11 août 2024 7 11 /08 /août /2024 06:16

de Sean Baker (2015 USA)

 

avec Kitana Kiki Rodriguez , Mya Taylor Karren Karagulian

 

Prix du jury festival Deauville 2015

 

Cycle rétrospective Sean Baker Omnia  - avant la projection de Anora (Palme d'or Cannes 2024)

Synopsis À la veille de Noël, à Los Angeles, Sin-Dee, une jeune prostituée transsexuelle, récemment sortie de prison après une peine de 28 jours, apprend par sa meilleure amie que son souteneur et amant lui a été infidèle. Réagissant vivement, Sin-Dee part sans hésiter à sa poursuite à travers la ville. Dans sa quête, l'exubérante Sin-Dee sera confrontée à des situations rocambolesques et à des marginaux qui composent la sous-culture urbaine.

Tangerine

Entièrement tourné à l’aide d’I Phones, (couleurs et tremblé de certains plans) accompagné d’une musique techno (tonitruante surdimensionnée parfois) le film ausculte la communauté des travestis en faisant de la ville Los Angeles un personnage à part entière. Unité de temps (24h) de lieu (los Angeles) et d’action (retrouver Chester)

 Tangerine  s’ouvre et se clôt sur le Donut Time. C’est Noël.

A sa sortie de prison, Sin Dee  y est attablée avec son amie Alexandra qui, malencontreusement lui apprend que Chester (le mec et mac ) l’a …trompée avec une Blanche « avec un vagin et tout ».C’en est fini de ces retrouvailles enchanteresses couleur mandarine; Sin Dee n’aura de cesse de rechercher cette femme, de se venger…et nous allons suivre la sémillante ingambe dans sa course effrénée vengeresse. nous emboîtons son pas alerte adoptons ses enjambées fougueuses, et voici que toute une vie interlope éclate dans les interstices les lueurs ou les recoins de Los Angeles   En montage parallèle nous suivons un chauffeur de taxi d’origine arménienne Razmik (chaque course est l’occasion d’un mini-sketch comique souvent savoureux, chaque client incarnant une classe une idéologie un travers une solitude..)

Or les deux parcours apparemment parallèles ne peuvent que se croiser : Razmik connaît très bien Alexandra ; il va s’adonner d’ailleurs aux plaisirs (monnayés) de la fellation le temps d’un lavage auto dans une station… avant de rejoindre sa famille pour le réveillon…Mais…

La dernière séquence où tous les protagonistes (famille arménienne incluse) se retrouvent au Donut  Time vaut son pesant de …donuts…

Un film énergique, fait de fureur et de furie, un film cocasse et tendre à la fois (cf la séquence où Alex chante dans une salle quasiment vide), un film à voir ou revoir

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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10 août 2024 6 10 /08 /août /2024 07:07

 d’Andrei Tanase (Grèce Roumanie 2023)

 

avec Catalina Moga, Paul Ipate, Alex Velea, Nicolae Cristache

Synopsis: Suite à un signalement, Véra, vétérinaire, accueille dans son zoo une femelle tigre à laquelle elle s’attache rapidement. Un soir, alors qu’elle vient de surprendre son mari en plein adultère, Vera, ivre de colère, omet de refermer la cage du fauve. Le lendemain, la tigresse est introuvable. La jeune femme et son mari prennent alors la tête d’une expédition improbable pour retrouver l’animal....

Tigresse

C’est un premier long métrage apparemment sans prétention mais dont l’objectif avoué était d’insuffler dans le  cinéma roumain une autre forme de réalisme…

Refusant les effets numériques, Andrei Tanase a travaillé avec de véritables animaux ! ..

De plus il fait coïncider (astucieusement ?malicieusement? ) deux intrigues -la traque du fauve et les déboires d’un couple (confronté à deux problèmes : adultère, inhumation de leur bébé mort non baptisé) MAIS en dehors de toute intention allégorisante (n’est-ce pas un peu facile, réducteur d’affirmer que la première symbolise la seconde ?)  les deux sont concomitantes : un couple est passé au scalpel lors d’une traque au fauve ;  les deux vont s’imbriquer, les deux présentent des similitudes (mais de là à faire de Vera une tigresse encagée dans des principes…non !) Certes le questionnement sur le couple sa fragilité sa genèse peut être perçu comme l'écho -lointain ou feutré- d'une "traque" ;et la trajectoire de la battue (zoo, forêt, ville) menée par des policiers et le personnel du zoo sera simultanément celle d’un autre itinéraire, cheminement mental de Vera « passant» d’un « état » à un autre  tout en sachant que le  temps de  la battue, avec ses aléas ne saurait coïncider avec celui d’une éventuelle réconciliation -quand bien même le couple, en première ligne, dialogue avec sarcasmes de la nature profonde de leurs sentiments, de leur passé …Une halte (pause ?) le mari tout ébranlé par une morsure de serpent appréhende une mort prochaine…, il gémit, terrassé alors que sa femme  agile fait corps avec un arbre ; à l’écoute du moindre bruit pour une localisation… dans l’espace… qui est aussi l’espace d’une re-connaissance intime (réconciliation espace/ temps ?)

