Film réalisé par Nicolas Burlaud (2024)
États généraux du film documentaire • Lussas (France) • Plein air 2024 • Festival Image de Ville • Aix-en-Provence (France)
Avant-première au cinéma Omnia samedi 15 février en présence du réalisateur
A 50 ans le cinéaste est frappé d'une épilepsie foudroyante conséquence d'un dysfonctionnement de son hippocampe, l'organe qui façonne les souvenirs. C'est l'occasion pour lui de revenir sur la mémoire collective et alternative que lui et ses acolytes fabriquent depuis 25 ans au sein d'une télévision de rue. Quand ces deux récits se croisent, il est question de choix et d'oublis
Un prologue filmé au format 4,3 montre « littéralement » une démolition (grues gravats lambeaux du passé) que commente une femme « mémoire » du quartier ; un discours émouvant dans la simplicité de son énoncé et par une approche souveraine de la « mémoire collective » Première connexion où d’autres « fils qui se touchent » vont s’enchâsser.
Elargissement de l’écran au format « normal » ; une « anomalie » de l’hippocampe a été découverte lors d’une IRM du cerveau (cf le synopsis) ainsi que la présence d’une « bille » métallique (séquelles d’un tir lors d’une manif au Venezuela ?) et quand Nicolas Burlaud se plaît à « imiter» les différents « sons » -ces « résonances » entendues lors de l’examen- n’est-ce pas la préfiguration de tout le champ sonore qui de sa diversité accompagnera le défilé des images ?
Nicolas Burlaud a 50 ans Primitivi 25. Connexion comme genèse d’un projet, du projet " les fils qui se touchent " (ce que dit explicitement le cinéaste en voix off) Mémoire individuelle et mémoire collective ; fabrication de la mémoire par l’hippocampe et fabrication d’archives mémorielles par Primitivi ; défilé de plus en plus rapide d’images du cerveau (connexions neuronales qui magnifient l’infiniment petit) et en écho images d’archives sur Marseille, ses quartiers ses habitants individualisés ou magnifiés en groupes solidaires lors de manifs
Un documentaire foisonnant performant et novateur -diversité des images, subtilité du montage, récurrences ou effets spéculaires, rythme soutenu qui fait éclater les repères temporels -pour mieux les restituer en une approche cartographiée qui clôt le film où l’horizontalité du trait dessiné à la craie va épouser les « images » du crâne, mais inversées.
Un film où la verticalité dans la compacité des façades ou celle des manifestants (légère contre plongée) croise en l’épousant celle de ces arbres (platanes ?) aux branchages vrombissants
Un film où se superposent en strates les différents discours (neuroscientifique historique sociologique, slogans de manifestants, commentaires en off); certains qui les profèrent sont filmés in situ (dans des structures hospitalières) ou dans la rue (notre regard suit le bras de ce chercheur qui « montre » une empreinte : c’est la trace d’une plaque commémorative; dédiée à la septuagénaire mortellement blessée par un tir de la police lors d’une manif des gilets jaunes … elle a été arrachée ! mais grâce à ce film elle ne peut plus se dérober… ni à l’œil (nu) ni à la mémoire (collective).
Le parallèle entre deux images la Sagrada Familia et une termitière est troublant dans l’évidence même de cette « connexion » : deux cathédrales deux « mémoires collectives » Comportement humain et animal ? Mais est-ce que la société a conscience d’être une société ?
Le film de Nicolas Burlaud qui invite le spectateur à pénétrer les arcanes de son cerveau, puis de la mémoire collective (Marseille Paris) a tissé plusieurs fils narratifs ; entrecroisant ces fils qui se touchent sa "toile" arachnéenne est l’empreinte du Vivant
Un documentaire à ne pas rater!
Colette Lallement-Duchoze