20 novembre 2024 3 20 /11 /novembre /2024 05:59

De Julien Colonna 2023)

 

avec Saveriu Santucci, Ghjuvanna Benedetti 

 

Musique Audrey Ismaël

 

 

Festival de Cannes 2024 Un Certain Regard

Corse, 1995. Lesia vit son premier été d'adolescente. Un jour, un homme fait irruption et la conduit à moto dans une villa isolée où elle retrouve son père, en planque, entouré de ses hommes. Une guerre éclate dans le milieu et l'étau se resserre autour du clan. La mort frappe. Commence alors une cavale au cours de laquelle père et fille vont apprendre à se regarder, à se comprendre et à s'aimer.

Le Royaume

Une bande son fait la part belle aux stridulations de plus en plus métalliques des cigales ; puis écran noir. Vus de dos des hommes -telles des ombres maléfiques( ?) -portent leur gibier, des cadavres de sangliers. L’un d’eux sera éviscéré, avec une précision chirurgicale, par Lesia, adolescente de 15 ans; suivront  les agapes.

Cette scène inaugurale (sorte de prologue) si elle se prête à une lecture plurielle a surtout une valeur initiatique. S’y côtoient les éléments de la mythologie corse (le maquis, la chasse aux sangliers, les cigales)  les enseignements que lèguent les adultes à leurs enfants -or la relation père/fille sera au centre de ce royaume-, alors que tout ou presque respire l’odeur de la mort.

Et pour rendre compte de la dialectique vie/mort, de leur concomitance le cinéaste a fait appel à la compositrice Audrey Ismaël (tonalités cristallines du piano et « gravité plus texturée du violoncelle », à un point tel que la musique devient personnage ; et les airs de bossa nova accompagneront les confidences du père évoquant les années lumière vécues au Venezuela). 

 

Et nous allons assister au déchirement progressif de ce voile protecteur de l’enfance. Tout est appréhendé par le regard de l’adolescente. Elle ne comprend pas, on lui a caché et on continue à lui cacher tant de choses et la tante qui en rabrouant oppose une fin de non recevoir !!! Son regard furète interroge, (cf les gros plans sur le visage);  elle-même traquée par ses questionnements qu’elle confronte aux images télévisées, elle s’en vient à décrypter les silences, à glaner sous des mots à peine chuchotés  un réel étouffé . Mais elle sait qu’elle suivra ce père (chef de clan contraint à se réfugier en permanence (le tempo est précisément scandé par cette alternance entre courses poursuites et haltes précaires, avec cet acmé (un face à face intime, le père confie à sa fille  ses « secrets » depuis qu’il a vu son propre père abattu sous ses yeux d’enfant…sa soif de vengeance son amour indéfectible pour la mère de son unique, enfant.  Lui  père et chef de clan, lui le « pénitent de sa propre vie qui paie le prix fort et le fait payer à sa famille » 

 

Il faut saluer la prestation des deux interprètes, des acteurs non professionnels, le père est incarné par Saveriu Santucci à la présence charismatique -il est guide sur le GR20 - et Lesia la fille par Ghjuvanna Benedetti à l’incroyable magnétisme (sapeure volontaire de son état)

 

Certes la Corse avec le maquis les cours d’eau les bords de plage est omniprésente mais Julien Colonna la filme loin des clichés pour touristes et s’il choisit un contexte estival, n’est-ce pas pour mieux opposer la frénésie des « touristes, des vacanciers » à  la belle gravité insulaire (la Corse et ses sombres recoins ) 

 

Julien Colonna lui-même fils de Jean-Jé Colonna figure du banditisme insulaire s’est probablement inspiré de son propre vécu;  mais un vécu qu’il transcende(ra) bien vite...

Dans mon film le royaume est partage de souvenirs d’odeurs de moments forts. Le royaume Lésia s’en souviendra plus tard comme d’un paradis perdu…

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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19 novembre 2024 2 19 /11 /novembre /2024 07:08

de Judith Kaufmann et de Georg Maas (Allemagne Autriche 2023)

 

avec Sabin Tambrea, Henriette Confurius Manuel Rubey 

A l’été 1923, au bord de la Baltique, Franz Kafka fait la rencontre de Dora Diamant, jeune animatrice pour enfants dont il tombe éperdument amoureux. Le célèbre écrivain le sait, tout s’oppose à cette idylle : sa santé déclinante, son spleen chronique, la mainmise de son père sur sa vie. Mais auprès de la jeune femme, Franz retrouve le goût d’écrire et l’envie de profiter de chaque minute. Comme pour faire du temps qu’il lui reste un grand chef d’œuvre.

