D'Alejandro Jodorowsky (Mexique 1973) version restaurée
Avec Alejandro Jodorowsky (l’alchimiste) Horacio Salinas (le voleur vagabond) Juan Ferrara (Fon) Adriana Page (Isla) Burt Kleiner (Klen) Valeria Jodorowsky (Sel) Nicky Nichols (Berg) Richard Rutkowski (Axon) Luis Loveli (Lut) Ana de Sade (la prostituée)
Argument: Un homme ressemblant au Christ s'introduit dans une tour et y affronte un maître alchimiste. Après l'avoir vaincu, ce dernier lui fait parcourir les premières étapes d'une initiation, puis lui présente sept personnes qui font partie des puissants de ce monde, chacun d'entre eux étant associé à une planète (au sens astrologique). Ces hommes et ces femmes sont prêts à tout abandonner pour obtenir le secret de l'immortalité. Le maître leur a promis de les conduire jusqu'aux neuf sages qui le détiennent au sommet de la Montagne Sacrée
Vous appréciez le baroque le fantasque le surréalisme iconoclaste ? Alors laissez-vous guider par cet alchimiste/gourou (interprété par le cinéaste lui-même) ; explorez les pages d’un nouvel "Evangile" où crucifixions exécutions sexe seront légion, où le bestiaire étalé ad libitum voire ad infinitum (moineaux lapins crucifiés crapauds explosés hippopotames pélicans) illustre l’alliance entre exotisme et barbarie. Et après une succession de sketches consacrés aux 7 disciples (chacun représentant une planète du système solaire prend la parole …. avec ses fantasmes ses bizarreries (ah les trouvailles sur la machine à faire l’amour, les drogues ingérées par l’oreille), arpentons le long chemin -sinueux escarpé- qui mène à la Montagne Sacrée afin de vaincre "notre" finitude de mortel et avec les 9 sages attablés accéder à l’immortalité (apanage des dieux !) … Mais in fine le cadre va s’élargir…nous invitant aussi à "élargir" notre propre vision des choses ( ?)
Oui le rythme ne faiblit pas dans ce défilé d’histoires, d’images aux couleurs très vives. Oui cette "débauche" visuelle qu’accompagne un discours -où les condamnations font florès (guerres décadence religion police banalisation de la violence)-. est le fruit d’une imagination toujours en alerte. d’une sidérante inventivité On peut songer parfois à Bunuel (chien andalou), à Max Ernst (collages), à Pasolini (Salo) Fellini (8 et demi, Satyricon) hormis le fait que le défilé carnavalesque baroque et délirant, qui s’inscrit dans un décor de carton-pâte (facticité kitsch parfois) n'a pas la virulence subversive des auteurs cités et ce quand bien même des corps ventripotents revisitent des scènes de la Bible -mangée par des vers- qu’un architecte/urbaniste conçoit les appartements des futurs gratte-ciel comme des cercueils, que l’alchimiste transforme les défécations en or, qu’un vieillard offre son œil de verre à une gamine, qu’un homme tronc enserre avec amour ( ?) un corps, etc..
Le film s’ouvre sur une lapidation : des gamins "jettent la pierre" sur un homme aux allures de Christ … Il se clôt sur une pirouette -après une ultime parodie, celle de la Cène…Entre les deux nous aurons assisté à un jeu de massacre(s) -où s’impose l’esthétique du "choc" grâce aux procédés du "détournement"-(la conquête de l’Amérique et les combats de crapauds, le centurion obèse en Pieta) et de la "multiplication" (duplication des statues du Christ, de Marie-Madeleine, entre autres...) à l’effervescence étourdissante, à l’humour parfois décapant
Un film audacieux dans la forme (plans kaléidoscopiques où tout tourne en même temps comme dans un état de transe). Un film de "provocations" et le plaisir que prend Jodorowsky à afficher sas fantasmes est "communicatif"
Un film que je vous recommande (attention 1 séance/jour jusque mardi 15 octobre)
Colette Lallement-Duchoze