3 février 2024 6 03 /02 /février /2024 07:11

de Jonathan Glazer ( 2023 USA Pologne)

 

avec Sandra Hüller (Hedwig Höss) Christian Friedel (Rudolf Höss)  Johann Karthaus (Klaus Höss)

 

 

Adaptation du roman homonyme de Martin Amis

Musique Micachu (Mica  Levi chanteuse et compositrice anglaise)

Grand prix du jury Cannes 2023

Prix FIPRESCI (fédération internationale de la presse cinématographique)

Prix CST de l’artiste technicien (pour Johnnie Burn montage son et sound design) (CST= décerné par la commission supérieure technique de l’image et du son)

 

 

Argument: Rudolf Höss est responsable du camp d’Auschwitz. En marge de ses obligations professionnelles il mène un vie familiale paisible. Sa femme soigne ses fleurs et houspille les domestiques. Ses enfants s’ébattent au soleil. Et par-delà le mur du magnifique jardin s’opère l’extermination

La zone d'intérêt

Film glaçant magistral etc. un concert de louanges accompagne la sortie en salles du film qui a obtenu le Grand prix du jury Cannes 2023

Effectivement le tout début est à la fois déroutant et « glaçant » Voici un écran noir (pendant  plus de 3 minutes, alors qu’on entend la musique distordue et stridente de la compositrice Mica Levi)  Ne rien voir mais tout entendre (premier message.?)

Et quand la lumière inonde l’écran, voici en surplomb une scène champêtre (on devine les corps à moitié nus) la caméra s’approche (plan d’ensemble puis plan rapproché )  avant le plouf dans l’eau. C’est la famille Höss . Et nous allons la suivre au quotidien dans sa résidence, havre bucolique, havre de paix, jouxtant  le camp d’Auschwitz…dans une « zone d’intérêt » . Auschwitz restera hors champ (un mur de « séparation » , des panaches de fumée noirâtre, le passage d'un train, on devinera des marches, des coups de feu, des cris , grâce au dispositif sonore très bruitiste) Le mal palpable par le leitmotiv du contraste, ou la focalisation sur des détails, n’a aucune répercussion sur cette famille de nazis, (nazis qui le commandent et l’exécutent (Rudolf accorde plus de crédit et d’amour à un cheval) . Et la scène finale (en écho à la toute première) est censée participer elle aussi à (et de) l’enfermement (du spectateur)

Accompagner une famille « normale » dans la banalité de son quotidien, mais percevoir l’horreur qu’elle ne perçoit pas (donc provoquer le frisson) tout comme l’extrémité du déni Telle est la revendication affichée du réalisateur. Une telle démarche est bien aux antipodes de l’approche immersive et terriblement efficace du Hongrois Lazslo Nemes -le Fils de Saul 2015 où la caméra faisait presque corps avec un membre du Sonderkommando …Le fils de Saul - Le blog de cinexpressions

Pari réussi ? on peut en douter…Certes le dispositif visuel et sonore est prodigieux, nul ne saurait le contester.(prédilection pour le rectiligne, les plans en plongée,  cloisonnement suggéré par les "portes" , installation de moult caméras ,  puissance souvent déflagratoire de la bande-son)  Mais force est de constater que le "programme"  subtilement annoncé dans les deux premières scènes, - leur confrontation-,  va s’épuiser assez (trop ?)  vite. Et ce ne sont pas ces très gros plans sur ces fleurs dont le rouge sang vous gicle au visage, encore moins ces séquences en « négatif » où l’on devine une jeune fille- de la résidence-,  venir en aide aux prisonniers en cachant des pommes comme le petit poucet ses cailloux, ni la remarque cinglante d’Hedwig à son employée juive, ni le départ précipité de la mère, (on pourrait multiplier les exemples) qui vont créer ou accentuer le malaise recherché. On a l’impression d'assister à une accumulation de mini séquences, de tableautins (impeccablement filmés) au symbolisme ( ?) lourd pour ne pas dire  « obscène » :- les dents - osselets pour un jeu, les robes, les cendres des fours utilisées pour la fermentation, l’accélération de la floraison des roses, la découverte dans la rivière de…(ne pas spolier) qui exigera une toilette vigoureuse. Le comble est atteint avec cette longue séquence où Rudolf n’en finit pas de descendre des marches (il a été transféré, récompensé pour ses bons et loyaux services, devenu superviseur de l’ensemble des camps d’extermination, mais il reviendra à Auschwitz car son successeur avait fait baisser le « rendement » …) le spectateur est-il entraîné dans les abymes du Mal (?), un mal qui habite Rudolf dévoré par son « travail » et qu’il ne parvient pas à vomir ? Et par un astucieux changement de perspective (et de regard) (cf l'œilleton d'une porte fermée) voici par anticipation, la muséification du lieu qui abrita le Mal (Auschwitz un lieu de la mémoire, un lieu à « entretenir » sens propre et figuré)