Kafka , le dernier été

Si le film restitue la progression de la maladie (tuberculose) avec force détails et quelques démêlés avec la famille, la mise en scène est bien fade dans le traitement de la relation sentimentale (qui se contente à peu de frais du registre romantique), manquant d’audace elle reste très conventionnelle 


Voyez ce premier plan d’une outrageante banalité, et il va « encoder» le film  : la mer (Baltique) le mouvement à peine chorégraphié des herbes, un double bercement « conventionnel » et un cadrage classique (répartition dans l’espace) avant l’apparition d’une jeune femme.. Arrêt sur « image » :un ruban rouge qui volète (ce même plan sera repris en écho vers la fin, tel l’indice signifiant l’inévitable circularité …)

Couleurs pastel (souvent déclinées dans le vert amande) illusions spectrales quand le blanc envahit l’écran (Dora à la recherche de Franz au sanatorium ) 


Mais comble de l’insoutenable ou de l'ironie,  la « création littéraire » est limitée à des balbutiements, des ânonnements très laconiques, à telle enseigne que ce film pourrait concerner n’importe quel dernier été (un thème crépusculaire) de n’importe quel malade tuberculeux (suffisamment nanti toutefois) du début du XX° siècle.

Or en vivant une passion amoureuse dont l’intensité ne peut être qu’exacerbée par la conscience d’une mort prochaine, Franz Kafka est censé être « métamorphosé » : n’avait-il pas retrouvé à la fois l’envie d’écrire et l’envie de profiter de chaque minute ? Comme pour faire du temps qu’il lui reste un grand chef d’œuvre. (cf le synopsis) 


Hélas ce film (assez prétentieux au demeurant) ne montre pas une « passion dévorante » (attention ! le jeu de la talentueuse Henriette Confurius n’est pas en cause) ne rend pas compte des tourments intimes profonds ni de la création littéraire…Une mise en scène bien trop sage eu égard à la personnalité complexe de Franz Kafka 

 

Mais…. on aura vu un Franz Kafka enfourcher une moto, éplucher des pommes de terre, on aura vu son intérêt croissant pour le Talmud, on aura vu des « appareils chirurgicaux » comme autant d’instruments de torture, on l’aura vu jouer aux échecs avec Max Brod et gagner … la partie (à charge de revanche dit l’ami « qui lui veut du bien »…)
 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Un livre doit être la hache qui fend la mer gelée en nous ; voilà ce que je crois

C'est ce qu'écrivait  Kafka à Oskar Pollak en 1904 
 

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18 novembre 2024 1 18 /11 /novembre /2024 04:39

 

Le festival "Caméra au poing" - le cinéma des luttes- organisé par Les amis de l'Humanité,  et dont Gilles Perret fut  le parrain en 2023,    aura lieu 

 

du vendredi 29 novembre au dimanche 1er décembre

 

au cinéma l'Omnia Rue de la République Rouen

Festival Caméra au poing

                                                                             

                                                                 

                                                           PROGRAMME

Festival Caméra au poing
Festival Caméra au poing
Festival Caméra au poing
Festival Caméra au poing
Festival Caméra au poing
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16 novembre 2024 6 16 /11 /novembre /2024 06:30

d'Emmanuel Mouret (2023)

 

 

avec Camille Cottin Sara Forestier, India Hair Vincent Macaigne  Grégoire Ludig, Damien Bonnard,  Eric Caravaca 

Joan n’est plus amoureuse de Victor et souffre de se sentir malhonnête avec lui. Alice, sa meilleure amie, la rassure : elle-même n’éprouve aucune passion pour Eric et pourtant leur couple se porte à merveille ! Elle ignore qu’il a une liaison avec Rebecca, leur amie commune… Quand Joan décide finalement de quitter Victor et que celui-ci disparaît, la vie des trois amies et leurs histoires s’en trouvent bouleversées.

