27 juillet 2024 6 27 /07 /juillet /2024 17:56

De Johanna Pyykkô (franco-norvégien 2024)

 

Avec Camilla Godo Krohn, Radoslav Vladimirov, Maya Amina Moustache Thuv

 

Festival Angers Premiers Plans 2024

Ebba, jeune femme solitaire de 18 ans, travaille dans le port d'Oslo. Un soir, elle découvre à terre un homme d'une grande beauté, blessé à la tête. Profitant de son amnésie, elle lui fait croire qu'ils sont amants et leur construit un univers bâti sur le mensonge. Mais progressivement, Ebba comprend que les pires tromperies ne viennent peut-être pas d'elle…

Mon parfait inconnu

Ebba ou l’effacement ? C’est ce que révèlent les premiers plans (quand bien même se croyant regardée elle cache furtivement sa ….cleptomanie) .Ebba ou comment rêver une autre vie ? c’est ce à quoi est convié le spectateur quand la jeune fille tout sourire répond à des questions « virtuelles » de la terrasse de cette maison qu’elle doit garder en l’absence des propriétaires. Ebba la manipulatrice ? Quand (ah l’aubaine !) elle profite de l’amnésie de cet homme blessé rencontré par hasard pour lui inventer une histoire,  qui sera aussi la sienne. Le spectateur est invité à pénétrer dans ce théâtre « d’ombres et de chimères » théâtre que renforce le huis clos de la maison.

Mensonge et fantasme, mensonge et paranoïa, mensonge et maladie mentale, mensonge et mythomanie, mensonge et monomanie  la réalisatrice en décline toutes les formes, les met en situation tels des cas de figure, et la jeune actrice  Camilla Godo Krohn (c’est son premier rôle) les incarne à la perfection (à tel point que par moments la frontière entre le réel et le fantasmé ou l’onirisme est aussi poreuse pour elle que pour le public; l’ambiguïté de la séquence finale le prouverait aisément (à quelques détails près….) et inciterait, à « revoir » a posteriori la totalité -sous un autre angle-  depuis ses prémisses  

Le mensonge comme seul moyen de survie ? Survivre à la honte de l’effacement, de l’invisibilité ? (et en ce cas uniquement le film aurait une connotation politique ce que révèle l’oxymore -ou presque- du titre)

La différence entre « rêver sa vie » et « vivre ses rêves » est parfois et délibérément  ténue dans ce film présenté au festival d’Angers (Premiers plans janvier 2024) ; certes l’émergence  du sous-sol (où Ebba est locataire) vers une appropriation des lieux est évidente (symbolique ascension?) : elle va de pair avec la main mise sur une psyché (celle d’un Bulgare qui ne serait pas exempt de tout soupçon, du moins si on se fie aux préjugés qui font florès sur la Bulgarie et ses habitants…ce dont Ebba semble persuadée !!),  elle joue en outre  le rôle de fil narratif,  assure la « dramatisation »; en revanche il n’est pas sûr que le spectateur soit convaincu par tant de coups tordus déployés…

L’intérêt bien vite  hélas ! se dissipe (et l’ennui guette !!)

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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24 juillet 2024 3 24 /07 /juillet /2024 08:08

De Sandhya Suri (Angleterre Inde  2024)

 

avec Shahana Goswami (Santosh) Sunita Rajwar  (Sharma) Nawal Shukla (Inspecteur Thakur) 

 

 

Festival de Cannes 2024 Un Certain Regard

Sypnosis:  Une région rurale du nord de l’Inde. Après la mort de son mari, Santosh, une jeune femme, hérite de son poste et devient policière comme la loi le permet. Lorsqu’elle est appelée sur le lieu du meurtre d’une jeune fille de caste inférieure, Santosh se retrouve plongée dans une enquête tortueuse aux côtés de la charismatique inspectrice Sharma, qui la prend sous son aile.

