1 novembre 2024 5 01 /11 /novembre /2024 02:47

De Lila Aviles (Mexique 2023)

 

Avec Naima Senties (Sol) Montserrat Maranon (Nuria) Marisol Gasé (Alejandra) Mateo Garcia (Tonatiuh) Lazua Larios (Lucia) Alberto Amador (Roberto) 

 

Festival international du film de Berlin 2023

Festival les reflets du cinéma ibérique et latino-américain de Villeurbane 2024

Argument: Dans un quartier tranquille de Mexico, la famille de Sol, sept ans, prépare l’anniversaire de son père gravement malade. Tandis que les adultes s’affairent, la jeune fille les observe avec attention....

Totem

Unité de lieu, unité de temps,  caméra au plus près des personnages (format 4,3) la cinéaste dans ce deuxième long métrage (cf  La Camarista - Le blog de cinexpressions ) adopte le point de vue d'une gamine de 7 ans pour brosser le portrait d'une famille. Sol vient d’être déposée par sa mère dans la demeure du grand-père, elle va suivre les préparatifs d’une fête en l’honneur de son père  et y participer le soir venu.  Elle qui est en osmose avec sa mère (cf la scène liminaire et le spectacle duo/totem) va évoluer seule au milieu d’une « ruche »,  consciente de la mort prochaine de son père (qui est alité dans une chambre). Sur son visage  filmé en gros plan se lit le passage de la joie de vivre à la gravité, deux composantes du film qui oscille constamment entre ombre et lumière, vie et mort et les questions posées (mort de la mamie, mort prochaine du père, fin du monde), ont l’accent poignant de qui s’interroge sur la finitude inexorable de l’être humain…quand bien même Sol communique avec ChatGPT La fête anniversaire en l’honneur du père sera-t-elle une cérémonie d’adieu ? (avec comme prémices le gâteau qui brûle, et comme métaphores inversées le laryngophone du grand-père psychanalyste au visage buriné par la mauvaise humeur et le rôle de la chamane convoquée pour « chasser les mauvais esprits »)

Totem ou le portrait en mosaïque d’une famille. Pénétrant interstices et coulisses  la  gamine notre guide observe  -sa famille aux liens parfois grinçants ou distordus.. La perruque multicolore aux différents matériaux qu’elle portera pour le « spectacle » serait comme la métaphore de la mosaïque, alors que  chaque personnage observé filmé en plan rapproché participe peu ou prou au jeu des dissonances  :  la tante Nuri fait des gâteaux, et …boit en cachette, sa fille Esther veut aider sa mère, et… faire boire du café au chat, la tante Alejandra doit se teindre les cheveux, et avec la chamane  chasser les mauvaises énergies, l’âme errante de la mère décédée, l’oncle Napo (il est arrivé en retard) convoque la maisonnée pour une « thérapie quantique » …

Totem célèbre aussi le monde  animal et végétal : (cf la calligraphie originale du générique de fin, la toile réalisée par le père où  le bestiaire aimé de sa fille est scrupuleusement représenté, le bonzaï/cadeau  du grand-père, un très gros plan sur un insecte dans une anfractuosité quand, au petit matin, la maison sera désertée par les hommes quand un lit vide ressemble à un linceul) Sol est passionnée par cet univers dont la confrontation avec le monde des humains est constamment sinon rappelée du moins suggérée.  Le mot "totem" est d'ailleurs décliné en ses sens propre et figuré et illustré par la fusion mère/enfant en  un  mât costumé.

Et sans extrapolation ne pourrait-on pas superposer à la coexistence humains, animaux, plantes, vie, mort dans le huis clos d’une demeure (même si le soir venu la présence de tous les invités dépasse le cloisonnement des 4 murs et que le cadre s’est élargi au jardin) une autre mosaïque celle d’un pays le Mexique ??

 

Un film à voir !!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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31 octobre 2024 4 31 /10 /octobre /2024 04:57

De Clint Eastwood (USA 2023)

 

 

Avec Nicholas Hoult (Justin Kemp) , Toni Collette, Zoey Deutch   Gabriel Basso Kiefer Sutherland JK Simmons

Argument Alors qu'un homme se retrouve juré d'un procès pour meurtre, il découvre qu'il est à l'origine de cet acte criminel. Il se retrouve face à un dilemme moral, entre se protéger ou se livrer.

Juré n°2

 la vérité n'est pas toujours juste;

la justice juge bien des faits et non la vérité  

(paroles de jurés)

 

Un gros plan sur le visage  de Thémis,  déesse de la justice les yeux bandés  et sur les deux plateaux de la balance, c'est   l'ouverture du film ; une telle entrée en matière, déjà signifiante, va se lester d’autres signifiés quand dans la séquence suivante  on voit une femme les yeux bandés, enceinte,   guidée par la main protectrice de son époux…  elle va  "découvrir"   la chambre du futur bébé  …chambre que le père formidable (tu es parfait!) a minutieusement préparée. Thématique du regard ? Cécité aveuglement ? Vérité qui crève les yeux ? Au sein d’une famille nucléaire américaine… .Famille  dont le lissé propret masque  en fait quelques craquelures....

