5 janvier 2024 5 05 /01 /janvier /2024 14:00

Documentaire réalisé par Marianne Lère Laffitte (2023)

Chapelle-Darblay est la dernière et unique usine à fabriquer du papier journal 100% recyclé en France. Fermée depuis septembre 2019 sur décision de son propriétaire finlandais, la papeterie centenaire est désormais menacée de démantèlement. À sa place, un site de production d'hydrogène est prévu. Alors que les 217 salariés, les "pap-chap", ont perdu leur emploi, trois délégués du personnel, deux ouvriers syndiqués et un cadre sans étiquette, toujours présents sur le site, se battent pour sauver la papeterie de la fermeture. Vont-ils réussir à sauver leur usine ?

L'usine, le bon, la brute et le truand

Dès que je suis arrivée sur le site, j’ai vu un film : le lieu est très cinématographique et impressionnant. C’est le génie humain incarné dans ces machines. Et les trois personnages que j’avais devant moi formaient un attelage parfait. Même en écrivant une fiction je n’aurais pas pu faire mieux. »

 

Et de mai 2021 à juin 2022, elle va filmer au plus près à la fois les lieux -gros plans ou plans d’ensemble ou ralentis sur le  monstre d’acier  – et le combat mené essentiellement par trois hommes, Cyril et Julien, syndiqués CGT et Arnaud un cadre, trois hommes qui malgré une appellation/sobriquet (censée les rapprocher du western…) ont mis leur fougue leur enthousiasme leurs convictions dans un combat pour « sauver l’entreprise’ ».

(Foin de la brutalité et de la malfaisance à la Sergio Leone mais lutte pour l’équité) Après un rappel historique où se succèdent à un rythme rapide les photos témoins d’une activité prospère (l’ébullition en flagrante opposition avec le vide sidéral ambiant, un changement de format -cadre dans le cadre- alors qu’une voix mezzo interprète un chant -diatribe contre le libéralisme carnassier- ) nous allons pénétrer dans les « coulisses » de la « lutte sociale ».

En effet, le « trio » va empêcher la multinationale finlandaise UPM United Paper Mills (alors propriétaire de l’usine) de démanteler leur outil de travail, revendre les Pap Chap au groupe Samfi-Prapec, qui reprendrait éventuellement la moitié des employés licenciés. Le trio -aidé en cela par la métropole, (préemption)-  est partisan de l’offre Veolia qui avec Fibre-excellence propose de racheter l’usine et de restaurer les 230 emplois originels.

Un bras de fer donc ! Une lutte menée par ceux qui auraient pu s’appeler « les 3 connards » comme le rappelle, facétieux, Cyril Briffaut mais qui n’ont rien « lâché » (tant sur le plan du droit, de la finance que sur le plan écologique) Un combat avec l’appui de la CGT, du collectif Plus jamais ça, des élus locaux, de toutes les personnes qui ont soutenu les Pap Chap. La réalisatrice suit les fluctuations dans leurs négociations avec minutie et empathie  (il y aura quelques spectateurs réfractaires : l’attelage « cadre + syndiqués CGT » leur paraissant "suspect"  - et pourtant  Arnaud avait  explicité son choix-,  et critiquent vertement l’emphase ou l’optimisme béat de ce film; grand bien leur fasse  !!!)

 

Des plans d’ensemble sur les ouvriers en liesse, un plan très rapproché sur une femme dont le visage laisse perler un(e) pleur, etc. attestent de la « victoire » (du jamais vu affirme Philippe Martinez alors secrétaire général de la CGT) Cf l’article Mediapart Rachetée, la papeterie de la Chapelle Darblay va reprendre le recyclage | Mediapart

 

Un film sur l’intelligence collective et sur la fraternité (Marianne Lère Laffitte)

Ce film va faire comprendre aux gens que la résignation n’est pas une solution. Lorsqu’un employeur décide de fermer un site, aujourd’hui, cette décision peut être remise en question, et plus seulement sur le thème des indemnités de départ Arnaud le  "mec de droite"

 

 

Un film à ne pas rater !!…

 

Colette Lallement-Duchoze

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28 décembre 2023 4 28 /12 /décembre /2023 08:23

De João Miller Guerra - Filipa Reis (Portugal 2023)

avec  Carla Maciel Fátima SoaresVitória Nogueira da SilvaPaulo Calatré Sara Machado

 

Présenté au festival de Cannes 2023 Quinzaine des cinéastes 

Synopsis: Dans un vieux manoir situé au nord du Portugal, Ana aide Emília, la vieille gouvernante qui continue de prendre soin d’une demeure où les propriétaires ne se rendent plus. Au fil des saisons, Mónica, la fille d’Ana, remet en question les choix de sa mère, et ces trois générations de femmes tentent de comprendre leur place dans un monde en déclin, où le cycle de la vie ne se renouvelle qu’après d’inévitables fins.