Poreuse la frontière entre le monde animal et le monde des hommes. ?- le recours aux champs contre champs semble établir un dialogue à distance ou capter des regards, substituts du verbe ! Et si Vera « renifle » cette table d’opération (qui fut aussi l’autel des ébats amoureux entre son mari et une étudiante…) si elle décide de dormir à même le sol, tel un animal lové dans l’herbe, c’est que par son métier (vétérinaire) et son amour des bêtes, elle sait leur "parler"  les "apprivoiser"…

Certes il y a des intrigues parallèles ou du moins des thématiques à l’état d’ébauches à peine esquissées (le tatoué et sa bande de mafieux, la société roumaine et son arrière-fond de corruption, les pénuries de médocs au centre, le pouvoir éhonté de l’église orthodoxe, par exemple) mais cela n’est-il pas compensé par l’humour pince sans rire parfois ? (cf le rituel quasi religieux qui préside à l’enterrement du fauve et les visages confits d'émotion des humains...) et par le jeu discret, sans esbroufe, sur les changements d’échelles, de points de vue

Tigresse un premier film prometteur !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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9 août 2024 5 09 /08 /août /2024 04:31

Documentaire réalisé par Bruce Weber sorti en 1988 . Version restaurée 2024

 

 

À partir de témoignages, d’extraits de films et de concerts, se dessine un portrait de Chet Baker, trompettiste de jazz et chanteur virtuose. Rongé par la drogue, le musicien, alors dans la dernière année de sa vie, raconte intimement son parcours.

Lest's get lost

Un documentaire aussi halluciné et hallucinant que le fut le trompettiste et chanteur Chet Baker  « ce grand brûlé de l’existence » ? Quelle débauche d’incongruités formelles, quelle inflation d’anecdotes, quel foisonnement d’archives (interviews témoignages extraits de films concerts photos etc..) archives que le réalisateur photographe Bruce Weber a insérées au montage après avoir interviewé l’artiste en 1986 1987

Un rythme souvent trépidant, des audaces au montage -coexistence de deux visages de l’artiste, l’un jeune et l’autre aux rides si marquées que c’en est devenu un monstre (d’addiction…), des contre-plongées au ras du sol, des plans à l’envers, un découpage qui fait fi de la chronologie passant allègrement d’une interview datée à des photos de l’enfance, ou des plans qui s’entrechoquent sans logique apparente (à l’instar de ces auto tamponneuses ?) intention ( délibérée?) de "proposer" une succession de clips ???

 

Nous entendons des témoignages contradictoires (sur le tabassage qui l’a contraint à porter un dentier par exemple) écoutons les versions différentes de deux femmes « aimées » (Ruth et Diana qui s’insultent par-delà les interviews la seconde n’hésitant pas à rendre la première responsable de la chute vertigineuse de l’artiste…) Mais aussi les témoignages bouleversants des membres de sa famille ou de ceux qui l’ont accompagné à ses débuts : le photographe William Claxton, le producteur Richard Bock ou le trompettiste Jack Sheldon,

Et voici qu’apparait un jeune chanteur au visage d’ange;  nous sommes en Californie années 1950.

Ressemblance troublante avec un de ses fils tel un sosie !!!

: Cannes mai 1987 (soirée exceptionnelle  pour les 40 ans du festival)  Chet Baker déteste le public des festivaliers (trop soucieux du paraître, ils sont incapables de recueillement). Avertissement : il "ordonne" le silence    A  bout de forces, comme l’ombre de lui-même, lèvres collées au micro voix chuintante dans son dentier, il  interprète un de ses standards ’Almost blue "l'inflexion des voix chères qui se sont tues" ?