Soucieux de l’avenir de sa famille, de la santé de son épouse,  Justin Kemp souhaite être récusé comme  juré (ma femme est enceinte, une grossesse à risque, je veux être à ses côtés…) ; arguments refusés : il sera le "Juré n° 2" …

Les faits ? Un homme est accusé du meurtre de sa compagne suite à une violente altercation, lui James Sythe  dealeur imbibé d’alcool est le coupable idéal !!  sauf que…le juré n°2 non seulement était présent dans le bar au moment de la dispute mais aurait "malencontreusement  écrasé" la femme en fuite - persuadé jusqu’alors  qu’il s’agissait d’un cerf…éventualité confirmée par le  panneau de signalisation plusieurs fois montré en gros plan (reconstitutions mentales en flash back  telles de fracassantes réminiscences)  Ses pleurs (on comprendra les causes de son inquiétude ce jour-là...) mêlées au ruissellement de la pluie gênent sa vision de chauffeur,  le regard furtif sur la photo de l’épouse qui l’accompagne dans l’habitacle,  une seconde d’inattention et vacarme des freins….

Un Juré (le n°2)  nommé à  un procès de  son ....propre crime....

 L’enjeu du film est d’entraîner le spectateur dans les méandres assez retors d’une conscience. Taraudé par un dilemme (dire la vérité mais ce serait sacrifier famille et avenir, ou laisser accuser un innocent mais ce serait contrevenir aux fondamentaux de la justice; intérêts personnels vs intérêts collectifs), Justin Kemp   "manœuvre" ;  à la fois contre les jurés persuadés ( ?) de la culpabilité de l’accusé, (mais s'il était injustement accusé, laissons lui une chance...) et contre tous les soupçons qui engagent sa responsabilité, quitte à être démasqué... On lit dans le regard et sur le visage de l'acteur Nicholas Hoult  la déchirure qui habite et  lacère le personnage. Sa démarche parfois "potache" (se planquer pour une « contre-enquête ») peut être machiavélique (laisser tomber la liasse de documents fournis par un juré complice, convaincu de l’innocence de l’accusé, juré qui  d'ailleurs sera …renvoyé…)

Et ce procès que certains souhaitent "bâcler"  ou "utiliser" (la procureure corsetée dans son tailleur comme dans ses certitudes, en fait un tremplin pour sa carrière d'élue politique) va s’éterniser …jusqu’au triomphe d’une certaine vision du mal et du bien…

Mais la mise en scène de cette énième méditation sur la justice est bien trop classique et par moments osons l’épithète mollassonne. L’alternance entre scènes de prétoire, scènes de "reconstitution" du drame, par flashbacks, scènes d’intérieur, si elle crée un certain tempo n’a absolument rien d’original (même dans les films dits de procès) il en va de même pour cette  progression/tension  dont les étapes scandent la narration !!

Une "tempête sous un crâne",  un face à face permanent avec soi-même, avec les autres, avec une société dont on prétend défendre les  "valeurs",  auraient mérité (à mon humble avis !) un autre traitement

Restera gravé cependant le dernier plan où un champ contre champ oppose deux visages glacés de silence ….complice …et ….réprobateur

 

Colette Lallement-Duchoze

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28 octobre 2024 1 28 /10 /octobre /2024 08:41

D'Emanuel Parvu (Roumanie 2023)

 

avec Ciprian Chiujdea (Adi) Valeriu Andriuta (le chef de police) Ingrid Berescu (Llinca) Bogdan Dumitrache (le père)  Adrian Titieni (le prêtre) Laura Vasiliu (la mère)

 

Festival Cannes 2024 Queer Palm 

Adi 17 ans passe l’été dans son village natal niché dans le delta du Danube. Un soir il est violemment agressé dans la rue. Le lendemain son monde est entièrement bouleversé. Ses parents ne le regardent plus comme avant et l’apparente quiétude du village commence à se fissurer

Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde

Ténuité de l'intrigue scénaristique, longs plans séquences, importance de la parole comme substitut de l’image, choix de cadrages particuliers pour éviter le statisme, ces « constantes d’un certain cinéma roumain » (Marita baccalauréat Illégitime Par-delà les collines) au service de dénonciations plus ou moins acerbes de dysfonctionnements de la société nous les retrouvons dans ce film d’Emanuel Parvu. Avec cette originalité, le jeu inattendu sur le bord cadre (souvent à droite) et l’intention assumée maîtrisée de faire du village un personnage à part entière -bruits et clapotis, tremblements de la végétation sous le souffle du vent, couleurs lumières chemins/ruelles– un village filmé comme un écrin paisible si convoité par les touristes, mais dont la sérénité bucolique contraste avec les vilénies humaines et  que le cinéaste oppose aux intérieurs (cloisonnés) symboles de l’étouffement