Et si ce film était, par-delà la  fiction aux allures de documentaire parfois, une mise en garde contre des idéologies actuelles, prégnantes et insidieuses tout à la fois ??


 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

Partager cet article
Repost0
2 février 2024 5 02 /02 /février /2024 08:19

De Satyajit Ray (1959 Inde) version restaurée

 

avec Soumitra Chatterjee  (Apu)  Sharmila Tagore (Aparna) S Mukherjee

 

troisième volet de la trilogie d'Apu

Calcutta, 1930. Apu rêve de succès littéraire, mais faute d’argent il doit interrompre ses études et affronter le monde du travail. Un jour son ami Pulu l’emmène au mariage de sa cousine. Suite à l’accès de folie du jeune marié, Apu, venu en tant que simple invité, se voit contraint d’épouser la jeune femme pour lui éviter le déshonneur. Malgré les difficultés économiques du ménage, ce mariage précipité se transforme en un profond amour...

La trilogie d'Apu: Le monde d'Apu

Jeter au vent -à la face du monde?-, les prémices d’une œuvre littéraire, comme autant de lambeaux d’une vie lacérée par un destin tragique (que vaut l’art,  la création littéraire pour un inconsolable inconsolé? signe de rupture définitive avec un passé ?) est un « moment fort» de ce troisième volet de la trilogie (Trilogie inspirée par le roman autobiographique d’un compatriote du cinéaste, Bibhouti Bhoushan Banerji (1894-1950), récit d’époque remontant aux années 1920)

Moment précédé par la découverte de l’amour (la contrainte initiale presque farcesque -épouser une inconnue, la cousine de son ami Pulu- s’étant métamorphosée grâce à un apprivoisement réciproque en amour authentique)

Moment que suivra la conquête de la sérénité

 

Le jeune homme joueur de flûte, au tee-shirt troué, clamant « Je suis Mainaak, le fils de l'Himalaya, et je cache mes ailes dans la mer. » cèdera progressivement la place à un adulte responsable, « réconcilié avec lui-même et avec le monde » Et c’est bien ce cheminement -illustré par la musique du sitariste Ravi Shankar- qui va de la désinvolture à la maturité assumée, en passant par l’indicible tragédie, que met en scène Satyajit Ray en des décors où alternent milieu urbain et paysages champêtres (magnifiés par un noir et blanc somptueux)

Non Apu n’est pas ce père irresponsable que condamne l’oncle -la paternité n’est pas une donnée, elle n’est pas acquise , elle se construit ; et ici ce sera moins par des discours moralisateurs que par une lente et longue prise de conscience scandée par les multiples errances de ce promeneur et travailleur solitaire (et à l’écran par les passages écran noir)

 

Entendre la voix off de l’aimée Aparna (Apu est en train de lire avec avidité ses lettres) puis succomber au séisme qui va le ravager (au plan prolongé sur le visage meurtri du messager de la mort, succède un très gros plan sur celui défiguré grimaçant torturé d’Apu) c’est un tour de force du cinéaste (ô douleur torturante)

La façon de cadrer le père et l’enfant -dans l’éloignement suggérer la proximité- -avant l’étreinte- en est un autre.