Santosh

Intouchables ? Il y a ceux que personne ne veut toucher et ceux que personne n’a le droit de toucher »(Sharma)

Santosh, premier long métrage de fiction de Sandhya Suri, illustre ce système de castes ses injustices sur fond de nationalisme hindou (et d’islamophobie) et de machisme forcené. La gamine violée, le suspect appartiennent aux classes inférieures lesquelles subissent les affronts et humiliations des riches propriétaires exempts de tout soupçon (le puits, et la découverte du corps violé, l’altération de son eau par la présence d’animaux morts en serait l’illustration ), Et si le film s’apparente à un thriller (plainte, enquête, découverte du « coupable » idéal, interrogatoire musclé et tortures) thriller non dénué de corruption…il vaut surtout par le traitement de la violence faite aux femmes ….à travers le regard et le « destin » de Santosh ; il se mue  ainsi en film d’apprentissage.

Il s’ouvre sur une forme de violence inscrite dans la viduité même : être veuve en Inde est une « déchéance » (répudiée par la belle-famille, accablée de maux, Santosh dans ce plan d’ensemble consacré au conciliabule semble effacée en s’effaçant mais on peut lire dans son regard la force de la détermination). Alors qu’elle a revêtu l’uniforme de policière - ce que permet la loi (hériter d’un poste de la fonction publique après la mort du conjoint) uniforme censé conférer un semblant d’autorité, elle subit les sarcasmes des mâles majoritaires dans ce corps de métier. Isolement et humiliation est-ce le sort réservé aux femmes policières (ce dont se souvient la « cheffe » Sharma) ? Après avoir été félicitée pour sa traque (et des extraits de presse corroborent ses compétences) mais après avoir commis l’irréparable (ne pas spoiler) Santosh est envahie par le remords …La dernière séquence sur le quai de la gare (le choix mûrement réfléchi) frappe aussi par un bel hommage au cinéma : un couple sur l’autre côté du quai, Santosh le voit par intermittences lors du passage d’un train de marchandises, comme s’il y avait des sautes ….dans le plan ou des effets de flash à répétition !! Apparente circularité de la narration que la posture de témoin ? Mais à l’œil de la caméra du début s’est substitué à la fin celui de Santosh …

 L’impression monochrone (le beige des uniformes et des bâtiments officiels) accentue un aspect naturel (recherché dans le documentaire) ; les gros plans sur le visage de Santosh, sur ses yeux scrutateurs hagards ou exorbités  illustrent son émoi et ses questionnements ; l’alternance entre les travellings arrière (quand elle est vue de dos) et les prises en frontal, les effets de clair-obscur et la bande-son pour la marche solitaire dans des ruelles  de nuit qui semblent métaphoriser l’aspect tortueux de l’enquête et de la …justice, les scènes de groupe où l’autre est bafoué,  où triomphent hilares les sarcasmes, le duo incarnant deux approches (revendications progressistes / acceptation de la corruption) mais soudé ….comme les deux faces d’un même médaillon, tout cela participe d’une dramatisation bien scénarisée, que la réalisatrice met au service d’une vision de l’Inde moderne féminine et lucide dans laquelle nous sommes comme immergé Shahana Goswami (Santosh) Sunita Rajwar (Sharma) incarnent avec une puissance convaincante les dilemmes les choix le pacte avec la compromission ( insoutenable parfois) les refus et atermoiements ...

A ne pas manquer

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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23 juillet 2024 2 23 /07 /juillet /2024 05:40

De Jonathan Millet (France)

 

avec Adam Bessa  (Hamid), Tawfeek Barhom (Harfaz) , Julia Richter (Nina)

 

Cannes 2024 semaine de la critique (ouverture)

argument: Hamid est membre d'une organisation secrète qui traque les criminels de guerre syriens cachés en Europe. Sa quête le mène à Strasbourg sur la piste de son ancien bourreau.

Les fantômes

Corps entassés bringuebalés dans l'obscurité, musique surdimensionnée accompagnant les cahots du camion militaire ; arrêt ; ouverture de la bâche ; aveuglés par la lumière ces « prisonniers » titubant (tels des spectres) sont livrés à la solitude et à la chaleur du désert, alors que cinglent les ordres et que claquent les balles…  C’est la scène d’ouverture, un prologue saisissant ! Parmi ces rescapés de la prison Saidnaya voici Hamid empêché de secourir un autre camarade,  par le soldat qui le menace de son arme (était-ce son bourreau ?)