Trois amies

Voix off, importance de la musique (n’est-ce pas elle qui prélude à l’épiphanie de l’Amour cf L’art d’aimer) importance du Verbe (les dialogues sont très écrits…) intermittences du cœur et/ou inconstances amoureuses autant de constantes chez le cinéaste que l’on retrouvera dans Trois amies…

 

Lyon le milieu enseignant c’est la toile de fond. 

Voici Joan (India Hair) elle souffre de ne plus vibrer pour Victor (Vincent Macaigne) ; un accident de voiture ….Mais par-delà la mort, Victor -dont on entend la voix off- continuera à regarder la femme aimée (Regardez comme elle est belle ») au point d’en faire une image sacrée, et à commenter son désarroi.

Quant à Alice elle assume une forme de conjugalité décomplexée ignorant que son compagnon est l’amant de Rebecca …

L’amour en ses cycles de dévoration d’extinction et de renaissance (inattendue ??° ) ? Peut-être et la délicatesse chez E Mouret est de ne jamais tomber dans le piège des « clichés » (faciles) 
 

Mais le film insiste (cf le titre) sur un lien sororal d’amitié que chacune des trois femmes va décliner selon son tempérament,

Joan et sa partition de l’honnêteté -India Hair est tout simplement épatante dans un rôle tout en demi-teintes d’angoisses réitérées d’attentes décevantes, Rebecca débordante d’énergie explosive sensuelle dans son « art » de maquiller le mensonge… alors qu’Alice « semble » plus pragmatique (mais…) 

 

Le cinéaste va « jouer » avec toutes les combinaisons possibles ( ?) de ces trois « partitions » en les enchevêtrant, en les opposant, en les superposant – 

Et l’on comprendra que l’adultère choisi assumé par Eric (Grégoire Ludig) est en fait la condition sine qua non de la fidélité à.. la personne aimée (cf Emmanuelle/Ascaride dans l’art d’aimer)

Et l’on comprendra aussi grâce à un travelling inattendu (appartement visité avec Martin, le meilleur ami de Thomas prof remplaçant de Victor) que Joan assume seule le fait d’être devenue ce qu’elle est -un sourire éclaire les profondes ténèbres)

 

 

Oui, Il faut assister à ce théâtre des émotions, à ces déclinaisons de la vérité et du mensonge, de l’amour et du hasard, à ces multiples combinaisons (qui rappelleraient l’Oulipo  ?)

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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14 novembre 2024 4 14 /11 /novembre /2024 05:28

Documentaire réalisé par  Piero Usberti (Italie France Palestine 2023)

 

 

présenté au festival Cinéma du réel France 2024 (Compétition)

À Gaza, il faut arriver le soir au printemps, s’enfermer dans sa chambre et écouter les sons qui entrent par les fenêtres ouvertes. Nous sommes en 2018. J’ai 25 ans et je suis un voyageur étranger qui rencontre de jeunes Palestiniens de mon âge. Ils m’ont amené dans leur quotidien qui s’est rapidement teinté d’une portée très politique. Une vie telle qu’on ne l’imagine pas toujours. » (Piero Usberti)

Voyage à Gaza

2018. Piero Usberti (alors âgé de 25 ans) est accueilli par Meri Cavelli (fondatrice du centre italien d’échange culturel). La voix off du documentariste philosophe -que rythment des percussions- sera notre guide 


Voici des restaurants des appartements voici une foule grouillante ou des portraits de jeunes et moins jeunes au visage souriant, filmés en plan américain, voici tout un tissu urbain (qui hélas 6 ans après n’existe plus..) voici un champ de fraises bio à Beit Lahya, voici le café Al Baqa en bord de mer Une mer et ses couchers de soleil somptueux une mer (le plan sera récurrent) où se glisse -de la surface jusqu’en ses profondeurs abyssales une scène d’indomptabilité à forte imprégnation mythologique, une mer toujours recommencée …malgré le blocus imposé

(Le Hamas - il est bon de le rappeler -n’existait pas en 1948. Créé en 1987 il fut élu en 2007 pour gérer la bande de Gaza) . Eux les Gazaouis commémorent la Nakba « catastrophe » et c’est lors d’une manifestation «pacifique » que Yasser Mourtaja photoreporter palestinien fut tué le 6 avril 2018 alors qu’il portait le badge « presse » et couvrait la « marche du retour » Nous assistons à ses funérailles


‘Ma voix off ne vise pas à donner un cours d’histoire, mais je pointe des faits : Israël a mené un projet d’occupation puis d’expulsion des Palestiniens, en 1948, explique Piero Usberti. Il n’y a rien de haineux à dire cela. 