Le train (témoignage de la modernité du progrès en I, source de rapprochement et d’éloignement en II ) acquiert encore une autre dimension dans ce troisième volet : non seulement il divise en le fragmentant l’espace mais la bande son du sifflement et du crissement s’en vient contaminer l’être-là des deux protagonistes alors que par moments nous sommes immergés en tant que spectateurs dans ses profondes entrailles

Le monde d’Apu, un film à ne pas rater !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

La trilogie d'Apu: Le monde d'Apu

Partager cet article
Repost0
1 février 2024 4 01 /02 /février /2024 07:25

Documentaire réalisé par  James Ivory et Giles Gardner (Grande-Bretagne 2022)

 

Outre la voix de James Ivory, celles  de Giles Gardner (EM Forster) et d' Umar Aftab (Babur)

musique Alexandre  Desplat 

En 1960, le cinéaste James Ivory s'est rendu en Afghanistan pour tourner des scènes destinées à un film documentaire. Le film n'a jamais été réalisé, et les images sont restées enfermées dans une malle pendant 60 ans. En 2022, à l'âge de 94 ans, il a décidé de se plonger dans ce matériel unique pour se remémorer sa jeunesse et comprendre ainsi comment ce voyage improbable loin de sa petite ville américaine de l'Oregon a contribué à former le célèbre cinéaste qu'il est devenu.

Un été afghan

Un va-et-vient constant entre le passé (Inde, Afghanistan, Oregon natal) et le présent (dans cet espace clos de la mémoire, incarné par ce bureau encombré de cartons, de livres, d’affiches), entre passé proche intime et passé plus lointain et historique. Le titre originel A Cooler Climate serait plus proche du vécu :  ne supportant plus la chaleur de l’Inde, James Ivory s'est rendu à Kaboul  au climat plus agréable,  en cet été 1960; il y réalisera un autre documentaire.

Un été afghan a certes les accents d’une autobiographie mais consiste surtout en une traversée des apparences ; traversée qui mêle photos (parents, la scierie paternelle, lui-même à différents âges de sa vie) images d’archives (extraits des documentaires jusque-là inédits) et biographie illustrée de Babur-Nama; ce prince (1494- 1529) fondateur de l’empire moghol. déifié par les superbes miniatures, avec lequel James Ivory se découvre d’incroyables accointances à 5 siècles d’écart . Et quand la lecture de Babur croise celle de Proust  (du côté de chez Swann  lu à Bamian devant les grands bouddhas) c’est bien un regard subtil qui met en exergue l’homosexualité.

 

En évoquant sa rencontre à New York avec le producteur Ismail Merchant (né à Bombay en 1936) il rend hommage à son collaborateur et compagnon (mort en 2005) :  le documentaire devient l’élégie des « voix chères qui se sont tues »

 

La musique de Desplat (peut-être un peu envahissante) accompagne le commentaire (voix off du nonagénaire)

 

Une chose est de constater un entrelacement (avec des raccords parfois cut) de temporalités différentes avec leurs  histoires singulières, une autre est de suggérer -tout en la rendant très palpable- la permanence dans l’impermanence : dire et montrer que Kaboul n’est plus la même à plus de 50 ans d’intervalle serait un truisme si James Ivory ne chorégraphiait un lieu avant tout dépositaire de toutes ses rencontres (il a 30 ans quand il réalise le documentaire et plus de 90 quand il se penche sur son passé) : rencontre avec un pays, rencontre avec une histoire, une mythologie, rencontre avec son homosexualité, rencontre avec soi-même

Plus de 60 ans après ces surgissements c’est le moi proustien qui se donne ainsi à voir

 

Un documentaire à ne pas manquer (même si par moments la trop grande importance accordée aux commentaires en altère la portée)

 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

Partager cet article
Repost0
30 janvier 2024 2 30 /01 /janvier /2024 06:27

Documentaire réalisé par Antoine Boutet (2023)

Réalisation image montage: Antoine Boutet

Musique originale : Ernest Saint-Laurent

Brazza est un quartier de la rive droite de Bordeaux, nommé d'après un commissaire-général du gouvernement français en Afrique centrale. Cette zone en friche vit ses dernières heures. 53 hectares à bâtir pour un vaste projet immobilier dans l'air du temps. Chronique d'un terrain vague en transformation, le documentaire scrute l'annonce d'un nouvel "art de vivre" dans la réalité brute du terrain.

