21 octobre 2022 5 21 /10 /octobre /2022 06:25

de Louis Garrel 2021

 

avec Louis Garrel, Roschdy Zem, Noémie Merlant, Anouk Grinberg, Jean-Claude Pautot 

 

Présenté hors compétition festival Cannes 2022

 

 

Abel panique : il vient d'apprendre que sa mère Sylvie, la soixantaine, est sur le point de se marier avec un homme en prison. Aidé par sa meilleure amie Clémence, il va tout faire pour essayer de la protéger. Mais la rencontre avec Michel, son nouveau beau-père, pourrait bien offrir à Abel de nouvelles perspectives

 

 

 

 

L'innocent

Le film s’ouvre sur une leçon de théâtre en trompe-l’œil. Et le trompe-l’œil, le faux semblant, sera la « dynamique » de ce film-comédie aux allures de polar (braquage) où cohabitent avec plus ou moins d’élégance et de conviction les sentiments amoureux et familiaux, et les clins d’œil au métier d’acteur (et de scénariste…)

 

Oui trompe-l’œil, faux semblants, que ces "masques", cette filature grotesque (Abel, protecteur de sa mère suit, encapuchonné et maladroit, Michel son nouveau beau-père), ce braquage rocambolesque; mais paradoxalement trompe-l’œil vitalisant dans la recherche du vrai. Si la répétition (face à face Abel/Clémence) dans un hangar fait écho à la scène d’ouverture, elle va enclencher un processus de dévoilement (la frontière entre l’imaginé et le réel devenant de plus en plus ténue ; on ne sait si les larmes d’Abel sont sincères...) Une séquence mérite une attention particulière car elle cumule dispositif narratif, processus dramatique et choix cinématographiques ; voici au premier plan à l’intérieur du restaurant le couple assis simulant une dispute conjugale, au second plan le chauffeur cible, à l’arrière-plan le parking drapé de nuit, « théâtre » des opérations ; montage parallèle et alterné et circulation des regards ; tout est minuté, il faut être inventif face à des impondérables (la cible ne mangera pas le plat initialement prévu ; les "braqueurs" peinent à ouvrir le  "fourgon de caviar"  jusqu’à l’apparition intempestive de "faux"  policiers »…)

 

L'aquarium, cette "bulle translucide" aux effets spéculaires connus de tous,  devient le théâtre de "tous les possibles" et la thématique essentielle,  celle de la "reconstruction" , ne sort-elle pas  agrandie,  en dépit de ou grâce à ces "faux semblants" ??

 

Des acteurs assez étonnants (mention spéciale à Noémie Merlant) Un récit souvent loufoque dans ce faux aspect "amateur" (car tout est "monté" comme une pièce de théâtre)  qui clignote d’allusions (le choix de la ville des frères Lumière, les chansons d’un autre âge  Pour le plaisir  d'Herbert Léonard entre autres) la dédicace à la mère (on sait que Brigitte Sy non seulement avait animé des ateliers d’écriture en prison mais avait épousé un  "détenu" Louis Garrel avait alors 18 ans…puis avait adapté ce vécu dans les Mains libres) tout cela fait que "l’innocent" serait de l’aveu même de Louis Garrel le contrechamp des "mains libres " du point de vue de l’enfant avec cette légèreté des premiers spectacles faits d’aventures de suspense de vaudeville qu’on voit avec ses parents »

 

L'innocent une  joyeuse galéjade? une comédie bouffonne? 

 

Si au sens étymologique l’innocent est celui qui ne nuit pas, ne pourrait-on - mutatis mutandis-  l'appliquer à ce film dans son entièreté ?

