12 novembre 2020 4 12 /11 /novembre /2020 14:58

De Vincent Gérard, Cédric Laty, Bernard Marcadé et Camille Zéhenne  (France 2017 ) documentaire/fiction (sortie le 15/01/2020)

 

2017 : Visions du Réel - Nyon (Suisse) - Compétition Internationale Moyens Métrages

 

Barthes *Sous ce nom, du gascon barta – zone humide auprès d’une rivière ou d’un fleuve–, on désigne les terres basses inondées chaque hiver par l’Adour

libre interprétation des Mythologies de Roland Barthes, dont le récit se joue principalement sur le fleuve Adour et dans la lumière du sud ouest.

Barthes

En jouant sur la « polysémie » du mot Barthes (nom de l’écrivain sémiologue et toponyme ensemble des terres basses inondées chaque hiver par l’Adour) en faisant coexister des extraits de Mythologies (voix off) et  la géographie d’une région bien définie (des panneaux de signalisation, des cartes agrandies serviront de repères tels des « signes » ethnographiques) les auteurs de ce documentaire vont « raccorder le creux de la langue et les crêtes d’un paysage traversé par ses lumières ».

 

Nous voici sur les traces de Barthes qui on le sait avait pris l’habitude, à partir de 1968, de passer ses étés à Urt -une commune des Pyrénées Atlantiques- où il appréciait «le délice des matinées : le soleil, la maison, les roses, le silence, la musique, le café, le travail, la quiétude insexuelle, la vacance des agressions » (sa mère et lui-même sont enterrés dans cette commune).

Nous sommes invités à descendre l’Adour, de la sortie d'Urt  jusqu’à l'Atlantique,- au gré de « rencontres » parfois insolites, que ponctue  la musique de Satie -, jusqu’à ce dernier plan où vibre l’immensité d’un flux héraclitéen. Une balade qui se mue en  ballade !

 

Mais inutile  de chercher à tout prix  une synonymie entre les paysages, le fleuve, ses rives, les hameaux, les chemins vicinaux,  les personnages et les textes lus. L’apparente illustration peut être ironique  ou procéder d'effets spéculaires contrastés voire inversés : ainsi en est-il de ces cyclistes âgés filmés en groupe (tel un peloton) ou individuellement alors que Bernard Marcadé lit des extraits du « tour de France » (son onomastique son épopée lisible dans la personnification des lieux et ses 4 mouvements : mener suivre s’échapper s’affaisser). Voici une surfeuse et simultanément  on entend  un extrait du  texte « le plastique » (moins objet que trace d’un mouvement) ; voici une femme qui exécute une danse « orientale » puis elle procède au dévêtement, les déhanchements et les gestes semblent donner raison à Barthes (strip-tease) MAIS le contexte désacralise « la conjuration minutieuse du sexe »

Se pose  une autre problématique :  la mythologie dénoncée par le sémiologue au milieu du XX° siècle imprègne-t-elle encore notre quotidien? 

Ce n’est pas pur hasard si le documentaire s’ouvre sur des extraits du «guide bleu » suivis par ceux de « l’écrivain en vacances » Si le guide bleu flatte la montuosité et ne s’intéresse qu’aux monuments , les quatre auteurs du documentaire « montrent » l’exact contraire en jouant sur les arrondis verts, les miroitements des couleurs, les éclats de lumière sans verser dans les clichés lisses des chromos..

La musique de Satie scande, en la ponctuant, cette ballade, mais  elle subit elle aussi des "travestissements" (dans les divers "arrangements") quand elle ne s’accouple pas avec la musique d’une fanfare !

 

Roland Barthes non sans ironie (on le connaît pince-sans-rire) fustige un certain langage et partant une certaine idéologie et son recueil Mythologies qui ausculte la France des années 50 sous forme de tableaux, démystifie l’objet mythifié par le langage, objet qui véhicule les valeurs bourgeoises sans jamais le dire comme si les valeurs étaient des évidences unanimement partagées. Les auteurs de ce documentaire par une forme de mimétisme inversé rendent hommage à cet écrivain en l’inscrivant dans SON lieu d’élection, en choisissant des textes dont le pouvoir corrosif est toujours d’actualité et leur « essai remet en scène le documentaire et la fiction, les universalise dans la lumière du Sud-Ouest, ici et maintenant » (Emmanuel Chicon. Visions du réel) 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

