11 juillet 2024 4 11 /07 /juillet /2024 07:47

Documentaire musical de Miri Navesky, Karen O'Connor et Maeve O'Boyle  (USA 2023)

 

2023 • Festival international du film de Berlin - Berlinale • Berlin (Allemagne) • Panorama Dokumente - Première mondiale

Légende de la musique folk et célèbre militante pacifiste, Joan Baez a décidé de mettre un terme à une carrière longue de 60 ans. Ce documentaire la suit dans les coulisses de sa tournée d’adieu, mais utilise aussi des archives personnelles inédites pour composer le portrait mosaïque et intime d’une artiste plurielle à la vie parfois douloureuse.

Joan Baez : I am a noise

« Il y a trois vies :  la vie publique, la vie privée et une vie plus secrète »

 

Et c’est bien la superposition des trois qui sert de "fil conducteur"  à ce documentaire autobiographique au foisonnement aussi spectaculaire. Certes la préparation de la dernière tournée en 2019 alternant avec l’évocation d’une longue carrière crée une dynamique interne, mais certains indices qui ponctuent le récit orientent vers une autre perspective

 

Une porte à coulissante verticale s’ouvre -et se fermera- sur la pièce qui contient des archives précieuses, archives privées collectées par la mère ; la chanteuse y pénètre, elle consulte et va « découvrir pour la première fois certaines choses, - expliquant peut-être ses traumas existentiels ?

Son corps plonge dans la piscine de la propriété californienne -scène inaugurale reprise en écho vers la fin - tout comme le documentaire plonge dans le passé et les souvenirs…. Très personnels !

 

Eclatement chronologique superposition de périodes grâce à des archives riches dans leur multiplicité. Voici  des extraits de concerts, des enregistrements sur cassettes, des interviews à des époques différentes, voici des dessins commentés qui vont jalonner un parcours et scander le récit, voici des photographies -dont celles avec ses sœurs ses parents à différentes périodes, et des films de familles, etc…

 

Ce documentaire cosigné par trois femmes, Karen O’Connor, Miri Navasky et Maeve O’Boyle, a été sinon supervisé du moins contrôlé par l’intéressée et de ce fait se distingue des biopics plus « traditionnels ». Et si la présence de personnalités connues Martin Luther King, Bob Dylan, ou le mari antimilitariste Harris fait revivre tout un pan de l’histoire américaine avec luttes engagements répressions, une histoire connue d’un large public, même si l’hommage à la musique et à une voix si particulière dans sa délicatesse envoûtante est patent, c’est bien un autre aspect (méconnu) qui sera mis en exergue 

 

Face à l’écran Joan Baez, octogénaire, se « livre » en se « dévoilant »

 

A voir  !

 

Colette Lallement-Duchoze

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10 juillet 2024 3 10 /07 /juillet /2024 06:37

de Éléonore Saintagnan, (2023)

 

avec Eléonore SaintagnanRosemary StandleyWayne StandleyAnna Turluc'hJean-Benoît Ugeux...

 

 

 Festival de Locarno

Semaine de la critique de Berlin

Éléonore roule vers l'ouest. Sa voiture tombe en panne en pleine Bretagne. Elle y loue un bungalow dans un camping avec vue sur le lac, dans lequel, dit-on, vit une bête légendaire. De mobil-home en mobil-home, elle observe le présent, convoque le passé et se laisse envahir par la fiction.

Camping du lac

 Il m’est arrivé un drôle de truc que j’aimerais bien vous raconter

Une voix off un regard curieux une attente dans un lieu baigné de lumière et de soleil, l’argument scénaristique frappe par sa ténuité. Et pourtant ! A cause d’une pause imposée (attente d’un joint de culasse) puis assumée, puis prolongée, Eléonore va prendre le temps de se « familiariser » avec les résidents, avec les touristes, mais surtout avec un lac qui devient le personnage principal.