Pour démonter les rouages d’un mécanisme verrouillé, celui d’une société moins traditionaliste que rétrograde qui enferme (sens propre et figuré) ligote musèle martyrise un adolescent homosexuel, pour mettre à nu l’homophobie, le cinéaste opte pour une mise en scène « théâtrale » :Un théâtre de la cruauté où les personnages incarnent  des « fonctions » (parentale politique religieuse) où les « étapes » sont soigneusement mises en évidence -de la déposition en bonne et due forme suite au tabassage (hors champ) , jusqu’à son abandon en passant par des voltefaces, astucieusement préparées manigancées à coup d’arguments souvent fallacieux pour ne pas dire spécieux. Ce dont témoignent les dialogues ciselés où à peine insidieuse s’exerce la manipulation de l‘information (on minimise les faits on déforme la « réalité » par extension ou détournement de sens, on menace par des propos comminatoires, on joue le casuiste bref on travestit la vérité). L’homosexualité ? une maladie une tare une souillure; dont le village doit se prémunir comme d’un opprobre…Les parents, le prêtre, le policier, le père des agresseurs et... potentat local, vont œuvrer avec zèle dans ce sens (cf la séquence d’exorcisme où Adi muselé ligoté tente de se débattre alors que les parents, le prêtre et son acolyte impassibles récitent les formules expiatoires et propitiatoires). Honte peur mais aussi intérêts bassement égoïstes autant de « motivations » qui alimentent l’homophobie… et que  "stigmatise"  avec intelligence ce film,  -- l'absence de musique  -hormis dans le dernier plan-séquence- accentue cette "stigmatisation" 

Et l’agressé ? la victime ? Le spectateur  "lit" sur les ecchymoses du corps et sur le visage tuméfié l’empreinte de l’agression. Filmé de face avec les effets spéculaires du miroir, Adi semble interpeller le public…  C'est qu'il subit aussi l’agression de la communauté,  de ses parents en particulier. Dès le moment où il est "châtié" (enfermement confiscation du portable) il opte pour le silence…un silence lourd de " révélations" : n’incarne-t-il pas avec Llinca  « l’humain »  dans ce microcosme des turpitudes ?…Le dernier plan séquence  lui offre (ainsi qu’au spectateur) une énorme bouffée de vie, une respiration … à 3km du village.... là où la terre cède la place à la mer, là où l’eau et le ciel célèbrent leurs épousailles, c’est l’ouverture vers un ailleurs…qui restera hors champ…

Un film à ne pas rater !!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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27 octobre 2024 7 27 /10 /octobre /2024 06:24

De Gilles Lellouche (2023)

 

avec Adèle Exarchopoulos, François Civil, Mallory Wanecque, Malik Frikah Alain Chabat, Benoît Poelvoorde, Vincent Lacoste, Elodie Bouchez, Karim Leklou, Jean Pascal Zadi

 

 

Compétition Officielle  Festival de Cannes 2024 

argument: Les années 80, dans le nord de la France. Jackie et Clotaire grandissent entre les bancs du lycée et les docks du port. Elle étudie, il traîne. Et puis leurs destins se croisent et c'est l'amour fou. La vie s'efforcera de les séparer mais rien n'y fait, ces deux-là sont comme les deux ventricules du même cœur...

L'Amour Ouf

Composé de deux parties le film  est censé explorer la genèse et l’accomplissement d’une passion amoureuse qui défie tous les "attendus ": deux enfants évoluant dans deux milieux sociaux opposés (filmés en montage alterné et/ou parallèle;  ici les « trucages » cosmétiques sur Alain Chabat ou Elodie Bouchez feront ricaner);  deux adolescents dissemblables mais dont le regard (zooms puis infographie…sur l’organe musculaire qu’est le cœur) va tout faire exploser …(les deux interprètes sont étonnants de fraîcheur et de véracité surtout Malik Frikah), deux "cursus"  dissemblables, (Clotaire, accusé d'un crime qu'il n' a pas commis est incarcéré , Jackie se marie "sans conviction")  deux adultes toujours en quête l’un de l’autre malgré tous les malgré. Une playlist éclectique et variée (The Cure dont le morceau A Forest), Deep Purple, Daft Punk, mais aussi la chanson  d’Yves Simon…)

Or puisque "Bien c’est pas suffisant"  (Jackie à son mari) Gilles Lellouche a misé sur l’excès, le paroxysme

Ouf !  sera le soupir  de soulagement après 2h46 dont plus des deux tiers marqués du sceau de l’hubris…

Passons outre les références (revendiquées assumées) à Tarantino, Scorcèse,  West Side Story …

Quelle surenchère dans le traitement ; tout est exagéré ! « trop » de ….travellings circulaires et latéraux, ralentis, split-screen (avec coexistence de deux temporalités ou concomitance de propos en écho ou encore larmes synchro) des lumières trop irréalistes, trop de mouvements de caméras virevoltantes, à l’endroit, à l’envers, trop d’images criardes, trop de longueurs et d'inutiles insistances  … On a la fâcheuse impression que ce film (adapté d’un roman irlandais et transposé dans les Hauts de France) se doit d’épuiser tous les champs du possible cinématographique tout en mélangeant les genres (romance,  thriller, comédie…musicale). Trop de facilités -scénaristiques et autres- dans un film constamment survolté. Et même l’environnement si cher à Gilles Lellouche (la ville portuaire de Dunkerque dont l’usine filmée en frontal impose une stature couleur brique mordorée), ne saurait décliner âpreté, rudesse, ni se métamorphoser en théâtre de la passion sinon toxique du moins orageuse     Tout cela se répercute sur le jeu des acteurs, surtout dans la seconde partie où François Civil n’est pas  toujours convaincant, où Poelvorde est trop caricatural …où même Adèle Exarchopoulos est par moments décevante …

