19 février 2024 1 19 /02 /février /2024 08:10

d'Adrew Haigh (G-B  USA 2023) 

 

avec Andrew Scott Paul Mescal, Jamie Bell, Claire Foy

 

 

librement inspiré du roman  Strangers de Taichi Yamada

À Londres, Adam vit dans une tour où la plupart des appartements sont inoccupés. Une nuit, la monotonie de son quotidien est interrompue par sa rencontre avec un mystérieux voisin, Harry. Alors que les deux hommes se rapprochent, Adam est assailli par des souvenirs de son passé et retourne dans la ville de banlieue où il a grandi.

Sans jamais nous connaître

Ouvrir ou ne pas ouvrir sa porte, celle d’un appartement à l’intérieur d’un immeuble géant mais déserté par l’humain (prodigieuse façade dont un plan prolongé envahit tout l’écran) ; une porte et ses connotations (ouverture sur un monde, autre car singulier, sur le passé revisité, sur les possibles peuplés de fantômes souvenirs ); faire coïncider les affres de la création (angoisse de la « page blanche ») et la recherche d’un passé dont on porte toujours les stigmates ; assumer son homosexualité ; caresser le grain d’une peau humer l’odeur tracer l’effilé du regard ou le contour d’un sourire capté dans l’intimité à la fois sensuelle et pudique  -Eros-; parler avec ses parents miraculeusement ressuscités -Thanatos- . Oui il y a tout cela dans le film d’Andrew Haigh où le personnage principal est de tous les plans (subtile tromperie du tout début où Adam est comme "vautré" dans sa solitude; mais il aura suffi  d'une alerte incendie, d'une rencontre inopinée pour que tout bascule   );  où les atmosphères (très travaillées) aux tonalités pastel le plus souvent ont ce quelque chose de cotonneux ou d’embué bleuâtre qui épouse la descente (ou remontée c’est selon) vers le souvenir l’orgasme la création ; où abondent les effets spéculaires; où la douloureuse impossibilité de faire le deuil ira s’amenuisant au fur et à mesure que se libère la parole (celle qu’on aurait aimé entendre, celle d’un père entre autres celle d’une mère encore plus corsetée dans ses clichés réducteurs sur les enfants « queer »  !)

Le tempo est assuré par ces allers et retours en train (de l’appartement à la maison de l’enfance) par l’alternance entre scènes familiales (avec la prégnance du réel même si Adam est plus âgé que ses géniteurs, il les « retrouve » le temps de ses visites tels qu’il les avait enserrés dans l’écrin mémoriel des années 70 80) et séquences dans l’appartement (où Adam vivait seul…) ,par le jeu sur les temporalités (présent et passé, présent et imparfait, passé et futur antérieur), par l’irruption du cauchemar (cris et images déformées de celui qui souffre d’un trauma originel, de ses démons intérieurs) qui contraste avec l’apparente quiétude (cf le sourire de l’acteur  Adam Scott ou les rires de Paul Mescal)  

On sera sensible (forcément tant le film nous y oblige) à la porosité de la frontière entre rêve et réalité (le fantôme est là palpable dans la contingence devenue nécessité) à toutes les thématiques abordées et incarnées par 4 personnages (deuil famille solitude orientations sexuelles)

Cela étant l'impression désagréable de l’artificialité  aura gâché  le simple « plaisir » de « regarder » ; (moins celui d’écouter « the power of love ou Always On My Mind )

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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15 février 2024 4 15 /02 /février /2024 11:30

De  Bertrand Bonello  (2023) France Canada

 

Musique Bertrand Bonello, Anna Bonello

 

Acteurs Léa Seydoux  (Gabrielle) George MacKay  (Louis) Marta Hoskins,  Guslagie Malanda (Poupée Kelly)

 

libre adaptation de la nouvelle d'Henry James "La bête dans la jungle" 

 

Film dédié à Gaspard Ulliel 

Dans un futur proche guidé par l’intelligence artificielle, les émotions sont devenues une menace. Pour s’en débarrasser, Gabrielle doit purifier son ADN et pour cela, replonger dans ses vies intérieures…Elle y retrouve Louis, son grand amour. Mais une peur l'envahit, le pressentiment qu'une catastrophe se prépare.