Barthes

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11 novembre 2020 3 11 /11 /novembre /2020 12:32
De Cyril Bérard et Samuel Picas (documentaire 2020)

 

Film soutenu par Tënk et Mediapart

https://www.mediapart.fr/studio/documentaires/international/grano-amaro-peut-ignorer-l-heritage-de-mussolini

En suivant jour après jour la campagne électorale des élections municipales (2019) de Predappio, ville natale de Mussolini, Grano Amaro raconte le parcours de deux candidats amateurs dans une élection dont l’enjeu les dépasse.
Très vite, la campagne est phagocytée par la grande question de l’héritage mussolinien : que faire de la tombe du dictateur ? Le film retrace le combat pour la mairie qui, administrée par la gauche depuis 1945, risque de tomber aux mains de l’extrême droite.

Grano amaro

La séquence d’ouverture nous introduit dans une "minoterie". Voici un homme dont les gestes rapides et précis -dosage, emplissage et fermeture des sacs de farine- sont filmés en gros plan. C’est Roberto Canali. Il est candidat aux élections municipales, sur la liste « unis pour Predappio » soutenue par la ligue d’extrême droite. Face à lui Gianni – successeur de Giorgio (cf la photo ci-dessus) qui, après deux mandats, ne peut plus se présenter.

 

Le documentaire par un montage alterné (et/ou parallèle) donne à voir successivement les deux candidats  : sur leur lieu de travail, dans leur QG de campagne, leurs réunions, leurs meetings, etc.. mais aussi comme ce sont des " enfants" de Predappio, on les verra à la même table jouer aux cartes par exemple. Une personne interrogée n'avoue-t-elle pas? Je les connais  et je les aime bien tous les deux

Les réalisateurs ponctuent la chronologie -soit les différentes étapes de la campagne jusqu’au dépouillement, et la gueule de bois le lendemain pour les perdants...-, par des vues en plongée sur la place de l’église, la piazza Sant’Antonio, des plans en frontal sur le palazzo Varano, par des panoramiques sur la campagne environnante (nous sommes en Emilie Romagne sur les premières collines de l’Apennin nord) – comme une métonymie (ou un gage?) de la pérennité- ou encore par des jeux "apparents" de contrastes - entre  la fixité du buste en bronze de Mussolini (Predappio est sa ville natale, il y a une crypte Mussolini qui attire de nombreux  touristes )  et le frémissement des herbes,  par exemple. Or ces herbes frémissantes sont annonciatrices de moisson ….. Le blé sera-t-il amer?

 

La tombe du dictateur doit-elle être gérée comme une attraction touristique ou comme une opportunité pour affronter historiquement et culturellement la période fasciste ? Si la question du tourisme est posée par les deux candidats (quand bien même elle les dépasse,- ils ne sont pas versés dans les arcanes ni les roublardises de la  "politique"  au grand dam du maire sortant) c’est que la  "présence" de Mussolini souligne en creux la prégnance du fascisme en Italie au XXI° siècle ; et les résultats vont donner raison au parti fort à l’aise avec les morts. Ombres tutélaires pour les uns, ombres encombrantes pour les autres…

L’inauguration de l’expo consacrée à Donna Rachele Mussolini -sous la tutelle du nouveau maire- en témoigne aisément ainsi que le discours de la curatrice qui cite Mussolini avec l’aisance de la connivence..

Or le 28 octobre 1944 , Predappio, commune antifasciste, était libérée ! Commémorer ! Célébrer ! Perpétuer dans la fête le rite de la libération ? C’est précisément le thème de la dernière séquence de ce documentaire ….

 

Grano amaro ( blé amer) : clin d’oeil pour le titre au film de Giuseppe de Santis ? « Vague » de consensus en faveur de la ligue de Salvini ? Défaite historique de la gauche ?

Grano amaro Un documentaire qui  ausculte  de l'intérieur un basculement tant historique que symbolique

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

 

 

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10 novembre 2020 2 10 /11 /novembre /2020 05:42

Depuis quatre ans, le FCP organise son concours de courts métrages dédié aux jeunes réalisateurs palestiniens. Cette année, le programme se maintient en ligne ! Cinq films seront postés du 10 au 15 novembre sur Mediapart. Le vote du public sera ouvert le 10 novembre uniquement pour permettre le décompte des votes et la remise des prix le même jour.