 

Let's get lost: Un documentaire fulgurant sur une étoile filante …Suicidé ( ?) à 58 ans d’overdose…. Chet Baker à la silhouette si fragile, au visage anguleux émacié, à la voix enchanteresse (pour ses fans) Chat Baker le virtuose et reconnu comme tel dans le monde du jazz. Chet Baker l’ange… déchu ? l’homme blessé ?

On pourra  déplorer que l’anecdote - le spectaculaire- l’emporte sur la ….musique comme si le documentariste proposait  son "propre phantasme de l'artiste" 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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8 août 2024 4 08 /08 /août /2024 06:35

de Juan Sebastiàn Torales   (Argentine 2023)

 

avec Nicolas Diaz, Martina Grimaldi, Maria Soldi, Cali Coronel, Luisa Lucia Paz,  Beto Frágola

 

Présenté en avant-première à Rouen Omnia (avril 2024 festival Ciné  Friendly 7ème édition )

 

festival du film et de la vidéo Inside Out 2023,  prix du jury du meilleur premier long métrage. 

 

 

Synopsis: Dans son quartier à Santiago del Estero, au nord de l'Argentine, le jeune Nino est régulièrement la victime d'actes homophobes parce qu'efféminé. Afin de le protéger, sa mère très croyante emmène toute la famille à la campagne pour les vacances d'été. La forêt près de la maison a la réputation d'être hantée par l'Almamula, un monstre qui, selon la légende, enlève tous ceux qui commettent des péchés charnels.

Almamula

Almamula' ne raconte pas l’histoire du monstre qui vit dans la forêt, mais le monstre que nous, en tant qu’êtres humains, avons créé autour de la sexualité, et comment tout cela nous fait parfois peur.

 

 

Le film s’ouvre sur une séquence de lynchage - des jeunes s'acharnent sur Nino accusé d'homosexualité ; la violence  perpétrée laisse induire un réquisitoire et/ou un plaidoyer : réquisitoire contre l’homophobie plaidoyer pour la liberté sexuelle Tout en bifurquant vers la fable, le film s'oriente  simultanément vers une autre critique virulente, celle de la religion catholique qui préside à l’éducation des enfants -incarnée par la mère bigote de Nino  et par l'adipeux curé  (Nino « victime » expiatoire ? Nino à la recherche de repères dans cette forêt « interdite » censée abriter un monstre dispensateur d’ordalie, l’Almamula,  qui selon la légende dévore châtie ceux qui commettent le péché de la chair)

 

Nino traverse les arcanes de la forêt (miroir du désir, lieu rêvé de l’inconscient) il se familiarise, seul, avec eux. Excité par une image du Christ le corps lacéré de plaies et le sexe à peine voilé, il se masturbe,  il se sait coupable il en souffre et il implore la présence de l’Almamula…Nous assistons à un long lent (presque hypnotique) « voyage initiatique » un voyage mental jusqu’à une forme d’acceptation (la notion même de culpabilité est démentie par Malevo (Beto Frágola)  dont la beauté sculpturale, celle des dieux antiques subjugue le jeune Nino cf le long travelling arrière sur le corps nu )

 

Le réalisateur a opté pour une approche très sensorielle : importance de la bande son, des bruissements, des bruitages fracassants, des stridulations d'insectes;  confusion paysage réel et fantasmé quand un tableau représentant l’Almamula faisant corps avec la forêt,  envahit tout l’écran. Approche sensorielle qui se double de la lutte (ou du moins d’une tension) entre la torpeur (renforcée par la torridité estivale) et la grâce sensuelle, entre la foi - empreinte de religiosité- et le désir, entre l’interdit religieux et un mysticisme très sexué :(alors que le curé commente le tableau où l’on voit des soldats romains déshabillant Jésus un camarade constate « il n’y a que des hommes » ; alors que la mère a fait ériger un Christ agonisant pour célébrer la Communion, Nino sans intention de profanation blasphématoire arrache avec douceur (fantasme assumé ?) le cache-sexe..) '

 

 

Certes les intentions du réalisateur sont parfois surlignées, le symbolisme souvent appuyé, (lourdingue diront certains) la réconciliation attendue,  trop ...prévisible (?) …

 

Variation sur le désir et la notion de péché Almamula n’en reste pas moins un film à la beauté solaire, convulsive et…subversive que je vous recommande

 

Colette Lallement-Duchoze

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5 août 2024 1 05 /08 /août /2024 09:29

de Carlos Vermut (Espagne 2022)

