Long métrage d'animation réalisé par Adam Elliot (Australie 2024)
Voix de Jacki Weaver (Pinky) Eric Bana James (The Magistrate) Sarah Snook (Grace Pudel) Kodi Smit-McPhee (Gilbert Pudel) Dominique Pinon (Percy) Magda Szubanski (Ruth )
Festival d’Annecy Prix Cristal du long-métrage
À la mort de son père, la vie heureuse et marginale de Grace Pudel, collectionneuse d’escargots et passionnée de lecture, vole en éclats. Arrachée à son frère jumeau Gilbert, elle atterrit dans une famille d’accueil à l’autre bout de l’Australie. Suspendue aux lettres de son frère, ignorée par ses tuteurs et harcelée par ses camarades de classe, Grace s’enfonce dans le désespoir. Jusqu’à la rencontre salvatrice avec Pinky, une octogénaire excentrique qui va lui apprendre à aimer la vie et à sortir de sa coquille…
Petit corps trapu avec une propension à l'adiposité, grosse tête avec de gros yeux globuleux et tombants cernés de noir, une cicatrice balafrant le bas du visage, c’est Grace (ô l’antiphrase…) le personnage marginal dont nous allons entendre les "mémoires " Sa voix off sera relayée par celles de tous les intervenants : parents, témoins, religieux , amis, ennemis
Même si sa vie fut marquée par des drames à répétition le film ne versera pas pour autant dans la "noirceur"; certes la palette est "sombre" (dominante marron ou gris) mais Adam Elliot égrène çà et là des touches de lumière plus rougeoyante (une bougie un radiateur une boîte à musique) telle la chaleur lénifiante de promesses( ?) Et surtout l’humour quasi omniprésent (en ses diverses nuances) et la tendresse vont tempérer -pour ne pas dire annihiler- l’angoisse et la douleur ; d’ailleurs le public rit souvent de bon cœur, jamais au détriment de Grace -Nous suivons son parcours quasi initiatique depuis la séduction pour les gastéropodes et leur coquille protectrice jusqu’à l’émancipation, grâce au personnage fantasque de l’octogénaire aux savoureuses métamorphoses et au langage fleuri d’audaces… (un bémol pour le final en forme d’épilogue, twist? ou capillotracté ? )
Grace évolue dans l’univers animé en stop motion où sans conteste Adam Elliot affirme un sens de la plastique et du détail. Le procédé de l’accumulation qui s’impose dès les premiers plans (travellings sur les objets entassés dans la chambre encombrée de Grace, et dont certains sont étiquetés comme prélude au générique) va présider à toutes les étapes, jusqu’à la pléthore. Le cinéaste dénoncerait-t-il un trouble du comportement, la syllogomanie ? ou accumulation compulsive ?
Dans ce passé recomposé : handicap de naissance (le bec-de-lièvre) objet de risée, perte des parents, séparation d’avec le frère jumeau (or Grace et Gilbert ne formaient qu’un seul cœur) placement en famille d’accueil (et les dures conditions imposées par Ruth à Gilbert), attentes fébriles des retrouvailles, mariage raté (Ken plus séduit par la graisse de Grace, membrane à gaver de saucisses) …autant de désillusions, de désenchantements "accumulés" qui d’ailleurs vont de pair dans leur traitement avec la profusion de métaphores autour de la "coquille" (symbole de nos traumatismes ? ou/et de nos cicatrices intérieures ? du repli sur soi ?) ; la multiplicité des thèmes abordés (misère, alcoolisme, deuil, travail forcé des enfants, homophobie, harcèlement scolaire, les clins d'œil réitérés aux problèmes de "notre temps" etc… ) est en outre soutenue par un rythme rapide – jusque dans le débit du locuteur
Or une telle accumulation -sous forme d'empilement le plus souvent- ne risque-t-elle pas de nuire au propos ? ? ou du moins de détourner l’attention du spectateur ??
Colette Lallement-Duchoze