Jouer le rôle d’un autre pour mieux appréhender son être, n’est-ce pas l’innocence même…. de l'acteur de cinéma, et  de  Louis Garrel , ..... en particulier ?? 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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20 octobre 2022 4 20 /10 /octobre /2022 03:24

E O

De Jerzy Skolimowski (Pologne 2021)

 

avec Sandra Drymalska (Cassandra) , Tomasz Organek, (le mec) Lorenzo Zurzolo :( Vito)  Mateusz Kościukiewicz : Mateo Isabelle Huppert : la comtesse; Lolita Chammah : Dora ; Agata Sasinowska : Kaja ; Anna Rokita: Dorota;  Michał Przybysławski : Zenek ; Gloria Iradukunda : Zea ; Piotr Szaja : le marié;  Aleksander Janiszewski: l'huissier

 

 

Festival Cannes 2022 prix du jury  

Prix de l'AFCAE : Mention spéciale

Cannes Soundtrack Award : Disque d'or pour Paweł Mykietyn

 

Le monde est un lieu mystérieux, surtout vu à travers les yeux d'un animal. Sur son chemin, EO, un âne gris aux yeux mélancoliques, rencontre des gens bien et d'autres mauvais, fait l'expérience de la joie et de la peine, et la roue de la fortune transforme tour à tour sa chance en désastre et son désespoir en bonheur inattendu. Mais jamais, à aucun instant, il ne perd son innocence

 

E O

 

Moins un œuvre militante au service de la cause animale qu’une plongée dans les ténèbres si douloureuse soit-elle, une fresque où l’humanité est vue à travers le regard d’un âne, moins ascétique qu’ "Au hasard Balthazar"  -dont il se réclame-, ce long métrage aux allures parfois de cinéma expérimental, est si audacieux et créatif visuellement, sa musique est si chargée émotionnellement (Paweł Mykietyn le compositeur a remporté le prix Cannes Soundtrack de la musique de films) qu’il renoue avec l’essence même du cinéma (laisser parler les images). Son pouvoir hypnotique, son mélange de réalisme d’onirisme et de fantastique, loin de nous faire braire (cf D Fontaine Le canard enchaîné) ne peut que sidérer d’autant que EO se prête à une lecture plurielle, et refuse l’anthropomorphisme

 

Après avoir été arraché -dans une douleur partagée- à sa compagne équilibriste, EO va traverser bien des contrées sauvages, -réelles ou imaginées-,  filmées dans leur beauté primitive, de la Pologne à l'Italie, à pied ou en van, rencontrer bien des "propriétaires" , être la proie ou la victime expiatoire d’hommes aux motivations peu  "humaines" ( l’équipe de foot aurait perdu  à cause de lui,  le pugilat transforme les humains en monstres primitifs), finir dans un palais italien, avant d’accomplir l’ultime étape d’un "chemin de croix" (une dernière séquence stupéfiante où la compacité des animaux effarés s'inscrit dans le rituel d'une mort ....annoncée!!) 

 Au plus fort de la "souffrance"  et de l’absence torturante, ses   "rêves" le ramènent à la scène originelle, et à la personne aimée, Cassandra ; le langage cinématographique va suppléer au mutisme et concrétiser sentiments supposés ou rêves insensés

 

Voici des plans (res)serrés sur l’encolure, des très gros plans sur l’œil hagard ou circonspect, où perle une larme, des cils à la gracile graphie, voici un corps comme sculpté, vu de profil, de face ou en travelling, une peau qui palpite, des pas récalcitrants qui refusent d’avancer, pelage naseaux  oreilles qui frémissent sur fond de "braiment".

 

Voici sans transition le passage au rouge monochrome (celui de l’affiche et de la séquence liminaire) des anamorphoses, des surimpressions, des plans qui se « tordent », une envolée vers le fantastique -quand le corps mutilé dans son sursaut vers la Vie, devient un  "canidé électronique" , ou que les flots  par leur impétuosité dévastatrice rappellent le Déluge, par  exemple

Des paysages parcourus et vécus comme autant de bifurcations dans ce  "road movie"  de quadrupède !!

 

 

Une fable hallucinée et hallucinante aux ruptures de ton à répétition, où le langage cinématographique a retrouvé son panache, et le cinéma son essence même !!!

 

 

Un film à ne pas rater !