 

avec Nacho Sánchez (Julián, concepteur de jeux vidéo), Zoe Stein (Diana), Aitziber Garmendia (Sandra), Álvaro Sanz Rodríguez (Cristian), Ángela Boix (la mère de Cristian), Lara Tejela López (la réceptionniste aux urgences), Miquel Insua (le médecin aux urgences),

 

 

Feroz 2023 : meilleur acteur pour Nacho Sánchez et meilleure affiche

Festival du film espagnol Cinespaña de Toulouse 2023 : Violette d'or du meilleur film, prix de la meilleure interprétation masculine pour Nacho Sánchez et prix de la meilleure photographie pour Alana Mejía González

Synopsis: Julián est un jeune homme solitaire qui plonge dans les univers virtuels pour concevoir des jeux vidéo et notamment des monstres. Après avoir sauvé son jeune voisin d'un incendie, une étrange oppression semble le saisir. Jusqu’au jour où il se crée un avatar sexuel qui va peu à peu contaminer son monde réel.

Creaturas

Quand j’étais petit, je voulais être un tigre

Un film étrange !!: "lucide" et "dérangeant" à la fois ; un film où la lenteur du rythme,  la pénombre, le cheminement mental font coexister le réel et un imaginaire "monstrueux" (comme le dit explicitement le titre originel « manticora » ce monstre légendaire persan mi-lion mi-scorpion mais à visage humain). Certes un peu à la manière froide et implacable de Michael Haneke mais sans provoquer un insoutenable malaise… tout au plus un trouble qui ira s’épaississant ! Et le jeu prodigieux de l’acteur (dont le visage et le regard hébété rappellent Buster Keaton) y contribue tout autant que le montage et l’atmosphère. Carlos Vermut ausculte le monde du jeu vidéo en sa double composante, industrie et art (le 10ème  ?) à travers le parcours de Julián un talentueux concepteur. En nous faisant franchir la frontière entre sa  "vie"  (apparemment normale) et le monde de ses créatures, il dévoile les "monstres" - ces désirs inavoués car inavouables-  qui habiteraient chacun d’entre nous ???

Julián mal dans sa peau préfère la solitude qu’il peuple non de ses rêves mais de "créatures" phantasmatiques. Nous le voyons dès la séquence d’ouverture avec son casque VR -réalité virtuelle-, élaborer des « figures » dont nous ne pouvons imaginer que des contours ; dès le début aussi l’épisode de l’incendie peut être appréhendé comme la manifestation de dévorations intérieures , de leur lente combustion; et les non-dits à propos du gamin Cristian qu’il sauve des flammes sont en fait très "éloquents"  (le retour sur les lieux les prétextes invoqués pour pénétrer dans l’immeuble le confirmeront) Et d’ailleurs son appartement  encombré de peu d’objets (une table, des consoles…), ne serait-il pas comme le prolongement de son  "intériorité"? (Appréhension à formuler des désirs, que l’on va compenser par l’accès au monde virtuel ??? Un refuge cathartique ???) La séquence finale ne manquera pas de soulever des interrogations (mais ne pas spoiler)

Les références sont nombreuses -depuis le gros plan sur le visage de Saturne dévorant son fils (tableau de Goya) que Julian contemple en compagnie de Diana au Prado, jusqu’aux allusions à Cronenberg (vidéodrome), en passant par le dessin représentant Julián en manticore ou presque sur le mur de la chambre de Cristian- elles résonnent comme un « signal » :  la frontière entre réalité et univers télévisuel ou artistique est mince, la « folie » guette ..

En mêlant plusieurs « genres » (dont le thriller fantastique et psychologique et la comédie romantique) le réalisateur aura déstabilisé son public (par l’esquive délibérée des « attendus » et/ou par le « brouillage » des pistes) tout en lui faisant savourer des instants de « pur cinéma »

Un film que je vous recommande

 

 

Colette Lallement-Duchoze  

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4 août 2024 7 04 /08 /août /2024 11:19

de Maya Dreifuss (Israël 2024) 

 

avec Tali Sharon (Daphna) Idan Amedi (Matan) Anastasia Fein (Orly) Boaz Komforty (Cabri) Dikla, (Ahuva) Igal Naor (Nissan) 

 

Grand prix du jury du 4e Festival du film policier de Reims

 

 

Synopsis: Quelques mois après sa mutation forcée de Tel Aviv à la petite ville d'Afula, Daphna, brillante détective, découvre le téléphone abandonné d'Orly Elimelech. Connue pour ses liens avec la puissante famille Golan, cette ancienne reine de beauté est introuvable. Alors que personne ne semble s'inquiéter de cette disparition et malgré la défiance de la ville qui lui reproche avant tout d'être une femme célibataire et sans enfants, Daphna se lance à corps perdu à la recherche d'Orly

