Film écrit et réalisé par Rayhana
Co-production France / Grèce / Algérie (le film a été tourné dans un hammam à Thessalonique)
Avec Hiam Abbas (Fatima) Fadila Belkebla (Samia) Lina Soualem (Meriem) Bayouna (Aïcha)
Dans un hammam neuf femmes algériennes de conditions et d'âges différents se livrent, à l'abri du regard des hommes, à une conversation libre qui touche à l'intimité des corps et à tous les tabous de leur société, sur fond de bombes et de menaces intégristes
Alger 1995. Vue aérienne sur le port la mer le ciel puis sur les toits et paraboles. D'une terrasse on entend la voix off de Samia qui dit l’attente l’espoir (elle a 29 ans et demi) la façon de contourner l’interdit en lavant puis étendant le linge . Mais une vue en plongée sur une fenêtre, et … dans le reflet d’un miroir, c'est la violence d’un rapport sexuel...(dont Fatima est la victime)
Après ce prologue -très suggestif- le spectateur va être enfermé dans le lieu clos d’un hammam que dirige la même Fatima (Hiam Abbas) -elle y trouve refuge, se lave de l’affront subi; nue et recroquevillée, elle fume avec délectation (cf l’affiche) (en Algérie fumer c’est pour les catins). Aidée de sa masseuse Samia elle est prête à accueillir les "femmes"
Le choix d’un tel lieu n’est pas innocent ; de l’aveu même de la réalisatrice "c’est un des rares endroits où la femme peut aller sans réprimande. Sauf pour les islamistes qui avaient décidé que le hammam était illicite car lieu de la nudité -laquelle est réservée à l’époux !
Les corps se dénudent, l’eau ruisselle, les langues se délient. On fume, on chante, on danse, on crie, on rit. Chacune de ces femmes d’âge de corpulence et de milieu différents a son vécu, un vécu souvent douloureux. On retiendra le récit de cette femme âgée qui à 11 ans, a subi sa défloraison (mariage arrangé avec un homme de 30 ans) ; l’histoire de Meriem enceinte de père inconnu menacée de mort par son frère - Fatima dans un premier temps la "cache" mais l’accouchement va fédérer toutes les femmes dans une forme d’unité salvatrice où la Vie et la Dignité s’opposent aux ravages dévastateurs des islamistes. Quand les "barbus" tentent de faire irruption, Aïcha (Bayouna) sait déverser son venin sur cette meute d'enragés
Des corps et des cœurs mis à nu dans une atmosphère embuée de vapeurs, aux couleurs pastels ; tout cela au service d’une charge contre le traditionalisme, la dictature phallocrate et islamiste -dont le bruit des bombes rappelle la présence prégnante! Telle est bien la "mise en images" de "à mon âge, je me cache encore pour fumer"
Mais l’adaptation cinématographique d'un texte destiné au théâtre est loin d'être "convaincante". Hormis prologue et épilogue qui se répondent en écho, le film accuse trop souvent les marques de la théâtralité.. Voyez ces mouvements des corps qui se rassemblent ou se dispersent: ne rappellent-ils pas les entrées et sorties des personnages sur scène ? entendez ces voix, n'ont-elles pas les modulations de récitantes ?
Un beau chœur à l’antique avec coryphée oui ; un objet cinématographique non
Colette Lallement-Duchoze