Des « instruments » d’observation (à distance) laisseraient supposer que la narratrice/réalisatrice s’adonne à un travail de documentariste avec la minutie parfois de l’entomologiste…Il n’en est rien. Surtout quand la rencontre avec l’élément religieux fait basculer dans le fantastique (une église une légende et la coexistence dans le même cadre du quotidien le plus banal et des images du conte (Pour rappel, le poisson aurait eu pour ancêtre le poisson/compagnon de Saint Corentin, ermite devenu évêque de Quimper, qui retrouvait son « ami » dans les eaux claires d’un cours d’eau se nourrissait d’un bout de sa chair avant que l’animal ne se reconstitue, par miracle …Jusqu’au jour où il dut s’enfuir pour échapper à la violence des hommes

Un procédé récurrent : filmer cadre dans le cadre, (visages scrutateurs qui démultiplient les points de vue ») ; comme pour « imager » les coexistences du réel et du fantasme ? S’intéresser à des détails du quotidien (épluchage de légumes coupe de cheveux) écouter, apprendre à.., Restituer les ambiances des sous-bois, des plans d’eau et des intérieurs des mobile homes, se focaliser sur des « cas » qui se veulent exemplaires (un trentenaire et sa passion pour les voitures, l’Américain originaire de l’Ohio et ses complaintes, la trans et son gamin)

Or à cause de l’alternance systématique dans la trame narrative, Camping du lac loin de « sublimer » le tout, le confine dans l’espace clos de la redite. Ainsi le spectateur est d’abord sollicité par des petits riens (des tâches répétitives le plus souvent) puis par des incursions (immersions ?) dans le fantastique (la voix off l’entraîne vers un ailleurs légendaire ou mythique qui n’exclut pas l’humour cf la nageuse nue, la danse érotique avec le poisson, le cri de pamoison et le giclement de l’eau dans une jouissance réciproque) Un va et vient permanent, entre une quotidienneté ordinaire et l’extraordinaire nuit à une approche plus approfondie de la vie authentique de tous ces « campeurs » car il la  réduit au simple pittoresque (cf l’Américain, sa guitare ou encore la danse « folklorique », dont l’aspect hypnotique est d’abord assez bien rendu, mais en substituant une musique électro à la musique traditionnelle, le décalage (comique ?) entre son et danse, semble frappé d’inanité…

On retiendra la prestation de Rosemary Standley et de son père…. ainsi que le « message » écolo (?) (l’assèchement du lac -dû à une « libéralisation de l’eau »- …à l’instar de tous ces assécheurs de la planète ??)

A voir !!!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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10 juillet 2024 3 10 /07 /juillet /2024 04:19

 

 De Christine PAILLARD et Chad CHENOUGA (2024)

Avec Jean-Pascal ZADI, Emmanuelle DEVOS et Raphaël QUENARD

Wisi est en galère. Il débarque à Bordeaux dans l’espoir de trouver un boulot et croise la route de Marina, une humanitaire au grand cœur. Pour se faire héberger chez elle, il prétend être un sans-papier.
Un soir, il rencontre Jérôme, lui-même à la rue après le décès de sa mère. Malgré ses propos racistes et son étrange phobie de l’effort, Wisi accepte de le cacher pour une nuit chez Marina.
Mais flairant le bon plan, Jérôme est bien décidé à s’incruster. Surtout depuis qu’il a découvert la combine de Wisi pour amadouer Marina…

Pourquoi tu souris?

Encore une comédie label Français très réussie dans la foulée de La petite Vadrouille et Juliette au Printemps.

Pourquoi tu souris a en plus une profondeur plutôt rare pour un film comique.

Les trois acteurs y sont pour quelque chose (Raphaël Quenard, Jean Pascal Zidi, et Emmanuelle Devos) mais le scenario avant tout est remarquable. Il dissipe tout malaise par ses rebondissements inattendus. Il fallait oser inverser les stéréotypes !

 

Nul doute que ce film n'a pas les faveurs de Telerama car il n'est pas "bien pensant" au sens consensuel du terme. Le regard sur les deux protagonistes est lucide et déconstruit avec énormément d'humour les préjugés de toutes sortes sur le racisme et le mépris des déclassés .Le tableau non angélique des SDF donne le ton, sans complexe, et ne  fait que renforcer le grand humanisme non niais qui se dégage de l'histoire.

