de Benjamin Naishtat (Argentine)
avec Dario Grandinetti (Claudio) Andrea Frigerio, Alfredo Castro (l'inspecteur ) , Laura Grandinetti, Diego Cremonesi
Festival de San Sebastian : prix Meilleur Acteur, (pour Dario Grandinetti) Meilleur Réalisateur et Meilleure Photographie
Argentine, 1975. Claudio, avocat réputé et notable local, mène une existence confortable, acceptant de fermer les yeux sur les pratiques du régime en place. Lors d’un dîner, il est violemment pris à partie par un inconnu et l’altercation vire au drame. Claudio fait en sorte d’étouffer l’affaire, sans se douter que cette décision va l’entraîner dans une spirale sans fin.
Non l’écriture n’est pas décousue -comme certains le prétendent
Oui le spectateur est constamment sollicité pour combler interstices ellipses ou chaînons apparemment manquants
Oui en évoquant une période précise -l'année qui a précédé "le coup d’Etat" et la dictature de Videla en 1976 en Argentine – le réalisateur non seulement restitue une ambiance mais filme à la manière de.. .. ralentis, zooms, fondus enchaînés, scènes de route filmées du capot, choix de certaines couleurs par exemple
Au tout début nous sommes confrontés à une sorte d’énigme. Plan fixe sur la façade d’une maison ; puis un par un des gens vont sortir emportant du matériel, du mobilier ; on pense d’abord à un déménagement; mais quand un militaire s’assure que la maison est bien vide.....on devine qu’on a assisté à un pillage ! (Cette "maison abandonnée" fera l’objet de magouilles immobilières….plus tard dans la narration)
Puis sans transition un pré-générique nous immerge dans l’ambiance festive d’un restaurant plutôt bourgeois ; un homme seul attablé attend son épouse ; il est pris à partie par un client ..debout...Notable connu et respecté il consent à céder sa place moins par politesse que par condescendance et sa tirade-diatribe à l’encontre de l’intrus, convaincra toute l’assistance... La suite ? Scène d’extérieur .. l’avocat sera responsable ....de la "disparition" de ce perturbateur…
Alors peut apparaître sur l’écran en lettres géantes rouges le titre du film ROJO
Prologue et pré-générique ou les présages de disparitions à venir ? Rôle de la bourgeoisie dans ce processus ?
Le réalisateur cherche à "disséquer" une société qui par son silence aura été complice.(la junte militaire est au pouvoir depuis 1973). Son film suit -trois mois après l’épisode inaugural- l’itinéraire de Claudio, (en famille, en réunions, au spectacle, lors de réceptions) notable interprété par Dario Grandinetti -(rappelez-vous son rôle dans "Parle avec elle" d’Almodovar). Rojo se découpe en tableaux à valeur "démonstrative" -entendons par là que chaque tableau est censé illustrer une "preuve" -citons par exemple le spectacle que prépare la fille de Claudio sur la colonisation espagnole ; une visite d’un élevage, le jour de la castration des veaux, les rapports de force entre jeunes de milieux sociaux différents…). L’arrivée d’un enquêteur ….chilien...(formidable Alfredo Castro l'acteur fétiche de Pablo Larrain) qui joue son Colombo pour identifier l'assassin de l’intrus.... de la séquence du pré générique..., insuffle un peu d’humour burlesque dans une atmosphère souvent délétère
On retiendra la belle séquence de l’éclipse : le rouge envahit tout l’écran ; le rouge et toutes ses connotations (sang, communisme entre autres) Et les personnages protégés par leurs lunettes n’incarnent-ils pas cet aveuglement généralisé que dénonce précisément Benjamin Naishtat ???
A voir absolument !!!
Colette Lallement-Duchoze