En plus du concours de courts métrages, une partie de la programmation de la 6ème édition du FCP sera proposée en ligne les 13, 14 et 15 novembre. [...] : quatre séances de longs métrages seront accessibles depuis un lien publié sur notre site et la page FB. Les projections seront suivies par une table ronde avec les réalisateurs. 

Afin de vous donner un avant-goût du programme initialement prévu cette année, voici le teaser de cette 6ème édition en attendant de vous retrouver en salles :

 

TRAILER_MASTER_CORRIGE_FCP2020 © festival Ciné-Palestine
Festival Ciné- Palestine
Festival Ciné- Palestine
Festival Ciné- Palestine

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9 novembre 2020 1 09 /11 /novembre /2020 05:24


DIFFUSION
 

e-diffusions de films documentaires
Normandie Images et Normandie Livre & Lecture ont souhaité mettre en avant la richesse et la diversité des films documentaires soutenus par la Région Normandie en partenariat avec le CNC et soutenir les auteurs, réalisateurs et producteurs.

Ainsi, pour égayer un peu cet automne, nous vous proposons, les mardis et jeudis, à partir du mardi 10 novembre 2020, deux films documentaires par semaine. Ces films seront visibles pendant 1 semaine.
 
Tout le mois de novembre
sur notre site normandieimages.fr

Sous le ciel de l'Occupation
film documentaire de Antoine Lassaigne
produit par BCI Communication

Lundi 9 novembre 2020 à 23h05 sur France 3 Normandie

Les délivrés
film documentaire de Thomas Grandrémy
produit par Mil Sabords

Les 16 et 30 novembre 2020 sur France 3 Pays de Loire et Ile-de-France

Les Inoxydables
film documentaire de Laurent Mathieu
produit par Mil Sabords

Lundi 23 novembre 2020 vers 23h dans le cadre de la collection « Senior Power » sur France 3 Normandie


PROJECTION
 

Soirée courts métrages - Online
Courts métrages soutenus et tournés en Normandie
Un court métrage soutenu en compétition nationale

Samedi 7 novembre 2020 à 16h30 et 19h
Festival Eurydice Du 6 au 8 novembre 2020

 


EN COMPÉTITION
 

Palme
court métrage de Mathilde Aplincourt
produit par Mil Sabords

Festival européen du film court Brest (29) - Online
En compétition France


PRIX FESTIVAL
 

Mille fois recommencer
film documentaire de Daniela de Felice
Produit par

Prix Meilleure réalisatrice et Meilleur Artiste
festival international Arte Non Stop Festival de Buenos Aires, Argentine


ATELIER
 

Foyer
atelier de pratique artistique

d'octobre 2020 à février 2021
Foyer Abbé Bazire, Rouen (76)

Oser écrire
atelier de pratique artistique

d'octobre 2020 à février 2021
Foyer Abbé Bazire, Rouen (76)


Retrouvez toute l'actualité sur normandieimages.fr
 

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8 novembre 2020 7 08 /11 /novembre /2020 08:02

DOCUMENTAIRE

PAR TËNK & MEDIAPART

2009, vingt ans après la chute du Mur. Hans Narva a 40 ans. C’est un musicien, ancien bassiste d’un groupe légendaire d’Allemagne de l’Est, Herbst in Peking (« L’Automne à Pékin »), un nostalgique, un anticapitaliste et surtout un pur Berlinois. Sous l’œil de Claudia Lehmann, voyage dans un monde qui s’efface. En accès libre jusqu’à dimanche et en partenariat avec Tënk, plateforme du documentaire d’auteur.