 

Le personnage d'Emmanuelle Devos, bénévole dans une association d'aide aux démunis, est très juste, pas si naïve qu'à première vue, généreuse mais pas sacrificielle. Les répliques fusent et nous régalent.

 

Bref, un film à voir absolument en ces temps gris d'obscurantisme.

 

Serge Diaz

 

 

 

 

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3 juillet 2024 3 03 /07 /juillet /2024 10:32

Documentaire réalisé par JR (USA France 2023) 

Les États-Unis représentent 4,2 % de la population mondiale et 20 % des détenus dans le monde. En octobre 2019, l’artiste JR obtient l’autorisation sans précédent d’intervenir dans l’une des prisons de haute sécurité les plus violentes de Californie : Tehachapi. Certains détenus y purgent des peines à perpétuité pour des crimes commis alors qu’ils n’étaient que mineurs. Objectif: réaliser une fresque avec les détenus 

Tehachapi

Connu pour ses œuvres monumentales (Gaza, Mur Mexique), JR  a travaillé aussi avec Agnès Varda (Visages villages). Pour cet opus il a choisi de contribuer à un « travail de réinsertion » en s’attaquant à la pire des prisons forteresse Tehachapi en Californie (des détenus condamnés à la perpétuité pour des crimes commis alors qu’ils étaient mineurs) Intention louable que de donner la parole à ces condamnés grâce à  un dispositif interactif : ce sera une vaste fresque, celle de leurs visages, collée à même le sol de la cour de la prison et d’un clic on pourra entendre leur histoire enregistrée. Voyez ces détenus participer avec enthousiasme à ce projet (se laisser photographier selon différents angles, préparer la colle dans des seaux, l’étaler sur le ciment) et la vue en plongée (par drone) magnifie la monumentalité  (en écho celle des montagnes collées verticalement comme prolongement du mur)

JR a choisi le format scope et au milieu de l’écran la verticalité du portable, avec de fausses profondeurs de champ ainsi que sa voix off. Le rythme est souvent rapide. Des gros plans sur les visages alternent avec des plans d’ensemble (cour réfectoire) dans ce « documentaire » ( ?) alors que l’environnement désert est condamné aux brûlures du soleil

On pourra être agacé par l’ego surdimensionné du réalisateur- (dès le départ JR insiste sur la genèse et la finalité de « son » projet, puis in situ nous le voyons (démagogique ?) serrer la main de chacun des détenus dont il va faire le portrait) Un documentaire moins sur la « vie » de ces prisonniers, sur leurs conditions d’incarcération,(quelques rares plans suffisent à mettre en évidence la monstruosité de ce lieu) que de leur rapport avec lui, l’artiste, (cf l’échange téléphonique avec Kevin presque en temps réel …)  et partant de leur rapport à l’art dans sa fonction rédemptrice (?) . Visages tout sourires. Et même Kevin (dont la croix gammée tatouée sur le visage sera « effacée » à sa sortie par une chirurgienne…juive…) a parfois la beauté d’un Ange (non exterminateur)

 

Le cinéaste est au centre ; et pas seulement en tant que maître de cérémonie (on a en fait l’impression désagréable d’assister à un making of à sa gloire) mais aussi  en tant que dispensateur de « la bonne parole »   Que ces prisonniers « retrouvent » un semblant d’humanité dans un univers déshumanisant (cf cages dans la torridité ambiante) c’est ce à quoi il aura œuvré. Et les résultats seraient probants : à l’intérieur de la prison, on a constaté une évolution des mentalités, un apaisement des tensions entre les personnels pénitentiaires et les personnes détenues, le développement des connaissances, le travail collectif, et introspectif etc.. A l’extérieur le relais - réseaux sociaux et commentaires, parole donnée aux familles – prouverait si besoin était l’efficacité du projet 

 

Mais quand bien même JR refuse toute mièvrerie tout angélisme l’impression n’en reste pas moins mitigée (celle d’une auto promotion savamment entretenue)

 

Sachons-lui gré toutefois de remettre en cause les choix de certains politiques qui prônant la sécurité à tout prix, privilégient  l'enfermement  l’exclusion et la déshumanisation 