Ici Brazza

Tracé assez lent d’une ligne blanche qui délimite des contours sur un plan, avant qu’un couple de retraités n’apparaisse à l’écran, (c’est le prologue)  ce couple  « commente » se rappelle -bien que  le mari complètement déboussolé ne reconnaisse  plus rien.. hormis que  l'Ici (la rive droite de la Garonne opposée à la rive gauche)  n’était que   saloperie, les charbonnages, les acides 

En écho au final tracé d’une ligne blanche avant de sertir le générique de fin

Entre les deux nous aurons assisté à un vaste chantier, - gestation et naissance d’un quartier sur d’immenses friches industrielles -le plan originel comme palimpseste ? Chantier dont rien n’est dit sur les enjeux politiques ou urbanistiques mais dont les slogans publicitaires (lettres agrandies parfois démesurément sur les panneaux) promettent un nouvel art de vivre. Le réalisateur est revenu à maintes reprises sur les lieux, a filmé les mêmes endroits à des instants différents de leur métamorphose (une matière boueuse qui vibre encore de la stridence de ses habitants les insectes, avant les excavations par exemple)

 

Dans cet univers comme déserté par l’humain, nous entendrons à un moment la voix de trois SDF conscients de leur départ imminent et forcé ; nous verrons un camp de gens du voyage voler en éclats -avec des gros plans sur des détails à valeur métonymique témoins d’une vie à jamais disparue.

Mais l’essentiel est dans le non-dit, dans ce qui entremêle deux temporalités (dont le sol était , reste  et restera le dépositaire, avec ses couches du passé et ses fondations du futur) 

Performante et originale sera la façon de filmer. Le réalisateur avoue s’être mis « comme à la périphérie, s’intéressant à l’enveloppe ; aborder comme un spectacle, un théâtre ». Parfois il filme  au ralenti (comme si le spectateur était aux côtés d’un grutier imaginaire découvrant tout un univers à 180 degrés alors que la bande son le plonge dans des profondeurs telluriques ; il superpose  décors cartons et blocs réels de béton, graphismes délicats et grues graciles à l’assaut de l’espace, personnages factices figés dans les panneaux publicitaires et personnages réels -en marche vers ?. Sans oublier cette superposition des significations (à la Tati ?) quand on essuie littéralement les plâtres par exemple,  quand dans ce concert du moderne, un couac retentit (grincement de volets roulants)

Antoine Boutet un cinéaste, archéologue du … présent ? 

Un documentaire à  ne pas rater !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

Partager cet article
Repost0
29 janvier 2024 1 29 /01 /janvier /2024 07:07

Chaque année depuis 13 ans en février, le Circolo Italiano organise, en partenariat avec le cinéma Ariel à Mont-Saint-Aignan, une semaine de cinéma italien.

 

Cinéma | CircoloItaliano (circolo-italiano.com)

 

 

Cinéma Ariel  Place Colbert Mont Saint Aignan (76130)

 infos : 02 35 15 25 99, montsaintaignan.fr

 

Semaine du cinéma italien du 6 au 13 février (14ème édition)

"Cette manifestation qui réunit chaque année quelque 1500 spectateurs et spectatrices est une excellente occasion de découvrir la production cinématographique de l'autre côté des Alpes

Comédie, documentaire, biopic, drame, classique... tous les genres sont à l'honneur et toutes les époques".

 

 

Le programme détaillé (PDF)

 

 / Les horaires (PDF)"

 

 

 

 

Semaine du cinéma italien du 6 au 13 février (14ème édition)

 Un vrai crime d'amour de  Luigi Comencini (1974) mardi 6 (ouverture) 20h

 

 

 

 

 

 

Semaine du cinéma italien du 6 au 13 février (14ème édition)

Il reste encore demain de Paola Cortellesi 2023 mardi 13  (soirée clôture)  20h

Partager cet article
Repost0
26 janvier 2024 5 26 /01 /janvier /2024 04:14

d'Arnaud des Pallières (2023)

 

Avec  Mélanie Thierry, Josiane Balasko, Marina Foïs, Carole Bouquet, Yolande Moreau, Dominique Frot, Elina Lowensöhn Solène Rigot, Miss Mong 

 

 

Festival Deauville 2023 Sélection officielle Fenêtre sur le cinéma français

Argument: Paris 1894. Qui est Fanni qui prétend s'être laissée enfermer volontairement à l'Hôpital de la Salpêtrière?  Cherchant sa mère parmi la multitude de femmes convaincues de "folie" elle découvre une réalité de l'asile tout autre que ce qu'elle imaginait ainsi que l'amitié inattendue de compagnes d'infortune. Le dernier grand bal de la Salpêtrière (dit "le bal des Folles") se prépare; politiques artistes mondains s'y presseront; dernier espoir d'échapper au piège qui se referme....