Le ton est donné dès le prologue assez « spectaculaire » : choix de déroulés chorégraphiés même sans pas de danse (au « ballet » des «hommes/ bandits » répond celui de voitures dans un tunnel) choix d’un rythme trépidant dans une ambiance bleutée  choix d’une bande-son vrombissante, fracas de métal,  de coups de feu ; en extérieur une femme (Adèle Exarchopoulos) tente de téléphoner d’une cabine…mais le chauffeur et commanditaire du braquage (François Civil) ne répond pas…Explosions et sang…la mort à portée des flaques. Une symphonie du massacre… La même séquence sera reprise MAIS avec une issue plus moralisante…ah les sortilèges de l’amour ouf ! Le prologue n’était donc qu’un « artifice d’intrigue »…

L’amour ouf ou la voracité à la mesure d’ailleurs du budget …pharaonique (plus de 35 millions d’euros…)

On pourra toujours objecter que la démesure -traitée ici comme un feu d’artifice pétaradant  - correspond à tout ce qui est paroxystique en Amour  comme dans la quintessence du cinéma, peut-être. Mais la surenchère -à presque chaque instant aura vite fait de terrasser et ensevelir ces  partis pris, projet !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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22 octobre 2024 2 22 /10 /octobre /2024 09:57

d'Hasan Guerrar (France 2023)

 

avec Sofiane Zermani, Khalil Gharbia, Khaled Benaïssa, Adila Bendimerad, Eye Haïdara et Clotilde Courau

Malek, la quarantaine, célibataire, vient d'emménager à Montmartre et accueille bientôt chez lui son neveu Ryiad, fraîchement arrivé d'Algérie. Ensemble, ils découvrent Barbès, le quartier de la communauté algérienne, très vivant malgré la crise sanitaire en cours. Ses rencontres avec les figures locales vont permettre à Malek de retrouver une part de lui qu'il avait enfouie, de renouer avec ses origines et de commencer à faire le deuil de ses disparus.

Barbès, Little Algérie

Le film s’ouvre sur un très gros plan -un visage-  puis  zoom sur un regard (celui de Malek) et comme en reflet ce sera d’emblée un regard chaleureux porté sur le quartier de Barbès, quartier que Malek arpente d’un pas décidé. Etonné par des visages tuméfiés, par ces corps à demi nus dans une laverie, cette course poursuite flics/jeunes? Le film évitera les pièges clivants, les clichés et le manichéisme. Il va brosser en un melting-pot réaliste -aux  accents de documentaire parfois-  le quotidien des habitants pendant le confinement. Un quotidien où cohabitent différentes générations d’origines différentes, où co-existent violences solidarité, débrouillardise (incarnée par Préfecture) où« tout se vend et tout s’achète », où les mises en garde d’Hadria la patronne du bar, sont parfois comminatoires  

Barbès little Algérie : une chronique estivale ?. Nous sommes en pleine pandémie : le port du masque est obligatoire, les rues si grouillantes de vie sont désertes car désertées -ce qu’expliquera Malek à son neveu Ryiad « fraîchement arrivé d’Algérie » qu’il hébergera et dont il facilitera l’accès au « savoir universitaire ». En parallèle une association propose une aide alimentaire dans une …église -la crise sanitaire ayant accentué les inégalités  et Malek, l’informaticien, s’intègre au groupe de bénévoles…

Bref un film animé par une incroyable énergie narrative, une étonnante pulsion de vie malgré les tiraillements et les jalousies de « clans » …malgré l'intrigue "fictionnelle"  – un déraillement tragique-   qui verra cette « pulsion » momentanément anéantie pour de « sordides raisons »    !!!

Mais, et c’est un des enjeux du film on devine une forme de déshérence, larvée…Elle habite les silences, s’illustre dans une scène teintée d’onirisme ou de fantastique (Malek s’imagine face à sa mère, réprobateur…); Malek le taiseux est confronté à « ses démons intérieurs » , une  blessure qui ne dit pas son nom    Le film est d’ailleurs dédié aux bi-nationaux dont le réalisateur lui-même !! et ce n’est pas pur hasard s’il se clôt sur le poème de Mahmoud Darwich A ma mère

On l’aura compris. Voilà un film où la narration, faite de rebondissements, servie par une incroyable faconde, par une musique qui fait la part belle aux artistes algériens mais aussi aux classiques de la chanson française, explore une complexité sociale et œuvre pour un vivre ensemble loin de certains  ….relents… racistes, fascistes.