 

Colette Lallement-Duchoze

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18 octobre 2022 2 18 /10 /octobre /2022 13:25

du 4 au 6 novembre 2022

 

à la Halle aux Toiles (pour sa traditionnelle convention)

 

et à l'Omnia (pour ses soirées de courts et longs métrages) 

 

 

http://rouenfantastique.com/

 

 

 

 

PROGRAMME OMNIA 

 

vendredi 4 novembre

 

19h30  courts métrages fantastiques et d'horreur en compétition

 

22h    rediffusion du film "Le jour de la bête"  1995 d'Alex de la Iglesia

 

 

samedi 6 novembre

 

19h30 courts métrages fantastiques et d'horreur en compétition

 

22h    rediffusion du film "hurlements"  1981 de Joe Dante 

 

 

 

 

Festival du film fantastique 11ème édition
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14 octobre 2022 5 14 /10 /octobre /2022 06:28

de Gilles Perret 2022

avec Pierre DeladonchampsLaetitia DoschGrégory MontelFinnegan OldfieldVincent DeniardMarie DenarnaudKeith FarquharSamuel Churin

 

sortie nationale le 19 octobre 2022

L’usine Berthier en Haute-Savoie une entreprise de décolletage, doit à nouveau être cédée à un fonds d’investissement…Une nouvelle vente très mal vécue par les salariés qui ont décidé de s’organiser pour racheter eux-mêmes leur usine. Ce n’est pas une brève de l’AFP mais le scénario de Reprise en main, en salles le 19 octobre

 

ou 

Comme son père avant lui, Cédric travaille dans une entreprise de mécanique de précision en Haute-Savoie. L’usine doit être de nouveau cédée à un fonds d’investissement. Epuisés d’avoir à dépendre de spéculateurs cyniques, Cédric et ses amis d’enfance tentent l’impossible : racheter l’usine en se faisant passer pour des financiers !

 

 

Reprise en main

Après des films documentaires : Les Jours heureux, 2013, Les jours heureux - Le blog de cinexpressions ; l’histoire de la Sécurité Sociale (La Sociale », 2016), La Sociale - Le blog de cinexpressions ; le parcours de Jean-Luc Mélenchon (« L’Insoumis », 2018) L'insoumis - Le blog de cinexpressions, les Gilets Jaunes (« J’veux du soleil ! », 2019) J'veux du soleil - Le blog de cinexpressions puis le rôle des femmes dans « les métiers du lien » (« Debout les Femmes ! », 2021), Debout les femmes! - Le blog de cinexpressions Gilles Perret crée une œuvre de fiction, qui lui apporte plus de liberté  et l’assurance de ne compromettre personne (propos réitérés lors de la rencontre hier soir à l'Omnia). Le thème ? Il s'inscrit dans une réalité économique et financière: à savoir la "mainmise" des groupes financiers sur le fonctionnement des entreprises (le fameux LBO (leveraged buy-out ou rachat avec effet de levier, est un montage financier permettant le rachat d'une entreprise en ayant recours à beaucoup d'endettement) et le film va mettre en oeuvre (sens propre et figuré) , méthodiquement avec ses espoirs, ses attentes,  ses désillusions, la  "reprise en main"  par les ouvriers eux-mêmes,  grâce au montage d’une stratégie qui retournera contre le lobby de la finance, ses propres armes

Il s’ouvre sur une ascension à " mains nues" . Parois verticales de la falaise du Bargy- filmées de façon vertigineuse- qui enclavent abruptement la vallée de l’Arve. Vallée alpine que connaît bien Gilles Perret pour y avoir passé son enfance (comme il le rappelait  lors de la rencontre). Montagne symbole d’une  "prise en main", d’une ascension ? Cédric (Pierre Delalonchamps) l'ouvrier-varappeur, l’homme qui  "monte" ? la récurrence de ces images, l’opposition avec Frédéric (Finnegan Oldfield) lui qui s’entraîne en salle tout en surévaluant ses capacités -avec aplomb et mauvaise foi -, le laisseraient supposer….

Cédric travaille dans une usine de décolletage, comme son père (Rufus) et même s’il avoue que les combats ont changé de nature, il n’a de cesse de faire sien l’idéal prôné par son père, de dénoncer des conditions de travail abjectes (la vétusté de machines cause d’accidents, les cadences qui incitent à ne pas toujours respecter les consignes de "sécurité" -clin d'oeil à 325000 francs de R Vailland?-, les renvois injustifiés) et voici qu’un " rêve social"  peut se concrétiser. Cela se fera dans la bonne humeur (cf les soirées bien arrosées avec les potes de toujours ; le rôle de la comptable (Laetitia Dosch) les gaffes à répétition, les portraits-caricatures ciselés telles des eaux-fortes, le groupe local à la musique entrainante Les marmottes,  etc.)