 

Colette Lallement-Duchoze

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2 juillet 2024 2 02 /07 /juillet /2024 04:19

Synopsis: Sofiane est le fils d'un ex-diplomate algérien qui a vécu sa vie à l'étranger. Aujourd'hui étudiant à Lyon, il est victime d'une décision administrative et vit sous la menace d'une expulsion. Dans l'espoir de régulariser sa situation, il se résout à travailler temporairement pour des pompes funèbres musulmanes. Paumé dans son identité, mal dans sa peau, côtoyer les morts va s'avérer être pour lui un chemin lumineux.

Six pieds sur terre

 

Roman d’apprentissage récit initiatique quête identitaire ?  Ce sera ….dans le contexte de pompes funèbres musulmanes….Sofiane sous l’égide d’El Haj un taiseux mais ô combien méticuleux dans l’exercice de son métier -toilette mortuaire selon le rite musulman- va apprendre à « vivre » soit trouver « sa place » 6 pieds sur terre.... lui qui ensevelit les morts, …lui le nouvel "ambassadeur des morts" !!!!

Voici un étudiant…. par intermittences (il préfère boîtes de nuit et souleries aux  bancs des amphis) qui se dit apatride libre de tout joug (carcan social, religieux, politique),  mais qui bénéficie(rait) -apparemment du moins,- d’une aide précieuse (père ex ambassadeur …) Or il doit être reconduit à la frontière à moins d’avoir un contrat de travail…Nous allons suivre cet anti-héros -peu sympathique genre « tête à claques"-, de Lyon à Roubaix, de Roubaix à Nice. Nous empruntons avec lui des chemins de traverse, nous  pénétrons dans l’intimité et le deuil de familles

On retiendra surtout la lenteur ritualisée des gestes de la toilette funéraire le respect scrupuleux des diktats musulmans – ou leur évitement quand il s’agit de « cendres » ou de « suicide » La caméra est comme le prolongement de la main qui caresse la peau de cette eau à la fois lustrale et purificatrice avant d’enfermer dans le linceul blanc un corps pour l’éternité.

Lenteur qui contraste avec la frénésie des séquences nocturnes bien arrosées, ou avec  les querelles intestines qui dégénèrent en crépage de chignons  .

Bien plus, à travers l'itinéraire tortueux de Sofiane, ses péripéties et ses rebondissements,  le réalisateur (qui dit s'être inspiré de sa propre expérience) évite les clichés sur la (les) communauté(s) musulmane(s) 

Et pourtant, ce film - qui a reçu un accueil chaleureux au festival d’Angers (Premiers Plans janvier 2024) -, est (ou paraît)  assez bancal.

Cherchez l’erreur (souvent tapie dans les incohérences…mais pas que...) 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

PS derrière séance ce mardi 21h30

 

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1 juillet 2024 1 01 /07 /juillet /2024 04:52

de Pawo Choyning  (Bhoutan 2023)

 

Avec:  Tandin Wangchuk(Tashi)   Deki Lhamo (Tshomo )  Pema Zangmo Sherpa (Yangden –) – Tandin Sonam (Benji )

Synopsis: 2006. Le Bhoutan s’ouvre à la modernisation et découvre Internet, la télévision... et la démocratie. Pour apprendre à son peuple à voter, le gouvernement organise des « élections blanches ». Mais dans le pays du Bonheur National Brut, où la religion et le Roi importent plus que la politique, les habitants semblent peu motivés. Cependant, dans une province montagneuse reculée, un moine décide d’organiser une mystérieuse cérémonie le jour du vote et charge l’un de ses disciples de trouver un fusil...

Le moine et le fusil

Bhoutan:  royaume minuscule où l’indice de référence est le BNB bonheur national brut Quand on s’affaire pour mettre en place des « élections » en vue de l’établissement d’une « démocratie » la plupart des habitants sont effarés… Pourquoi changer ce qui marche depuis des lustres

 

Pour son deuxième long métrage (rappelez-vous « l’école du bout du monde ») le cinéaste a choisi d’entremêler plusieurs « intrigues » : une femme envoyée spéciale (attachée ministérielle ?) pour mettre en place et surveiller un "scrutin  blanc", un Américain fraîchement débarqué pour "acheter" -quoi qu’il en coûte- une arme datant de la guerre de Sécession, un couple se chamaillant sur fond de campagne électorale, un moine bouddhiste à la recherche d’une (voire deux) arme(s) pour son Maître. 