La Bête

Comme la plupart des films de Bonello (Tiresia, L'Apollonide Nocturama) La bête est d’une beauté rare (vision frontale ou parcellaire ; vision globale ou fragmentée et fragmentaire; déformations; vues en contre-plongée et surtout tout dans le film est travaillé comme au cordeau -cadres plans mouvements jeux de travellings choix des couleurs scènes cauchemardesques, etc. ) Mais Bonello rappelons-le a ses détracteurs (lesquels l’accusent de formalisme outrancier, confondant choix esthétiques et parti pris esthétisants)

 

Séquence d’ouverture : fond vert, Léa Seydoux guidée par la voix du réalisateur doit faire un pas de côté s’approcher d’une table prendre le couteau et attaquer la…Bête (? ) UN CRI  primal sort de sa bouche distordue. Le fond comme écran sur lequel projeter les images de la peur ? pour Gabrielle ce sera l’amour contrarié avec Louis ; une histoire d’amour revisitée, à différentes époques et l’on passera de l’une à l’autre (1910 2044 2014 ) avec ces images qui se déforment en anamorphoses mais aussi avec changements de costumes et de décors alors que Gabrielle (ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, artiste ou  mannequin, aspirante actrice ou femme seule aspirant à l’amour) aura accepté la purification (bain noir, énorme aiguille -celle du temps ? celle d’une inoculation -thérapie prophylaxie catharsis ? En acceptant (en 2044) de se débarrasser de ses affects, purgeant son ADN, elle « revivra » ses amours ses peines ; simultanément ce sera la garantie de ne plus jamais souffrir ? Même quand t'es amoureuse et que ça se passe bien, t'es toujours dans l'angoisse de la perte à venir. Alors autant ne plus vivre ça.» lui souffle l’amie…

 

1910 Pianiste mariée à un fabricant de poupées, Gabrielle lors d’une soirée ultra-mondaine (on donne à voir des peintures tourmentées à la Egon Schiele) « rencontre » Louis de passage à Paris. Une démarche languide dans les pièces de la vaste demeure bourgeoise Une peur une certitude celle d’une catastrophe imminente. Louis le sait. Elle le lui avait dit, (rappelez-vous) avec ce phrasé, cette lenteur calculée  très durassienne. Oui la catastrophe surviendra...

 

« je voulais mettre ensemble la peur et l’amour » affirme le cinéaste qui pour ce « voyage dans le temps » convoque « 3 formes filmiques de la peur » : dont le pseudo film d’horreur (2014) avec un Louis en tueur psychopathe, avec des clins d’œil plus ou moins appuyés à Lynch et la dystopie  de 2044, son « idéal » aseptisé, son IA (voix de Dolan)

Mais se priver de ses émotions n’est-ce pas perdre son humanité ? dès lors s’obstiner à sauvegarder cette parcelle d’humanité serait-ce entrer en résistance ? la réponse est dans ce film à nul autre pareil

 

On retiendra la beauté sidérante de l’atelier de poupées, (prolongement ou préfiguration de cette figure artificielle qui accompagne Gabrielle?) l’embrasement où le feu s’allie à l’eau,  (et où Gabrielle est devenue l'Ophélie ) et toutes ces ambiances musicales (des anachronismes recherchés : dans un club du futur danser sur de la musique soul de 1970)

 

 

Un film à ne pas rater 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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13 février 2024 2 13 /02 /février /2024 13:21

d'Ilya Povolotsky (Russie 2021)

 

avec Maria Lukyanova Gela Chitava

 

Quinzaine des cinéastes Cannes 2023

 

Un père et sa fille adolescente sillonnent la Russie à bord d'un van qui contient tous leurs biens et le matériel d'un cinéma itinérant. Ils organisent des projections en plein air dans les villages reculés. Lors de leur périple, de brèves rencontres ponctuent leur solitude. Mais leur vie va basculer sur les rives de la mer de Barents.

La Grâce

Aussi aphasique et mélancolique que les films du Lituanien Sharunas Bartas, La Grâce du jeune réalisateur russe est un road movie étonnant où la tache rouge du van (celui où vivent le père et sa fille) devient dans l’immensité, la rugosité, la désolation des paysages traversés,  la luminescence dans les ténèbres ; et la dernière partie rappelle -tant les similitudes s’imposent- le film d’Andreï Zviaguintsev le léviathan (les rives de la mer des Barents, le décor post apocalyptique, la peste des poissons). 