Captives

Si vous vous rappelez Adieu (2004) et son générique -un film à part entière, (atelier de montage d’un camion qui par métaphore devient le ventre de la baleine qui engloutira Jonas…) vous ne serez nullement surpris  par la façon de filmer du cinéaste qui s’impose dès le début… Zooms et fragmentations. De  très gros plans à l’intérieur d’une carriole sur des détails avant que n’apparaisse sanglée la nouvelle " pensionnaire";  et après le franchissement du " grillage"  voici comme au ralenti un déshabillage, une fouille telle une défloraison  (le titre du film vaut pour toutes ses dénotations et connotations) .Fanni la bourgeoise désormais captive d'un monde sans pitié ...

Une façon de filmer   qui, par la démesure (le zoom) sublime l’intime…, de la peau surtout : voyez cette perle qui suinte d’un œil, ce duvet qui caresse la peau, cette denture d’outrages, ces doigts "énormes"  qui cisèlent la dentelle, cette commissure des lèvres qui se rétracte ou s’affaisse. Mais aussi des plans très serrés -sur le groupe- caméra à l’épaule, plans  qui se succèdent , (en alternance avec les premiers) dans le huis clos censé guérir la Folie (mais on ne naît pas folle on le devient au contact précisément de ceux qui prétendent prendre en charge les femmes soupçonnées d'hystérie …) La Salpêtrière !  où en cette fin du XIX° siècle des rebelles, des  pauvres, des  marginales étaient recluses, jusqu’à épuisement. C’est dans cet univers reconstitué que nous plonge le cinéaste (avec une prédilection pour le flamboiement les couleurs chaudes la lumière qui contrastent avec la noirceur des traitements infligés)

Un enchevêtrement de plusieurs « intrigues » incarnée chacune par une femme : Fanni (formidable Mélanie Thierry) est censée retrouver sa mère internée depuis plus de 20 ans (trame narrative principale),  Bobotte l’intendante (impressionnante Josiane Balasko) doit recevoir une décoration lors du bal annuel dit « bal des folles » auquel assisteront politiques et autres représentants de la jet set, Hersilie Rouÿ (étonnante Carole Bouquet) internée d’office par ses frères, elle doit apprendre la quadrille aux « pensionnaires » et en même temps elle rédige ses « mémoires » ;et si l’on ajoute les « micro fictions» : la Douane qui terrorise (décidément Marina Foïs excelle dans tous les rôles) la prostituée (Dominique Frot) et ses imprécations, ses incantations, alors que Camomille (Yolande Moreau) s’épanouit dans et par le rêve… voilà au final un maillage dense et  fluide à la fois,  dans un film d’époque avec  costumes certes, mais surtout très, très charnel et dont les thématiques (psychiatrie, violences faites aux femmes) sont d’une brûlante actualité

Avec toutefois le risque de l’enlisement !!!!….

Mention toute particulière à Mélanie Thierry

Un film que je vous recommande!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Partager cet article
Repost0
25 janvier 2024 4 25 /01 /janvier /2024 06:22

De Satyajit Ray (Inde 1956) Version restaurée 

 

 

avec ,  Karuna Bannerjee,  Samaran Ghosal , Kanu Bannerjee,  Santi Gupta,  Ramani Sengupta,  Ranibala Sudipta,  Roy Ajay Mitra, Charuprakash Ghosh

 

Venise, Lion d'Or du meilleur film, 1957

Argument:  Harihar Ray est venu s'installer avec sa femme, Sarbojaya, et Apu, son fils, à Bénarès, la ville sainte de l'hindouisme. Il gagne désormais sa vie en lisant des textes sacrés. Suite à son décès inattendu la mère décide alors de retourner vivre à la campagne. Devenu un élève brillant, Apu décroche une bourse et part étudier à Calcutta, laissant sa mère déchirée par le chagrin...