Traitées en montage parallèle ces 4 intrigues s’imbriquent dans une sorte de "fable" (ou de parabole politique?) où s’opposent la rentabilité la  cupidité du capitalisme occidental , et les valeurs ancestrales , mais aussi ville et campagne, capitale et province, élites et masse, tradition et modernité, ou pour simplifier  culture occidentale (et son culte des armes) et culture orientale (culte de l’âme).

De même alternent scènes intimes (intérieurs) et plans panoramiques sur les paysages (avec toutefois un bémol leur beauté incontestée est souvent figée telle une carte postale…) Itinérance du moine et transport chaotique en voiture de l’Américain et de son « guide », lenteur suspension du temps et rapidité effrénée (course contre la montre face à une échéance, convocation en vue d’une cérémonie le jour de la pleine lune...)  

 

Oui certaines scènes relèvent du comique de situation et de langage (cf les trois couleurs proposées pour déposer son bulletin de vote, développement industriel, écologie et questions sociales, comme si un programme politique ne pouvait pas traiter des trois en même temps… ; l’apprentissage des ovations par la gestuelle et les cris, parodie de certains meetings ; la découverte de la télévision et des films de James Bond ; l’énorme trophée symbolique offert à l’étranger pour ses « bons et loyaux  services »…-mais ne pas spoiler !!!

 

La moquerie assez malicieuse culminera dans ce plan où sont réunis (malgré eux ?) tous les protagonistes principaux de ces 4 intrigues.

 

D’abord énigmatique (selon le sens accordé à la conjonction « et » -simultanéité, complémentarité, opposition ?) le titre « le moine et le fusil » est dès lors explicite !!

 

Très mature la gamine a rendu la gomme …si généreusement prêtée

Le jeune moine délesté de son arme traverse un champ de lumière et de couleurs

 

A voir!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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30 juin 2024 7 30 /06 /juin /2024 06:55

Court métrage de Jean-Luc Godard (2023)

 

Présenté au festival de Cannes 2023 (Sélection Cannes Classics) 

Jean-Luc Godard transformait souvent ses synopsis en programmes esthétiques. Drôles de guerres procède de cette tradition, et restera comme l’ultime geste de cinéma, qu’il accompagne du texte suivant : "Ne plus faire confiance aux milliards de diktats de l’alphabet pour redonner leur liberté aux incessantes métamorphoses et métaphores d’un vrai langage en re-tournant sur les lieux de tournages passés, tout en tenant compte des temps actuels."

Film annonce du film qui n'existera jamais "Drôles de guerres"

Il  est difficile de trouver un chat noir dans une chambre obscure, surtout quand il n’est pas là 

 

 

Ce court métrage (film annonce) se présente comme un collage de photos notes croquis dessins + extraits de « notre musique » (film de 2004) ;  une succession de longs  plans fixes, dont , certains,  masse spectrale, carrés blancs seraient comme l’illustration de ce « qui n’est pas « . Au silence sidéral  et sidérant- du début succède un accompagnement musical surdimensionné et fracassant qui pénètre le corps et l’esprit du spectateur. Ce dernier ne doit pas se contenter de « regarder » (spectare) il est prié de « faire le film » à partir de ces éléments - les « trailers » et « lettres filmiques « (réalisés par Godard)-,  comme autant d’indices « c’est votre affaire et non la mienne de régner sur l’absence » Cela est d’autant plus troublant que l’absence du réalisateur est définitive.... Une double absence donc celle d’un film (cf le titre) celle de son auteur (décédé en 2022). Godard -dont la voix off dans sa raucité caverneuse mais aussi chevrotante éraillée est déjà outre tombe-,  dit avoir voulu adapter les « faux passeports de Charles Plisnier  (1896-1952 ). Ce roman goncourisé (1937) est « une réflexion crépusculaire sur les idéaux communistes déchus » J'ai été intéressé par ces portraits imaginaires ou réels de quelques militants de l’époque qu’il avait connus vers 1920 «C'était plus comme un peintre en littérature, il faisait des portraits de visages ou d’allures » et Godard souhaitait s'intéresser à deux des cinq "portraits"  en privilégiant le personnage de Carlotta 

