D' İlker Çatak (Allemagne 2023 )
avec Leonie Benesch (Carla Nowak), Michael Klammer (Thomas Liebenwerda), Rafael Stachoviak (Milosz Dudek), Anne-Kathrin Gummich (Dr. Bettina Böhm), Eva Löbau (Friederike Kuhn)...
Alors qu’une série de vols a lieu en salle des profs, Carla Nowak mène l’enquête dans le collège où elle enseigne. Très vite, tout l’établissement est ébranlé par ses découvertes
En resserrant l’action dans le huis clos qu’est le gymnasium, en focalisant le propos sur une enseignante (professeure de math de sport et professeure principale), en faisant le distinguo entre « avoir raison » et « avoir ses raisons » le cinéaste cherche à enfermer le spectateur dans cette ère du soupçon …si contemporaine !!
L’enseignante aime son métier, ses élèves ; elle a choisi la « justice »-or les moyens sont contestables, voire illégaux- (la vidéo comme arme de révélation massive, ne serait-elle pas un clin d’œil à Haneke ? ) Admirablement interprétée par Léonie Benesch, Carla Nowak va se mettre à dos des parents indignés, forcément indignés, des collègues frustrés, des élèves désobéissants (ah la fronde du silence) une direction plutôt mollassonne et vers le dernier tiers du film elle sera la spectatrice de ses échecs et non plus sujet (le basculement est lisible dans cette scène où elle perd littéralement pied, s’immobilise seule dans une foule/marée qui, l’enveloppant, lui fait perdre l’équilibre tel un tsunami). L’ultime sursaut -défendre coûte que coûte Oskar le fils de la « prétendue » voleuse - sera un cuisant échec (ce dont témoigne le plan final, peu convaincant d’ailleurs, même s’il allie onirisme et dérision)
Echec d’une « méthode » pédagogique ? échec de tout un système ?
Inégalités de traitement, relents délétères de racisme, défaite de la sacro-sainte autorité, fabrique de l’opinion (avec la caricature des médias) ces problèmes reflets de la société, -dont certains abondamment illustrés- participent à une tension qui ira crescendo (d’ailleurs on compare ce film à un thriller). Et les différents « groupes » (élèves professeurs administration parents) peinent à « communiquer » tant chacun veut exercer le « pouvoir » qui lui est dévolu (la rencontre entre équipe pédagogique et représentants d’élèves ou celle entre professeurs et parents valent leur pesant d’hypocrisie…)
Le cinéaste a opté pour le format 1,33 ; souvent étouffant il est censé enfermer le(s) personnage(s) dans le cadre); or dans le contexte du huis clos n'y aurait-il pas redondance? Ou du moins surlignage ? (Simple question). D’autant que la « topographie » interne à l’établissement scolaire, et sur laquelle enchérit le cinéaste dans la façon de la filmer, est précisément celle du cloisonnement et du labyrinthe (avec ses portes ses escaliers ses vitres et ses salles)
Prisonnière de ses idéaux, seule contre tous, Carla Nowak tâtonne, se rebelle, ose la contradiction qui la met en porte-à-faux, hébétée au regard hagard, (et le leitmotiv du compositeur Marvin Miller, accompagnera chaque retournement de situation de ses violons lancinants)
Se méfier du « genre hybride » -film de fiction aux allures de documentaire ! Quand bien même le spectateur serait le témoin privilégié d’une tranche de vie documentée à la matérialité réaliste ou naturaliste, il aura assisté à une une « parabole sociale » un « thriller pédagogique » au rythme soutenu grâce aux effets « boule de neige »
Un film qui « a secoué l’Allemagne » (clame l’accroche publicitaire)
Est-ce un « chef d’œuvre » ? on peut en douter…
Colette Lallement-Duchoze