La trilogie d'Apu: L'invaincu

Deuxième volet de la trilogie d’Apu

A l’opposé du premier (marqué par l’unité de lieu, le nombre restreint de personnages et le sentiment d’intemporalité) L’invaincu suit le parcours d’Apu dans Bénarès la grouillante, puis à la campagne chez le grand-oncle et à Calcutta, soit de l’école de la rue à l’université, itinéraire marqué par le questionnement sur une société en mutation. Apu s’ouvre au monde avec un mélange d’émerveillement de douleur et de résignation, résignation dont rend compte  le tout dernier plan.  

  Et quand bien même la mère après le décès de son époux préfère revenir à la campagne,  le réalisateur  à aucun moment, ne fait le choix du manichéisme facile qui opposerait le traditionalisme de la campagne à la modernité des grandes métropoles ; ruralité et modernité sont les deux faces d’un tout. 

 

Grâce aux ellipses narratives (procédé qui avait prévalu aussi dans le premier volet) Satyajit Ray peut multiplier époques, rencontres et thématiques. (Exploitation au travail, prégnance de la religion, amitié, émancipation par le savoir, un savoir concrétisé par la remise de prix, des livres comme autant de portes ouvertes et  par un globe terrestre) 

Le train que découvraient émerveillés Apu enfant et sa sœur Durga est certes synonyme de « progrès » -et de fait il permet à l’adolescent de se rendre à Calcutta pour ses études supérieures. Ce même train qui assure les va-et-vient entre deux mondes (la campagne et la ville) soit ce qui relie Apu à sa mère,  symbolise simultanément l’isolement (à chacun de ses passages la mère ressent plus douloureusement l’absence du fils jusqu’à être victime d’hallucination auditive et à se morfondre dans une attente frappée d'inanité…)

Dans un premier temps le cinéaste fait la part belle au père (souvent absent en I) nous le voyons (du moins à travers le regard d’Apu) lire les textes sacrés sur les bords du Gange (c’est son « gagne-pain » , ce qu’illustre un  très gros plan sur les pièces de monnaie données par l’assistance subjuguée par sa voix) nous le suivons de dos  grimpant les marches --et les panoramiques sur les ghats sont tout simplement vertigineux-   portant  religieusement l’eau purificatrice ( ?). Le parcours de la mère (une mère courage, omniprésente, comme dans le premier volet) sera diamétralement opposé à celui du fils (la réussite de ce dernier contrastant avec le chagrin dû à son éloignement)

Sur les toits voici une communauté de pigeons (plan d’ouverture après un générique qui défilait en même temps que le train filait vers Bénarès) D’abord agglutinés ils vont cisailler le ciel en le striant de leur débandade au moment même où le père meurt.

En parallèle voici une myriade de lucioles qui semblent matérialiser l'éparpillement de l’âme dans le noir empyrée,  âme de la mère inconsolée.

Deux instants d’éternité.  Et la musique de Ravi Shankar à la  puissance suggestive, envoûtante  !  

A ne pas rater (séances jeudi 13h40, samedi 19h30, dimanche 17h , lundi 16h ) quand bien même ce volet n’aurait pas la force émotionnelle du  premier !

 

Colette Lallement-Duchoze

La trilogie d'Apu: L'invaincu
Partager cet article
Repost0
22 janvier 2024 1 22 /01 /janvier /2024 08:09

De Quentin Dupieux (2023)

 

avec Anaïs Demoustier : Judith, la journaliste Édouard Baer : Salvador Dalí Jonathan Cohen : Salvador Dalí Gilles Lellouche : Salvador Dalí Pio Marmaï : Salvador Dalí Didier Flamand : Salvador Dalí âgé Romain Duris : Jérôme, le producteur Agnès Hurstel : Lucie, l'assistante Marie Bunel : l'acheteuse du tableau Nicolas Carpentier : le commissaire-priseur Jérôme Niel : le modèle à la canne Marc Fraize : le modèle au mouchoir  Hakim Jemili :Jean-Marie Winling : le journaliste Tom Dingler : François Laurent Nicolas

 

Thomas Bangalter compositeur  

 

Projeté à Venise  hors compétition 

 

Présenté en avant-première dans le cadre Festival Cinéma Télérama (Omnia dimanche 21/01/2024)

Sortie en  salles  le 7 février 2024

 

Une journaliste française rencontre Salvador Dali à plusieurs reprises pour un projet de documentaire...