Cette  ébauche d’un long métrage jamais tourné « drôles de guerres »  est un  « poème visuel et sonore » : il se regarde, il s’écoute dans le silence ou dans la superposition de musiques éruptives fracassantes et de mots désaccordés entrechoqués.  Le réalisateur a  tourné le dos à la grammaire cinématographique traditionnelle (images et couleurs ont remplacé les « raccords » ; raccords qui seront des écarts des failles temporelles et non plus des liaisons)

 

 

Une expérience flatteuse pour le spectateur (et peu importe qu’il soit familier ou non du cinéma de Godard, qu’il l’ait admiré ou conspué) car il pénètre dans la dimension scripturale du cinéma–(plan et page, image et texte manuscrit)

 

Écoutons le message (ultime ?) à propos de Scénarios, présenté en deux versions (18 ou 34 minutes) dans la section Cannes Classics.2023   « Le film est court mais il a du temps, c’est le cinéma du présent. Et dans ce présent, dans les silences, la pensée est vivante, vibrante, ici et maintenant. »

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Séances lundi 15h40 mardi 15h50 (ce court métrage est suivi du film « notre musique » 1h20 2004)

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27 juin 2024 4 27 /06 /juin /2024 06:31

de Hong Sang-soo (Corée 2023)

 

avec Shin Seokho Seung Yun Kim Ha Seong Guk

 

Biennale de Berlin 2023

Sur l'île de Jeju, un jeune acteur réalise un film. Alors que l'inspiration lui manque, il aperçoit une silhouette au pied d'une falaise. Grâce à cette rencontre et à une chanson d'amour écrite des années plus tôt, il a enfin une histoire à raconter.

In water

D’emblée le spectateur est prévenu ce film est volontairement FLOU

Et de fait ce procédé récurrent dans la quasi-totalité du film (avec des variations et d’une manière plus ou moins prononcée selon que c’est filmé en intérieur,  en extérieur ou  en  bord de mer) pourrait apparenter ce « film » à une succession d’aquarelles de style impressionniste -avec cette fragmentation (couleur/Pixel) ou cette confusion entre mer et ciel (la dernière image -celle choisie pour l’affiche- où la confusion induit l’effacement…est la plus probante), et avec la présence d’êtres humains aux contours mal définis. Un flou formel -imprécision- en accord avec le "flou"  du propos – les atermoiements ou l’indécision initiale compensé. es par le(s) discours? Comme si on assistait au making of d’un projet en devenir (celui de filmer à partir d’impressions)

Reprenons. Voici trois personnages un acteur Seoung-mo (Shin Seokho) qui ambitionne de faire un court métrage mais qui est en panne d'inspiration , une actrice Nam-Hee (Seung Yun Kim), et un caméraman Sang-guk (Ha Seong Guk). Voici de longues scènes filmées comme autant de plans séquences, voici quelques échanges (au moment des repas ou lors de repérages); peu de mouvements de caméra. Soit un minimalisme auquel le cinéaste coréen a habitué son public. Minimalisme au service de questionnements sur le processus de création et sur les « possibles » du numérique.

Et voici que le cinéaste invite (ou contraint ?) son public à modifier sa relation à l’image ou du moins à sa netteté (celle du numérique précisément),  à « rêver » le film plus qu’à le « voir» Ciels brouillés, soleils mouillés si chers à Baudelaire? (les exemples abondent : une fleur suscite l’admiration, le spectateur l’appréhende comme l’absente de tout bouquet ? ou l’imagine en la rêvant ? Un reflet dans l'élément liquide  et c’est son frémissement doré qui invite à…dépasser ces apparences floutées) Tourments intérieurs et « mouvements ondulatoires de l’eau » ? Peut-être  ! à condition d’aller au-delà de la simple perception -dont l’aplatissement de la profondeur de champ servait de prolégomène- Et en cela le cinéaste revendique sa parenté avec Cézanne qui écrivait tout ce que nous voyons, n’est-ce pas, se disperse, s’en va. La nature est toujours la même, mais rien ne demeure d’elle, de ce qui nous apparaît. […] Qu’est-ce qu’il y a sous elle ? Rien peut-être ». Mais, ajoute-t-il « Peut-être tout. Tout, comprenez-vous ? 