C’est le parcours  d’Hamid que nous allons suivre désormais (à Strasbourg Berlin Beyrouth Paris) lui l’ex-prisonnier engagé dans une organisation à la recherche des tortionnaires  ces "criminels de guerre syriens cachés en Europe" 

Les fantômes : un film où le hors champ sur la terreur est aussi palpable que celle subie par Hamid -dont les cicatrices sur le dos, sont les stigmates. Terreur que ressuscitent ces voix enregistrées.... plus suggestives que des flash-backs  Hamid en tant que père et époux  est aussi en proie à la douleur , celle d'avoir perdu ces êtres chers à jamais disparus ....il les contemple tels des fantômes sur cette photo. si précieuse -avant son enfouissement définitif mais qui ne sera pas synonyme d’oubli !  

Un film où s’opère la fusion par mimétisme du paysage intérieur et des lieux traversés ou approchés. Le  choix de la bibliothèque pour traquer l’ennemi, l’ex bourreau,  n’est pas anodin (moins par le fait qu’Hamid fut professeur de lettres que par la volonté implicite de tout répertorier tout consigner et la bibliothèque  temple du souvenir , métaphorise cette volonté)

Un film qui renvoie aux films d’espionnage pour la thématique de la  traque mais  qui s’interroge sur le deuil la justice la vengeance., Le choix de cadres serrés ou de gros plans sur un visage un regard suspicieux exalté scrutateur, celui de la sobriété mais aussi celui de sons amplifiés voire déformés sont au service d’une tension qui jamais ne faiblit. Le jeu de l’acteur Adam Bessa -tout en intériorité nuances et magnétisme- emportera l’adhésion du spectateur -

La mission d’infiltration qui inévitablement passe par le mensonge va culminer dans cette rencontre, un face à face à la table du restaurant de l’université, où Hamid et son ex bourreau disent calmement les pires mensonges…Auparavant Hamid s’était fié à ses intuitions (les odeurs la voix la main portant les séquelles des atrocités commises sur lui lors des interrogatoires)

Eminemment sensoriel ce film met en exergue une urgence quasi organique

 

Un film à ne pas rater !

 

Colette Lallement-Duchoze

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22 juillet 2024 1 22 /07 /juillet /2024 06:34

de Matt Winn (G-B 2023) 

 

avec Shirley Henderson (Sarah), Alan Tudyk,(Tom) Rufus Sewell,(Richard) Olivia Williams (Beth) Indira Varma (Jessica)

 

présenté en compétition au festival du film britannique de Dinard 2023

Argument: Sarah et Tom sont en proie à de graves difficultés financières : leur seule solution est de vendre leur maison londonienne. Lorsque leurs amis débarquent pour un dernier dîner, Jessica, une vieille amie, s’invite et se joint à eux. Après une dispute à première vue sans importance, Jessica se pend dans le jardin. Tom s’apprête à appeler la police lorsque Sarah réalise que si l’acheteur l’apprend, la vente tombera à l’eau, ruinant ainsi leur couple. La seule façon de s’en sortir est de ramener le corps de Jessica dans son propre appartement. Après tout, qu’est-ce qui pourrait mal tourner...

Dîner à l'anglaise

On ne  se suicide pas chez les autres

 

Un suicide juste avant de déguster le clafoutis ; un cadavre encombrant, -que l’on planquera un moment dans un placard-toilettes- des couples vacillant sous le poids du règlement de compte. N’est-ce pas un ressort de la comédie noire ? Le découpage en tableaux -annoncé par des intertitres « the trouble with… »- le huis clos dans la maison londonienne -dont le plan d’ouverture sur la façade illustre l’aspect carton-pâte, bien que géorgien- un huis clos -hormis l’escapade nocturne pour "conduire"  le cadavre "chez lui" at home", , les visites intempestives (policiers, voisine, acquéreur) comme entrées et sorties de personnages secondaires,, les  unités de temps de lieu et d’action,  tout cela apparenterait "dîner à l’anglaise" à du théâtre filmé. Il est vrai aussi que le comique de répétition (clafoutis) et certains rebondissements et propos -que l’on éructe en bavant- sont typiques du théâtre de boulevard…