 

Car le film de Georges Perret sans être une utopie (cf la dernière séquence qui fait écho à celle de la « vente aux enchères »…..seuls les « acteurs » auront changé) cherche avant tout à insuffler l’espoir. En cela le pari est réussi (le réalisateur se plaît d’ailleurs à jouer sur la polysémie de l’expression  "reprise en main")

 

Et comme dans ses documentaires,  un fil directeur, tel un mantra  filmer local, penser global ; l’humain au premier plan! 

 

Raison suffisante pour préférer ses films-documentaires (?) 

 

Colette Lallement-Duchoze

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13 octobre 2022 4 13 /10 /octobre /2022 16:13

In the Name of the Duce (Au nom du Duce/Naples-Rome). Israël, Italie, Grande-Bretagne, 1994, 52 min.

Auteur & réalisateur : Amos Gitaï 

Éditeur & distributeur : Agav Films.

à voir sur Médiapart (en partenariat avec Tënk) 

visible pendant un mois 

 

« Au nom du Duce », en 1993, Amos Gitaï filme la résurgence du fasc... | Mediapart

Fratelli d’Italia, parti post-fasciste mené par Giorgia Meloni, a largement dominé les élections italiennes du 25 septembre dernier. Comme avant en Suède, en Hongrie…, l’extrême droite s’installe.

En 1990, le cinéaste israélien a réalisé une trilogie sur cet inquiétant virage politique européen. Le documentaire que nous vous présentons, en partenariat avec Tënk, la plateforme du documentaire d’auteur, a été filmé en 1993 à Rome et à Naples.

Ici, la tête d’affiche avait surtout un nom : Mussolini.

Au nom du Duce

Troisième volet de la trilogie de Gitaï sur la montée de l'extrême droite en Europe dans les années 90. Phénoménologie politique (sans commentaire) et road movie électoral tourné en quatre jours. Dans ce journal filmé à budget réduit, Gitaï dévoile peu à peu le réel qui domine encore le parti néo-fasciste italien : l'icône et le souvenir de Benito Mussolini, dont les militants du MSI essayent de cacher le poster face à la caméra. Dans une sorte de psychanalyse sociale, Gitaï rétablit via le cinéma une vérité historique enfouie. Il met en dialectique la mémoire des vieux juifs napolitains persécutés et le présent du MSI, pour la première fois au gouvernement après 1945 (avec Berlusconi) et prêt à s'ouvrir politiquement à Israël. Un film sobre pour se battre contre la violence de l'oubli et la rhétorique du pardon.

Federico Rossin Historien du cinéma, programmateur indépendant 

Tënk 

 

Son prénom est Alessandra. C’est la petite fille de Benito Mussolini, fondateur du fascisme et allié à Adolf Hitler durant la Seconde Guerre mondiale. Elle se présente sous l’étiquette du MSI, le Mouvement social italien, fondé dès 1946 par d’anciens fascistes et sympathisants. Elle n’a pas grand-chose à dire de son programme politique, elle précise d’ailleurs n’être pas toujours d’accord avec le MSI, mais qu’importe, elle a un nom qui suffit à raviver une idéologie, elle le brandit. Mussolini rassemblera 30 % des voix à Naples lors de ces élections municipales.

Amos Gitaï ne s’attarde pas sur elle, qui débite les poncifs, mais cherche à tout prix à filmer l’affiche électorale que le MSI ne veut pas dévoiler à « la presse étrangère ». Sa ténacité lui permettra de saisir un instant l’image où ne claque qu’un seul nom.

Amos Gitaï fait le cinéma qu’il a toujours fait : des images qui se mêlent, un kaléidoscope, des sons qui se couvrent les uns les autres. Comme pour signifier ici la confusion qui peut mener au chaos. Entre les meetings, les manifestations et les invectives dans la rue, s’intercalent pourtant de longs récits de juifs napolitains persécutés durant la Seconde Guerre mondiale. Ils disent la douleur des souvenirs, l’inquiétude de l’avenir. Cette vérité historique que le MSI voudrait occulter, Amos Gitaï décide de la brandir à son tour.

