6 juillet 2025 7 06 /07 /juillet /2025 08:12

De Dag Johan Haugerud (Norvège 2025)

Avec Ella ØverbyeAne Dahl TorpSelome Emnetu

 

Ours d’Or Berlinale 2025

Johanne tombe amoureuse pour la première fois de sa vie, de sa professeure. Pour conserver une trace de ses sentiments, elle relate ses émotions dans un carnet. Quand sa mère et sa grand-mère lisent ses mots, elles sont d’abord choquées par leur contenu intime mais ne tardent pas à en reconnaître le potentiel littéraire. Tandis qu’elles s’interrogent, entre fierté et jalousie, sur l’opportunité de publier le texte, Johanne se démène entre la réalité et le romanesque de son histoire....  Les trois femmes sont ainsi confrontées à leurs propres rêves et aspirations inassouvi.es.

 

La trilogie d'Oslo: Rêves

Premier volet à être diffusé en salles mais dernier dans la conception de la trilogie Rêves frappe par son dispositif narratif astucieux efficace intelligent. Il enchâsse plusieurs procédés  (dont le monologue intérieur, la voix off ), entremêle plusieurs points de vue, fait coexister réalité et fantasme, passé proche ou lointain et moment présent, tout en questionnant la dualité de l’autofiction (récit de l’intime devenu objet littéraire)-témoignage personnel et portée universelle et si l’on ajoute un parti pris transgénérationnel (mère et mère-grand sont convoquées à la fois comme  "témoins" du trouble amoureux de leur fille et petite-fille et comme sujets des intermittences de leur propre cœur ) ainsi que l’apport contrasté de la musique (la compositrice Anna Berg  "arrange" parfois du Britten) ou plus encore celui des "ambiances"  (étonnant travail sur les lumières en intérieur comme en extérieur) on ne pourra qu’être séduit par ce "spectacle total"  (plénitude que d'aucuns pourtant jugeront  rébarbative voire ennuyeuse à cause de l'importance cardinale accordée au "discours", aux "mots" )

Le psy que consulte Johanne (dernière partie de Rêves) insiste sans ambages sur la banalité de l’expérience amoureuse qu’a vécue si intensément la jeune fille persuadée de son caractère exceptionnel….

C’est que précisément de la banalité a surgi la singularité

Une passerelle métallique vue en contre plongée dans une atmosphère pâle givrée et comme embuée  (nous sommes en hiver) ouvre le film et ce n’est pas un hasard…Qu’elle soit filmée en plongée (en écho au tout début) , qu’elle serve de support aux rêves de la grand-mère (–dans l’horizontalité verticale la femme tente d’agripper des hommes dont les bras s’ouvrent en une oblation chorégraphiée aux couleurs safran ou mordorées-), qu’elle soit déclinée dans sa fonction métonymique ou métaphorique, elle sera notre guide dans l’appréhension du parcours amoureux (parcours amoureux à mettre en parallèle d’ailleurs avec le parcours d’une ville, Oslo, quand à un moment Johanne arpente la capitale  pour se rendre au domicile de sa professeure, sa voix off dit par le menu l’itinéraire emprunté et le spectateur découvre en même temps une géographie urbaine en mutation et l’exploration/variation du sentiment amoureux, tant la symbiose est patente)

Mais le regard d’autrui peut aussi nous " déposséder" de notre propre vécu, du moins du sens que nous lui accordions …Une expérience amoureuse entre une ado de 17 ans et une femme mature de 30 ans, redoutable, dangereuse toxique? Que la relation  soit restée platonique,  qu'elle fût à sens unique - quand bien même Johanne aura interprété (sinon vécu) silences étreintes regards comme autant d’appels à la sensualité voire à la sexualité- ce qu’a  "lu" la mère, ne peut qu’accuser la professeure (et le face à face qui oppose les deux femmes  est très éloquent : filmée en frontal Johanna évacue tout soupçon, toute accusation avec parfois un cynisme assez désarmant)

La parenthèse "enchantée"  -malgré ses tourments- se ferme,

Johanne quitte (définitivement?) le domicile du  psy...

"vivre" un autre  enchantement ….?

A ne pas rater

 

Colette Lallement-Duchoze

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