Certes par le rôle du hors champ, de quelques flash-backs, ainsi que par la bande son qu’il a lui-même composée Matt Winn tend à s’affranchir de ce dispositif préconçu. Son  dîner à l’anglaise  serait la satire (incisive parfois) de la misanthropie des bourgeois huppés de la middle class  - l’individualisme forcené éclate dans ces volte-face (la femme humiliée a mis en quarantaine sa moralité, ses préceptes et ses larmes, son mari, l'avocat des violeurs… porte  tout en bandoulière)  Et le titre originel  (et original) the trouble with Jessica serait  plus convaincant (celle qui n’existe -dans le film- que par le regard des autres, jaloux ou libidineux est encore plus encombrante morte…. que vivante)

Ecriture ? interprétation ? redondances ? cabotinage ? manque de mordant ?

dîner à l’anglaise ne saurait convaincre…

on risque même de …s’ennuyer (un comble !! pour le « so british »)

 

Colette Lallement-Duchoze

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21 juillet 2024 7 21 /07 /juillet /2024 04:03

de Andi Nachón et Papu Curotto  (Argentine 2023)

Avec Carla Crespo, Susana Pampin, Antonella Saldicco 

 

 

 

 

Festival Premier Film Anonnay 2024,  Prix spécial du jury 

Cinelatino - Toulouse

Festival International du nouveau cinéma latino-américain La Havane

 

Sypnosis: Julia vient de perdre sa compagne, Barby. Déchirée entre son chagrin et sa vie qui bascule, elle s'efforce de maintenir le restaurant qu'elles avaient fondé ensemble et le lien qui l'unit au fils de sa partenaire, León. Mais cette relation privilégiée est désormais menacée par une grand-mère obstinée et le retour inattendu d'un père absent

León

Survivre à l’être aimé, reproduire seule les gestes jusque-là partagés, dans cette absence présente, (qu’illustrent les flashback, parfois inattendus à cause du montage) dans cette présence absente (le discours de la mère déplorant son incurie a la force convaincante d’une confession posthume) tout cela est traité avec délicatesse. (et l’interprétation royale de Carla Crespo y contribue).

 

León est à la fois le titre du film, le prénom du fils de Barby, la défunte, (fils aimé de son autre mère Julia, de sa grand-mère, du père géniteur) et le patronyme du restaurant (d’ailleurs le passage du lieu d’habitation au lieu de travail s’opère avec fluidité, comme si le spectateur était convié en un lieu unique celui du deuil et de la vie) . C’est là que Julia doit « reconstruire » une autre famille et peut-être « vendre » ce qui avait scellé sa complicité amoureuse avec Barby

 

On devine le parti pris des deux réalisateurs : ne jamais verser dans le pathos , encore moins dans le sentimentalisme, exalter la puissance de l’amour (la tendresse dans les échanges via Skype entre Julia et León,  un flashback sur les corps féminins enlacés dans leur savoureuse nudité, sur les baisers les sourires alors que la mort est suggérée par un panneau « fermeture pour cause de deuil ») exalter la puissance des gestes du quotidien (pour accueillir et satisfaire les clients), tout en ménageant de bout en bout une certaine retenue.

 

Mais n’est-ce pas précisément la limite de ce film sur « le deuil et la parentalité lesbienne » dont le traitement (déplacements de la caméra qui capte le décor intérieur, et/ou l’appropriation de l’espace par les acteurs, passage furtif passé/présent) aura fait triompher la théâtralité - qu’atténue à peine la récurrence du plan sur les poissons colorés

 

A vous de juger !

 

Colette Lallement-Duchoze

,

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19 juillet 2024 5 19 /07 /juillet /2024 05:37

de Victor Iriate (Espagne 2023)

 

avec Lola Dueñas, Ana Torrent, Manuel Egozkue

 

Mostra de Venise (septembre 2023)

Synopsis: Il y a vingt ans, on a séparé Vera de son fils à la naissance. Depuis, elle le recherche sans relâche, mais son dossier a mystérieusement disparu des archives espagnoles. Il y a vingt ans, Cora adoptait un fils, Egoz. Aujourd'hui, le destin les réunit tous les trois. Ensemble, ils vont rattraper le temps perdu afin que chacun puisse panser ses blessures et remettre les choses à leur place.

