2 mars 2025 7 02 /03 /mars /2025 09:15

De Marianna Brennand, (Brésil 2024)

 

co produit par les frères Dardenne et Walter Salles

 

avec Jamilli Correa (Tielle) Rômulo Braga (Marcílio le père) Fátima Macedo (Danielle la mère) Dira Paes (Aretha la policière)

 


Prix du scénario 37e édition des Rencontres cinématographiques de Cannes, 
Prix de la réalisation lors de la Giornate degli autori à Venise 
Prix du public au Festival des 3 continents à Nantes.

 

Présenté  vendredi 28 février à l’Omnia, soirée d’ouverture Festival « elles font leur cinéma »

 

Marcielle (Tielle), treize ans, vit sur l'île de Marajó, au cœur de la forêt amazonienne avec ses parents, ses frères et sa petite sœur. Elle grandit avec des rêves d’émancipation, inspirée par le départ de sa sœur aînée ; mais, sur les barges le long de la rivière, ses illusions commencent à s'effondrer, révélant un monde d'exploitation et d'abus qui gangrènent sa communauté. Elle est déterminée à se protéger et à accéder à un avenir meilleur…

Manas

Comment dire l’indicible, montrer ce que personne ne veut voir? comment ne pas ajouter de la violence à la violence en faisant raconter face à la caméra par les victimes elles-mêmes leurs propres expériences traumatiques ? 
j’ai opté pour la fiction…
(ainsi s’exprimait à distance Marianna Brennand  vendredi 28)


Le plan d’ouverture qui divise en deux l'écran illustre une dichotomie au cœur de cette« fiction » (aux allures parfois de documentaire…) voici comme miniaturisés deux univers légèrement décalés  le bois et l’eau, la cabane et le Rio Japura, l’enfermement et l’échappée vers un ailleurs ; puis sur le « ponton » voici la mère enceinte voici ses deux filles dont Tielle -le ponton et l’embarquement le ponton et l’étendoir à linge ; on se drape dans un immense morceau de tissu fleuri ; comme on se voile….En écho inversé à la fin le même ponton les deux gamines filmées de face -dos au fleuve- dans le grand dévoilement ,regard résolu et mains serrées dans l’inébranlable sororité …Entre ces deux plans nous aurons suivi Tielle dans son quotidien en famille, dans ses activités, à l’école, dans sa quête d’un ailleurs concrétisée par l’hommage qu’elle rend à sa sœur aînée « déifiée » mais surtout assisté à une exploitation sexuelle que le père pratique sans vergogne face à une épouse soumise du moins en apparence (mais on devine une rage intérieure…) exploitation qui hélas « gangrène » l’île de Marajo et semble la norme (cf la scène qui se répète(ra) avec la plus jeune sœur gamine, mais …. dont le « courage » sera plus fort que cette « loi du silence »  ) … 


En suggérant plus qu’elle ne montre, en jouant avec les ellipses, en scandant son propos d’un mouvement qui ira  crescendo, en exploitant toutes les ressources sonores (musique minérale des baies d’açaï, clapotis plus ou moins impétueux du Rio Japura,  respiration de plus en plus haletante du père censé initier sa fille à manipuler un fusil de chasse, …) en opposant deux univers puis par un mouvement dialectique en les rapprochant (les bas-fonds visqueux glaiseux de l’eau, les pièges de la forêt dans sa compacité émeraude, la barge et la corruption, la « corde » objet récurrent compromis dans sa fonction réparatrice (attacher le hamac) le bleu céruléen qui soudainement se raye de stries grisâtres tout dans ce film témoigne d’une volonté de « briser le silence », un silence que la circulation des regards rendait presque insupportable (et pour les « victimes » et pour le spectateur)
 

Avec Manas, (qui aura demandé presque 10 ans de recherches sur les abus sexuels sur les mineures dans certains villages de la forêt amazonienne) je veux donner la parole à ces femmes et filles qui autrement ne seraient jamais entendues, en honorant les histoires qu’elles ont partagées avec moi. Briser un tabou qui entoure cette dure réalité…


Un film à ne pas manquer lors de sa sortie en salle le 26 mars 2025

 

Colette Lallement-Duchoze

Manas
Partager cet article
Repost0

commentaires

Mode d'emploi

Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

Envoyez vos articles ou vos réactions à: artessai-rouen@orange.fr.

Retrouvez aussi Cinexpressions sur Facebook

 

 

Recherche