Légua

"Les lumières sont allumées, mais il n'y a personne à la maison"

Une chouette effraie sur une branche, tache blanche dans l’obscurité verte, c'est le premier plan; en écho au final le même rapace mais filmé sous un autre angle. On sait que ce rapace aime les vieilles bâtisses et les endroits tranquilles. La première séquence, consacrée à Ana, est marquée par la sensualité et la sexualité (longue scène d’amour avec son mari). Le film semble s'ouvrir sur des perspectives …que la suite va corroborer ou déjouer ?

Ana, fidèle servante, aide la vieille gouvernante Emilia à entretenir une vaste maison vide (les propriétaires sont absents) et -comme ce sera souvent le cas dans ce film- certains gestes sont filmés en temps réel non par souci de  "lenteur" mais pour les magnifier les sacraliser (ainsi de l’art de faire un lit qui  appartient à un temps révolu). La bâtisse -dont les contours extérieurs ne seront "montrés" qu’à la fin- mais dont l’intérieur respire l’ancien (mobilier tapisseries photos/souvenirs, couleurs) et que certains plans avec ou non des profondeurs de champ, restituent dans le silence quasi sidéral propre aux maisons hantées, est le réceptacle d’une problématique : inanité des efforts déployés ? (c’est le point de vue de Monica la fille d’Ana), respect quasi religieux du passé dans la continuité des rites du pays ancestral? (Emilia) coexistence passé présent à sauvegarder sans entacher un "possible" futur ? (Ana). Victor, le mari maçon, plus pragmatique, veut profiter d’un salaire plus décent à l’étranger et il enjoint sa femme de le suivre en France …  Alors que nous voyons s’activer les deux femmes, préparant la venue des propriétaires ou d’éventuels locataires  -imaginaires ??-  dépoussiérer, lustrer, préparer les repas-,  que nous entendons les diktats de l’aînée et sommes témoins des tentatives avortées d’Ana pour « égayer » les lieux par la musique. En extérieur Ana s’adonne aux travaux champêtres au jardinage etc.. Comme la digne incarnation des « travaux et des jours » ?

Le film opère un tournant avec la découverte de la  "maladie"  incurable d’Emilia (devenue Milinha) et nous assisterons simultanément à la lente « agonie » de cette femme (à l'instar d'un monde qui se meurt?) et à la souveraine conquête d’Ana sur elle-même, sur les lieux et sur le temps, dans l’exercice même d'une soignante zélée et affectueuse (cf le pouvoir incontesté de ses mains qui massent, qui caressent la douleur) Dans cette partie il est des plans sublimes où le corps souffrant, dans sa nudité vieillissante, est comme métamorphosé grâce à cette "liturgie" des gestes  (auparavant nous avions découvert le corps d’Emilia allongé, les yeux clos écoutant ave et pater, préfiguration de la mort ?). 

Ana la servante  "maîtresse des lieux"  devenue ??

Outre la relation filmée avec délicatesse (deuxième partie) entre Ana et Milinha, le film témoigne  -sans ostentation- du conflit de générations et des perceptions du monde opposées (la fougue de Monica contrastant avec le visage renfrogné d’Emilia, l’ambiance festive lors de l'anniversaire  d’Ana -pour ses 49 ans-  opposée au silence de la gouvernante gardienne d’un vide qu’elle habite de sa fidélité) ; la musique illustre ces dissimilitudes (contrebasse harpe piano d’une part et morceau de techno pour la scène de rave party par exemple)

Et pourtant via Skype Monica sollicite l’aide de sa mère pour la cuisson d’un steak !!! (Traditions culinaires à perpétuer !!!)

La campagne environnante, celle du hameau Légua, dont la lumière et les couleurs varient avec le passage des saisons, témoigne dans sa diversité même -montagnes plaines plan d’eau rivière Tâmega- d’une force tellurique aussi puissante que cette race bovine portugaise (cf le plan où une vache envahit de sa superbe tout l’écran)

Un film à ne pas rater !   

 

Colette Lallement-Duchoze

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27 décembre 2023 3 27 /12 /décembre /2023 16:18

d'Henrik Martin Dahlsbakken (Norvège 2023)

 

avec Alfred Ekker Strande (Munch 21 ans) Mattis Herman Nyquist (Munch 30 ans) Ola G Furuseth (Munch 45 ans) Anne Krigsvoll (Munch 80 ans) Jesper Kristensen (Dr Jacobson) Ylva Fuglerud (Inge la soeur de Munch)

 

Musique Tim Fain

Argument: Sur quatre temporalités distinctes, cette fiction retrace le parcours et les tourments d’Edvard Munch (1863-1944) mondialement célèbre et pourtant méconnu. Après son premier amour, le jeune Edvard Munch se rend à Berlin où la révélation de son génie se heurte aux réticences de l’arrière-garde. On le retrouve plus tard à Copenhague, en proie aux doutes et en lutte contre ses propres démons. Au crépuscule de sa vie, il consacre ses dernières heures à préserver son œuvre de la mainmise des nazis qui occupent la Norvège. Ces motifs dressent le portrait foisonnant et changeant de l’homme derrière Le Cri.