Et si l’un de ces juifs admet ne pas avoir peur en ce jour de 1993, il ne peut cacher sa crainte de la résurgence de l’antisémitisme avec la renaissance du fascisme : car « les choses ne commencent pas par des déclarations officielles », prévient celui qui sait, du fait de son histoire, que ces discours autorisent implicitement qu’adviennent « des manifestations populaires, des attaques ou des graffitis contre les juifs ».

 

Film à petit budget tourné en une poignée de jours, Au nom du Duce a été fait pour que l’on n’oublie pas.

En 1993 comme en 2022.

Médiapart 

 

 

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12 octobre 2022 3 12 /10 /octobre /2022 12:17

Court métrage de Carlos Saura (Espagne 2021)

 

San Sebastian International Film Festival 2021

Guadalajara International  Film Festival 2021

 

Saura crée et récupère plus de trente images, dessins et photos qu’il imprime, manipule et filme afin de créer une histoire qui reconstitue la guerre civile espagnole et reflète les horreurs d’une guerre universelle à travers les yeux d’un enfant et de son environnement

ROSA ROSAE une élégie de la guerre civile espagnole

 

La guerre civile espagnole a profondément marqué l’enfance du légendaire réalisateur Saura, dont la prolifique œuvre a perduré après la dictature de Franco.

 

Cette merveille musicale de 6 minutes, faite de traits de fusain expressifs et fragiles, est un regard émouvant et enfantin sur un conflit.

(commentaire MUBI)

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11 octobre 2022 2 11 /10 /octobre /2022 04:43

Documentaire réalisé par  José Luis López -Linares (France Espagne Portugal 2021)

scénario: Jean-Claude Carrière & Cristina Otero Roth

Chef opérateur : José Luis López Linares, Andrés Recio Illán  

Montage : Cristina Otero Roth

 

Amoureux des arts et fin connaisseur de Goya, Jean-Claude Carrière nous guide dans son œuvre incomparable. Pour en percer le mystère, il accomplit un dernier voyage en Espagne qui le ramène sur les traces du peintre. Des liens se tissent avec des artistes issus du monde du cinéma, de la littérature et de la musique montrant à quel point l’œuvre de Goya est influente.

 

 

L’ombre de Goya (par Jean-Claude Carrière)

 

Une œuvre pépite à ne pas manquer ! c’est ainsi que l’on m’avait vanté les qualités de ce documentaire

Que le réalisateur-documentariste José Luis Lopez Linares donne la parole à Jean-Claude Carrière (scénariste du film) jusqu’à l’inclure dans le titre quoi de plus « naturel » ? Voyage dans l’espace et le temps (récurrence du train, diversité des lieux visités : maison natale de Goya, Musée du Prado, Musée du Louvre, chapelles et basiliques; diversité des personnes interviewées)  mais surtout dans l’intime (ce qu’affirme d’emblée J-C Carrière « se mettre dans l’esprit du peintre, ce qu’il imaginait pour lui et non pour les autres »).

Mais là où l’exacerbation -du  "ressenti" ou du "doctissime", de la "duplication"  du commentaire -celui de Carrière face à un tableau de Goya, repris par l’épouse, du concept de  "continuum" ou de la  "transmission"  qui (re)lie le peintre du XVIII° le cinéaste du XX° (Buñuel) et le scénariste), l’emporte sur tout le reste on est en droit de s’interroger.