Dos madres

Ce film s'inspire d'un scandale d'État : l’enlèvement d’enfants à la naissance au prétexte de les éloigner de la « mauvaise influence politique de leur mère…scandale révélé en 2010 par le documentaire « les enfants volés du franquisme »- Et dans la première partie certaines images d’archives -à la force suggestive décuplée car elles sont muettes -- ainsi que la voix off de Vera rappellent cette atroce tragédie…qui a perduré après Franco....

 

Dans ce premier long métrage, chapitré en plusieurs parties, - points de vue, lettres, voix off qui se relaient -à travers le parcours de la mère biologique (admirable Lola Dueñas découverte avec Almodavar) celui de la mère adoptive et de l’enfant, Victor Iriate mêle le roman d’espionnage le roman épistolaire et le carnet de voyage. Sa mise en scène inventive originale n’est pas dénuée toutefois de  maniérisme voire d'affèterie (exercice de style censé tenir à distance le spectateur ?)

 

D’emblée le film se donne à « lire » telle une partition : voyez ces doigts qui suivent un itinéraire routier lequel se prolonge par un plan de ville avant de montrer le continent sud-américain ; une main rencontre une autre main alors que les deux montres au poignet (accordées comme le seront plus tard les pianos sous l’égide d’Egoz à San Sebastian ou les trois montres au final) inscrivent le film dans une forme de durée (formelle réelle et fictionnelle )  lui insufflant un tempo. Doigts qui frappent le clavier de la sténotype (première partie) ou les touches du piano (deuxième partie) , doigts et mains à l’unisson dans le tracé puis l’exécution du « plan » conçu par Vera (troisième partie) 

 

Partition d’un « crime atroce ». En citant en exergue, dès le générique,  un extrait d'Amuleto du poète chilien Roberto Bolaño, le réalisateur espagnol imprime à son film (dont le titre originel est sobre todo de noche)   atmosphère angoissante et terreur politique ; quand bien même ça n’en aura pas l’air car c’est moi qui parlerai. Ce dont témoignerait la longue lettre de Vera adressée au fils ? Elle rappelle (voix off) toutes les tentative, les recherches,  les démarches (même les plus illégales) les refus essuyés.  A-t-elle imaginé ? comme on le lui a fait croire.... Et nous suivons son parcours dont le traitement rappelle le film d’espionnage le film noir et le thriller (cf le pistolet caché dans un livre, l'échange de liasses, les morts programmées, les propos comminatoires etc...) elle-même revendique son "basculement dans la clandestinité" 

 

La voix off de Cora prend le relais:  tout un pan de quotidienneté assumée (mère adoptive et fils) dans un traitement plus naturaliste est l’objet de la deuxième partie avant que le « trio » - n’exalte en exultant une sororité exemplaire, ainsi que  les relations aimantes mère(s) et fils. Le voyage au Portugal frappe par son mélange de contemporanéité et d'obsolescence  (ne serait-ce que par le recours systématique aux médaillons/effigies) tout en célébrant la beauté des rives du Douro. 

 

Ainsi s’opèrent non seulement la fusion mère biologique/mère adoptive/fils mais aussi formellement l’effacement des disparités; car les nouveaux masques -perruques ou colorations des cheveux- ont remplacé les spécificités propres à chacune des parties, pour l’exécution du plan, dans l’ex prison de Porto … !

 

On pourra être émerveillé voire subjugué par la puissance créatrice de Victor Iriate, mais parfois  agacé par un formalisme non exempt de préciosité….

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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18 juillet 2024 4 18 /07 /juillet /2024 06:11

De Bas Devos (Belgique 2023)

 

avec Stefan Gota, Liyo Gong, Cedric Luvuezo, Teodor Corban

Sypnosis: Stefan est ouvrier dans le bâtiment à Bruxelles. Sur le point de rentrer chez lui en Roumanie, il rencontre en traversant la forêt une jeune chercheuse d’origine chinoise qui étudie les mousses et les lichens. L’attention qu’elle porte à l’invisible l’arrête net dans son projet de retour.

Here

Un homme a déposé cette soupe pour toi. Comment s’appelle-t-il ? Esquisse d’un sourire sur le visage de ShuXiu (Liyo Gong) écran noir avant le générique de fin et la question restera en suspens …

Une esthétique de l’inachèvement ?

 

Here il est vrai, aura laissé à quai pas mal de spectateurs « il ne se passe rien ; une telle écologie c’est pas pour nous » Et pourtant !!