J’ai pensé à une phrase de la photographe Susan Meiselas, qui dit que la caméra donne un moyen d’être là où je n’appartiens pas, et me donne la bonne distance pour rencontrer l’autre Tant il est vrai que le « texte » qu’il lit est empreint d’émotion (celle d’un  " modeste"  humain parmi les "humains"  d'un "humain" qui  respecte  toute vie humaine……à bon entendeur !!!) 
 

Piero Usberti est accompagné de Sara, 25 ans à l’époque – qui officiait dans un centre d’entraide pour des femmes. "Je vis à Gaza City"  elle lui (nous) explique le verrouillage de la « bande » : au sud, la porte de Rafah à la frontière avec l’Egypte, au nord, Erez à la frontière avec Israël. Car Gaza est assurément la plus grande prison à ciel ouvert. Et les bruits permanents des drones de surveillance et/ou de combat (que d’emblée le cinéaste reporter oppose aux drones-caméras), les coupures d’électricité (une constante dans le quotidien des habitants) , ces jeunes interviewés donnent l’impression de s’en accommoder …certains tentent de s’évader par la littérature (voyez Mohanad, communiste, montrant son étagère couverte de livres dont certains  "interdits".) ou par des « projets » (Jumana, professeure d’anglais et de natation, rêve de devenir journaliste) (on apprendra que  Sara partira en Italie pour ses études. que Mohanad vit en Belgique depuis 2022. que Jumana est restée encore 7 mois après le 7 octobre 2023 avant de se rendre en Egypte…)

 


Et j’ai voulu montrer la beauté de Gaza, qui ne se réduit pas à une terre où le pire arrive


Oui en procédant par petites touches (que renforcent le tremblé de la caméra au poing et le format carré) ce documentaire "défait" "l’essentialisation"  d’une zone uniformisée pour l'extérieur en pure «zone noire».
 

Oui Voyage à Gaza individualise singularise les êtres alors que  les discours sur les habitants de cette "prison à ciel ouvert"  tendent à les « engloutir sous la seule appellation de « terroristes » (justifiant à bon compte l’injustifiable !!!)
 

D’une façon plus générale le « dispositif » même du cinéma -grâce à son rapport au temps à l’espace aux corps aux imaginaires- va à l’encontre d’un storytelling -celui qui domine dans les discours officiels, dans les médias mainstream et les réseaux sociaux- storytelling qui se plaît à « invisibiliser » une Histoire -assez longue-  dans laquelle s’inscrit le 7 octobre 2023
 

 

Un documentaire à ne pas rater !!

 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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11 novembre 2024 1 11 /11 /novembre /2024 08:05

D'Icíar Bollaín (Espagne 2023)

 

 

avec  Mireia Oriol, Urko Olazabal et Ricardo Gómez 

 

festival Saint Sébastien (septembre 2024)

À la fin des années 1990, Nevenka Fernández, issue de la bourgeoisie conservatrice locale,  est élue à 25 ans conseillère municipale auprès du maire de Ponferrada, le charismatique et populaire Ismael Alvarez membre éminent du Partido popular (PP), situé à droite.  C'est le début d'une descente aux enfers pour Nevenka, manipulée et harcelée pendant des mois par le maire. Pour s'en sortir, elle décide de dénoncer ses agissements et lui intente un procès

L'affaire Nevenka

L'Affaire Nevenka (Soy Nevenka Je suis Nevanka) inspiré de  faits  réels (cf synopsis) révèle le premier cas de #MeToo politique en Espagne 

 

En optant pour la « circularité » du récit -le film est un (trop ?) long flash-back, avec quelques allers retours entre passé et présent de la narration-,   la réalisatrice adopte d’emblée le « point de vue » de Nevenka: c’est par elle, c’est de son point de vue, que tout sera « revécu » : « complexité » des faits rapportés, scènes de « charisme » -lequel se mue d’ailleurs en emprise- l’incompréhension des uns l’empathie des autres (rares…), les accusations faisant de la « plaignante victime » la seule responsable, l’accumulation de « fake news »  dans la campagne de dénigrements-, etc.. Or c’est précisément cela que permet la fiction (à la différence du documentaire qui n’aurait pas pu -de par son essence même- « capter » tous les moments du ressenti profond.  En pénétrant la "psyché" de Nevenka, en situant le film au moment des « faits » -soit à la fin des années 1990, Iciar Bollain laisse au spectateur le soin  de s’interroger sur « ce qui n’a pas fondamentalement changé » en dépit de la libération de la parole et de la notion de consentement qui n’est plus perçue de la même manière … Il est vrai que l’on est enclin à « juger » à l’aune des années 2010 