Oui l’ombre de Goya va se mêler à celle de Carrière (dont c’est l’ultime voyage par-delà les Pyrénées) et à toutes celles qu’il a côtoyées (Buñuel surtout dont la  "proximité"  avec le peintre -l’Aragon natal, la surdité, l’exil -est plus qu’évidente) Mais pourquoi  "noyer" le « propos » dans une mise en scène parfois racoleuse ? jouer ad nauseam sur les « échelles » (très gros plan du visage de Carrière, regardant La Maja nue et la Maja vêtue qu’il salue au final comme un adieu au peintre ( ?) ou un clin d’œil à « l’obscur objet du désir » de Buñuel ? En frontal ou de profil pour « commenter » de façon très subjective … Que le nœud rouge sur le vêtement blanc de la duchesse d’Albe renvoie à celui du chien patte arrière n’a aucun intérêt s’il se limite à un simple constat ; en revanche opposer la joie de vivre des paysans fiers d’avoir accompli une journée de labeur (scène champêtre) à la présence insidieuse d’un château (symbole du pouvoir) à l’arrière-plan et "comparer" ce dernier avec l’impressionnante meule de foin (premier plan) comme pour signifier la toute-puissance du peuple, fait du personnage JC Carrière un guide précieux quand bien même certains spectateurs dénonceraient des extrapolations

Ne nous méprenons pas. Je ne remets nullement en cause l’intelligence de celui qui fut un des plus grands scénaristes du XX° (et le voir à l'écran entendre sa voix pénétrante fut un régal)  mais je m'interroge sur  la démarche du documentariste (cf Le mystère Jérôme Bosch - Le blog de cinexpressions )

 

.Nous retiendrons l'exhortation à  "écouter le silence"  la chose du monde la plus difficile à entendre"

 

La lumière peut aveugler tout autant que l’obscurité, n’était-ce pas la « leçon » des « fantômes de Goya » (2006) fiction de Milos Forman dont Jean-Claude Carrière fut le scénariste ?

 De même la reconstitution par Carlos Saura de Tres de mayo - dont le documentaire de José Luis Lopez Linares propose des extraits-, s’inscrit dans cette volonté d’immersion à partir des « désastres de la guerre » (on ne peut qu’être ébahi par le travail en studio de ce court métrage de 2021)

 

Colette Lallement-Duchoze

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8 octobre 2022 6 08 /10 /octobre /2022 13:32

de Hany Abu-Assad (Autorité nationale palestinienne,  Egypte 2021)

avec Ali Suliman, Maisa Abd Elhadi, Manal Awad, Omar Abu Amer, Kamel El Basha, Jalal Masarwa 

 

 Festival international du film de  Toronto (2021)

 

Soirée d'ouverture: festival "regards sur la Palestine" Omnia Rouen vendredi 7 octobre 2022

 

Inspiré de faits réels, Huda’s Salon est un thriller féministe où deux femmes luttent pour leur liberté.

Reem, une jeune mère mariée à un homme jaloux, se rend au salon de Huda à Bethléem, pour une coupe de cheveux. Mais cette visite ordinaire tourne au cauchemar  lorsque Huda, la fait chanter (pactiser avec les services secrets israéliens , et ce faisant trahir son peuple!!!)

Huda's Salon

Hany Abu-Assad est bien connu des festivaliers (Omar, le chanteur de Gaza, Paradise now entre autres) et d’un film à l’autre ils se sont familiarisés avec ses thématiques traitées parfois avec humour mais sans céder à un manichéisme facile tout en défendant la  cause des « résistants »

Dans Huda’s salon l’action se situe à Bethléem Cisjordanie Palestine occupée depuis…1967 érection d’un mur dès 2002 les difficultés de « survie »: le contexte politique est d’emblée signalé par des encarts et des images qui défilent telle une mosaïque dédaléenne. Un des effets pervers de cette occupation illicite (et pourtant impunie) est la traîtrise organisée : les services secrets de la force d’occupation infiltrent payent monnayent aident à obtenir des documents "vitaux", en échange d’informations ciblées (planques d’armes par exemple). Les "traîtres" -qui souvent ont été "piégés"-  savent que leur vie est en danger (la résistance palestinienne a elle aussi ses « services secrets » et exécute les « coupables » et quand la traîtrise se double du « péché d’impureté » c’est toute la famille qui est suspectée et menacée!