Munch

Un biopic apparemment « inventif » : le peintre norvégien est « incarné » par 4 acteurs différents dont une actrice, en des lieux différents (dont une île norvégienne, Berlin, Copenhague); Henrik Martin Dahlsbakken se plaît en outre à "jouer" de  l'anachronisme (la période berlinoise est traitée post mortem, début XXI° siècle) ainsi que  des allers et retours incessants  d’une période à l’autre (après un plan où un travelling latéral montre 4 portraits en effigie  -les interprètes de Munch-, le film consacre la première séquence à Munch vieillard en butte à la Wehrmacht)

Un « portrait éclaté » donc ! Telle une mosaïque ? Ce que renforceraient les traitements différents (passage de la couleur au noir et blanc, changement de format). Assurément !

A cela il convient d’ajouter ces derniers plans où l’audacieuse vue circulaire et rapide sur des tableaux du peintre invite le spectateur à les mettre en parallèle, rétrospectivement, avec ce qu’il vient de voir, où le gros plan sur un autoportrait souligne l’étrange ressemblance avec  l'acteur Alfred Ekker Strande qui interprète la première période, et où un lambeau de film d'époque en noir et blanc saisit le visage de Munch vieillissant,  tel celui d’Anne grimée. Dont acte. (de vraisemblance ??)

 

Mais que dire de ces ciels en arrière fond qui prétendent « imiter » ceux des toiles de Munch ? De cette tendance « tableaux animés » ? Sinon qu’on est en plein « exercice de style » 

Exercice de style inscrit précisément dans cette volonté de raconter à tout prix et simultanément l’homme et l’artiste dans une chronologie éclatée et une narration fragmentée (avec ces clichés pour le premier :  le romantisme du jeune amoureux, la période en noir et blanc à la clinique avec tous les effets de trucage indicateurs de folie, les conquêtes amoureuses, la violence des rapports, l’addiction à l’alcool -et ces glougloutements si exagérés qu’ils frisent le ridicule ; et ces non moins clichés pour le second :  Munch vu de dos dans un coin de verdure harnaché de son chevalet et de sa palette, ou ces plans serrés sur ce geste qui fait crisser la toile, ou les esquisses de ce qui deviendra « le cri », la déception à Berlin quand il doit essuyer le refus d’une galerie, qui lui avait pourtant promis de l’exposer et ces hurlements qui s’ensuivent dans les toilettes (les cris ?) etc. )

 

On pourra toujours arguer que tout cela doit rendre palpables à la fois la versatilité et l’universalité du peintre!!!

N’empêche !!!

Bousculer une trame narrative, suffit-il à s’affranchir de tous les clichés sur le biopic dit traditionnel, ceux que l’on déplorait a priori?

 

A vous de juger !!!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

PS: les Rouennais qui en 2006 avaient vu  le film (référence) de  Peter Watkins  (1973) E Munch, la danse de la vie, dans le cadre du festival du cinéma nordique, pourront "comparer" avec ce "biopic" (qui se veut très branché....)

Munch

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25 décembre 2023 1 25 /12 /décembre /2023 08:00

 

  De Hamé Bourokba et Ekoué Labitey  (2022)

 

avec Garance Marillier, Amir Bettayeb, Bakary Keita, Mamadou Minté, Sandor Funtek, Virginie Acariès

Synopsis: Mia, 25 ans, employée dans un petit salon de manucure dans le 18e à Paris, apprend qu’elle est enceinte. Il lui faut trouver d’urgence un nouvel appartement alors que son copain Nabil, en liberté conditionnelle, peine à joindre les deux bouts. Lancée dans une frénétique course contre la montre, Mia monte une combine impliquant des clientes du salon, des soirées privées, et un footballeur-star. Cette fois, elle n’a plus le choix : elle doit reprendre son destin en main...

Rue des Dames

Un film au rythme de « thriller » urbain ? Certes Mais en mêlant plusieurs « intrigues » en arborescence, le film dit choral- voix et partitions interprétées par une profusion de personnages- souffre précisément d’une inégalité dans le traitement et Mia censée être LE personnage principal devient un point de convergence, un instrument (double sens) (ce qui ne remet nullement en cause la prestation de Garance Marillier)

 

A cela s’ajoutent des portraits aux traits exacerbés : le flic en civil querelleur et baiseur, les footballeurs hypermédiatisés et hyper-friqués - leurs nuits tarifées grâce au recrutement dans un lieu hyper-huppé près des Champa Elysées, les intermédiaires dans des « guerres intestines » et à chaque fois un détail révélateur mis en exergue puis « oublié » dans le mouvement d’une « course contre la montre ». Or les « sous-intrigues » ne font que parasiter l’ensemble au lieu de le « sublimer » ce qu’accentuent le choix de la caméra portée et la prédilection pour les plans serrés (visages par exemple) au service de tractations peu légales, de castagnes , d’hémoglobine et d’embourbement incontrôlé pour les « victimes »

 

La circulation souvent endiablée de personnages (les fils narratifs) se conjugue avec la localisation qu’impose le titre toponymique Rue des Dames - le métro La Fourche séparant le 17ème et le 18ème. Les cinéastes rappeurs tentent de la restituer en ses couleurs spécifiques avec un mélange de réalisme et de naturalisme.  (à l’instar de la séance d’échographie en ouverture, qui montre et dit sans souci moralisateur ? hormis que le radiologue prodigue en conseils n’avait pas pu envisager  l’éventualité d’un « coup de pied »)

La rue comme personnage principal ?