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1 novembre 2020 7 01 /11 /novembre /2020 07:30
Un film pour enrayer la machine technopolicière
C’est quoi, un espace public ? Pour le pouvoir c’est un lieu à gentrifier, privatiser, fliquer. Pour nous, habitant.e.s des quartiers, précaires, sans-abris, squatteurs, artistes de rue, manifestant.e.s, c’est un lieu de vie. Nous avons donné la parole à ces invisibles, afin de voir ce que nous avons perdu –et ce qu'il nous faut reprendre. Parce qu’on peut vivre ensemble. Sans répression.
Pourtant la ville t'appartient

La Technopolice s’empare de nos villes. À Toulouse, Valenciennes, Nice ou Paris, la reconnaissance faciale est mise en essai.  À Saint-Étienne, une startup a été chargée par la mairie de poser des micros dans l’espace public afin d’épier les bruits « suspects » -et d'envoyer des drones sur place en cas de pet de travers. À Marseille et Nice, les entreprises Thalès et Engie placent leurs pions pour faire naître une « Safe City », espace urbain de contrôle et de surveillance massive des populations.

La Quadrature du Net, « Manifeste contre la technopolice » : « Contre cette dystopie que préparent ceux qui prétendent nous gouverner, nous appelons à une résistance systématique ». Des collectifs tels l'Assemblée de la Plaine gagnent des victoires, d'autres, tels les architectes du collectif ETC,. se mettent à la disposition des habitants, certains, comme la Ligue des Droits de l'Homme, La quadrature du net donc, ou le Droit Au Logement, livrent des batailles épiques contre des géants. Et comme l'a écrit mon ami David, coréalisateur du documentaire : « Tous font les mêmes constats, qu'ils soient habitants de la rue ou vigies pour les libertés individuelles et collectives : l'espace public est progressivement privatisé selon des logiques implacables, et seule la conscientisation des citoyens peut permettre d'enrayer la machine technopolicière ».

Puisse donc ce reportage, plus qu’un document accablant, représenter un message d’espoir, et un support pour nos luttes, présentes et à venir. 

Il est visible ici (ou ici pour le voir directement sur Youtube) :

Salutations libertaires,

M.D.

 


 

Pourtant la ville t'appartient - Télé Chez Mouais et Pilule Rouge © Tele Chez Moi

Télé Chez Moi / Mouais, le mensuel dubitatif / Pilule Rouge
« Pourtant la ville t'appartient », film documentaire (durée : 1h21)

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31 octobre 2020 6 31 /10 /octobre /2020 15:50

 

"Céline Sciamma, Xavier Dolan, Valérie Donzelli, Mathieu Kassovitz...

Tous sont un jour passés derrière la caméra pour capturer une histoire, une vision.

Découvrez leur tout premier film dans cette collection de quatorze longs-métrages francophones"

 

Voir ou Revoir (premiers films)
Voir ou Revoir (premiers films)
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31 octobre 2020 6 31 /10 /octobre /2020 06:13

ADN

de Maïwenn 

avec elle-même (Neige) Mylan Robert (Kevin) Marine Vatch (Lilah la soeur) Fanny Ardant (Caroline la mère) , Omar Marwann  (le grand-père) Louis Garrel (François l'ex ) Alain Françon (Pierre le père ) 

 

 

Sélection officielle Cannes 2020

Neige, divorcée et mère de trois enfants, rend régulièrement visite à Émir, son grand-père algérien qui vit désormais en maison de retraite. Elle adore et admire ce pilier de la famille, qui l’a élevée et surtout protégée de la toxicité de ses parents. Les rapports entre les nombreux membres de la famille sont compliqués et les rancœurs nombreuses... Heureusement Neige peut compter sur le soutien et l’humour de François, son ex. La mort du grand-père va déclencher une tempête familiale et une profonde crise identitaire chez Neige. Dès lors elle va vouloir comprendre et connaître son ADN

ADN

Avouons-le sans ambages : ADN est un film décevant

 

Après un portrait de groupe filmé au plus près dans cette chambre d’EHPAD où survit le grand-père de Neige/Maïwenn , après la mort de ce dernier et les querelles familiales sur le  rituel  de la crémation, la réalisatrice loin de proposer une trajectoire qui irait du particulier à l’universel opère un chemin inverse. Et  la profusion de  ces plans « égotiques » (gros plans prolongés sur son visage ou son profil, sur sa chevelure déployée en Ophélie moderne, zoom sur ces lentilles qu’on enlève, comme pour mettre en évidence les "écarts" de point de vue ??) la surenchère dans le pathos (or suggérer n’est-il pas plus efficace que montrer avec insistance ….?) ou encore le sur-jeu de certains acteurs (dont Fanny Ardant qui interprète la mère, même si comme le dit froidement sa fille Neige « tu as toujours manqué de naturel »), tout cela fait d’ADN  un film aux clichés souvent lisses et lissés bien plus qu’une quête (et peu importe qu’elle soit pathétique sincère ou autre) à valeur universelle : à savoir la recherche de ses racines pour mieux se situer par rapport à son passé et mieux appréhender son futur (?) 