MAIS l’originalité de ce film est de mettre en exergue la double oppression des femmes palestiniennes : victimes de l’occupant ennemi, elles subissent aussi les forces patriarcales de leur communauté. La jeune mère Reem en sera comme la victime expiatoire (même si les dernières paroles prononcées laissent ouvertes certaines perspectives…). Piégée par sa coiffeuse Huda -une espionne travaillant pour le compte des occupants israéliens,, elle est menacée par la résistance palestinienne, ne peut se confier à personne (ni à sa mère, ni à son amie et encore moins à son mari jaloux) Elle portera à bout de bras et son bébé et sa dignité bafouée ; elle la traîtresse et l’impure alors qu'elle est innocente !!! Regard hébété, vomissements, (tels des crachats pour expectorer la haine de soi), tentative de suicide, désir de fuite (encore faut-il un visa en bonne et due forme….qui ne peut être délivré que par …les services secrets israéliens)

Après un prologue, -long plan séquence dans le salon de coiffure,- qui se veut humoristique (les méfaits de facebook) et les dialogues revendicatifs de ces deux femmes « émancipées », le réalisateur a opté pour le « thriller » (avec rebondissements suspense traques) et un montage alterné et/ou parallèle (l’interrogatoire à huis clos de Huda par le « chef » Hassan (Ali Suliman).de la Résistance palestinienne, d’une part et la « survie » cauchemardesque de Reem -chez elle, dans les transports en commun, chez le médecin, d'autre part)

Ombres portées dans un immense hangar/tunnel (cf l'affiche) où l'exécution de Huda se fera hors champ ; celle de son sous-fifre avait envahi l’écran de ses flammes) Lumières voilées (les motifs des voilures et de la literie chez Reem contrastant avec la « noirceur » de l’impureté théâtralisée ; le produit qui dessille les yeux de la victime empoisonnée pour simuler la connivence sexuelle, l’instillation oculaire répétée par Hassan comme métaphore d’une situation complexe et embuée !!)

Des contrastes et des subtilités certes !!

Mais il est regrettable que la « démonstration » (car démonstration il y a surtout lors du face à face Huda Hassan) soit entachée de lourdeurs et que l’interprétation en pâtisse (alors que nous avions vu Ali Suliman bien plus convaincant dans 200 mètres par exemple et Maisa Abd Elhadi plus talentueuse dans The reports on Sarah and Salim) The reports on Sarah and Saleem - Le blog de cinexpressions

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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4 octobre 2022 2 04 /10 /octobre /2022 06:13

La 5ème édition de la biennale "Regards sur la Palestine"

 

ce sera à L'OMNIA

 

les vendredi 7 samedi 8 et dimanche 9 octobre 2022

Festival Regards sur la Palestine 5ème édition

 

Soirée d'ouverture vendredi 7

 

à partir de 18h30

de la musique, un généreux buffet à l'orientale à prix libres, un accueil surprise avec un studio photo, 

 

 

projection en avant-première à 20h

de Huda's Salon de Hani Abu Assad 

suivie d'un débat en visio-conférence avec le réalisateur , en direct de Palestine

Festival Regards sur la Palestine 5ème édition

Samedi 8 octobre

 

10h     FEDAYIN  2020 Collectif vacarmes 

 

14h      200 mètres  Ameen Nayfeh 2020

 

16h      Et  il y eut un matin  Eran Kolirin  2022 (Et il y eut un matin - Le blog de cinexpressions)

 

18h      Gaza  Andrew McConnell  & Garry Keane  2018

 

 

20h      One more jump  Emanuele  Gerosa 2021 (One more jump - Le blog de cinexpressions)

 

Festival Regards sur la Palestine 5ème édition

dimanche 9 octobre

10h30

 

 

5 courts métrages 

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29 septembre 2022 4 29 /09 /septembre /2022 05:46

de Jean Libon et Yves Hinant, (Belgique France 2021)

 

avec Jean-Michel Lemoine, Anne Gruwez

 

Festival Arras 

GIJON INTERNATIONAL FILM FESTIVAL – Espagne, 2021 Meilleur acteur pour Jean-Michel Lemoine 

 

Strip Tease est de retour ! Dans ce nouveau long-métrage, une prostituée bruxelloise est assassinée à son domicile. Alain, son ex-compagnon boucher et junkie notoire, semble être le coupable idéal. Toutefois, le jeune suspect ne se souvient absolument pas d’avoir tué cette femme. Une pièce à conviction va alors tout chambouler : une frite !