 

Célébrer les « gens de peu » tel était l’objectif des deux cinéastes

Pari réussi ?

A vous de juger

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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24 décembre 2023 7 24 /12 /décembre /2023 06:09

de Celine Song (USA 2023 )

 

avec Greta Lee (Nora adulte) , Yoo Tea (Hae Sung adulte) , John Magaro (Arthur) Moon Seung-ah (Nora enfant)   Seung Min Yim (Hae Sung enfant) 

 

Présenté au Festival Sundance 2023 et à la Berlinale en compétition

Prix : meilleur premier film au New York Film Critics Circle Awards, meilleur film aux Gotham Awards

 Nominations aux Golden Globes (dont meilleure actrice pour   Greta Lee)

Synopsis: A 12 ans, Nora et Hae Sung sont amis d’enfance, amoureux platoniques. Les circonstances les séparent. A 20 ans, le hasard les reconnecte, pour un temps. A 30 ans, ils se retrouvent, adultes, confrontés à ce qu’ils auraient pu être, et à ce qu’ils pourraient devenir.

Past lives  - nos vies d'avant

La scène d’ouverture est surprenante : dans l’atmosphère feutrée d’un bar new-yorkais voici attablés face au public, trois personnages dont deux Asiatiques; on entend une (ou 2) voix off qui questionne(nt) à partir de ce que suggèrent les sourires les regards et les silences, et ce questionnement pourrait être le nôtre qui sont-ils ? deux touristes et un guide ? un frère une sœur un ami ?-un trio amoureux ? Première réponse : 24 ans plus tôt en  Corée …Le flashback va ainsi structurer le film en trois mouvements rétrospectifs à partir de cet « épisode » « augural », (cf le synopsis).

 

Un film salué par la critique dans l’unanimité du dithyrambe Osons quelques bémols

 

Pour cette romance si empreinte de mélancolie (celle du "bonheur d’être triste"??)  et magistralement interprétée (jeu tout en nuances de Yoo Tea) , la mise en scène serait fluide  Une fluidité hélas souvent entachée d’affectation… Ne serait-ce que dans cette recherche quasi systématique des contre-jours, dans le recours au floutage, aux travellings et aux gros plans fixes et longs (visages, mains qui se frôlent sans se toucher). Ne serait-ce aussi que dans une forme de symbolisme qui, trop appuyé, perd en force suggestive (ainsi des mouvements de va-et-vient de ces bateaux touristiques qu’accentuerait le bouillonnement de l’eau, de ces hublots dans le métro, cadres dans le cadre, ainsi de ce plan -qui s’impose au flux mémoriel – une bifurcation qui sépare spatialement les deux enfants, prélude à deux itinéraires, le chemin plat et les escaliers,   etc…) Quant à la façon de filmer les deux mégapoles -et surtout New-York- on a souvent la fâcheuse impression d’être comme immergé dans les décors d'une immense carte postale. Et pourtant la ville n’est pas qu’une « toile de fond », car pour isoler -symboliquement le duo  amoureux ,  la réalisatrice sait déceler de furtives encoches dans le lustré et le satiné tels les marqueurs de leurs pérégrinations

 

Dialogues subtils ? Hormis ceux qui insistent sur la force d’un fatum et ses (faux)  sortilèges,  sur les « vertus » et la puissance du « inyeon » -à l’insu ou non d’Arthur - ils pêchent souvent par la récurrence du constat "c’est compliqué"  :conclusion hâtive comme pour couper court à l’énigme (insoluble?)  d’une attirance magnétique, comme pour se contenter d’une esquisse là où on était en droit d’attendre tout autre chose (du moins telle semblait être la démarche de la réalisatrice)

 

Si les deux grands antagonistes à la « romance » sont le temps et le Pacifique - le dernier travelling latéral très lent et l’effondrement de Nora dans les bras d’Arthur après le départ de Hae Sung sont impressionnants et ne donneraient-ils pas  in fine la réponse à la question qui taraude Hae-Sung ? Si tu n'avais pas quitté Séoul, est-ce que je t'aurais cherchée

 

La scène inaugurale, prélude à nos vies d’après  ?