Here est un pur film sensoriel en ce sens qu’il sollicite simultanément toutes les sensations (gustative visuelle auditive et tactile). Le format 4,3 permet de circonscrire dans le cadre tout un pan de forêt (sous-bois) qu’une pluie inonde et sublime, de mettre face à face les deux visages en extérieur ou à l’intérieur du bar chinois « longue marche » alors que le thème musical répété en leitmotiv surligne ou domine la musique de la pluie ; l’utilisation du microscope jouant sur les échelles fait advenir, en les décomposant, mousses et lichens aux échos des verts émeraude ; un festival de lumières de couleurs au service d’une approche de l’invisible (infiniment petit).

Mais ne nous méprenons pas : le réalisateur ne joue pas sur l’opposition (trop facile) nature/milieu urbain, microcosme (des cellules végétales) et macrocosme (des buildings). La  bryologue dont la passion sera communicative, explore la mémoire du vivant (les mousses qui tapissent la forêt ne contiennent-elles pas toute la « mémoire du monde » ?)

La coexistence (ou cohabitation) de structures, d'éléments apparemment sinon incompatibles du moins antagoniques (grand et petit, visible et invisible, abstrait et concret) voilà ce qui est au cœur de Here ; d’ailleurs une forme d’interchangeabilité dans le passage de l’un.e à l’autre en témoigne aisément !

 

Certes il ne se passe pas grand-chose :  au sens où primeraient action et rebondissements

Minimalisme -des paroles-, plans prolongés fixes, lenteur du rythme, autant de moyens pour capter l’instant dans son tremblé (Dans un bus, face à un réfrigérateur, avec Tatie et ses préparations culinaires, dans ces mains qui se nouent en s’étreignant, rencontres au détour d’une rue de la ville, la caméra est devenue microscope de l’humain tout comme elle recompose les aspects des paysages (urbain et naturel)

 

Voici en arrière-plan un immeuble en construction (première image) voici des arbres comme bordure à l’espace urbain. Serions-nous à la lisière de ? à l’instar de Stefan l’insomniaque …. Lors d’une seconde rencontre avec ShuXiu, entre Bruxelles et Vilvorde (cf l’affiche) l’ouvrier est invité (tout comme le spectateur d’ailleurs) non seulement à regarder à la loupe l’invisible mais aussi à se « tenir à bonne distance » dans son appréhension du ….vivant. Et quand la voix off -celle des réminiscences ou du rêve- quand le souvenir (enfance en Roumanie) se superposent au « hic et nunc » c’est moins pour le supplanter que pour signifier l’importance de l’autre, dans la quête du vivant. En prônant la construction d’une conscience collective du présent, dans sa matérialité comme dans son histoire, le film n’est-il pas éminemment politique ?)

 

Laissons-nous transporter dans cet univers du « vivre ensemble » à la quotidienneté singulière !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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17 juillet 2024 3 17 /07 /juillet /2024 04:55

De Gustav Möller  (Danemark 2023)

 

avec Sidse Babett Knudsen (Eva) Sebastian Bull (Mikkel) Dar Salim (Rami)

 

74ème festival international du film de Berlin (février 2024)

 

Prix Sang neuf au 4e Festival du film policier de Reims. 

Synopsis: Eva gardienne de prison est confrontée à un dilemme quand un jeune homme qu'elle reconnaît, est transféré dans son établissement pénitentiaire. . Sans dévoiler son secret, elle sollicite sa mutation dans l'unité du jeune homme, réputée comme la plus violente de la prison. 

Sons

Rappelez-vous « the guilty » ce premier long métrage de Gustav Möller qui avait emporté notre adhésion ! (cf The Guilty - Le blog de cinexpressions ) Dans Sons nous sommes de nouveau plongé(s) dans une atmosphère anxiogène celle d'un huis clos, hormis qu’ici il s’agit du milieu carcéral et plus particulièrement du quartier haute sécurité -enfermement à la fois physique et mental que renforce le choix du format 4,3- A la puissance du son, de la parole, s’est substituée celle du regard (regard des deux protagonistes, relayé jusqu’au voyeurisme par les œilletons des portes de cellules et les caméras de surveillance). L'intrigue ? Une confrontation savamment dosée, (montée de la tension, son acmé et sa chute) un face à face entre deux « monstres » et le constat amer conclusif de Rami « on ne peut sauver tout le monde »

