20 mars 2024 3 20 /03 /mars /2024 05:48

Documentaire réalisé par Anna Hints (Estonie 2023)

 

Avec Kadi Kivilo Maria Meresaar Elsa Saks Marianne Liiv Eva Kübar Liis Kuresoo Eda Veeroja  Maria Aasa Merit Kask  Leno Kuura Kerttu KuslapSandra Lepik Signe Mällo  (chacune jouant son propre rôle) 

 

 

Présenté à Rouen Festival à l'Est (18ème édition) samedi 16 mars 2024

 

 

2023• Sundance Film Festival • Utah (États-Unis) • Directing Award World Cinema Documentary Prix de la mise en scène 

2023 • EFA - The European Film Awards • Berlin (Allemagne) • Prix du meilleur film documentaire

2024 • FIPADOC - Festival International Documentaire • Biarritz (France) • Grand Prix Documentaire international

 

 

 

Dans l’intimité des saunas sacrés d’Estonie, on chante d’anciens hymnes à la nature, à la naissance ou à la mort et tous les rituels de la vie s’y croisent. Les femmes y racontent ce qu’elles tairaient partout ailleurs, les récits se font écho et dans la fumée des pierres brûlantes, la condition féminine apparaît, dans toute sa violence et sa force éternelle.

Smoke sauna sisterhood

Premier documentaire d’Anna Hints, primé dans de nombreux festivals et récompensé du prix de la mise en scène au Festival de Sundance, Smoke sauna sisterhood plonge le spectateur dans l’intimité des saunas sacrés d’Estonie. (pour rappel : la tradition du sauna à fumée a été inscrite dans la liste du patrimoine immatériel de l’humanité de l’Unesco en 2013).

 

Anna Hints a « osé » braver la chaleur de l’espace confiné, et son documentaire qui filme l’intime, exalte la beauté mordorée des clairs obscurs, la beauté sensuelle du nu féminin , ces corps que des plans serrés et des zooms tout en les fragmentant (un sein un genou un bras un visage une nuque )  magnifient en un seul grand Corps, celui des espoirs avortés, des rêves déçus, celui des douleurs des souffrances, des rires, de la Vie. Un grand corps jamais sexualisé dans sa nudité ainsi arborée ! Pour moi, il était très important de filmer la nudité, les corps de femmes sans regard masculin, sans sexualiser ni objectiver les corps.”

 

Un plan fixe prolongé sur une femme faisant corps avec l’enfant qu’elle allaite c’est le plan d’ouverture ; message clair et subliminal à la fois : ventre maternel et sauna, lieux d’une éternelle (re)-naissance !

 

Peau contre peau : une caresse ; un rituel, où les volutes de la fumée, et la luisance des corps ruisselants composent un tableau envoûtant. Corps flagellés de ces fouets vigoureux qu’une main vigilante avait si méticuleusement préparés, corps triturés malaxés de sels salvateurs alors que retentit l’hymne aux accents chamaniques.

Corps et cœur mis à nu, quand se libère la parole, une parole jusque-là confisquée ou tapie dans le douloureux inavoué. Viol, cancer du sein, violences conjugales, sexuelles, tout sera dit sans filtre sans détour, perçu et accepté dans la connivence de la sororité. Voici les méfaits et abus du patriarcat mis en exergue, raillés, dénoncés Voici aussi des récits moins douloureux plus désopilants. La réalisatrice en filmant le visage de celle qui accueille la confidence de préférence à celui de la locutrice entraîne le spectateur dans une sorte  d’anonymat… intime !

Une larme glisse sur un visage- est-ce la moiteur ? est-ce le passé revisité ? est-ce la béance d’une blessure ? D’autres perles de sueur et de sel vont dessiner sur la peau une chorégraphie telle une partition, dans la fumée des pierres brûlantes.

De cette vapeur cathartique les corps soudainement vont s’extraire, quitter l’espace clos de la cabane chauffée et en une théorie à ciel ouvert dans la campagne enneigée givrée ou au contraire verte et lumineuse, prolonger le rituel avec ce bain lustral dans le plan d’eau (celui que tout au début forait précisément la gardienne des lieux pour dégager la carapace gelée) Des extérieurs reliés par le ruban de fumée dans la plénitude d’un rituel qui "purifie" tout autant le corps que l’âme !

Ecoutons ces paroles ces rires ces silences, ces frottements aux sons rocailleux, et cette bande-son composée par l’Islandais Edvard Egilsson qui scande les étapes des rites liés au sauna de fumée alors qu’apparaît en filigrane ou tel un suaire vivant le visage spectral d’une femme sans âge, Votre guide, Notre récitante !

 

Un documentaire exceptionnel, à ne pas rater

 

Colette  Lallement-Duchoze

 

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