 

Le film s’ouvre sur le plan d’une jeune fille accroupie ; elle vient d’uriner près d’une rivière, son corps a saigné ! Elle rejoint le van après sa corvée d’eau, un van conduit par le père, un père qui délaisse la femme de passage (elle-même va s’évanouir dans les méandres d’une route improbable) femme à laquelle l’ado demande une serviette…pour éponger ses menstrues…

Mais qui sont ces deux personnages ? où vont-ils ? à plusieurs reprises l’adolescente évoque la possibilité de la mer…A l’intérieur du van, la présence d’une urne, matérialisation d’un passé qui n’est pas encore enfoui. Le chemin sera long lent jusqu’à l’émancipation. La Grâce ou le récit de cette émancipation. (l’élément liquide y acquiert la grâce de La (re)naissance)

 

Gros plans sur les visages à l’intérieur de l’habitacle, larges panoramiques pour les extérieurs, et/ou plans majestueux où respirerait la matière d’un vivant déjà mort, avec vues en plongée ou contre plongée, alternance lumière et obscurité, scènes en miroir (rapport père/maîtresse de passage par exemple) des paysages désolés, (et même cet immense centre commercial a des couleurs défraîchies) des ruines, et ce long travelling latéral sur une façade abandonnée avant que n’apparaisse assise une femme muette elle aussi ou du moins peu loquace, le travail exigeant sur les lumières les cadres, tout cela témoigne de la puissance suggestive du film, et de la maîtrise de son réalisateur ! d’une vibration  personnelle pour communiquer cette impression (insoutenable pour certains spectateurs) d’une existence fantomatique (pour ne pas dire sépulcrale).

 

ô  visage d’adolescente à la grâce des peintures de la Renaissance !

ô mutiques adultes,! ô jeunesse désenchantée ! de quelle grâce êtes-vous le « non » (ou le nom)

 

Et si nous avions traversé avec vous un espace mental ?   

Un film à ne pas rater

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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12 février 2024 1 12 /02 /février /2024 14:33

d'Agnieszka Holland (Pologne France 2023) 

 

avec Jalal Altawil, Maja Ostaszewska, Taim Aijan

 

Prix spécial jury Mostra de Venise 2023

Ayant fui la guerre, une famille syrienne entreprend un éprouvant périple pour rejoindre la Suède. À la frontière entre le Bélarus et la Pologne, synonyme d'entrée dans l'Europe, ils se retrouvent embourbés avec des dizaines d'autres familles, dans une zone marécageuse, à la merci de militaires aux méthodes violentes. Ils réalisent peu à peu qu'ils sont les otages malgré eux d'une situation qui les dépasse, où chacun tente de jouer sa partition.

Green Border

Vilipendée bafouée et simultanément récompensée à la Mostra de Venise 2023 par le prix spécial du jury, Agnieszka Holland, la militante, s’attaque frontalement au cynisme à l’hypocrisie de l’Europe de la Pologne en particulier dans sa politique migratoire. Elle s’est inspirée des événements de novembre 2021, du bras de fer « diplomatique » entre Alexandre Loukachenko et Bruxelles par voisin interposé, Le premier avait affrété des vols de migrants, facilité l’obtention de visas touristiques (ce dont témoigne le tout début du film Green Border ; la caméra est au plus près des visages sereins de passagers, on traverse les « nuages » (premier indice de rupture ?) une hôtesse biélorusse offre la rose de bienvenue (deuxième indice de « fake news ») un taxi attend à Minsk et … tout va basculer.

Car les candidats à l’exil se sont retrouvés bloqués à la frontière avec la Pologne ….(La Biélorussie ne visait qu’à déstabiliser le voisin polonais, et par conséquent l'Union européenne, en déficit de réponse devant un tel flux migratoire)

En s’intéressant au sort d’une famille syrienne (fictive) la réalisatrice accuse les militaires (eux-mêmes soumis à des ordres supérieurs) d’inhumanité, de sauvagerie ; les migrants (héroïsés) vont être ballottés (sens littéral) d’une frontière à l’autre, spoliés non seulement de leurs biens mais pour certains de leur vie (et celles à venir quand une femme enceinte est jetée tel un baluchon par-delà les barbelés)

La réalisatrice  a fait le choix du noir et blanc. Pourquoi ? il s’agirait d’établir un continuum (ce sont ses propres mots) avec des films plus anciens ou plutôt avec la réalité des épreuves subies lors de la Seconde guerre mondiale ….Mais ici, et en 2021, les guerres sont menées par deux armées avec des « projectiles humains » ; la barbarie nazie perdure…. plus insoutenable encore… dont acte !