Highway 65

 Daphna (interprété par la talentueuse Tali Sharon ) néglige  son « paraître » (tenue souillonne, coiffure et lunettes) ; elle mange avec gloutonnerie maculant à chaque fois ses corsages …, boit des bières. Elle est célibataire, sans enfants! (un comble pour tous ceux qui sont inféodés aux préceptes de la bien-pensance !!) . Mais  elle refuse de pactiser avec les compromissions  (cause de son renvoi de Tel Aviv?)..……Parallèlement à ce "statut" détonnant et détonant elle est victime des propos machistes (lèche ma bite)  Se rebelle-t-elle? Apparemment non …Tenace, elle mène seule l’enquête, et assène  -impavide- -, des révélations (dont la maturation ou le cheminement logique restera hors champ avec toutefois le questionnement récurrent sur les clichés et sur  les messages enregistrés sur le portable d’Orly, - découvert…. dans le champ de maïs).. Le mode assertif  plutôt qu'’interrogatif  ?  C’est sa manière de faire advenir  la vérité….

La réalisatrice convoque parfois le fantastique Ce dont témoignent le cauchemar de Daphna à la poursuite d’Orly portant son enfant telle une jeune madone jusqu’au toit d’un immeuble…, ou l’exploitation thématique du « fantôme » de la disparue, Daphna revêt la robe pourpre, elle sera comme le « double » d’Orly (clin d’œil à  Persona ?),  Daphna les jambes maculées de sang tente de fuir dans le champ de maïs avec lequel elle se confond jusqu’à disparaître… comme …Orly ?  (cf les  deux scènes en écho)

Mais surtout c’est tout un pan de la société israélienne provinciale qui "serait"   mis à nu :  corruption, emprise d’un clan, d’une famille locale sur TOUT tels les anciens potentats, omnipotence de la mère…

Vilipendée, muselée, tabassée, Daphna se relève portant sur elle les stigmates de la violence masculine et sociale et c’est bien la place de la femme dans la société israélienne qu'est censée mettre en scène Maia Dreifuss

Et pourtant : il y a comme une paroi de verre entre l’écran et le spectateur…. Ce qui hélas ! empêche une réelle et authentique adhésion.

A voir sur écran tv un soir en …hiver (la  "prétendue"  torpeur du film ira s'amenuisant)

 

Colette Lallement-Duchoze

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4 août 2024 7 04 /08 /août /2024 06:24

de Zhang Yimou (Chine 2023) 

 

avec Teng Shen, Jackson Yee, Zhang Yi, Jiayin Lei

Synopsis. Chine XII° siècle. Une trêve intervient dans la longue guerre qui oppose l’armée intérieure des Song aux rebelles Jin du Nord avec la rencontre capitale entre Qin Hui, Premier ministre de la dynastie Song, et un représentant de l’état de Jin. Juste avant l’aube, l’ambassadeur est assassiné, et l’importante lettre qu’il amenait disparaît. Pour éviter d’être exécuté, un vieux caporal s’improvise détective pour l’état de Jin, tandis qu’un jeune officier le rejoint au nom de la dynastie Song. Et le duo a jusqu’au lever du soleil pour résoudre l’enquête, trouver le coupable,  et espérer s’en sortir ...

 

 

Full River red

Comme le précise le synopsis le film obéit à une unité de temps (ici celui du film presque 3h) unité d’action (retrouver la lettre volée) et de lieu (une forteresse tel un labyrinthe kafkaïen) Le réalisateur du « sorgho rouge » d’épouses et concubines » ou de la « cité interdite » manifeste un goût prononcé pour le tentaculaire, la musique tonitruante éclectique (le rap chinois côtoie des musiques traditionnelles) un rythme trépidant, la recherche du « gore » ( le sabre cliquète et rompt jugulaires avec fracas) du spectaculaire (qu’il s’agisse des scènes de torture,  des rassemblements au nombre impressionnant de figurants dans le dernier quart du film) et cette opposition « comique » entre les révélations dites sur un mode mineur  (voire chuchotées) et les gueulantes d’un hymne outrancièrement nationaliste outrageusement patriotique, pour un spectateur occidental (certains « vers » sont en résonance avec des réalités contemporaines --annexion de terres, ou  prétendue réappropriation selon la rhétorique bien rodée de l’hégémonie… La Chine doit être réunifiée ; chant (le fleuve rouge) élaboré dans la Chine du XII° et qui se perpétue.... comme le signale le générique de fin