 

La talentueuse Mireia Oriol a su rendre compte (cf les gros plans sur son visage ou la focalisation sur ses gestes les mains en particulier) du passage progressif de  " l’entente cordiale" à l’enfer, du rayonnement à la déchéance, en passant par des phases de " confusion"  et de doutes réitérés- jusqu’à la prostration …avant l’acte ultime de  "survie"  (aidée en cela par son compagnon et son avocat) de "déposer une plainte", d’intenter un  "procès"  (lequel sera restitué mot pour mot d’après les archives…quolibets inversion des « rôles » éructations de l’avocat général …) 

*Oui Nevenka est bien le premier cas #Me Too politique en Espagne, Et lourdes seront les conséquences (cf le générique de fin) pour la plaignante qui a voulu préserver sa "dignité" 

 

Cela étant, malgré une mise en scène (assez académique avouons-le sans ambages) qui mêle chronique sociale (l’omnipotence du patriarcat, la prégnance de la religion) chronique politique (transactions immobilières alimentant la "bulle"  qui explosera vers 2008, par exemple) et thriller psychologique (anatomie de tous les rouages de la "manipulation"  qui préside au harcèlement, rouages étroitement liés à "l’exercice du pouvoir") on est en droit de déplorer certaines insistances (complaisantes ?) Pour exemple une opposition de traitement. Voici une mini scène traitée avec une sobriété telle qu’elle n’en sera que plus convaincante (le maire en arrière-plan se penche vers des vigiles qui immédiatement avec des battes de base-ball vont chasser des opposants faisant de la pub pour un autre bar que …le sien…) opposons cette mini scène (mais passerait elle inaperçue ?) à toutes celles -traitées souvent tels des instantanés certes -où le prédateur, souvent en gros plan, se comporte en  "parrain mafieux" dispensant privilèges et sourires mielleux…

 

Nous venons d’assister à la démonstration même de ce qu’est le harcèlement  dira l’avocat de la défense auquel on reproche de ne pas avoir répondu aux propos de l’avocat général (coléreux il éructait sa vindicte !) 
 

Un film d’utilité publique ? je vous laisse juge…

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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9 novembre 2024 6 09 /11 /novembre /2024 05:29

De Sean Baker (USA 2023)

 

Avec Mikey Madison ( Ani) Mark Eydelshteyn (Ivan) Youri Borissov (Igor) Vache Tovmasyan (Garnick) Paul Weissman (Nick) Karren Karagulian (Toros)

 

 

Palme d'Or Festival de Cannes 2024

Argument: Anora, jeune travailleuse du sexe de Brooklyn, se transforme en Cendrillon des temps modernes lorsqu'elle rencontre le fils d'un oligarque russe. Sans réfléchir, elle épouse avec enthousiasme son prince charmant, mais lorsque la nouvelle parvient en Russie, le conte de fées est vite menacé.

Anora

S’il est bien une constante dans la filmographie de Sean Baker c’est l’intérêt porté aux marginaux (rappelez-vous Tangerine, Le prince de Broadway ou encore Florida project) et la façon dont sa caméra épouse leurs parcours chaotiques, c’est aussi cette folle énergie qui habite chacun de ses protagonistes. Déterminée et fragile à la fois Anora rejoint la cohorte des autres personnages du panthéon du cinéaste


Anora ? Elle préfère Ani. Prostituée ? Non « stripteaseuse » Et pour incarner ce personnage survolté l’actrice talentueuse Mikey Madison par son jeu à fleur de peau et de braillements, par son corps aussi souple que la fluidité de la narration est très convaincante !