Le découpage en plusieurs parties, s’il offre une pluralité d’entrées, de points de vue, - celui des migrants, celui d’un garde-frontière obéissant aux ordres, sans discuter, du moins dans un premier temps, et celui d’activistes dont les dissensions vont éclater-, n’abolit pas pour autant la tendance fâcheuse au machiavélisme…

Et quand la psychologie est censée expliciter certains choix (prise de conscience du garde-frontière, futur papa, la psychologue Julia désireuse de donner un sens à sa viduité) le scénario déjà surligné va s’embourbant avec des effets d’insistance (plans fixes prolongés sur le visage, les regards interrogateurs),   

Et plus globalement le dolorisme appuyé, une certaine complaisance (cf les très gros plans sur des parties du corps mutilé censés illustrer la douleur éprouvée, la lente mort par enlisement de Nour l’aîné des enfants syriens, la bande son parfois trop illustrative) altèrent le propos par cet appel réitéré à l’émotion (tire-larmes)

Donner à voir l’impasse humanitaire sous forme de coup de poing, dénoncer l’hypocrisie cynique (et la responsabilité collective) s’interroger sur la « légalité et l’équité » (à travers le personnage de Julia) éveiller les consciences, oui tout cela est fort louable.

Mais…L’ambiguïté inhérente à toute fiction très documentée et réaliste s’alourdit ici d’un excès de zèle dans la volonté de convaincre.

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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10 février 2024 6 10 /02 /février /2024 07:21

Film d'animation,, biopic musical, réalisé par Fernando Trueba et Javier  Mariscal (2023 Espagne, France, Portugal, Pays Bas) 

 

Avec les témoignages d'Edu Lobo, Gilberto Gil, Chico Buarque, Caetano Veloso, Milton Nascimento, Toquinho, Roberto Menescal, Paulo Moura, Bud Shank...

Doublages : Jeff Goldblum, Roberta Wallach, Tony Ramos...

 

71ème festival de San Sebastian

Un journaliste musical new-yorkais enquête sur la disparition, en 1976, à la veille du coup d'État en Argentine, de Francisco Tenório Jr, un pianiste brésilien virtuose......

They shot the piano player

 

Ce film d’animation signe une nouvelle collaboration entre Fernando Trueba (réalisateur, scénariste et producteur musical)  et Javier Mariscal, illustrateur, auteur de BD, graphiste, peintre (rappelez-vous Chico et Rita, 2011)

 

"Ode à la bossa nova, enquête sur une disparition, hommage à une Amérique latine laminée par les dictatures militaires"  oui ce film d’animation est tout cela à la fois. Il joue aussi sur l’étroite imbrication de deux démarches : celle du réalisateur Fernando Trueba qui s’était intéressé au pianiste brésilien Francisco Tenório Júnior, avait collecté des centaines d’interviews, de New York à São Paulo, de Paris à Rio, avait le projet d’en faire un documentaire (classique ?) , et celle de Jeff Haris, ce journaliste musical new yorkais qui, au départ écrit un article sur la genèse de la bossa nova et qui va enquêter sur le pianiste mort dans des circonstances jamais élucidées à 34 ans en 1976 ; l’article est devenu livre, le livre ce film « they shot the piano player »  (film encadré d’ailleurs par la séquence dans une librairie à New York, en 2009)

 

Nous allons croiser des légendes de la musique, de Vinícius de Moraes à Chico Buarque, de Jobim à Caetano Veloso, mais aussi Ella Fitzgerald, Bill Evans, ainsi que les « maîtres de la nouvelle vague » (Truffaut Godard) La bossa nova a émergé au Brésil en même temps que la nouvelle vague en France (le titre est d’ailleurs un clin d’œil à un film de Truffaut).