Pas de temps mort -tant sont nombreux les rebondissements-, des acteurs principaux convaincants dans ce film qui mêle astucieusement la comédie (on rit beaucoup…malgré les tueries à répétition) et la tragédie -et l’on peut songer au théâtre shakespearien ou à Kurosawa. Un film qui cartonne au Box Office, Rien à voir avec des scènes de guerre d’autres blockbusters (hollywoodiens par exemple) car tout est dans un « jeu » de dupes qui se double du jeu de « coups de théâtre » (twists au cinéma) de plus en plus « improbables, voire absurdes 

Mais si l’on apprécie la  mise en scène fulgurante (et ce dans le gris foncé de la forteresse) on peut déplorer l’aspect par trop alambiqué de l’intrigue (n’en jetez plus…) qui s’épuise, le maniérisme ((hormis l’épisode de la cerise ) qui semble se suffire à lui-même (ah ces vues aériennes à répétition, ces contreplongées trop chargées de sens,) les complications frappées d’inanité -du moins pour un spectateur occidental …

Oui ce film qui narre une trahison militaire tout en évoquant une loyauté clandestine, est à coup sûr un divertissement (une farce médiévale ??) mais son  message (par trop évident) va à l’encontre de nos convictions profondes  !!!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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3 août 2024 6 03 /08 /août /2024 05:39

d'André Téchiné (2023)

 

avec Isabelle Huppert,  Hafsia Herzi, Nahuel Pérez Biscayart

Synopsis Lucie spécialisée dans la police technique et scientifique, est proche de la retraite. Son quotidien solitaire est troublé par l'arrivée dans son lotissement d'un jeune couple, parents d'une petite fille. Alors qu'elle se prend d'affection pour ses nouveaux voisins, elle découvre que Yann, le père, est un activiste anti-police au lourd casier judiciaire. Le conflit moral de Lucie entre sa conscience professionnelle et son désir d'aider cette famille fait vaciller ses certitudes

Les gens d'à côté

 

Nul manichéisme  dans le film de Téchiné.. Plutôt une confrontation entre ce qui est du domaine de l'intime des convictions personnelles et ce qui relève du code citoyen, une  mise à mal de certains clichés …(mais dont le symbolisme "facile" pourra déplaire !!!)

Par petites bribes, on apprend le trauma dont souffre Lucie (force est de reconnaître ici que la récurrence de ses rendez-vous avec le fantôme de son compagnon suicidé, censée illustrer les séquelles de la perte, n’est pas toujours convaincante…). Un mal que le sport -ou du moins la pratique régulière de la marche ou le jogging doit partiellement guérir…. Là encore les mini séquences où la caméra filme de profil ou de face  Isabelle Huppert en tenue de jogging, censées scander la narration (telle une ponctuation tel un souffle) mettre en évidence les étapes d’une évolution (confrontation avec des dilemmes, avant les "choix") sans verser dans le ridicule, mettent mal à l’aise (quand bien même la respiration syncopée aura transformé un appel au secours en combat contre la chute.)

Oui Lucie a trouvé dans "les gens d’à côté" une nouvelle famille, affective. Famille qu’elle "espionne" avec bienveillance (cf l'affiche)  splitscreen ou travelling latéral sur les fenêtres, un clin d’œil à fenêtre sur cour et à sa mécanique qui transforme le voyeurisme en engagement ? Assurément. Les liens très forts qui se nouent entachent ceux tissés depuis longtemps avec sa « famille professionnelle » … Le dilemme -sauvegarder une amitié naissante ou dénoncer l’activisme délictueux de Yann (Nahuel Perez Biscayart) le mari de Julia (Hafsia Herzi au phrasé et à la pudeur toujours convaincant.es)  participe du refus d’un manichéisme. Lucie à un moment a choisi, (à la scène où nous la voyions dans l’exercice de ses fonctions après une arrestation, répond celle où les mêmes gestes seront accomplis sur …elle…) D’ailleurs le cheminement de ce personnage  (interprété par  Isabelle Huppert, souveraine comme à l’accoutumée) n’est-il pas traité comme une  " enquête" ? (romanesque bien évidemment !!)

