19 mars 2024 2 19 /03 /mars /2024 08:06

d’Ali Asgari et  Alireza Khatami (Iran 2023)

 

avec Majid Salehi Siamak Gohar Kheirandish Mehri Farzin Mohades Ali Sadaf Asgari Sadaf Hossein Soleimani Farbod Faezeh Rad

 

 

Festival Cannes 2023 Un Certain Regard 

Un homme déclare la naissance de son fils. Une mère habille sa fille pour la rentrée. Une élève est convoquée par la directrice. Une jeune femme conteste une contravention. Une jeune fille se présente à un entretien d’embauche. Un jeune homme vient retirer son permis de conduire. Un homme au chômage répond à une annonce. Un réalisateur demande une autorisation de tournage. Une femme cherche à retrouver son chien. Neuf visages de la vie quotidienne à Téhéran.

Chroniques de Téhéran

Téhéran la nuit. Sombre immensité étincelante de mille feux. C’est le plan d’ouverture. (Auquel répondra au final en guise d’épilogue, une vue, à travers une vitre, de la mégapole baignant dans une lumière crue avant que …mais -ne pas spoiler-…) Puis c’est l’éveil : on entend des bruits, des voix plus ou moins discordant.es. Une ville qui s’ouvre à la lumière du jour, quoi de plus « normal » ? Hormis qu’ici… tout dans la banalité du quotidien est affaire de censure et de répression

Ce dont va rendre compte la succession de 9 plans séquences, tels neuf courts métrages, chacun filmé en un plan fixe, formant au total une mosaïque. Le dispositif est identique de l’un à l’autre. Voici un personnage en frontal (jeune ou plus âgé, femme ou homme) s’adressant à « qui de droit » -fonctionnaire le plus souvent-dans un contexte précis (correspondant au lieu de la réclamation ou de la convocation - bureau, magasin, guichet., etc..) et la personne « qualifiée » pour répondre, ou interroger sera toujours hors champ (une exception : cette main d’homme qui sort du cadre, intimidant harcelant la jeune postulante dans sa demande d’embauche…mais elle saura résister…)

Ce qui frappe d’emblée est l’absurdité des fins de non-recevoir (le prénom David ne serait pas « religieux » ou trop connoté…) la cocasserie des prétendus arguments avancés pour ne pas accéder à la demande (un chômeur se déplaçant pour un entretien doit mimer les ablutions du bon musulman) ou encore la disproportion entre les « requêtes » et les « requis » (montrer ses tatouages se dénuder pour un permis de conduire ???mais il est vrai que le poème tatoué sur le corps du plaidant est son « acte de résistance »). Et le hors champ n’en sera que plus prégnant car l’incompréhension qui se lit dans les regards fait éclater l’aberration…du régime théocratique

Autant le ton est véhément cassant autoritaire, celui de ces invisibles à l’écran mais si puissants dans le quotidien des habitants, (représentants du gouvernement ils en appliquent les règles fussent-elles aberrantes ou  sadiques trop zélés ils abusent de leur pouvoir d’humiliation ) autant celui du demandeur, du plaignant, reste courtois quand bien même il serait menaçant (les photos compromettantes mettant en cause la directrice et arborées en propos comminatoire par la jeune étudiante ??) contestataire (ce réalisateur à qui l’on refuse un scénario) incitant poliment à repousser l’interlocuteur dans ses retranchements en dénonçant sa rhétorique retorse (la jeune conductrice qui conteste une contravention)

Le spectateur,  observateur, témoin , assiste, souvent médusé, à un défilé d’interdits ; pénalisés seront les contrevenants, ceux qui ne respectent pas les commandements sacrosaints que les voix énoncent telles des sourates

On reprochera la théâtralité du dispositif choisi, l’inégalité dans le traitement? On préfèrera les « dissidents » Panahi, Rassoulof, Kiarostami, Farhadi qui ont su allier talent et critique ?

Mais le choix de 9 mini séquences a été dicté pour éviter la censure (les courts métrages n’étant pas soumis à une autorisation préalable ; un réalisateur arrache de son scénario original les feuilles jugées compromettantes par son censeur…ce sketch n’illustre-t-il pas les difficultés qu’a connues le cinéaste Alireza Khatami ?). La mosaïque obtenue -qui remplace un long métrage- ne se présente-t-elle pas comme un « théâtre de l’absurde » ? Et chaque locuteur enfermé dans le cadre du plan fixe n’est-il pas censé illustrer la situation d’une population, bloquée dans le « cadre » qui lui est imposé?? Et la présence de jeunes, (cette gamine qui passe de tik tok à des tenues vestimentaires plus religieuses, cette lycéenne qui cloue le bec à sa directrice …) ne témoigne-t-elle pas de la vitalité d’une forme nouvelle de résistance ?

Au final ces « chroniques » peuvent se lire comme 9 « nuances de civisme », 9 manières de s’exprimer …dans le carcan même ….de la contrainte …

 

A voir!

 

Colette Lallement-Duchoze

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