Profusion d’artistes et de témoins dans leurs avatars animés mais avec leur vraie voix ! immense puzzle à reconstituer ! avec ce souci très pédagogique de la contextualisation (cf les graphiques du continent sud-américain dont les pays se couvrent de noir, quand advient la dictature, quand se déploie l’opération Condor !!), cet hymne à la musique brésilienne  est illustré par le flamboiement des couleurs -en harmonie avec la fougue vibrante de la bossa nova, de ces corps ondulants de danseuses (années 50, 60)  Le choix d’aplats de couleurs avec ces ombres incorporées  et les mouvements sinueux ont souvent ce charme languide qu’amplifie l’omniprésence de la musique. En alternance le bleu lumineux de cet appartement avec vue sur la plage d'Ipanema  où travaille le journaliste,- jaillissement  dans la résolution de l'énigme "qui a tué le pianiste"?  Les ocres grisâtres et les verts kaki  évoquent la cruauté des dictatures (à partir de 1973 au Chili ) avec leur cortège d’arbitraire (enlèvements exécutions tortures) alors que le graphisme aux traits fins, vigoureux et géométriques est proche de certaines BD. 

 

Cependant, si la forme choisie - dessin animé en rotoscopie à l’esthétique BD – est source d'invention et de poésie dans le schématisme même, elle ne saurait  susciter l’émotion attendue quand il s’agit de numéros musicaux (solos ou orchestre). Et  la prolixité des paroles (échanges avec tous ceux qui ont côtoyé de près ou de loin le pianiste) de par son abondance a le défaut de ses qualités : la pléthore

 

Cela étant, reconstituer le parcours d’un « inconnu » virtuose à travers le regard des autres, opposer en violents contrastes (couleurs ambiances ) la période d’effervescence musicale au traumatisme tragique des dictatures,  n’est-ce pas l’intérêt majeur de ce film, soit une raison suffisante pour ne pas le rater ???

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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8 février 2024 4 08 /02 /février /2024 17:12

 

 

 10ème festival de films de femmes, organisé par l'association "elles font leur cinéma"

 

 

Vendredi 16  samedi 17 et  dimanche 18 février

 

 

Au cinéma Omnia (Rouen)

Festival "elles font leur cinéma" 10 ème édition

PROGRAMME

 

20h   Vendredi 16 

 

Film d'ouverture

 

20h AVANT-PREMIÈRE : IL RESTE ENCORE DEMAIN de Paola Cortellesi
suivi d'un échange avec Luisa Prudentino (enseignante chercheuse, spécialiste du cinéma Italien)

Festival "elles font leur cinéma" 10 ème édition

Samedi 17 février 2024

11h : FORUM La parité femmes/hommes dans le cinéma actuel : quels enjeux ?
organisé par les étudiantes de la licence Métiers de la Médiation Culturelle de l'Université de Rouen

entrée libre

14h : LES NOUVELLES GUERILLERES documentaire d'Elisa Vandekerckhove
suivi d'un échange avec la réalisatrice et le Groupe Actions Féministes Rouen.

16h : COURTS METRAGES
D'AUTRES CHATS A FOUETTER d' Ovidie
GOOD THANKS, YOU? de Molly Manning Walker
HER DRESS FOR THE FINAL de Martina Mestrovic
J'AIME LE VIN ET LES CALINS de Chryssa Florou
CHASSE GARDEE d'Elodie Beaumont Tarillon
suivi d'un échange avec Élodie Beaumont-Tarillon, du vote du public et de la remise du prix La Lucie

18h : DOROTHY ARZNER, UNE PIONNIERE A HOLLYWOOD documentaire de Clara et Julia Kuperberg

suivi d'un échange avec Brigitte Rollet chercheuse et spécialiste du cinéma et de la télévision au prisme des questions de genre et de sexualités

 

20h30 : Film du Répertoire

RUE CASES NEGRES de Euzhan Palcy

suivi d'un échange avec Brigitte Rollet

Festival "elles font leur cinéma" 10 ème édition

Dimanche 18 février 2024

 

10h30 : en partenariat avec Amnesty International

WE ARE COMING, CHRONIQUE D'UNE RÉVOLUTION féministe documentaire de Nina Faure

débat avec des représentantes d'Amnesty International suivi d'un moment convivial au ciné café de l'Omnia

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8 février 2024 4 08 /02 /février /2024 07:18

Documentaire réalisé par Sylvestre Meinzer (2022)

 

 

Derrière l’image tranquille des paysages, d’une nature sereine et des scènes de la vie ordinaire, des voix d’anonymes apparaissent et se répondent. Elles racontent ce moment de l’histoire où, revêtu.e.s d’un gilet jaune, des femmes et des hommes se sont rassemblé.e.s pour exprimer leur colère et leur détermination à changer de monde. Le film « Les voies jaunes » est une quête de cette mémoire frémissante, sur une ligne grondante qui va du Havre à Marseille