Après l’amorce d’une  "renaissance" (d’ailleurs les visites de feu son « compagnon » se raréfiaient), le dernier quart du film - voix off de Lucie, ellipse temporelle- célèbre une autre forme de "triomphe" : les vertus du « vivre ensemble » même dans un éloignement contraint : ce qu’illustre le dernier plan : la gamine est filmée de loin, mais sa présence et son geste vont illuminer le visage de Lucie filmé de près

Circularité dans la construction -le plan final est comme un écho à la scène de la première rencontre entre Lucie et les gens d’à côté grâce à l’enfant « égaré » sur le sable ? Certes mais avec un changement d’angle de vue (déjà amorcé dans la scène de patinage artistique) et surtout avec la perspective (suggérée) d’un futur qui n’est plus à « conquérir »

 

Un film à voir!

 

Colette Lallement-Duchoze

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1 août 2024 4 01 /08 /août /2024 04:24

de Philippe Lesage  (Canada 2023)

 

avec Noah Parker (Jeff)  Arieh Worthalter (Blake) Aurelia Arandi Longpré (Aliocha) Paul Ahmarani (Albert) Sophie Desmarais (Millie) Irène Jacob (Hélène) Laurent Lucas (Eddy) 

Synopsis: Jeff, 17 ans, est secrètement amoureux d’Aliocha. Tous deux admirent le mystérieux Blake, un vieil ami du père de la jeune fille, qui les invite à passer quelques jours dans son chalet de chasse au cœur du grand nord canadien. Là, en pleine nature, les deux adolescents se confrontent à un monde d’adultes puérils, prêt à s’embraser

Comme le feu

Comme le feu ? celui d’une cheminée qui rougeoie, source de chaleur, mais aussi réceptacle (purificateur ?) de choses enfouies (et Jeff y jettera la photo dérobée… cause de ses tourments) Mais surtout des cendres à peine refroidies peut (re)naître un brasier dévastateur : ainsi  de ces rancœurs et frustrations qui bondissent, d’abord en flammèches puis qui enflamment tout sur leur passage : la sérénité des rapports (incarnée par le couple Hélène -Irène Jacob- et Eddy -Laurent Lucas ?), la quête d’amour, l’amitié, le partage tout est contrarié, bafoué voire anéanti. Le monde des adultes est lamentable et malsain aux yeux de ces jeunes,  eux-mêmes (surtout Jeff) en proie aux affres de la douleur.

Voici un chalet isolé (on ne peut y accéder qu’en hydravion) au milieu d’une nature « sauvage ». Le réalisateur va alterner scènes d’intérieur (dominante ocre rouge mordoré) et séquences en extérieur (forêts lacs montagnes). Il filme les agapes (du soir) en plans séquences ; bien vite l’émerveillement (quand le cuisinier/factotum apporte les mets) se transforme en joutes où les deux « amis » se battent à coup d’invectives reproches ressentiments,  bien arrosé.es…et d’ailleurs l’ambiance musicale (harmonica et guitare) et chorégraphiée du premier soir ne se renouvellera pas…La nuit, mezza voce ou sous forme cauchemardesque, apportera à Jeff son lot de frustrations aimantées par la jalousie… Quant aux scènes en extérieurs, en principe dédiées à la chasse à la pêche, elles peuvent virer au cauchemar… L’affrontement Jeff/ Blake (pour la vie ou la mort ) dans ses non-dits mêmes en serait l’acmé

On retiendra ce long prologue (le traitement de la durée…avec faux (re)démarrages et faux (re)départs sera un des fils directeurs du film) où nous suivons en temps réel la voiture d’Albert dans le ruban sinueux, où la musique synthé a une puissance enveloppante ; et -quand la caméra a pénétré l’habitacle-  ce gros plan prolongé sur les visages d’Aliocha et de Jeff, sur leurs mains  -ô ce pudique effleurement ô force suggestive de l’amour ! le même plan au final (après 3 jours si éprouvants) mais seule la main d’Aliocha est dans le cadre… Aliocha qui vient de lire un extrait du poème d’Emily Dickinson…  Aliocha le seul personnage lucide et libre ?