 

ou: 

 le commissaire Lemoine plus Hutch que Starsky enquête sur une affaire de meurtre dans les quartiers chauds de Bruxelles. Kalima Sissou prostituée occasionnelle, a été assassinée chez elle. Le coupable : Alain, boucher de formation et ex petit copain. Le hic est qu’il ne se souvient pas de l’avoir tuée…Une frite, un tupperware et sainte Rita vont permettre à Lemoine et son équipe de pieds nickelés de l’incriminer. Interpol n’a qu’à bien se tenir ! Un joyeux polar noir réalisé par l’équipe de Strip-Tease

 

Poulet frites

Tourné il y a plus de 15 ans sous forme d’un triptyque (le flic la juge et l’assassin) poulet frites est comme le préquel de « Ni juge ni soumise » (Ni juge, ni soumise - Le blog de cinexpressions. Magritte et César 2019 du meilleur documentaire. Mais si tout le matériel informatique et téléphonique est d’un autre âge, son utilisation reste à peu près la même et les interrogatoires poursuivent les mêmes objectifs. Bien plus, en raccourcissant les 3x52 minutes, en opérant des « coupes », les deux auteurs Jean Libon et Yves Hinant affirment vouloir « aller droit au but, resserrer les éléments factuels, opacifier ou obscurcir la frontière entre fiction et documentaire ». Ce qui ne les empêche nullement d’égratigner l’institution policière belge, se gausser de ses connivences avec les autorités internationales ; car d’indice en indice de révélations en révélations le commissaire Jean-Michel Lemoine qui joue son propre rôle, téléphone à qui « de droit » aux USA au Pakistan à Londres …et au passage s’autorise de prétendus « bons mots » à l’encontre de suspects étrangers

Alain est le suspect numéro 1. Arrêté, interrogé, il nie tout en bloc « si je l’avais tuée je m’en souviendrais je m’en serais aperçu quand même » ne cesse-t-il de clamer pour prouver son innocence ; or il était présent sur les lieux du crime et des témoins signalent qu’il s’était disputé avec la victime ; mais il ne se souvient de rien…Le commissaire lui ne néglige aucune piste pour lever méthodiquement progressivement le voile sur les zones d’ombre. Les frites ? puisque c’est le seul indice;  avec qui la victime mangeait-elle ? Pourquoi n'y a-t-il qu'une assiette  si la victime était avec quelqu'un ? Et quel mobile avait le meurtrier? quand ont-elles été achetées ? comment ont-elles été préparées ? cuisinées ? en quelles circonstances ?? etc etc…l’heure est grave et pourtant ce plat de frites ne se prête-t-il pas à de l’autodérision (qui affecte aussi bien le commissaire, la juge Anne Gruwez, que les inspecteurs et les agents).

Et comme la caméra filme au plus près les protagonistes, elle accentue l’exigüité et la promiscuité -tour à tour alliées et ennemies. Un « faux » documentaire dans toute sa crudité : absence de voix off, absence d’interviews, mais une dynamique de champs contrechamps ; et comme il est question de "dramatisation",  le montage va privilégier rebondissements suspense (comme dans les fictions de série B ?)

Car disons -le tout net ce sont bien les petites gens des quartiers défavorisés qui par manque de moyens  s’entassent dans des trous à rats : drogués sdf, minorités ethniques oui des   suspects,  forcément ....des suspects.....

L’enquête n'est-elle pas  prétexte à la peinture d'une comédie humaine?  ne met-elle pas en exergue les travers d'une société clivante et déshumanisée? 

Alain est filmé de dos à chaque interrogatoire mais quand il sera disculpé,  son visage jaillit enfin dans la lumière!!! (c'est-à-dire face à la caméra bienveillante )

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Le Belge est comme ça. Tout le monde nous est passé dessus ! Vous d’abord, les Allemands, les Autrichiens, les Hollandais… Et ça continue. On est la quintessence de cette histoire qui dure depuis dix siècles. Heureusement qu’on rigole, sans ça on serait prêt à se suicider ! » Jean Libon 

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