A ne pas manquer !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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21 octobre 2024 1 21 /10 /octobre /2024 09:08

 D'Ellen Kuras (G-B 2023)

 

Avec Kate Winslet (Lee Miller) Andy Samberg (David E  Scherman,)  Alexander Skarsgärd,(Roland Penrose)  Marion Cotillard , (Solange d’Ayen ) Noémie Merlant (Nusch Eluard) Andrea Riseborough (Audrey Withers) Josh O'Connor (Antony Penrose)James Murray (Colonel Spencer) Vincent Colombe (Paul Eluard) Patrick Mille (Jean d'Ayen) 

Argument: Le parcours extraordinaire de Lee Miller (1907- 1977), photographe et modèle devenue correspondante de guerre durant la Seconde Guerre mondiale

Lee Miller

Si je dois manger des rats, autant qu’ils soient bien assaisonnés" propos de Lee Miller destinés à Penrose et David E Scherman

 

Le film s’ouvre sur une scène de guerre (maintes et maintes fois portée artificiellement à l’écran) :  bruitage, couleurs gris bleuté, atmosphère embuée, et voici dans le champ une femme munie de son Rolleiflex, affolée à la recherche d’un abri …C’est Lee Miller reportrice photographe. Message subliminal « une existence de femme au service de l’information ? Puis (c’est la deuxième séquence) des décennies plus tard la même (Kate Winslet) vieillie (ah les ficelles cosmétiques des grimages et truquages !!) fumant et picolant, répond aux « questions » de …son fils.(Josh O’Connor) Le film d’Ellen Kuras s’inspire d’ailleurs de l’ouvrage d’Antony Penrose « Les vies de Lee Miller » lui qui avait découvert après la mort de sa mère (1977) des clichés entassés dans le grenier de Farley House  

Le film sera ainsi traversé par des allers et retours…entre le présent de l’interview et le passé de Lee Miller (des scénettes à Antibes 1937 au face à face avec Audrey la directrice de Vogue, de la légère douceur de vivre à la tragédie de la mort, de l’insouciance à l’horreur, …) avec un focus sur les années de guerre de 1938 à 1948 ; dès l’instant où elle est correspondante de guerre pour Vogue elle va couvrir la libération de Saint Malo, celle de Paris, découvrir les camps de Dachau et Buchenwald,  avec David Scherman (Andy Samberg) de Life ;  elle sera une des rares photographes femmes à pénétrer dans les camps…(à la Libération).

Le dispositif choisi pour ce « biopic » n’en reste pas moins conventionnel classique académique !! (et c’est un euphémisme) Le film insiste aussi sur son addiction à l’alcool et au tabac (que de plans où trônent souverain.es verre bouteille …que de gros  plans (ou plans rapprochés) sur le visage, clope au bec ! Une insistance « lourdingue » dans sa répétition convenue

Et que dire de cette séquence de retrouvailles entre Solange d’Ayen (Marion Cotillard) et Lee Miller où le jeu de l'actrice française, d'une larmoyante expressivité, le cadrage la composition du plan le disputent à une « fausse » authenticité qu’accentue le choix d’un plan large qui s’en vient écraser les deux femmes réduites à des silhouettes.

Les décors qui sonnent faux, les couleurs qui « faussent les perceptions » hélas ! sont légion dans ce « biopic » Ainsi en est-il  de ces reconstitutions prétendues historiques  (dont le siège de Saint-Malo) à la fois éculées clinquantes, inutilement insistantes Dommage!  Et  en guise de twist, la révélation ....d'une blessure ancienne qui taraude encore et encore 

Assez traditionnel -quant à la forme- ce biopic  a la prétention d’interroger le pouvoir politique des magazines féminins. La misogynie est palpable!  Et quelle ulcération quand Lee Miller découvre que ses photos (choquantes ?)  ne sont pas publiées dans la revue Vogue (ne pas froisser la "prétendue" sensibilité féminine, un tel argument fondé sur une idéologie essentialiste  n'est-il pas contraire au "féminisme"???) 

Avant et pendant le générique de fin, voici les « photos »(reproductions) prises par Lee Miller ; ces « ajouts » seraient-ils gage de véracité d’authenticité…?  Ont-ils pour finalité de rendre crédible l’approche d’Ellen Kuras -et ainsi d’entraîner l’adhésion du public- ? Billevesées !!  

Manque d’originalité dans la mise en scène, classicisme rebattu avec ses clichés et ses stéréotypes,  Lee Miller est un biopic assez « scolaire » (dans l’acception négative de cette épithète).

Quant au jeu de l'actrice (qui est également productrice) je vous laisse juge !!!

Bref, un film "quelconque sur une femme qui ne l’était pas du tout"

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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20 octobre 2024 7 20 /10 /octobre /2024 08:28

D'Isabel Coixtet (Espagne 2023)

 

 

avec Lala Costa (Natalia) Hovik Keuchkerian (Andreas) Hugo Silva (Peter)

Argument: Natalia, la trentaine, se retire dans un village de la campagne espagnole pour échapper à un quotidien stressant. Elle se heurte à la méfiance des habitants, se lie d’amitié avec un chien, et accepte une troublante proposition de son voisin..