Le film obéit à un schéma narratif assez simple fondé sur la binarité. Après une sorte de prologue qui immerge le spectateur dans le quotidien des « travailleuses du sexe » -couleurs bleutées ondulations des fesses circulation de l’argent pour satisfaire une appétence sexuelle-, nous assistons à la genèse d’une union qu’un mariage (improbable) va sceller ; l’union Ani/Yvan ressemblerait elle à un « conte de fées ? En apparence seulement (des motivations plus triviales animent aussi ces deux jeunes partenaires) …Mariage et Faste …(le jeune homme est le fils d’un oligarque russe) Mais le rêve va s’écraser dans les considérations faites de « turpitudes » propres aux « grands » de ce monde (grands par leur puissance financière et leur conservatisme idéologique…) Deux longues séquences  d’anthologie : celle dans le huis clos de la maison avec ses cocasseries diverses, suivie d’une autre non moins étonnante : la course effrénée dans la nuit new yorkaise (rythme lumières milieux interlopes) est à « couper le souffle » (sens propre et figuré) ; le film se clôt sur un épilogue en forme  d'ouverture ( ?)


Si Sean Baker a déjà abordé le thème de la « prostitution » il l’inscrit ici dans la perspective d’un « conte »  en « faisant sortir » la stripteaseuse Anora hors de son milieu social, MAIS à l’inverse de Pretty Woman le rêve caressé et momentanément réalisé à grand renfort d’invraisemblances assumées, se heurte au bloc de l’immanence (ce qui justifie la binarité à la fois dans le jeu d’oppositions et dans la structure narrative) Construction et déconstruction ; rêve et réalité ; transcendance et immanence. 
 

Au statisme apparent (Ani est bâillonnée recroquevillée sur le canapé) s’oppose un bouillonnement intérieur et la disparité entre Toros (ce religieux mafieux payé par le couple milliardaire russe pour canaliser les emportements de leur fils) et ses deux sbires (aux allures comiques de personnages de BD) fait basculer le « faux » drame dans une comédie de pacotille  …HORMIS le fait que l’acharnement des trois, en soi assez comique avec ses rebondissements et/ou sa répétitivité et les problèmes de communication liés à la barrière de la langue, dit l’impossibilité de l’effacement : on ne DOIT PAS pactiser avec les « classes dites laborieuses » 
 

La toute dernière séquence ne peut-elle se donner à lire comme les prémices d’un nouveau conte ?  Celui du  triomphe de l’émotion (jusque-là jugulée par les convenances ou contenue par la pudeur) Une ouverture palpable dans l’enserrement même de l’étreinte …. Igor/Ani
Et la neige floconneuse s’en vient saluer un cœur mis à nu..

 

Certes on peut déplorer des longueurs, des « effets » d’insistance « faciles », de même souligner la superficialité du scénario, mais Anora n’en reste pas moins un film à VOIR que je vous recommande (même si personnellement j’ai préféré Prince de Broadway

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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5 novembre 2024 2 05 /11 /novembre /2024 05:50

 

Le festival This is England -dont c'est la 13ème édition- se déroulera  du 16 au 24 novembre 2024 dans toute la Normandie

 

À travers une compétition de courts-métrages et la diffusion de longs-métrages inédits en ouverture et en clôture, le festival This is England propose chaque année de se plonger dans la richesse du cinéma britannique.



 

Festival This is England

Depuis sa création en 2012, le festival est organisé par l'association Rouen-Norwich Club et accueilli par le cinéma Omnia République de Rouen. Depuis 2019, le cinéma Kinepolis accueille également la manifestation, avec pour effet une dynamique de l’événement sur les deux rives de la ville. Fier de faire perdurer la relation historique entre la Normandie et le Royaume-Uni sous un angle cinéphile, This is England a ainsi présenté plus de 500 films, invité leurs réalisateurs, producteurs ou scénaristes à venir échanger avec le public et a offert plus de 25 000 € de prix aux lauréats. En constante augmentation, la fréquentation du festival a atteint un nouveau record lors de la dernière édition où plus de 23 000 festivaliers sont venus découvrir les films de la programmation.

 


 

L’édition This is England 2024 propose cette année une séance de six courts-métrages de fiction et animation, en version originale sous-titrée en français, permettant de confronter les élèves à des supports authentiques et d’appréhender la diversité et l’originalité de la production culturelle britannique.