Les voies jaunes

Loin des images dont la presse télévisuelle nous a abreuvés en mettant en exergue la violence d’une foule déchaînée, loin des critiques négatives répétées ad nauseam par de prétendus spécialistes et politologues improvisés, nous voici au cœur d’une réalité qui fait entrer en résonance des témoignages (voix off) et des images (où s’imposent plans fixes et plans séquences, paysages et scènes de la vie quotidienne où les témoignages ont été recueillis). Désynchroniser la voix et l’image tel fut le parti pris de Sylvestre Meinzer au montage. (Elle avait recueilli 35h de témoignages des Gilets jaunes lors de leurs assemblées, avait sillonné la France du Havre à Marseille)

 

Regarder ce documentaire exceptionnel c’est « comprendre de l’intérieur » (nous entendons les motivations les questionnements les attentes les critiques de ceux qui ont rejoint le mouvement né le 15 novembre 2018, mouvement qui aura marqué de façon indélébile leur vie), et simultanément c’est prendre le temps de « contempler » une France essentiellement rurale, ou semi -rurale. Certes le film s’ouvre sur l’activité portuaire du Havre (en filigrane on devine la critique d’une forme d’industrialisation…) et certaines prises de vue renvoient au monde urbain, mais ce qui s’impose à notre regard ce sont ces vastitudes de verdure et de blondeur, ces ciels tourmentés ou azuréens, cette vie animale (animaux domestiques et fermiers, dont ces bovines filmées en frontal de profil ou de dos grégarisées ou isolées ; ou ce  porc qui se délecte dans la boue) ces activités de la terre etc. Une façon de filmer qui n’est pas sans rappeler celle de R Depardon. Une école du regard !

 

Si la colère n’est pas « illustrée » par des images choc elle est bien présente dans la parole de ceux qui ont subi les outrages (répression éhontée) mais aussi en écho avec des images si parlantes et signifiantes (pour exemple cette meule de foin, emballée de plastique que fouette un vent violent va  "accompagner" la narration d’une garde à vue pour le moins humiliante). Bien plus la documentariste "montre"  de façon palpable tout ce qui en amont a provoqué la colère : un monde industriel en décrépitude, la misère,  la précarité

 

" Nous ne sommes pas dans un film guidé par l’urgence de témoigner, mais dans une proposition sensible de l’après coup, de la transformation. Les récits sont portés par des personnes pour qui le mouvement des Gilets jaunes a marqué irrémédiablement leur vie. En parlant de réinvention du monde, le film crée des ponts avec d’autres mouvements de résistance que ce soit dans les champs de l’écologie ou des inégalités sociales notamment. Le film cherche à rendre palpable la force souterraine des idéaux d‘un peuple, qui se met à croire dans un réenchantement possible de ce monde trop souvent présenté sans avenir. Ce qui me touche dans la démarche de Sylvestre […], c’est sa volonté de chercher à humaniser un mouvement souvent méprisé et déshumanisé, en s’intéressant au quotidien, à la vie des gens, d’une France oubliée. Son élan à aller vers l’autre ne se place pas pour autant dans la compassion ou la complaisance, mais dans la curiosité, l’excitation de la rencontre, le désir de recevoir une diversité de récits, de se faire passeuse d’une parole." Jean-Marie Gigon, producteur-délégué du film

Un documentaire -quête d’une mémoire frémissante- à l’audacieuse forme de congruence, à ne pas rater  

 

(séances Omnia vendredi 18h dimanche 13h30, mardi 18h)

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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7 février 2024 3 07 /02 /février /2024 11:28

de Todd Haynes (USA 2023)

 

avec Julianne Moore, Natalie Portman, Charles Melton

 

Festival Cannes 2023 Compétition officielle

Pour préparer son nouveau rôle, une actrice célèbre vient rencontrer celle qu’elle va incarner à l’écran, dont la vie sentimentale a enflammé la presse à scandale et passionné le pays 20 ans plus tôt.

