Film d'animation réalisé par Dorota Kobelia et Hugh Welchman (Pologne 2023)
avec Kamila Urzedowska, Nadia Tereszkiewicz et Robert Gulaczyk
Séance de clôture festival à l'Est, 18ème édition, Rouen dimanche 17 mars 2024
Au XIXe siècle dans un village polonais sous tension, la jeune Jagna se révolte face à un destin marital tout tracé. Dans une optique d’émancipation, elle s’oppose à l’ordre établi et défie les codes de l’époque. Commencent alors les saisons de la colère
Adapté du prix Nobel de littérature Les Paysans de Władysław Reymont (1924), le long-métrage "La jeune fille et les paysans" utilise la technique de la rotoscopie : on tourne un long-métrage normalement puis on relève image par image les contours des figures humaines, des décors ou encore des objets pour les retranscrire en film d’animation : (le générique de fin en propose un mini aperçu)
Campagne polonaise -dont la diversité des couleurs évolue au gré des saisons- , intérieurs où triomphe le clair-obscur- ; scènes champêtres, scènes de village, scènes de bagarres, tout rappelle les tableaux des peintres polonais du XIX° et particulièrement Józef Chełmonski (même si le spectateur français décèle des références au courant impressionniste de la seconde moitié du XIX° siècle.). L'affiche, en outre, peut induire en erreur , tant est patente la ressemblance avec "la jeune fille à la perle" de Vermeer1665
On ne peut qu'admirer cette expérience cinématographique (d’autant qu’elle est quasiment inédite après la « la passion Van Gogh » du même couple de réalisateurs). Prouesse visuelle incontestée à laquelle il convient d’ajouter la bande sonore très originale, composée d’airs et de chants traditionnels
Mais le "procédé" qui crée une distance avec le spectateur ne saurait entraîner son adhésion (et ce, malgré quelques envolées poétiques). A la différence de la passion Van Gogh les cadrages s’inscrivent ici dans la logique du champ/contrechamp, du rapport spatial entre les personnages, et on a l’impression (désagréable) qu’il faut à tout prix faire entrer le pictural. Du pictural, oui, mais pas au détriment de la peinture elle-même. Or ce film d’animation propose (pour ne pas dire impose) exactement l’inverse.
Ce "pictural à tout prix" ne saurait compenser l’emphase (de la mise en scène) , la laideur parfois (quand les visages sont montrés de trop près) et les couleurs criardes (souvent) en affadissant (c’est j’en conviens une bizarrerie) ou en alourdissant le propos (au demeurant très " moderne" car il s’agit d’une émancipation dans un siècle dominé par la misogynie, la puissance des propriétaires locaux la recherche d’un exutoire aux malheurs par la désignation d'une victime expiatoire)
Le spectateur, à l’instar de Jagna chassée expulsée de son village, ne sera pas « éjecté d’un film paradoxal avec lequel on ne peut définitivement faire corps » comme le prétendent certains. Mais une fois de plus (après La Passion Van Gogh - Le blog de cinexpressions) ce film nous aura contraint à dissocier fond et forme et tout au plus à nous interroger sur « Organisation de l’image et matière, matière et organisation de l’image » (en comparant par exemple le traitement des décors et celui des gros plans (visages)
A vous de juger!
Colette Lallement-Duchoze