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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22 décembre 2023 5 22 /12 /décembre /2023 05:43

Diptyque  réalisé par Mila Turajic (France Serbie Croatie Qatar 2022)

 

 Toronto International Film Festival, Première Mondiale ; DOK Leipzig, Première Européeenne ; International Documentary Filmfestival Amsterdam (IDFA), Best of Fest ; Festival International du Cinéma d'Alger ; Trieste Film Festival ; Dublin Film Festival ; Zagreb Dox ; Visions du Réel, Nyon ; It’s all true, Brésil ; Festival du Film d’auteurs de Belgrade ; Crossing Europe Film Festival, Vienne ; Uruguay International Film Festival

 

 

Synopsis  Non Alignés & Ciné-Guérillas est un diptyque documentaire de 2 longs métrages, qui nous embarque dans un road trip en archives  en s’appuyant sur des images 35mm inédites, filmées par Stevan Labudović, le caméraman du Président yougoslave Tito. Non Alignés fait revivre la naissance du mouvement, en examinant comment un projet global d’émancipation politique a été façonné par l’image cinématographique. Ciné-Guérillas nous plonge dans la bataille médiatique qui s'est jouée pendant la guerre d'indépendance algérienne où le cinéma a été mobilisé comme arme de lutte politique contre le colonialisme.

Ciné guérillas et Non alignés scènes des archives Labudovic

Plongeant dans des centaines de bobines de films en 35 mm, une pièce sans lumière où sont entreposées les archives Labudovic, aidée par la cheffe des archives,  puis interviewant des "témoins" encore vivants au moment du tournage - Mila Turajic réalise  deux documentaires "exceptionnels" : des "images"  inédites, qui vont "bouleverser" notre vision de l'Histoire 

 

Pour les deux  longs métrages,  le spectateur est guidé par la voix off de la réalisatrice;  censée définir la genèse du projet, "contextualiser", faire part aussi de ses étonnements et de sa fierté. Elle  se plaît à faire  éclater la  chronologie en  superposant les temporalités (elle interroge celui qui fut plus de 20 ans le cameraman de Tito Stevan Labudovic, nous le voyons l'entendons  commenter ses propres documents  -films et carnets de terrain -, oser certaines  remarques dans la façon de filmer, alors que défilera sous forme d'extraits une double "épopée":  la guerre d'Algérie vue du côté des résistants à la colonisation française et  la création à Belgrade du mouvement né durant la guerre froide en 1956 (Yougoslavie, Egypte, Cuba Inde entre autres) qui a refusé de s'aligner sur le bloc de l'Est comme sur celui de l'Ouest 

 

À la fois film d’aventure en temps de guerre, portrait intime d’une amitié intergénérationnelle à travers la mémoire et le récit historique d’un mouvement d’opposition méconnu, Ciné-Guerrillas: Scenes From the Labudović Reels est un film sur la puissance des images, vecteurs de récits oubliés et d’intimités complices, et outil d’organisation des pouvoirs" (Madeleine Robert - Visions du réel) 

 

Plus d'un demi-siècle  après les "faits", force est de constater que la rhétorique des pays occupants et leur méthode sont  inchangées ....

 

Un diptyque salutaire à voir de toute urgence

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

 

NB Née en 1979 à Belgrade, la réalisatrice a été marquée par la guerre civile qui mit fin à la Yougoslavie. Son film s’inscrit dans la lignée de son travail où, comme l’explique un article du site Film Documentaire, elle s’intéresse à la mémoire de ce pays disparu en interrogeant les images produites et les acteurs de cette histoire. Dans son premier long-métrage, Cinema Komunisto (primé à 16 reprises), elle rencontre Leka Konstantinovic, le projectionniste attitré de Tito. Il lui raconte comment Tito s’est servi du cinéma pour produire l’histoire d’un État.

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20 décembre 2023 3 20 /12 /décembre /2023 08:28

d'Alexander Payne (USA 2023)

 

avec Paul Giamatti (le professeur Hunham), Dominic Sessa (le pensionnaire Angus) Da'vine Joy Randolph (la cheffe cuisinière Mary Lamb)

Hiver 1970 : M. Hunham est professeur d’histoire ancienne dans un prestigieux lycée d’enseignement privé pour garçons de la Nouvelle-Angleterre. Pédant et bourru, il n’est apprécié ni de ses élèves ni de ses collègues. Alors que Noël approche, M. Hunham est prié de rester sur le campus pour surveiller la poignée de pensionnaires consignés sur place. Il n’en restera bientôt qu’un : Angus, un élève de première aussi doué qu’insubordonné. Trop récemment endeuillée par la mort de son fils au Vietnam, Mary, la cuisinière de l’établissement, préfère rester à l’écart des fêtes. Elle vient compléter ce trio improbable.

Winter break

Si ce film manque d’originalité et dans le fond et dans la forme, sa sortie à quelques semaines des congés scolaires et des fêtes de fin d’année peut faire « sens ». Ne serait-ce que par un étalage bien ficelé de bons sentiments, ne serait-ce que dans cette relation très positive qui se construit sous nos yeux, par un apprivoisement réciproque, relation entre un professeur pervers narcissique, un élève esseulé turbulent et une cuisinière plantureuse à l’écoute des cœurs meurtris. Et même si nous sommes en décembre 1970, que la guerre du Vietnam est présente, Noël est le prétexte à se focaliser sur la solitude, celle qui étreint trois figures du deuil (une paternité avortée pour le professeur, Paul Hunham, la perte d’un fils au Vietnam pour la cuisinière Mary Lamb et pour le pensionnaire Angus la perte symbolique d’un père qui de par sa maladie mentale a cessé d’embrasser le réel). Une solitude, un isolement si criant.es de vérité plus de 50 années après ! Car ce film aux allures de « conte » (et pourtant ancré dans le réel) est comme un viatique efficace, un garde-fou contre la dépression et la solitude …(le temps d’un break?… ) Les trois personnages (ces holdovers -titre original- ceux qui restent) sont attachants ( le prof, atrabilaire, pervers sadique s’humanise : il cède aux injonctions poignantes d’Angus, lors de l’escapade à Boston, il bat sa coulpe quand la mère écœurée par le comportement de son fils opterait pour un changement d’établissement)

