D'Ariane Lebed (G-B 2024)
avec Mia Tharia (July), Pascale Kann (September), Rakkee Thakrar (Sheela la mère)
Sélection Cannes 2024 un Certain Regard
July fait face à la cruauté du lycée grâce à la protection de sa sœur aînée September. Sheela, leur mère, s’inquiète lorsque September est renvoyée et July en profite pour affirmer son indépendance. Après un événement mystérieux, elles se réfugient dans une maison de campagne, mais tout a changé…
Film étrange non seulement par l’enjeu scénaristique (une sororité mise à mal, un trio fantasque, une emprise) mais par cette façon de filmer qui juxtapose « faux naturalisme » et « fantastique » soit un « conte » cruel -avec quelque afféterie ou provocation capillotractée certes, mais de bout en bout assez convaincant (quand bien même on se sentira bousculé dans son confort intellectuel puisque le film nous contraint à « revisiter » des prémices) et si le non-dit reste tapi dans les interstices, la finale insistante est "prévisible"
September et July deux prénoms qu’une mère (pour le moins fantasque) a donnés à ses deux filles nées d’un père différent (July la plus jeune porte en héritage ses origines indiennes, July "la bêbête" qui fait littéralement corps avec September, l’aînée celle qui protège, celle qui dicte ses lignes de conduite et de vie, celle qui sera hostile à son "émancipation " ; cf son regard sadique quand la cadette, après hésitation se soumet à ses diktats).
Vampirisation qui affecte aussi la mère déboussolée (au point de voir ses filles transformées en makis sur le canapé et mettre "tout sens dessus dessous")
Dès le premier plan, le déguisement imposé aux deux gamines par la mère (voix off) -et le "sang" qui gicle renvoient à l’univers de Shining… mais après tout Sheela (Rakhee Thakrar) n'est-elle pas créatrice de vêtements styliste, et ne prend-elle pas plaisir à "mettre en scène" ses créations? Puis un comportement "bizarre" et "violent" dans le milieu scolaire (retranchement et inadaptation) les jeux pervers (car il y va de la vie et de la mort) tout incite la mère (en proie d’ailleurs à une dépression) à un déplacement géographique autant que mental et c’est dans cette maison (familiale ?) en bord de mer en Irlande, que tout va basculer
Oui Ariane Lebed (actrice d'origine grecque qui signe ici son premier long métrage) emprunte certains codes au " fantastique" qu’elle va méticuleusement décliner : le rôle du hors champ, le changement de format, une plongée dans l’univers du conte teinté de psychanalyse (cf l’obscurité des tunnels -lieux du refoulé( ?) tout en étant des lieux de transition ? ) névrose (et son cri primal), effets spéculaires (certains trop accentués : aux gestes "maladroits" mais "significatifs" de la mère dans la supérette répondent en écho ceux de la fille sous emprise...), part d’animalité très prononcée chez les "sœurs" qui aiment communiquer par cris sifflements onomatopées, distorsion de la chronologie dans un récit ….apparemment linéaire
Oui tout cela peut provoquer une forme de malaise ….
Mais troubler, déranger n’est-ce pas une des fonctions de l’art en général ???
Colette Lallement-Duchoze