 

Soirée d’ouverture samedi 16 novembre Omnia 20h
Soirée de clôture samedi 23 novembre  Kinepolis 20h

 


Programme 

This is England 2024

Festival This is England
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4 novembre 2024 1 04 /11 /novembre /2024 14:20

Film documentaire de Gilles Perret  et François Ruffin (2023)

 

avec François Ruffin Sarah Saldmann

C’est quoi ce pays d’assistés ? De feignasses ? » Sur le plateau des Grandes Gueules, l’avocate parisienne Sarah Saldmann s’emporte: « Le Smic, c’est déjà pas mal. » D’où l’invitation du député François Ruffin : « Je vous demande d’essayer de vivre, madame Saldmann, pendant trois mois, avec 1 300 €. - Admettons, mais une semaine, ça sera déjà pas mal. » Alors : peut-on réinsérer les riches ?

Au boulot!

Reportage, documentaire ?... peu importe, mais certainement pas fiction, le film de François Ruffin et Gilles Perret qui passe très vite (1 h 25) est une petite merveille d'intelligence politique.

On connaît plus ou moins la vie des pauvres en France mais très mal celle des riches. L'idée de "réinsérer les riches," selon l'expression du réalisateur,  est toute simple : prendre une avocate ultra-libérale, Sarah Saldmann, chroniqueuse aux Grandes Gueules en 2023 sur RMC puis à Cnews et la plonger quelques jours dans les métiers manuels de ceux qu'elle accuse d'être des feignasses, gavés aux aides sociales.

Le film est drôle d'emblée, à la manière de "Merci Patron". On croit rêver en entendant  les propos pleins de mépris sur les assistés que cette jeune femme assène sur les ondes. Mais elle accepte de jouer le jeu, et la voilà avec ses talons hauts et vêtements de grandes marques, prête pour une journée de livraison. La caméra de Gilles Perret la suit sans malveillance, épuisée au bout de la matinée. "J'ai 70 points de livraison à effectuer, mais on a pris du retard, 15 ce matin seulement alors que d'habitude j'en ai déjà fait 50 ! ...dit le livreur sous le regard abattu de Sarah Saldmann.

 

On s'attend après l'avoir vue peiner et découvrir le métier d'ouvrière dans une usine de harengs fumés, celui d'agricultrice, d'aide à domicile, serveuse en brasserie, bénévole au Secours Populaire, etc...qu'elle prenne conscience de la réalité des métiers durs où les gens sont abîmés physiquement par leurs tâches.

Certes notre bourgeoise émet quelques regrets sur ses déclarations intempestives, réactionnaires et surtout bâties sur l'ignorance de la vie des pauvres, "j'ai merdé là dessus" avoue-t-elle, mais la rédemption durable se fait toujours attendre....

Ruffin évite le tourisme social. Leurs discussions à ce sujet recadrent l'objectif du propos et sont parlantes. Il mêle habilement toutes sortes de catégories parmi ces personnages réels à qui on confie la “stagiaire”. Si fait qu'il démolit au passage tous les préjugés sociaux et racistes contre les immigrés, les femmes seules chargées de famille, les hommes jeunes des banlieues, précaires, qui habitent toujours chez leurs parents faute d'avoir les moyens pour se payer un loyer, ou les vieux cassés par des années de travail éreintant.

 

Le spectateur découvre ou redécouvre la condition de la classe ouvrière. Très bien filmé, au style alerte, enlevé, nous passons du rire aux larmes sans aucune lourdeur ni voyeurisme. Ruffin a de l'empathie à revendre et sait la communiquer, aidé en cela par l'adresse de son complice cinéaste- cameraman Gilles Perret (auteur du fameux documentaire sur la Sécurité Sociale").

Le final du film est festif, original et inattendu car il y a toujours de la surprise, de la fantaisie et de l'espoir dans les films de François Ruffin. Son œuvre cinématographique est unique par son style et ses scénarios. Il parvient une fois de plus à redonner le souffle et l'élan pour combattre les injustices aux spectateurs qui ont politiquement le moral en berne.

 

Un film d'utilité publique ! A voir et faire voir dès sa sortie nationale le 6 novembre.

 

Serge DIAZ

 

 

 

PS : Contrairement aux usages en général, le film n'a été pré-acheté par aucune télé, brûlot trop efficace sans doute contre les alliés du système capitaliste actuel.