May December

Du fait divers dont s’inspire le film (et dont rend compte l’expression anglo-saxonne may december qui surligne une différence d’âge dans une relation), le réalisateur analysera (de façon quasi clinique) le retentissement perturbateur sur les êtres concernés (20 ans après…) retentissement dont chaque « étape » est scandée par le thème musical revisité par Marcelo Zarvos «  le pays étranger qu’est le passé  (composé par Michel Legrand pour le film de Losey le messager 1971)

 

Dès le début, l’entrée dans le cadre et le film d’une actrice (Elizabeth/Natalie Portman) -elle vient « interroger » le couple pour son futur rôle, est sujette à caution : en pénétrant dans la maison (soit l’intimité) elle apporte le colis déposé sur le seuil (message– dont le contenu (ne pas spoiler) malgré le déni, sera censé épouser les excavations d’un passé sordide ; et simultanément se devinerait la véritable motivation d’Elisabeth ? transformer en « ordure » le passé revisité du couple …Ce que confirmeraient ses aveux lors de la « conférence » avec les élèves dont la fille de Gracie « j’aime les parties sombres de l’individu » : et partant mutatis mutandis les zones grises de Médée seront celles du film, celles plus ou moins infligées au spectateur car ce dernier doit être à la fois dans le présent et dans un passé aux traces indélébiles (latente jusque-là, la révolte de Joe « jeune » mari et père va éclater !)

 

Et quasiment tout le film -qui est un film sur un film en préparation-, joue sur les mises en abyme, les effets de miroir : ceux du cadre (avec reflets dupliqués ad libitum) ; ceux des deux visages en frontal (on devine l’imminence d’une « fusion » par superposition comme dans Persona de Bergman ?) les échos (le mari échange en cachette avec une « inconnue » par sms, Elizabeth lit une lettre destinée à…) Le jeune époux élève des papillons et on assiste (très gros plan) à l’émergence de l’insecte (de la chrysalide à l’imago) -nouvelle mise en abyme ou simple métaphore- ; en rendant la liberté au papillon monarque, Joe n’avoue-t-il pas que cet épanouissement lui a été refusé (?) de même il « contemple » à travers son fils, une jeunesse qu’on lui aurait ravie ? (Rôle de la femme matriarche ? ) Le thème de la « vampirisation » sera décliné par la multitude des regards (ceux de la presse dont on affiche certains extraits, ceux de l’actrice qui fouine les secrets, afin de se nourrir du malheur des autres)

 

Un film aux plans souvent raffinés, au contraste constant entre la luxuriance ensoleillée de l’extérieur et le trouble feutré des émois, entre le venin insidieux et la quête de « résilience » (?) un film porté par la prestation talentueuse de Julianne Moore et le jeu délibérément artificiel de Natalie Portman (n’exister que par le regard d’autrui se complaire dans le reflet de soi cf. le dernier tableau )

Mais un film qui par ses ambiguïtés peut laisser pantois

Et qui par la redondance des effets miroirs, par ses clichés à manipuler et à décoder  peut lasser ! 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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6 février 2024 2 06 /02 /février /2024 05:37

de D Abel et  F Gordon (France/Belgique 2023)

 

avec Dominique Abel, Fiona Gordon, Kaori Ito

 

 

Prix du jury aux rencontres du cinéma francophone en Beaujolais (Villefranche /Saône)

 

Boris, barman, vit dans la clandestinité depuis 35 ans à la suite de son implication dans un attentat qui a mal tourné. Son passé refait surface quand une victime le retrouve et veut se venger. L'apparition de Dom, homme dépressif qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Boris, fournit à l'ex-activiste le moyen parfait pour échapper à la vengeance. Boris et sa femme Kayoko, épaulés par leur portier, Tim, tissent une toile funeste autour de Dom : ils ignorent l’existence de son ex-femme, détective privée

L'étoile filante

 

Malgré l’ambiance de film noir (travail étonnant sur la lumière les ombres portées les contre-jours et choix de plans larges) malgré la théâtralisation (des lieux et du jeu des acteurs), malgré quelques trouvailles (le papier hygiénique ou la disparition par enfouissement dans un pouf) quelques gesticulations corporelles qui renvoient à l’art du mime, certaines chorégraphies (même incongrue celle des retrouvailles Fiona Dom alors que celle du bar l’étoile filante qui inclut les clients est moins convaincante quand bien même ce serait la parodie de comédies musicales)  on est loin de la tonicité et de la singularité poétique, de la loufoquerie funambule, auxquelles le couple Dominique Abel et Fiona Gordon nous avait habitué (Rumba, La Fée, Paris pieds nus)

 