Un film  conventionnel, académique, non dénué d’humour - or si certaines répliques ont la puissance de savoureux aphorismes , l'humour est souvent caricatural (le prof qui pontifie citant à tire-larigot Cicéron Marc-Aurèle, le prof qui siffle l’air des Walkyries lors de la remise de copies pour humilier ces « gosses de riches » qu’il « conchie », le prof addict à l’alcool). Un film non dénué de symboles aussi (mais force est de constater  que celui lié à l’œil de verre est bien trop appuyé)

Cela étant, les fans d’Alexander Payne et d’autres cinéphiles seront sensibles à cette façon de « raviver » une période, une ambiance celle de la Nouvelle Angleterre des années 70 (la mise en scène est souvent éblouissante, même si le cinéaste use et abuse de surimpressions) et ce faisant de rendre hommage au cinéma des seventies  (cf le grain à la fois visuel et sonore, le naturalisme de l’époque)

 

A vous de juger !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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19 décembre 2023 2 19 /12 /décembre /2023 06:27

d'Elene Navariani (Géorgie 2023)

 

avec Eka Chavieishvili, Teimuraz Chinchinadze

 

Quinzaine des cinéastes, Cannes 2023

Ethéro tient une épicerie dans un petit village reculé en Géorgie. À 48 ans, cette femme indépendante et solitaire découvre tardivement l’amour et sa sexualité. Alors que cette passion nouvelle change sa façon d’envisager son avenir, elle doit faire face aux commérages des femmes de sa communauté et aux fantômes des figures patriarcales de sa famille...

Blackbird, blackberry

Une sensualité à fleur de regard, de main - regard qui capte le merle chanteur, main qui cueille délicate une mûre -c’est la scène d’ouverture (qui suit de près le bouillonnement de plus en plus impétueux de l'eau...comme prémices du désir?) , et cette sensualité imprègnera tout le film (manger avec gourmandise d’énormes gâteaux aura quelque chose de savoureusement léger,   inhaler les odeurs de la peau, des vêtements aura  quelque chose de voluptueusement liturgique)

Mais dès la séquence d’ouverture, en imaginant son double mort suite à une chute, se profile subrepticement la présence de la Mort ; un plan sur un cercueil à l’hôpital de Tbilissi lui fera écho dans la dernière partie du film;. Entre les deux Ethero aura connu  le pouvoir quasi magique de l’Amour. (enfin après 48 ans de virginité !!!). Thanatos aurait provoqué l’irruption d’Eros ?

 

Un présent terne et morose (on pense bien évidemment à Kaurismaki dans la façon de l’appréhender) -fait de solitude, de silences, de gestes répétitifs dans la gestion de la boutique Rien que pour vous : beauté et confort, un présent marqué par la récurrence de quolibets et sarcasmes sexistes déversés par la gent féminine (qui lui rappelle ironiquement le sort dévolu à la femme et dont elles semblent s’acquitter…) Or semble nous démontrer la cinéaste  n’est-ce pas le patriarcat qui fragilise la solidarité entre les femmes ? Un passé certainement douloureux (que l’on exhumera par bribes sans verser ni dans le misérabilisme ni dans l’apitoiement -seules les photos/témoins des hommes castrateurs seront exhibées ou camouflées au gré des visites). Un quotidien avec lequel Ethero décide de rompre : les odeurs, la chair, les caresses, la voix de Mourmane (Un gentil chien au milieu de tous ces loups) vont le bouleverser.  Ethero vit la passion amoureuse comme une adolescente et son regard magnétique irradie son visage son être tout entier ; mais toujours dans l’observance d’une forme de bien-pensance (ah ces traditions locales patriarcales si tenaces), en évitant les regards réprobateurs et bien pire les « qu’en dira-t-on » Emerveillement et légèreté ne sauraient donc entacher la méfiance (être à l’affût, choisir des lieux isolés, comme dérobés au regard d’autrui, etc.)

La sexualité est filmée de façon paradoxalement pudique -voyez ces corps nus vieillissants dont celui d’Ethero à la surcharge pondérale évidente, s’étreindre et jouir ; corps filmés avec douceur sans vulgarité, car la caméra d’Elene Naveriani n’est jamais intrusive. La  rondeur devient sculpturale  ( Botero)  Et le plan   choisi  pour l'affiche baigne dans  un hédonisme lumineux qui rappelle certaines peintures

 

Adapté du roman éponyme (en français, Merle, merle, mûre) de Tamta Mélachvili, écrivaine géorgienne et militante féministe, le film d’Elene Naveriani insiste sur l’indépendance de son héroïne (étonnante Eka Chavleishvili). Au plus fort de la passion Ethero ne cèdera aux propositions plus ou moins machistes de Mourmane (quel avenir en Turquie, sinon laver, nettoyer, attendre l’époux ? que nenni !!)