Daaaaaali

Un  plan fixe prolongé sur un piano à queue en plein air,  avec son tuyau d'arrosage son arbuste et sa sculpture ( à la Chirico? à la Magritte?) Bienvenue dans l'univers pictural de Dali et sa  Fontaine nécrophilique coulant d'un piano à queue . Le  même plan en écho au final (ou presque car  il y aura plusieurs fins,  comme dans certains films de Buñuel ). Entre les deux une immersion dans l'univers mental du peintre ! 

 

Surréaliste  la tonalité d'ensemble ? Certes, à  condition  que le terme ne soit pas pris au sens strict  d'"automatisme psychique" que lui donnait André Breton ... Surréalisme des décors (maison reconstituée au bord de la Méditerranée) des situations des dialogues, mélange rêve et réel. Quentin Dupieux multiplie en outre les "effets" gigogne comme un déploiement ad infinitum et ad libitum de mises en abyme, avec reprises comiques et facétieuses; un  procédé d'emboîtements qui rappelle sans conteste Buñuel . Confier l'interprétation à plusieurs acteurs (cf les "a" du titre)  ne relève-t-il pas de la perturbation du  "fameux principe d'identité"  (contre identité, subversion du sujet) plus que de la volonté d'illustrer les multiples  facettes du peintre? . Et la vision  récurrente de Dali en vieillard infirme ne serait-elle pas l'équivalent des cadavres exquis si chers aux surréalistes? 

 

Omniprésentes donc (quel que soit l'interprète) l'extravagance l'arrogance et la mégalomanie du peintre et penseur. Avec les "célèbres accessoires" -moustache torsadée en 10h10,  manteau pelisse, canne, Rolls Royce, deux cadrans,  montres molles; avec aussi et surtout dans la diction ce roulement outrancier des "r" et un débit assez lent (marteler certains phonèmes, les étirer tout comme les 6 "a" du titre) . A noter que les prestations d'Edouard Baer et Jonathan  Cohen sont de loin les plus convaincantes... 

 

La première séquence où la journaliste, et son précieux calepin, attend fébrile le "Génie" qu'elle doit interviewer restera dans les annales:  avec cet effet au montage d'un couloir d'hôtel qui n'en finit pas de finir ....De même le rêve raconté par le prêtre n'en finirait pas de finir ...s'il n'était relayé par son "interprétation picturale" signée Dali et recopiée ad nauseam...(si le cinéaste épingle le marché de l'art, il se moque aussi du snobisme de  clients fortunés)

 

 

Prolifique Quentin Dupieux l'est assurément (Yannick sorti en 2023  suivait de peu Fumer fait tousser) tout comme Dali était ...prolixe.

Il est  peut-être "entré en connexion avec la conscience cosmique de Dali" mais son "faux" biopic certes hyper référencé, divertissant, parfois hilarant n'en laisse(ra) pas moins une impression mitigée  (essoufflement, attentes déçues...)

 

Je vous laisse juge

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
22 janvier 2024 1 22 /01 /janvier /2024 04:56

ET SPLACH !! 🎞 🏊‍♂️

Après quelques années d'absence, c'est le grand retour du CINÉ-PISCINE !

 

 

Au programme, deux séances de courts-métrages concoctées par nos soins avec des comédies, des films d'animation ou d'aventure sur les thèmes de l'eau, de la natation, la mer, etc.

Ciné-piscine Courtivore samedi 27 janvier 2023

Samedi 27 Janvier - Piscine Guy Boissière

 

🥽 18h30, pour les enfants (6-10 ans) dans le petit bassin - environ 45 min de projection (et un petit peu de temps en plus pour barboter)

 

🩱 20h30, pour les adultes (à partir de 16 ans) dans le grand bassin- environ 1h30 de projection

 

🛟 Des bouées seront à disposition pour flotter tranquillement pendant la projection et la température de l'eau sera adaptée.

Tarifs habituels de la piscine.

