli, Andréa Bescond 

 

Musique Audrey Ismaël

 

Festival de Cannes Compétition Officielle

Liane, 19 ans, téméraire et incandescente, vit avec sa mère et sa petite sœur sous le soleil poussiéreux de Fréjus. Obsédée par la beauté et le besoin de devenir quelqu'un, elle voit en la télé-réalité la possibilité d'être aimée. Le destin semble enfin lui sourire lorsqu'elle passe un casting pour "Miracle Island

Diamant brut

C’est l’histoire de Liane (incarnée avec une puissance explosive par l’étonnante Malou Khebizi) qu’Anne Riedinger raconte dans son premier long métrage Diamant brut (présente à l’Omnia lors de l’avant-première le mardi 22 octobre elle en a expliqué la genèse, le casting sauvage, a bien fait le distinguo entre les différentes émissions dites de téléréalité)

 

En choisissant le format 4,3 aux grains rugueux elle capture son personnage à « fleur de peau » la confrontant ainsi à une réalité « brute d’existence » et de ce fait entraîne le spectateur dans une immersion physique qui ne le quittera pas.

Agathe Riedinger ne juge pas elle « montre » les chemins tortueux (tordus) des réseaux sociaux, elle met en exergue les mirages de la sexualisation des corps qui « irait de pair » avec une reconnaissance sociale à défaut d’une authentique émancipation. Rendre visibles ces « invisibles » et qu’importe les souffrances infligées à son propre corps. Déterminée obstinée Liane fonce avec l’animalité d’une « guerrière moderne » car il s’agit bien pour elle en s’extrayant de son milieu (quelle « image » donnée en pâture par la mère !!!) d’accéder à une forme de réussite : et sa quête existentielle sera de tous les instants. 

 

Féminité outrancière ? ce sera son étendard face au mépris de classe, face au sexisme ambiant « Le “pretty privilège” [concept selon lequel les personnes considérées comme belles bénéficient d’avantages,] est à la fois une force et une injustice. C’est cette injonction à la perfection, à la sexualisation que j’évoque dans Diamant brut) capsules ongulaires (attention aux détails de chacune), extensions capillaires, customisation des talons aiguilles, chirurgie des seins  autant de moyens pour « être regardée, voire « aimée »

 


Et quand à l’écran apparaissent des commentaires de réseaux sociaux sous forme de textes à la typographie sacrée, nous voici comme entraîné vers un ailleurs où la figure -certes stéréotypée- de la postulante est devenue icône et où les couleurs (chaudes et flashy) seront le « cadre » de ce « royaume » tant convoité qu’accompagnent quelques notes de violoncelle …(question de vie, de survie pour Liane « si je ne suis pas prise je meurs » ) 

 

Un film qui bouscule nombre de nos préjugés !!! 
Un film à ne pas manquer ! 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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