Et pourtant des moments "forts" – le face-à-face mère/fille, la réconciliation sororale – mais ils pèchent par ces "défauts" de traitement

 

Que l’on ait apprécié ou non ce film, force est de reconnaître que l’épisode algérien tourné in situ (Neige est au milieu des manifestants dans une rue à Alger ou assise, à les regarder) manque cruellement d’authenticité et de mise en perspective

 

Et que dire de cette scène où en l‘absence de bande- son Neige et François sur le même vélo  parcourent les rues désertes de Paris  comme pour un spot publicitaire ?

 

Dans ce filmage -à fleur de peau souvent- on était en droit d’attendre mieux de la réalisatrice de Polisse ! Dommage

 

Deux bémols toutefois: l’astucieux écart entre les propos souvent salaces de François (Louis Garrel) et le contexte dramatique ; et l’opposition entre l’anémie de Neige (elle perd l’appétit en même temps que son grand-père) et l’appétence dévorante de Neige/Maïwenn (exalter sa propre  omniprésence )

 

Colette Lallement-Duchoze

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30 octobre 2020 5 30 /10 /octobre /2020 06:25

d'Albert Dupontel (2020)

avec Virginie Efira, Albert Dupontel, Nicolas Marié, Jackie Berroyer , Bouli Lanners, Michel Vuillermoz, 

Lorsque Suze apprend à 43 ans qu'elle est gravement malade, elle part à la recherche de l'enfant qu'elle a été forcée d'abandonner quand elle avait 15 ans. Sa quête administrative va lui faire croiser JB quinquagénaire en plein burn out...

Adieu les cons

« je suis parti de l’idée d’opposer quelqu’un qui veut vivre mais qui ne peut pas à quelqu’un qui pourrait vivre mais qui ne veut pas »

 

Suze Trappet (une Virginie Efira convaincante; elle ne quittera pas son pull rouge…à la couleur si symbolique!) sachant sa mort prochaine -victime des effets cancérigènes de la laque utilisée pour les cheveux de ses clientes -, est décidée à retrouver l’enfant dont elle a accouché à 15 ans.. Jean-Baptiste Cuchas (dit JB) expert en informatique, chargé de la sécurité de son entreprise, se voyant "gentiment" remplacé  par un plus jeune, prépare méthodiquement son suicide ….que forcément il ratera.. Ils vont rencontrer Mr Blin (Nicolas Marié) un archiviste aveugle expert dans les dossiers d’accouchement sous X.

 

Voilà trois éclopés cabossés de la vie, trois âmes en mal d’être, -mais aussi en quête d’amour!!  Leur parcours -recherche de l'enfant - sera forcément semé d’obstacles, souvent farfelus dont les violences policières (et l’on connaît la malice de l’auteur à épingler policiers et gendarmes) les dérives foutraques de l’administration tatillonne et du tout sécuritaire, la déshumanisation de notre univers technologique (dire que Dupontel emprunte à Terry Gilliam c’est enfoncer une porte ouverte tant son évocation du monde urbain renvoie à Brazil)

Mais la rencontre avec l’ex obstétricien (Jackie Berroyer) atteint de la maladie d’Alzheimer sera comme une épiphanie.

Car tout est affaire d’encodage et de décryptage. Au tout début le médecin (Bouli Lanners) se ridiculise en expliquant mezza voce mais doctement les résultats d’un scanner, de même que le psy de service (Michel Vuillermoz) affiche avec l’aplomb du sachant les réponses à la plus petite déviation comportementale.

Mais le décryptage du journal intime de l’ex obstétricien et les poèmes griffonnés par Adrien (le fils. retrouvé de Suze) destinés à sa dulcinée, jouent le rôle de révélateurs : c’est le triomphe de l’humain, de la Vie !