Ethéro est une féministe instinctive qui n’a rien appris dans les livres, Elle tient à son indépendance même si elle fait l’objet des commérages de ses amies, qui la taxent de vieille fille. Je pense que cette toxicité et ce genre de piques entre proches sont caractéristiques de l’identité géorgienne (propos de la réalisatrice)

 

Une chose est sûre : la mûre n’aura  plus jamais  la saveur d’antan : elle est devenue douce-amère! 

Doux-amer, oxymore pour définir ce film ?

Un film  à ne pas rater (même si la fin ... inattendue est tendancieuse !)

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

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18 décembre 2023 1 18 /12 /décembre /2023 07:53

de Felipe Gálvez  (Chili 2023)

 

avec Camilo Arancibia (Segundo), Mark Stanley (MacLennan), Benjamin Westfall (Bill), Alfredo Castro (Menéndez), Marcelo Alonso (Vicuña), Sam Spruell (Martin), Mishelle Guaña (Kiepja).

 

Prix Fipresci - Un Certain Regard à Cannes 2023

 

synopsis: Terre de Feu, République du Chili, 1901. Un territoire immense, fertile, que l’aristocratie blanche cherche à « civiliser ». Trois cavaliers sont engagés par un riche propriétaire terrien, José Menendez, pour déposséder les populations autochtones de leurs terres et ouvrir une route vers l’Atlantique. Sous les ordres du lieutenant MacLennan, un soldat britannique, et d’un mercenaire américain, le jeune métis chilien, Segundo, découvre le prix de la construction d’une jeune nation, celui du sang et du mensonge

Les Colons

Vos troupeaux sont maintenant si voraces qu’ils dévorent les hommes." (Thomas Moore cité en préambule) 

Le problème, ce sont les Indiens. Ils mangent les troupeaux. Ouvrez-moi une route sûre et rapide vers l’Atlantique pour mes moutons » (Menendez riche propriétaire terrien) 

 

 

Un mouton isolé, égaré dans l’immensité c’est le plan d’ouverture ; un gros plan prolongé sur le visage de l’Indienne (qui refuse d’obtempérer) c’est le plan final. Entre les deux l’histoire -en plusieurs actes- d’un génocide. Celui des autochtones au Chili, début du XX° siècle, les Selk’man appelés Onas par les Blancs. Ces deux plans qui encadrent le film,  en un saisissant raccourci mettent précisément en exergue les deux aspects de la colonisation (accaparement des terres, assimilation forcée)

Une tragédie effacée de la mémoire collective chilienne? Le réalisateur a décidé de s’attaquer frontalement à ce  douloureux et déshonorant épisode d'un passé relativement proche. Car si l’île de Dawson, en Terre de Feu, a servi de camp d’extermination sous la dictature de Pinochet, elle fut auparavant le lieu d’un autre massacre D’où l’importance, pour comprendre notre histoire récente, de remonter plus loin, au temps de la colonisation des terres indiennes (rappelait  Felipe Gálvez lors de l'avant-première le 17/12)

 

Le format 4,3,  le rouge (pour annoncer chaque partie dont  ‘le cochon rouge’, ‘le roi de l’or blanc’ ‘le métis’), la musique signée Harry Allouche, qui mitraille de ses percussions,  et aux accents morriconiens parfois,  les clins d’œil au western, le mélange de personnages ayant réellement existé dont José Menendez (cf les archives du générique de fin) et d’autres de pure fiction, l’alternance entre les séquences nocturnes (où l’écran s’embrase du rougeoiement du feu alors que les chevaux piaffent dans leur pré-science du danger), et celles où les trois hommes chevauchent, souvent en file indienne, sur ces « terres vierges » jusqu’à ce « bout du monde »,  cette autre alternance entre les très gros plans (l’œil des chevaux, le visage du métis) et les vues panoramiques sur les vastitudes, et surtout l’omniprésence de la violence, une violence crue ou suggérée (un ouvrier manchot devenu inutile tué à bout portant, l’extermination des Indiens suggérée par le bruit des armes avant que les corps morts ne soient alignés, les relations maître/esclave ; une violence inouïe qui précisément contraste avec la beauté plastique du paysage)

Oui tout cela contribue à faire des Colons une charge efficace et sans compromission. Felipe Gálvez sait montrer du doigt les coupables, en adoptant le point de vue des Colons, (le choix d’un Ecossais, vétéran de l’armée britannique comme personnage principal  et flanqué d’un mercenaire américain au racisme primaire, n’est pas innocent) ; il sait que la responsabilité se tapit aussi dans le silence et l’indécision (Segundo), et il aura démontré avec une sobriété -souvent- exemplaire comment une société a eu l’outrecuidance de se bâtir sur l’extermination d’un peuple - la dernière séquence est à cet égard très éloquente

Un film à voir de toute urgence !!