Voici une matonne -quasiment la seule femme dans un univers d’hommes-, une gardienne de prison dévouée, aimant son métier, (cf les premiers plans où en ouvrant la porte de chaque cellule Eva salue d’un sourire et d’un mot bienveillant chaque détenu) Mais elle a un secret ….et il va ressurgir avec l’arrivée d’un taulard extrêmement dangereux Mikkel Elle demande à être affectée dans l’unité de ce jeune homme. Le sourire a déserté son visage, le regard s’est durci et simultanément cette matonne au-dessus de tout soupçon (admirablement interprétée par Sidse Babett Knudsen, l’héroïne de la série Borgen entre autres) commet les pires actes haineux, motivés par une soif vengeresse (on pense à Camille dans la pièce Horace de Corneille « donne moi donc barbare un cœur comme le tien…tigre altéré de sang) Placide et perverse, elle nargue, transgresse les règles du code carcéral, sadique elle prend plaisir à humilier, jusqu’à un retournement de situation (en faveur de l’autre monstre…mais ne pas spoiler) Face à elle un abominable taulard, un « monstre » de cruauté sanguinaire que la présence maternelle (au parloir du moins) semble atténuer , un monstre « lucide » avec Eva …

Passons outre quelques invraisemblances, ou quelques facilités scénaristiques. Mais force est de constater que malgré une interprétation talentueuse (avec une économie de moyens Sidse Babett Knudsen rend compte de la complexité torturée et torturante de son personnage) , malgré une dramaturgie (sens du récit)  exemplaire (avec ses alternances de tension extrême et d’accalmie, l’absence de temps mort, le caractère imprévisible du comportement de Mikkel) malgré les jeux d’abyme (les deux prisons, Eva et Mikkel cherchant à se « réparer l’un à travers l’autre ( ?) il manque ce « je ne sais quoi » qui entraînerait une totale adhésion….

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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16 juillet 2024 2 16 /07 /juillet /2024 05:48

de Shujun Wei (Chine 2023)

 

avec Yilong Zhu, Zeng Melhuizi, Tiantai Hou, Tong Lin Kai

 

Prix du jury Festival de Cannes 2024 (ex aequo avec Borgo) 

Synopsis: En Chine, dans les années 1990, trois meurtres sont commis dans la petite ville de Banpo. Ma Zhe, le chef de la police criminelle, est chargé d'élucider l'affaire. Un sac à main abandonné au bord de la rivière et des témoignages de passants désignent plusieurs suspects. Alors que l’affaire piétine, l’inspecteur Ma est confronté à la noirceur de l’âme humaine et s'enfonce dans le doute...

Only the river flows

Une atmosphère trouble et aqueuse de bout en bout, une pellicule 16mm, telle serait la spécificité de ce film adapté d’une nouvelle de Yu Hua. Bien sûr il s’agit d’un « polar » (enquête recherche du coupable, l’auteur présumé de meurtres commis dans une petite ville chinoise et le « fou » serait le coupable idéal) mais cette intrigue est rapidement évincée par l’exploration d’autres tréfonds -quelle est cette folie qui habite chacun d’entre nous ?   Ma Zhe, policier d’élite -qui est de tous les plans- est lui-même tiraillé entre les exigences professionnelles (on le somme de « boucler » au plus vite pour le prestige !)  et celles de sa vie privée (sa femme est enceinte, mais l’analyse de sang place le couple face à un dilemme "garder ou non l’enfant qui risque d'être anormal"  ) Nous pénétrons sa psyché, partageons ses doutes et ses tourments et ce voyage intérieur est bien l’essentiel de ce film primé à Cannes

Une salle de cinéma aménagée, -nouveau local de la police-, une scène d’ouverture (gamin déguisé en policier armé pourchassant des enfants dans de sombres ruelles, dédales d’un immeuble délabré, ouvrant des portes avec fracas avant un « éblouissement » inattendu sur le ….vide ) autant de signes (ou signaux) avant-coureurs, censés alerter le public: il va assister au spectacle de la comédie humaine…dans un Etat qui, en pleine mutation, privilégie les enquêtes policières à l’ouverture par la culture ou l’art !