Sarah Saldmann, avocate et chroniqueuse télé,  est la fille d'un riche propriétaire de cliniques privées à Paris, et auteur à grand succès de livres sur le jeûne. On la voit dans une boutique de luxe regarder une veste qui lui plaît de 2990 € et dire face à la caméra "ça va, elle n'est pas chère" sans plaisanter.

 

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3 novembre 2024 7 03 /11 /novembre /2024 07:12

Documentaire réalisé par   Joseph Paris, 2023

 

avec Logan de Carvalho (le narrateur) et Yasser Louati, 

Argument: Yasser est militant des droits de l'homme. Joseph est cinéaste. Ensemble, ils interrogent, des années 80 à aujourd'hui, le phénomène du repli identitaire en France, la montée du racisme et les restrictions des libertés. Ils délivrent la parole qu'on ne veut pas entendre, en décortiquant le discours médiatique et politique, confrontant l'actualité aux archives.

Le repli

Retracer la montée du racisme en France et de l’islamophobie, analyser le recul des libertés individuelles en « rembobinant » jusqu’aux années 1980 (grèves des ouvriers immigrés). De l’instauration de l’état d’urgence en 2015 (et ses dérives avec entre autres  les perquisitions abusives à répétition) jusqu’à la loi sur la sécurité (2107 ) Oui ce film documentaire va  décortiquer certains discours politiques ‘(Sarkozy Hollande Macron)  donner la parole à des  victimes d'abus "légitimés" par les lois liberticides...,  ainsi qu'à des  chercheurs historiens penseurs  (saluons au passage l’analyse de Mireille Delmas-Marty 1941 2022,  de Vanessa Codaccioni, ou de Thomas Deltombe) mais surtout  "œuvrer" avec  Yasser Louati à la fois acteur et témoin (commentateur sur les chaînes télévisuelles du monde entier et bénévole associatif contre l’islamophobie en France) que la caméra suit  à Paris Nice Calais…


Quand fond et forme sont d’une puissance démonstrative implacable !! un tel film documentaire devrait être  "montré" en haut lieu (Assemblée nationale, Sénat) comme à tout citoyen …


Recours au noir et blanc, rythme soutenu, morcellement fragmentation de l’image, archives confrontées au regard critique de "spécialistes" (non pas ceux qui pullulent à longueur de plateaux complaisants imbibés de la doxa ambiante mais  ceux qui "osent" mettre en perspective …) Une  démarche quasi artisanale de l’art vidéo (dans les années 60/70 des cinéastes new yorkais recherchant de nouvelles formes de créations d’images récupéraient des pellicules dans les poubelles pour les assembler en les transformant) Nous voyons Joseph Paris (réalisateur/vidéaste) projeter d’abord l’archive brute, puis ses mains qui coupent, grattent déchirent, jusqu’à crever les yeux des "discourants " (en réponse à la violence symbolique qui abonde sur les chaînes de télévision ???) puis il va associer les images, les remonter, les détourner à son tour (ainsi il est à même d’en révéler  les amalgames et les contresens) pour finalement les projeter en animation… Un tel dispositif est assez singulier (serait-ce aussi sa "limite" ? pour "dénoncer" le pouvoir subversif de l'image?)   Ajoutons les montages parallèles  le recours aux split screen (censés épouser la division de la société ?). et cette voix off d’un narrateur (Logan de Carvalho)  " double "  du réalisateur - qui avec  "pédagogie" va expliquer  ce que l'image est "censée montrer," alors que Yasser Laouti dissèque les propos rapportés…L'image de l'oignon que l'on pèle   corrobore la fonction  de "dissection" (épluchage)


Les passe-droits accordés depuis 1980 (et ce quel que soit le pouvoir en place) sont hélas devenus "permis de tuer" La défense de la laïcité (certains politiques dont le premier ministre Manuel Valls éructent hystériques) a été sciemment détournée…Rupture de l’égalité des citoyens ? c’est à n’en pas douter la restriction pour TOUS des libertés individuelles. Etat de droit en danger ? à plus ou moins long terme c’est le triomphe de l’autoritarisme  (principe moteur de l’autocratie)   
 

La France est devenue incapable "de se voir comme un nous", avec ses enfants de toutes origines, (sociales et autres...)….
 

Un documentaire (cri d'alerte en forme d'uppercut ) à ne pas rater (malgré certains malgré)

 

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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