 

Colette Lallement-Duchoze

Les Colons
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17 décembre 2023 7 17 /12 /décembre /2023 07:47

de Dragomir Sholev  (Bulgarie Roumanie 2021)·

 

 avec Deyan Donkov, Suzy Radichkova et Valentin Andreev

 

 

Prix de la Critique internationale au Festival international du film de Sofia 2022

 

 A voir sur Arte -arte kino festival 2023-  jusqu’au 31 décembre; il suffit de s'inscrire  Votez pour vos films - ARTE Kino

 

 

 

Argument: La tranquillité d’un camping proche de la mer Noire est troublée le jour où Ivo, le manager, découvre un dauphin mort sur la plage. Il remarque des traces de balles sur l’animal et décide de prévenir les autorités. Toutefois, ces dernières ne peuvent pas, ou tout simplement ne veulent pas, prendre cette affaire en main. C’est alors que d’une manière ou d’une autre, tous les clients du camping se retrouvent peu à peu impliqués dans cette affaire.

Fishbone

 

Un énième dauphin échoué. Une  mort qui engage la responsabilité de l’homme ? Empoisonnement dû aux eaux polluées ? "Braconnage" ? - Yvo le gérant du camping a décelé  des traces de balles !! Mais après de pseudo enquêtes – dont certaines volontairement bâclées- et une autopsie pratiquée en plein air par des " bouchers en herbe"  on conclura à " la mort par noyade".....…

.

Le réalisateur a fait le choix d’un problème environnemental - qui s’inspire d’ailleurs de faits réels- pour en faire l'arête dorsale (sens propre et figuré ) de Fishbone,  afin  de donner une portée universelle à son film (ce qui n’exclut pas d’autres problématiques)

Métaphore (ou allégorie) de la stratégie de l’évitement pratiquée en haut lieu, du dysfonctionnement du "vivre ensemble" dans une  communauté  ? Ce qu’illustre(rait) la prolifération de personnages, qui se détachent dans la juxtaposition par mosaïque de micro-histoires, personnes directement concernées ou qui progressivement vont se sentir impliquées : gérant du camping, police,  organismes de la santé,  écologistes,  vacanciers , gitans

 

Le film s’ouvre dans une atmosphère bleutée, -à mi-chemin entre la nuit et l’aurore, sur la présence d’un couple âgé nu en bord de  mer ; ce couple évoque  un renard tué enterré qui les hante par-delà sa mort ; il  continuerait à les observer (en écho ce très  gros plan sur l’œil du dauphin, et un indice pour le choix de focalisation : qui regarde et quoi ?) ; un serrement, un serment d’amour « je ne pourrais vivre sans toi je veux partir le premier. Si tu pars, qui me préparera mon thé ? ….A cette scène inaugurale répondra au final une scène d’intérieur avec les mêmes personnages dans leur mobil home : la femme préparant le thé !!!!…  Entre ces deux "moments" nous aurons vu défiler des saynètes souvent savoureuses, et certaines sont ciselées telles des vignettes de BD,  annoncées non pas par des identités propres mais par une " fonction", un détail, une action spécifiques, et loin d’être cloisonnées elles s’intègrent -telles des arêtes secondaires- à l’architecture d’ensemble. Chaque histoire (9 au total certaines revenant à intervalles réguliers) dévoile une problématique particulière, histoires modestes d’individus ordinaires, ou commentaires déliés sur des faits antérieurs (la prison 11 ans pour un crime …avoué sous la torture, l’attentat qui a coûté la vie des proches de cet enquêteur à la retraite) ou à venir (cette épouse qui ne "supporte" plus son mari, l’accouchement de la « compagne » du gérant) ou constats amers sur les pannes d’électricité, sur l’entretien de la plage, sur les odeurs pestilentielles, sur la paperasserie administrative

Faisant corps avec l’arête principale ces micro histoires sont nécessaires à la structure d’ensemble et aux thématiques abordées sans l’une d’entre elles la construction s’effondre (propos du réalisateur). La récurrence d’un duo (d’abord deux femmes, puis  deux policiers puis deux  gitans représentant deux générations)  tractant en ahanant le cadavre du dauphin afin qu’il rejoigne les siens dans une sépulture de forêt !!, l’interrogatoire du photographe (premier cliché sur la mort du cétacé !) un personnage sans domicile fixe qui  a fait le choix d'une vie de solitaire, sont riches d’interprétations narrative et symbolique 

 

Fishbone ! un film qui se singularise par sa structure originale, son mélange de réalisme et d’absurde, son humour pince-sans-rire et décalé (incarné surtout par cet inspecteur à la retraite, imposteur ou fou pensant ?) son naturalisme dévié (cf la famille assise sous un parasol s’interrogeant sur la présence saugrenue d’une gamine, la mère évoquant un avortement alors que le père bedonnant reste placide)

 

Fishbone un film à ne pas rater

 

Colette Lallement-Duchoze

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