Quand une sonate au clair de lune -en décalage avec les images- le transportera vers un autre univers (l’onirisme) que la musique incessante de la pluie qui ruisselle le cloue dans des cloaques ou que la traque du fou (adopté par la vieille, première victime d’un criminel jamais appréhendé) le contraint à sinuer dans les méandres de l’enquête, oui le spectateur est constamment pris à partie dans un parcours dédaléen dont se moque le supérieur plus préoccupé par le ping-pong ….(mais ne serait-ce pas encore une métaphore ? )   et qui n’a de cesse de mettre fin à l’enquête (lui-même dépendant de diktats supérieurs…)

Un film exigeant (et dans la construction, une apparente absence de logique, et dans les critiques du pouvoir, nous sommes dans une période de transition, entre sous-développement et modernité, transition douloureuse pour les …plus démunis !)

Nouvelle interrogation sur la "quiddité" du cinéma ?

Un film à la beauté âpre - que je vous recommande

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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15 juillet 2024 1 15 /07 /juillet /2024 07:53

de Yorgos Lanthimos (USA 2023)

 

avec Jesse Plemons Emma Stone Willem Dafoe

 

 

Sélection Festival de Cannes 2024 (Compétition officielle) 

Prix d'interprétation masculine pour Jesse Plemons 

 

 

Une fable en trois volets: Un homme  tente de prendre le contrôle de sa propre vie ; un policier s'inquiète  du retour de son épouse disparue; une gourou recherche une femme providentielle pour sa secte 

Kinds of kindness

Yorgos Lanthimos a ses détracteurs qui lui reprochent une démarche à la fois intellectualisée et trop cruelle dans l’analyse des bassesses de l’être humain et  un goût prononcé pour certaines outrances stylistiques, …D’autres érigent en qualités souveraines ces deux reproches !

Le triptyque  Kinds of kindness, (avec les mêmes acteurs et un personnage  R.M.F qui donnera son titre à chacun des trois volets, la mort de  R.M.F,  R.M.F vole, R.M.F mange un sandwich … ) n’y échappe pas (en l'absence toutefois d'outrances stylistiques) . Plans et cadres tirés au cordeau, très millimétrés, coexistence -parfois dans le même cadre -, d’un réalisme cru (voire gore) et d’un fantastique onirique (annoncé parfois par cet «aveu/constat : j’ai fait un rêve ») choix du format et d’une musique qui nous immergent dans la « prison » mentale des protagonistes (et la prestation d’Emma Stone ou de Jesse Plemons récompensé d’ailleurs par le prix d’interprétation masculine au festival de Cannes, y contribue) ce qui n’exclut pas l’humour (noir certes) Car à n’en pas douter les fans de ce réalisateur grec vont apprécier le fait de « transposer » dans l’Amérique contemporaine les dystopies plus ou moins expérimentales de ses débuts (Canine Alps ou The Lobster) avec une rigueur qui confine -délibérément ?- à la rigidité  (enfilades, rues désertes, maisons témoins, rôle des vitres avec le jeu des « transparences »)

Tout cela au service d’une démonstration qui ne peut que désenchanter : l’amour y est évoqué tel un moyen de soumission et de …consommation.

Le titre, une ’antiphrase ?? En fait R.M.F n’est-il pas le témoin de ces personnes qui s’efforçant d’être « bienveillantes » en viennent à accomplir les pires monstruosités, dans un monde déréglé…Raymond ce patron persuadé d’œuvrer pour le « bien » de Robert son employé, en contrôlant son alimentation, en le sommant de ne pas avoir d’enfant et… de commettre des actes répréhensibles n'est-il pas l’exemple le plus probant de ce dérèglement ? et Robert devenu esclave, va apprendre la soumission, soumission qui galvanise ou du moins entretient le délire du patron…

Serviabilité qui se confond avec servilité dans les rapports de travail, dans les relations conjugales ou les relations communautaires n’est-ce pas ce que dénonce Yorgos Lanthimos dans Kinds of kindness ?

Sa fable est cauchemardesque j’en conviens. Désopilante aussi

Une fable avertissement, une fable mise en garde, que je vous recommande

 

Colette Lallement-Duchoze

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