De Francesca Comencini (Italie France 2024)
avec Fabrizio Gifuni, Romana Maggiora Vergano, Anna Mangiocavallo
Mostra de Venise 2024
Un père et sa fille habitent les mondes de l'enfance. Il lui parle avec respect et sérieux, comme à une grande personne, il l'entraîne dans des univers magiques débordants de vie et d'humanité. Il est le grand cinéaste de l'enfance et travaille sur Pinocchio. Un jour, la petite fille devient une jeune femme et l’enchantement disparait. Elle comprend que la rupture avec l’enfance est inéluctable et a le sentiment qu’elle ne sera plus jamais à la hauteur de son père. Alors elle commence à lui mentir et se laisse aller, jusqu’au bord du gouffre. Le père ne fera pas semblant de ne pas voir. Il sera là pour elle, tout le temps qu’il faut
Emerveillement, rupture et incompréhension, et réconciliation, telle serait l’évolution (apparente) des liens qui unissent père et fille (et qu’à 64 ans Francesca Comencini porte à l'écran), évolution dictée par le passage de l’enfance à l’âge adulte. (en écho d’ailleurs avec les troubles politiques de l’époque, dont le rôle des Brigades rouges) Amour paternel- Amour filial ....avec le cinéma en « héritage ».
La vie d’abord Soit une relation fusionnelle avec le père. Une figure bienveillante (on voit le père s’immiscer dans la vie scolaire de sa fille pour protester contre les railleries qui fusent à l’encontre d’un gamin, ou encore houspiller le premier assistant lors d’un tournage en extérieur, rappelant cette évidence « c’est notre équipe qui empiète sur l’intimité des habitants c’est à nous d’être humbles »)
Et pourtant une figure ô combien encombrante pour l’adolescente déjà mature et addict à l'héroïne (cf le face à face à même le parquet du couloir quand Francesca déplore sa nullité a conscience de ne pas être à la hauteur…de son père)
Relation filmée le plus souvent dans ces intérieurs feutrés certes mais cloisonnés (l’appartement familial avec son couloir et les effets de profondeur de champ, avec ses portes que l’on ferme pour s’isoler) et le jeu de distanciation (recherché ?) est accentué par les effets de flouté ; deux personnages qui se cherchent s’observent, se trouvent s’éloignent se fuient et se retrouvent. Le visage de l’un ou de l’autre peut envahir l’écran (gros plan) quand ils ne sont pas cadrés dans le même plan
La vie d’abord certes mais avec le cinéma. Ce n’est pas pur hasard si le film s’ouvre sur le préparation du feuilleton les aventures de Pinocchio que Luigi Comencini (admirablement interprété par Fabrizio Gifuni) tourne au début des années 1970 pour la télévision Et que vers la fin c’est la fille (sous l’égide paternelle) qui tourne son premier ( ?) film. Le générique de fin mentionne en outre le rôle déterminant de Luigi Comencini dans la conservation des films muets (cinémathèque de Milan) et dont nous verrons quelques extraits, les mêmes d’ailleurs à des moments importants en écho au récit (souvenir d’enfance du père enchâssé dans les souvenirs de la fille, interprétée avec justesse par la talentueuse Romana Maggiora Vergano)
Le cinéma, moyen d’expression, doit-il passer après la vie » (comme le recommandait le père à ses quatre filles )? oui mais pour l’agrandir ? ce qui justifierait a posteriori cet hommage..
Un hommage tant au père qu’au cinéaste (Francesca Comencini ne dissocie pas les deux); de facture très (trop) académique il souffre de longueurs, d’immodération (dans les "bons sentiments") … Quant à l’envolée lyrique et onirique finale, elle manque de pertinence …(et c'est un euphémisme).
A vous de juger
Colette Lallement-Duchoze