Scénario abscons ? Non car la trame narrative même alambiquée est bien présente et lisible jusque dans dans ses « déraillements »  Comique de répétition qui s’essouffle (le mouvement de bicyclette dans le lit comme illustration d’un cauchemar, le bras prothétique de l’homme au revolver, assoiffé de vengeance) ? Changement de perspective, celle revendiquée par le couple ?  En traversant la rue du burlesque au polar, nous ne lâchons pas notre envie de rire, nous explorons une palette plus amère. Le désenchantement, la mélancolie, ingrédients typiques du polar, planent sur L’Étoile filante mais un joyeux ensemble de personnages moralement ineptes apporte à notre film noir ses belles couleurs et sa drôlerie." - Abel & Gordon*

 

Quelle que soit la réponse, on a la fâcheuse impression d’un long métrage qui tourne court…

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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5 février 2024 1 05 /02 /février /2024 09:55

Moyen métrage de Gala Hernández López (France2022 38' )

 

"Alors que vient de s’ouvrir le festival du court métrage de Clermont-Ferrand, Mediapart diffuse l’un des films les plus forts et perturbants de l’édition 2023 : « La mécanique des fluides » de Gala Hernández López. Partant d’une lettre de suicide publiée par un homme célibataire sur un réseau social, la réalisatrice entame une dérive virtuelle sur Internet, pour comprendre comment la solitude s’exacerbe dans un monde hyper-connecté"

 

« La mécanique des fluides », voyage au cœur des solitudes connectées | Mediapart

 

 

En 2018, un incel (soit un célibataire involontaire) appelé Anathematic Anarchist a publié une lettre de suicide sur la plateforme Reddit intitulée « L’Amérique est responsable de ma mort ». La Mécanique des fluides est une tentative de trouver des réponses à ses mots. Une dérive sur Internet à la recherche de ses traces numériques finit par se transformer en un voyage intérieur entre nos solitudes connectées

La mécanique des fluides

"A travers cette approche des jeux de séduction à l’heure du numérique, Gala Hernández López parvient à saisir diverses formes de masculinité toxique contemporaine sur Internet et à identifier les mécanismes de violence qu’elles peuvent engendrer. Bien que le phénomène ne soit pas récent, le cyber-espace a donné naissance à une véritable « culture incel  », ces communautés en ligne dont les membres se définissent comme étant incapables de trouver une partenaire amoureuse ou sexuelle. Ils ruminent collectivement derrière leurs écrans, leur frustration et leur mépris des femmes, jugées responsables de leur insatisfaction sexuelle. Si La Mécanique des fluides est parfois exigeant envers les spectateurs et spectatrices, c’est sans doute parce que la cinéaste a beaucoup à dire sur le sujet. Ce projet est accolé à un travail universitaire et fait partie d’une thèse de recherche-création au sein de l’université Paris 8. C’est là une des grandes forces du film et ce en quoi il est particulièrement original et innovant : comment la chercheuse-cinéaste parvient à fusionner un appareillage de recherche critique en matière cinématographique. Cofondatrice du collectif « Après les réseaux sociaux » avec Allan Deneuville et Chloé Galibert-Laîné qui questionne les pratiques d’enquêtes en sources ouvertes (OSINT) et « les modes de subjectivation propres au capitalisme computationnel », elle réalise avec La Mécanique des fluides le premier volet d’une série d’essais expérimentaux dont le projet suivant Hold on for Dear Life est consacré aux communautés des cryptomonnaies.

 

La Mécanique des fluides est nominé aux César 2024, qui se dérouleront le 23 février, dans la catégorie du meilleur film de court-métrage documentaire. Il se trouve notamment en compétition avec L’Effet de mes rides, de Claude Delafosse, que Mediapart avait diffusé en juillet 2023.

 

Mediapart et Tënk

 

La Mécanique des fluides revêt une forme toute digitale – commentaires de réseaux sociaux, vidéos YouTube, modélisations 3D et chorégraphie d’onglets – pour interroger la responsabilité de l’algorithme Tinder dans la haine des femmes professée en ligne. La solitude est infectieuse, virale. Se définissant à travers elle, une masse d’inconnus parvient à faire communauté. En même temps qu’elle expose tout un contexte de violence – infligée et subie –, Gala Hernández López désarme toute la sous-culture incel parce qu’elle en révèle la vulnérabilité : « Moi aussi je suis une incel, pensais-je »."

​​​​​​​Pierre Guidez Festival international du Film de  Bordeaux 

 

 

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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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