 

Une comédie grinçante  où l’on retrouve les obsessions de son auteur (besoin d’amour filial, pièges et sortilèges d’une société déshumanisante), sa façon de filmer qui fait la part belle au flamboiement de couleurs vives, au virevoltage de la caméra, à certains effets spéciaux -récurrence des surimpressions et prédilection pour les vues en plongée, souvent vertigineuses-, un humour omniprésent du plus gras au plus fin, des blagues potaches, un comique de situation plus ou moins éculé (ou qui renvoie à Charlot) ….

 

 

Et pourtant plus c’est con plus on rit….

Effet pervers du (re)con-finement imposé ?

Le rire pour exorciser cette infantilisation anxiogène générée en haut lieu,  pour nous mettre sous cloche ?

Peut-être ! ....

 

Colette Lallement-Duchoze

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29 octobre 2020 4 29 /10 /octobre /2020 15:13

de Jon Garano, Aitor Arregi et José Mari Goenaga (Espagne 2019)

 

avec Antonio de la Torre, Belèn Cuesta 

Espagne, 1936. Higinio, partisan républicain, voit sa vie menacée par l’arrivée des troupes franquistes. Avec l’aide de sa femme Rosa, il décide de se cacher dans leur propre maison. La crainte des représailles et l’amour qu’ils éprouvent l’un pour l’autre condamnent le couple à la captivité.

Une vie secrète

Le film s’ouvre sur un long plan fixe sur des façades -telle une palissade, telle une frontière entre le dehors et le dedans. Puis la caméra pénètre dans la chaude intimité du couple Rosa et Higinio. Des bruits suspects venus de l’extérieur lacèrent le calme de cette nuit. Les corps se désenlacent ; la peur a remplacé la moiteur amoureuse. Higinio est un partisan républicain;  il est arrêté…mais...il réussit à s’enfuir et blessé, rentre au village. Nous sommes en 1936 en Andalousie

Dès lors nous allons suivre sa lente et longue reptation, en sous-sol. Nous allons être au plus près de ce corps contraint à se recroqueviller dans la soupente de sa maison puis dans celle de son père...30 ans d’une vie de mort vivant avec la complicité d’une femme aimante -au départ non politisée- qui saura prodiguer conseils et contourner par des subterfuges maints obstacles (dont les perquisitions et les éventuelles dénonciations)

30 ans où vont défiler les événements majeurs de l’Histoire d’Espagne : guerre civile, dictature franquiste, Seconde guerre mondiale (Higinio est attentif à la position des Alliés ), rencontre Franco Eisenhower (décembre 1959) débuts du tourisme de masse, amnistie de 1969.

Un film où des définitions lexicales jouent le rôle de titres et ce faisant, de découpage en chapitres (Franco, enfermement, sortir etc.) ironie car souvent les « mots » sont polysémiques (dans ce mariage entre l’histoire personnelle et la « grande » histoire)

 

Les trois réalisateurs (qui se sont inspirés de faits réels) ont su rendre palpable l’écoulement des heures des années tout en filmant -pour l’essentiel- un huis clos -le « dehors » est vu à travers les interstices d’une porte d’une cloison par l’oeil agrandi hébété du reclus. Une gageure ! Des scènes « intimistes », des scènes de genre où les effets de clair obscur et les couleurs « chaudes » ocreuses composent des tableaux vivants. L’acteur (que vous avez pu découvrir dans la isla minima, la colère d’un homme pressé, que dios nos perdone ou encore plus récemment dans El Reino) porte de bout en bout ce film.

Un corps qui palpite de sueur, un corps qui envahit l’écran, et ce regard de bête traquée !

Un monde qui s’écroule ? Une foi militante qui vacille ? De remontrances en objurgations (celles de l’aimée, admirable Belen Cuesta) de mises au point proférées par le fils Jaime (il sait que la donne a changé depuis …tant de décennies) en querelles, le parcours de Higinio ne peut être « compris » que par ceux qui comme lui ont choisi d’être les « taupes »,  de vivre comme des sous-hommes dans la crasse et la peur pour ne pas être exécutés

Et pourtant quel hymne à la vie. Écoutez cette palpitation tel un instinct de survie, ces spasmes du désir charnel dans la plénitude des corps retrouvés. Et quand (c’est la dernière partie du film) le personnage  quitte définitivement l’ombre, il est auréolé de lumière

 

Un film à ne pas rater!!! 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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