Quand enfin telle une épiphanie, le geste de cette  "cueilleuse de déchets"  illumine la longue attente et se concrétise dans un discours  à résonance écologique et dans la "réalisation" du court métrage, le cinéaste va abolir toutes les frontières : (con)fusion ciel mer, réalité et fantasme onirique et ….disparaître

Film expérimental ? Un cheminement vers plus de radicalité ? Peut-être

Son précédent film « walk-up » Walk-up - Le blog de cinexpressions avait déjà enchanté …..une partie…. du public …

 

Colette Lallement-Duchoze

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26 juin 2024 3 26 /06 /juin /2024 04:50

de Jeff Nichols  (USA 2023)

 

avec Austin Butler (Benny) Jodie Comer (Kathy)  Tom Hardy (Johnny)  Mike Faist (Danny Lyon)  Michael Shannon, (Zipco)   Damon Herriman (Brucie) 

 

Présenté au festival du film de Telluride (50ème édition août septembre 2023)

synopsis: Dans un bar de la ville, Kathy, jeune femme au tempérament bien trempé, croise Benny, qui vient d'intégrer la bande de motards des Vandals, et tombe aussitôt sous son charme. À l'image du pays tout entier, le gang, dirigé par l'énigmatique Johnny, évolue peu à peu. Alors que les motards accueillaient tous ceux qui avaient du mal à trouver leur place dans la société, les Vandals deviennent une bande de voyous sans vergogne. Benny devra choisir entre Kathy et sa loyauté envers le gang.

The Bikeriders

Au départ un livre de photographies, The Bikeriders, (1968) qui raconte la vie d’un gang de motards The Chicago Outlaws Motorcycle Club, à travers des clichés (nous en verrons quelques-uns au générique de fin) et des entretiens : l’auteur de cet album Danny Lyon est interprété par Mike Faist ; l’intervieweur de …Kathy. C’est elle qui dans le film de Jeff Nichols « raconte » : sa rencontre avec Benny, sa vie avec lui et le destin de la bande de motards dans les années 1960, le club du Midwest The Vandals dont le chef Johnny (Tom Hardy), incarne les « deux faces » d’une réalité (la brute sympathique). Or l’artificialité du procédé est criante, pire la « caution » d’un point de vue féminin sur le « virilisme » inhérent au gang de motards rouleurs de mécaniques, « rois du bitume » reste purement formelle ….

Dommage

Car l’interprétation de Tom Hardy/Johnny, Jodie Comer/Kathy et Austin Butler/Benny est saisissante de justesse De plus, la reconstitution de l’époque est habile et assez convaincante, (cf les ambiances, les vastes étendues sillonnées par les deux roues, les rassemblements festifs) et le cinéaste crée un tempo en faisant alterner scènes de bagarres beuveries (filmées au plus près avec parfois un zoom sur un objet) chevauchées pétaradantes (filmées parfois au ras du sol) et séquences plus intimes (face à face Kathy/Benny, Benny/Johnny,) tout cela scandé par un choix impressionnant de musiques. L’auteur a opté pour une sorte de no man’s land non loin de Chicago -lambeaux d’urbanité et routes de campagne- soit un univers à circonscrire ou auquel s’adapter pour une forme de « survie » (et non pas « échappée libre »,  en temoignent aisément la panne de Benny et ses velléités)

 