Un amor

Ici, tout le monde sait tout sur tout le monde 

Elle lui donne des fruits, il lui pose des briques

Le film s’ouvre sur des cadrages assez surprenants : alors qu’on entend presque simultanément une langue, -un dialecte ? et sa traduction, voici en très gros plan le visage de la victime des atrocités rapportées et celui de celle qui enregistre et quand le témoignage est insoutenable c’est un zoom sur les lèvres de la plaignante ….Ou voici les deux visages dans le même cadre dont l’étroitesse (format carré) accentue l’enfermement. Natalia est précisément celle qui traduit et enregistre l’innommable… dans un centre de réfugiés Un prologue qui encode(rait) le film ?

En rupture avec ce métier, Nat -la citadine- s’isole dans un hameau La Escapa (toponyme ironique ??) dont l’aridité environnante (récurrence du plan sur ces falaises habitées d’ailleurs par d’étranges légendes sur les vautours) va être en harmonie -tout en l’accentuant- avec l’hostilité des " humains" (un proprio intraitable, un voisin prétendu artiste imbu de lui-même, un couple binational bizarre dont le mari  "mate"  la jeune femme, ,) Nat l’étrange étrangère ! Nat seule avec ce chien (gueule couturée de cicatrices) que lui a "refilé"  le proprio, un chien hermaphrodite de surcroît constatera la véto…Chien qu’elle va apprivoiser et dont elle "s’éprend"  ? Nat robuste et fragile tout à la fois doit refaire la toiture de cette masure et Andreas le maraîcher dit l’Allemand -lui-même plus ou moins mis au ban du village - lui propose ce contrat étrange " je te refais ton toit si je peux entrer en toi"

A partir de l’acceptation, (consentement) les  "jugements"  du spectateur vont diverger… Ou on met l’accent sur la toute-puissance de "l’animalité" dans la relation Nat/Andreas et on sera gêné par les "relents" (sens propre et figuré) de machisme qu’on clouera au pilori ou on "insistera" sur  le portrait d’une femme seule en quête de soi,  de son désir. Quoi qu’il en soit n’est-ce pas un des propos du film que de dénoncer la violence bestiale des êtres, leur impossible rencontre? –corroborant l’enseignement du prologue et justifiant la comparaison avec As Bestas  As bestas - Le blog de cinexpressions Ce que confirmerait cette façon de filmer les rapports sexuels entre le colosse adipeux Andreas brut de décoffrage et la fragile Nat, de faire entendre le rugissement du mâle qui jouit .-Ce qu’illustrerait aussi le double abandon :  Nat " larguée"  par celui qui  s’est contenté d’un rapport quasi animal,  encore que… Nat contrainte de "quitter"  un village qui l’encerclait de sa méfiance…Mais c’est sans compter sur la scène finale où la "danse",  les caresses prodiguées au chien, le sourire  (métaphore de l’évasion ?) chantent une rupture et une reconquête (rupture avec une aliénation, prémices d’une aube nouvelle ?)

Regards peurs insultes, environnement austère,  osmose avec un chien/ alter ego, corps qui exultent dans l’exaltation du désir assouvi  et cette musique qui à intervalles réguliers s’en vient cisailler l’être dans sa chair. Oui un amor est un film étonnant âpre et lumineux, et -osons l’épithète- "subversif".  Il entraînera le spectateur sur de « fausses pistes » dans une suite de « quiproquos » ne comblera pas ses attentes, ne répondra pas à ses questionnements…..Et pourtant !!

Un amor,  un film à ne pas rater !!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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18 octobre 2024 5 18 /10 /octobre /2024 04:40

De Tawfik Alzaidi, (Arabie Saoudite 2023)

 

 

avec Yagoub Alfarhan, Maria Bahrawi, Aixa Kay

 

Festival de Cannes 2024 Section Un Certain regard: Mention spéciale du jury

Argument: Arabie Saoudite, dans les années 90. Le nouvel instituteur, Nader, arrive dans un village isolé. Il rencontre Norah, une jeune femme en quête de liberté. Leur relation secrète, nourrie par l’art et la beauté, va libérer les forces créatrices qui animent ces deux âmes sœurs… malgré le danger.

Norah

Un film minimaliste (décor dialogues intrigue) qui s’attaque au pouvoir de la représentation, de la communication artistique, de la culture comme force émancipatrice ; un film qui analyse (avec une lenteur calculée dont témoigne la succession de gros plans fixant l’immuabilité des choses) et vilipende (avec un certain schématisme) le pouvoir « subversif » de l’image. Communication et représentation auxquelles les diktats masculins du conseil de village opposent leur veto (on refuse à la femme muselée et voilée la prise de parole et toute intervention sur son avenir ce que ne manquera pas de rappeler la tante … le film basculera d’ailleurs dans la fadeur des mélos quand le « fiancé » imposé à Norah, analphabète, épie, dénonce …