Oui ce que l’on peut appeler sans ambages un entre soi pourra paraître épuisant au spectateur -lequel peut déplorer aussi le manque d’humour …

Mais on sera très sensible au jeu des acteurs principaux (la palme revenant à Arieh Worthalter dont on avait admiré la prestation dans Le procès Goldman), sensible à ce montage qui fait fi de certaines attentes, dans le traitement du « temps » de la « durée », une façon de filmer qui fait la part belle aux « ruptures » entretenant une « lente combustion », avec des références à peine voilées à Délivrance  à Sonate d’automne  (clin d'œil un peu trop appuyé,  le chien de Blake se prénomme  Ingmar  ; chien qu'il caresse et pleure…par  trop d’amour... au moment où...  )

A voir c’est une évidence !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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31 juillet 2024 3 31 /07 /juillet /2024 07:17

de Jean-Marie et Arnaud Larrieu  (2024)

 

avec  Karim Leklou, Laetitia Dosch, Bertrand Belin, Sara Giraudeau, Eol Personne,

 

Film adapté du roman de Pierric Bailly (2021)

 

Festival de Cannes 2024 (catégorie Cannes Première)

 

Prix Ecoprod remis le 17 mai

 

 

Sortie le 14 août

Vu en avant-première en présence de Karim Leklou hier soir à l'Omnia 

Synopsis Aymeric, le beau-père de Jim, a rencontré Florence, sa mère, alors qu'elle était enceinte de six mois. Tous les trois mènent une vie heureuse dans le Jura jusqu'à ce que le père biologique, Christophe, revienne suite à une tragédie personnelle. Aymeric ne trouve plus sa place et, éloigné de l'enfant, il décide de partir faire sa vie ailleurs. Mais des années plus tard,....

Le roman de Jim

Quand Jim est né, j’étais là. Et puis je suis resté. On a passé de belles années ensemble, et j’ai bien cru devenir son père

Un récit en voix off tel un long flash back ; une narration entrecoupée de clichés en négatifs (comme si le réel avait été suspendu dans les limbes ….avant que les 80000 photos numérisées n’apparaissent 25 ans plus tard sur l’écran de l’ordinateur telles de minuscules icônes    ) ; le cheminement souvent douloureux d’un « père aimant » mais non géniteur (incarné par un Karim Leklou si émouvant dans son être là de délicatesse et de « fausse » placidité) Délicatesse et acceptation (résignée ?) de « passer en seconde division » quand le père géniteur Christophe reconquiert ses « droits » (avec la complicité de Florence, laquelle se révélera très machiavélique, mais ne pas spoiler)

Oui on comprend que ce film qui affiche un côté « mélo universel » - mais sans mièvrerie- ait « bouleversé » les festivaliers à Cannes et hier soir le public du cinéma Omnia (en la présence de Karim Lektou). A la question qu’est-ce qu’un père –le géniteur qui a planté sa petite graine ou celui qui vous prend par la main à la découverte du monde, le film aura répondu par de petites touches de justesse, par une captation des regards et des corps avec cette conviction nimbée de grâce (celle d’Olivia, clubbeuse fan d’électro et de danse !) qui entraînera …l’adhésion… D’autant que la « durée » de la fiction (qui s’étale sur plus de 25 ans) s’écoule sans redites inutiles grâce à de subtiles ellipses et que -comme l’affirmait Karim Leklou- l’amour -quelles que soient ses formes- est la thématique majeure du film  (les habitués des frères Larrieu retrouveront leur goût pour une sexualité joyeuse, une masculinité nuancée, des personnages émotionnellement pudiques)

Très souvent (pour ne pas dire toujours) les paysages ne sont pas dans leurs films de simples décors, si majestueux soient-ils (Pyrénées Vercors Alpes) tout comme le Jura est chevillé au corps et à l’âme de Pierric Bailly (auteur du roman éponyme paru en 2021) La porte de la maison vient de s’ouvrir Jim enfant court dans la lumière qui inonde le vert alors que le « père » est censé contempler de l’intérieur l’escapade du « fils » (bel exemple d’une caméra subjective où l’œil du regardeur est hors champ ! Voici filmée de près la famille « recomposée », assis sur une petite butte le « trio » fait corps -tout en se détachant de lui- avec le paysage (les trois visages découpés évoquant les arêtes des montagnes qui se découpent au loin) ; main dans la main Aymeric et Jim arpentent dévalent se posent, s’immiscent dans les arcanes de la forêt, déguisés ils seront des aventuriers, on prend des risques.

A partir d’un « territoire » bien marqué, atteindre (sens propre et figuré) l’universel ?

Pari réussi

Certains affirment que Le roman de Jim est le plus personnel, le plus abouti, des films des frères Larrieu. (Rappelez-vous entre autres « voyage dans les Pyrénées » « peindre ou faire l’amour » « l’amour est un crime parfait » « tralala » ) 

Peut-être maison peut en douter

 

Colette Lallement-Duchoze

 

PS la chanson de Souchon? Une "exigence" de Karim Leklou 

 

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