Enfin, l’évolution du club après l’échec de la vie communautaire préconisée par Johnny et les siens - vers un destin plus violent (suite aux ravages de la guerre du Vietnam ?) -soit de la bande au gang, de la confrérie à une forme de mafia-, marque(rait) une forme d’engagement de la part du cinéaste (l’effondrement du rêve américain ? la dénonciation de la violence gratuite ?) et il en irait de même pour le final, plus conventionnel mais magnifié par un champ contrechamp (ne pas spoiler)

Impression mitigée 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 07:20

Documentaire réalisé par Cécile Patingre (2021)

 

Projeté à l'Omnia en présence de la réalisatrice et de Jacques Sylvain Klein dimanche 23 juin 2024

Synopsis Été 1976 un vestige archéologique est découvert lors de travaux dans la cour du Palais de Justice de Rouen. Au cours de la fouille une mystérieuse inscription en hébreu est retrouvée gravée sur un mur « que cette maison soit sublime pour l’éternité » Quarante ans  plus tard l’énigme persiste toujours. Quelle est donc cette maison et quelle mémoire renferme-t-elle ? Une plongée dans l’histoire juive de la France et de la Normandie

la Maison Sublime

En noir et blanc voici un escalier, voici des pierres gravées, et surtout un effacement progressif de la lumière avant sa reconquête dans un mouvement dialectique :clarté ténèbres ; c’est le prologue,  ! Les mêmes images s’en viendront ponctuer le film documentaire mais drapées de couleur ocre après quasiment chaque interview d’un "spécialiste"

 

La documentariste fait alterner plans fixes, plans rapprochés ou d’ensemble et présence humaine : le rabbin de Rouen Chmouel Lubecki, l’historienne des religions et médiéviste Sonia Fellous, entre autres, quand ils se penchent sur la pierre gravée dans ce « sous-sol » en livrant leur interprétation.

De même les vues en extérieur les infographies les gros plans sur des plaques de rue ou des plans de la ville, les vues aériennes sur le palais de justice actuel vont alterner avec les « témoignages » de spécialistes in situ, dans leur bureau d’études.

Travail de bénédictin et pour la réalisatrice et pour ces historien.nes architectes voire paléographes chefs de chantier (rappelons qu’en 1976 lors de travaux de terrassement fut « découvert » -par hasard ?- ce lieu -le plus ancien monument juif de France et d’Europe. Jacques-Sylvain Klein, délégué de l’association Maison Sublime de Rouen)

 

L’accompagnement musical et le jeu de l'alternance, - qui d’ailleurs correspond aussi aux différences d’interprétation- , rendent moins rébarbatif un didactisme inhérent aux interventions des uns et des autres

 

Académie talmudique, synagogue, maison civile ?

 

Par-delà la "diversité" des points de vue et des "interprétations" (et Cécile Patingre les fait coexister, se répondre, se superposer s'opposer, laissant le spectateur libre dans ses choix, déceler ce qui relève de l'analyse exhaustive, non entachée de parti pris.... ) il est un aspect sur lequel la plupart s’entendent : la « maison sublime » est un lieu ouvert, où les Juifs vivaient côte à côte avec les Chrétiens. En ces XIe et XIIe siècles, Rouen est alors une très grande ville de 40.000 habitants, dont 20% de Juifs, selon certaines estimations. Ils bénéficient de droits de résidence, de commerce, de léguer des biens à leurs héritiers, de recouvrer les créances auprès de la Cour royale.

 

On retiendra que Rouen est à cette époque un haut lieu de la vie intellectuelle juive. Les lettrés juifs échangent et débattent notamment avec les lettrés chrétiens au sujet de l’interprétation des textes. La Maison Sublime est ainsi le témoin d’un temps exceptionnel de tolérance dans l’histoire européenne

 

On saura gré à la réalisatrice, d’avoir livré par une compilation orchestrée telle une symphonie quelques secrets (à valeur épiphanique ?), d’une mémoire gravée à jamais dans la pierre, de nous avoir familiarisé avec l’univers d’un vestige extrêmement rare du passé juif médiéval en Europe, (Judith Schlanger)

 

Oui la Maison sublime est un lieu de mystère merveilleux. On a trouvé beaucoup de choses avec ce documentaire mais je pense qu’il reste encore pas mal de secrets. (Cécile Patingre)

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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