A partir d’un dessin (portrait du jeune Nayef réalisé par l’instituteur, un portrait-récompense …) très expressif (gros plan où vont se confondre contemplatifs l’œil de Norah, celui du spectateur et celui de la caméra) la sœur Norah, usant de subterfuges n’a de cesse de solliciter l’instituteur (son portrait rivalisera ainsi avec ceux qu’elle voit regarde découpe dans les magazines venus de la ville, magazines qu’elle feuillette en cachette, magazines qui nourrissent son imaginaire … Le film s’ouvre d’ailleurs sur un lent travelling qui recense les « trésors » enfouis dans une valise –dont les visages sans voile de « mannequins » ; ici lumières et couleurs rivalisent de rutilance alors que l’essentiel du film est l’ocre qui poudroie

Dans ce village perdu Sahu, l’épicerie est un havre de …délices : l’épicier, -homme débonnaire ou appâté par le gain ?- peut se procurer des cigarettes américaines (Marlboro pour l’instituteur) des magazines de mode (pour Norah) -soit les deux tentations de la ville et par-delà de l’Occident !! Et c’est au milieu de boîtes de conserves que la jeune fille va « poser ». Une situation audacieuse où les plans se succèdent comme en surimpression (à l’instar de ce voile que Norah écarte légèrement pour la captation d’un regard … à immortaliser)

A la douceur apparente (qu’accentue la musique apaisante d’Omar Fadel) s’oppose un bouillonnement intérieur ; à l’apprentissage de la lecture de l’écriture du dessin -c’est la « mission » et l’ambition de Nader- s’oppose le traditionalisme d’une microsociété (les efforts du grand-père de Norah sont d’emblée frappés d’inanité et le renvoi de l’instituteur semeur de discorde le prouve aisément.) Jeu de contrastes. Circulation de regards aussi, furtifs ou voilés, curieux ou désapprobateurs, dispensateurs ou non de symboles, ces regards ne seraient-ils pas comme l’alpha et l’oméga de la création… cinématographique ?

Et pourtant l’ennui guette … Cherchez l’erreur !!! 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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17 octobre 2024 4 17 /10 /octobre /2024 06:39

De Nora Fingscheidt, (Royaume-Uni, Allemagne, Espagne 2024)

 

avec Saoirse Ronan, Paapa Essiedu, Stephen Dillane

Argument: Rona, bientôt la trentaine, brûle sa vie dans les excès et se perd dans les nuits londoniennes. Après l’échec de son couple et pour faire face à ses addictions, elle trouve refuge dans les Orcades, ces îles du nord de l’Écosse où elle a grandi. Au contact de sa famille et des habitants de l’archipel, les souvenirs d’enfance reviennent et se mêlent, jusqu ‘à s'y confondre, avec ceux de ses virées urbaines. C’est là, dans cette nature sauvage qui la traverse, qu’elle trouvera un nouveau souffle, fragile mais chaque jour plus puissant.

The outrun

Adapter le récit éponyme d’Amy Liptrot qui entremêle l’évocation des nuits de biture à Londres et la rude épreuve d’une sortie de l’addiction par l’isolement volontaire au large de l’Ecosse, sur l’île Papay, c’est le pari de Nora Fingscheidt 

Comment rendre compte de cette "lutte intérieure" qui a tant ému la réalisatrice? Grâce à un montage kaléidoscopique,  l’image par ses soubresauts (caméra à l'épaule virevoltante) et dans sa matérialité même doit « incarner » l’intériorité. Et poreuse sera souvent la limite entre environnements, temporalités et matière grâce à un jeu de superpositions. (au tout début par exemple: le baiser et ... l'immersion,  alors qu'une voix off conte une légende!)

Etre dans la tête de Rona c’est être ballotté d’un souvenir à l’autre, souvenir auquel se confronte l’observation du présent…(ou l’inverse, ou successivement).  Ainsi les allers et retours entre le présent et un passé fracturé émietté illustrent un esprit bouillonnant ( le jeu de l’actrice est époustouflant…) : Un événement ? d’abord un flash et le même va revenir à intervalles réguliers mais amplifié de nouveaux éléments informatifs -Récurrence et ressassement.

Se débattre avec des petits boulots au présent, et quasi simultanément se débattre avec les souvenirs de ces nuits londoniennes ces bitures ces rencontres plus que douteuses ces tabassages mais aussi avec des traumas qui remontent à la petite enfance …une mère « religieuse » presque sectaire, un père bipolaire !

Et  les éléments naturels (la beauté « sauvage » des Orcades) vont participer à ces bouleversements intérieurs.  Un déchaînement (eau vent) dans la solitude que s’est imposée Rona, en écho au déchaînement de tous les sens qu’elle avait orchestré…  Avant que la « nature » apaisée où les caresses vont succéder aux lames corrosives, ne scelle de nouvelles épousailles qu’accompagne une musique…nouvelle elle aussi en la présence d’un roi caille, espèce rare et secrète d’oiseau ; une présence -épiphanique ? cathartique ?  -qui aura relayé ( ?) le cortège des légendes sur lesquelles s’ouvrait le film …

Certes the outrun est un film sur la dépendance alcoolique et sur le processus de rétablissement, « un voyage à part entière, qui avance au jour le jour ». Certes l’actrice Saoirse Ronan qui le porte de bout en bout est étonnante, incandescente et son jeu magistral