 

 

Plus d'informations ici :

https://rouen.fr/cine-piscine

Partager cet article
Repost0
21 janvier 2024 7 21 /01 /janvier /2024 07:49

De  Sofia Exarchou (Grèce 2023)

 

Avec Dimitra Vlagopoulou (Kalia) Flomaria Papadaki (Eva ) Danai Petropoulea   (Mary) Ahilleas Hariskos (Simos) Chronis Barbarian (Thomas) Ilias Hatzigeorgiou (Vladimir)

 

Festival de Locarno 2023  Prix d'interprétation féminine ( Dimitra Vlagopoulou) 

 

Sur une île grecque, les animateurs d’un hôtel all-inclusive menés par la charismatique Kalia se préparent pour la saison. Décors en carton-pâte, costumes pailletés et spectacles de danse envahissent la scène. À mesure que l’été avance, la pression augmente, les nuits s’enchaînent, et les démons de Kalia se réveillent. Lorsque les projecteurs s’allument, the show must go on

Animal

Je voulais surtout parler de ceux qui connaissent la précarité la noirceur la fatigue induites par ces conditions de travail. Pour moi, Animal devait être une allégorie pour n’importe quel secteur d’activité

 

De très gros plans sur une partie du corps de femme (en plein exercice physique), sur des poissons dans un aquarium, sur des grillages puis le plan s’élargit sur une plage de sable gris. Début assez déroutant, certes, mais qui "encode" le film

 

Voici les coulisses où œuvrent telles des bêtes de cirque de « gentils organisateurs » Bienvenue dans le grand cirque divertissant du capitalisme. Autopsie d'un "mécanisme" (qui fleure parfois le documentaire) et analyse d’une usure (corps et esprit) à travers le parcours de la charismatique Kalia, telles seront les deux forces de la dynamique interne (encore que la réalisatrice privilégie les ambiances à une structure narrative élaborée)

 

D’une part, rendre palpable le tourisme de masse (très rentable en Grèce) en disséquer tenants et aboutissants (avec cette opposition pertinente entre des touristes aux moyens financiers modestes réduits au statut de « figurants » et l’énergie requise des « animateurs » des forçats que l’on sollicite et de jour et de nuit, à l’intérieur de l’hôtel ou sur le sable !!! Une énergie que Sofia Exarchou filme au plus près, exaltant le corps. Corps en lévitation, corps caressé des effluves de la sudation, corps où ruisselle l’eau de la douche, corps pénétré de sable et de sexe ; mais aussi corps « stigmatisé » (cf.la blessure au genou de Kalia)

 

D’autre part la réalisatrice va focaliser le récit sur un trio féminin Katia Eva et la gamine Mary. Katia animatrice/danseuse/chanteuse, la "cheffe"  transmet à Eva la jeune polonaise de 18 ans, les directives pour perpétuer ce "commerce"  Mary (fille d’un animateur) vit déjà au rythme effréné des aînés et l'apprentissage sous les projecteurs s’impose presque « naturellement ». Mais ne serait-ce pas la même personne (Kalia) à des âges différents, à trois moments d’une vie ? Quoi qu’il en soit, trio ou non, il fonctionne à l’intérieur d’un groupe qui insuffle l’énergie, galvanise suscite les fous rires au moment des répétitions ou après les shows.… Un corps soudé bienveillant et ….conscient de sa précarité ???

 

Une vision pessimiste avec ses nuits qui ne cessent d’empiéter sur les jours, avec ses tubes d’une autre époque (dont Yes Sir, I Can Boogie et Felicita)

Animal est sans conteste une dénonciation au rythme souvent trépidant (caméra portée qui virevolte) où l’alcool, le sexe seraient les moyens de contourner (même provisoirement) la mélancolie de ces forçats du divertissement ?

 

Tels les poissons du début qui enfermés dans l’aquarium contemplaient la mer, la mer toujours recommencée, les GO d’Animal contemplent un « rêve » que jamais cette industrie ne pourra concrétiser. « je ne rêve pas. Rien » avouera, désenchantée, Katia !

 

Malgré quelques longueurs (le film aurait gagné à être plus court…) Animal est un film que je vous recommande ! 

 

 

Colette Lallement-Duchoze


 

Partager cet article
Repost0

Mode d'emploi

Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

Envoyez vos articles ou vos réactions à: artessai-rouen@orange.fr.

Retrouvez aussi Cinexpressions sur Facebook

 

 

Recherche