Mais  la stylisation abusive -si elle déroute  (après tout pourquoi pas) n'en est pas moins déplaisante (souvent complaisante elle nuit au propos et  ne saurait entraîner l'adhésion du spectateur)  A l’inverse de Benni Benni - Le blog de cinexpressions

 

 Colette Lallement-Duchoze

 

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14 octobre 2024 1 14 /10 /octobre /2024 03:41

Deuxième long métrage de Gudmundur Arnar Gudmundsson (Islande 2022)

 

Avec Birgir Dagur Bjarkason, Áskell Einar Pálmason, Viktor Benóný Benediktsson

 

 

Présenté dans la Section Panorama du festival de Berlin,

Argument: Addi, 14 ans, est élevé par sa mère "clairvoyante" qui perçoit l’avenir dans les rêves. Il prend sous son aile Balli, un garçon introverti et en marge, victime de harcèlement scolaire. En l’intégrant à sa bande, ces garçons désœuvrés et livrés à eux-mêmes explorent la brutalité et la violence, comme seuls moyens d’expression et d’exister. Alors que les problèmes du groupe s’aggravent, Addi commence à vivre une série de visions oniriques. Ses nouvelles intuitions lui permettront-elles de les guider et de trouver leur propre chemin ?

Les belles créatures

Un film uppercut. Un film sans concession sur la violence ….Violence sociale (région de Höfuðborgarsvæðið) qui se répercute sur des jeunes laissés à l’abandon (entendons face à l’impéritie notoire de leurs parents les quatre jeunes dont nous suivrons le quotidien sont livrés à eux-mêmes,  sans repères) marqués au fer rouge de l’ignominie ( ?) parentale -père alcoolique, père en prison, père violent, mère fantasque, mère immature ou mère absente.. Les difficultés du passage de l’enfance à l’adolescence, de l’adolescence à l’âge adulte s’en trouvent décuplées !!

Le recours quasi systématique aux plans serrés,(caméra à l'épaule comme "capteur émotionnel") , un rythme qui ne faiblit pas, l’alternance plongée contreplongée (quand ils  " partent en expédition" sur les toits croyant s’approprier l’univers), accentuent (ou du moins mettent en évidence) ce "mal-être" de la jeunesse islandaise «La montée de la violence » est de l’avis de ce journaliste (reportage tv) un fait indéniable déplorable. Connaissons nous vraiment le quotidien de nos enfants ? Un quotidien fait de rixes justifiées, provocatrices ou gratuites, un quotidien fait d’alcool, de drogue, oui … mais …comme palliatif à?  ou dans l’attente de ???

 

Le cas de Balli est emblématique. Voyez cet être chétif sans défense apparente, introverti,  harcelé à l’école; suivez le dans son milieu de  "vie" : un bric-à-brac pestilentiel, amas d'immondices dont les relents  à la fétidité méphitique l'imprègnent (il "pue" tellement qu’on s’éloigne de lui à l’école) Tabassé hospitalisé nez cassé ;   et plus tard quand le père sortira de prison fier de retrouver la " cellule" familiale, Balli n’aura de cesse de se venger de tous les abus dont chaque membre de la famille fut la victime… Caricature ? l’acteur interprétant ce père est un monstre (obésité adiposité, spasticité et crocs en gros plan en font un ogre, un animal un primate un sauvage…)

Les belles créatures ! Un titre antiphrastique ? Oui, serait-on tenté de répondre. Et pourtant…Quelle "belle" leçon d’amitié (pour ne pas dire d’amour) se lit dans ces regards ou se devine dans ces étreintes !!! ; quelle   peur au tréfonds de soi !!!! (qu'il "faut"  refouler en affichant  sa "virilité": c'est le cas de  Konni le "chef" dit l’animal)   Alddi  dont nous entendons la voix off de narrateur , Adi dont la mère interroge les forces occultes, le para ou le supra normal, (psychanalyse des rêves …) semble mieux loti… Avec sa gueule d’ange (gros plans sur son visage qui envahit l’écran) il sera la force tutélaire dont Balli a un besoin vital ; simultanément il se découvre des dons de voyance (et ses visions oniriques rompent momentanément avec le réalisme prosaïque ambiant), au final .torturé par le remords il est « empêché » dans ses aveux …par sa mère …mais il sera « béni » par son pote…

Grâce à une caméra immersive, le spectateur est ainsi plongé dans les contradictions de ces ados et le refus du manichéisme clivant (en ce qui concerne le fond) fait que formellement le film est en constante alerte -ce que résumerait la métaphore du toit ?  -escalade, vide et plénitude, vertige et conquête -conquête de soi sur soi, de soi sur les autres. -dont les "faux adultes" que sont leurs parents ?

 

Un film qui aura gravé à l’acide une dure réalité ! Un film dont la violence, et les évidentes  touches de dolorisme et de misérabilisme ,  peuvent mettre mal à l’aise  . 

Or voici dans un repli cette trouée de lumière ; elle  s’en vient « mordre » le motif…

Même si tout le reste est dur, l’amitié est encore possible, et elle peut devenir la chose la plus importante, à cet âge-là aussi.(propos du cinéaste)

 

Colette Lallement-Duchoze

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