Documentaire réalisé par Shiori Ito (Japon 2023)
Présenté au Festival Sundance en 2024,
Meilleur documentaire et Prix du public lors du Festival du Film de Zurich.
Prix human rights festival international du film documentaire de Copenhague
Présenté samedi 1 mars cinéma Omnia (dans le cadre du festival "elles font leur cinéma")
Depuis 2015, Shiori Itō défie les archaïsmes de la société japonaise suite à son agression sexuelle par un homme puissant, proche du premier ministre. Seule contre tous et confrontée aux failles du système médiatico-judiciaire, la journaliste mène sa propre enquête, prête à tout pour briser le silence et faire éclater la vérité.
On n'a cessé de me répéter que ce qui se passe dans une pièce close est inaccessible à une tierce personne, Le procureur a qualifié cette situation de "black box", boîte noire.
Saluons le courage de cette jeune femme -quand on sait qu'au Japon seulement 4% des victimes signaleraient leur agression à la police. Réduites au silence, les victimes -et leur entourage- craignent aussi le jugement populaire et la stigmatisation (voire l’ostracisation) sociale (cf la mini séquence où Shiori Ito doit affronter quolibets accusations, crachats, jugements infondés mais si révélateurs d’une tendance aux relents sexistes machistes bien ancrée dans les esprits « elle l’aura bien cherché …Elle a simulé… pour son avancement professionnel )
Shiori Ito a donc bravé le silence. Pendant des années -et quasiment seule- elle mène l’enquête pour faire éclater la vérité pour que justice soit faite (en avril 2015 dans une chambre de l’hôtel Sheraton Miyako Tokyo, elle est droguée puis violée par Noriyuki Yamaguchi, « dinosaure de la télévision locale, et biographe du premier ministre japonais Shinzō Abe »). Ce sera d’abord un récit « la boîte noire »; paru au Japon en 2017 (alors qu’en Occident éclate l’affaire Harvey Weinstein et que déferle le mouvement #MeToo;) 2019 pour la traduction française. Puis ce sera ce documentaire Black box diaries (qui sortira en salle le 12 mars)
Documentaire qui s’ouvre par l’écoute d’un message sonore dans un tunnel sombre. (l’image du tunnel sera reprise presqu’au terme d’une enquête mais avec des connotations différentes)
Serait-ce la matrice d’un « montage » ?
Un montage qui mêle témoignages, archives, investigation, éléments écrits et sonores, (enregistrements réalisés parfois en secret lors d’entretiens) vidéos, un montage qui fait alterner caméra virevoltante et plans fixes, qui fait la part belle à ce visage où se lisent tant d’émotions, un visage face caméra, (Ito Shiori étant à la fois victime enquêtrice, journaliste, réalisatrice, narratrice de son propre vécu, elle se met à nu face à tous ses adversaires -individus, entourage proche, représentants de l’ordre, des médias, du pouvoir, institutions- )
On ne peut être que pétrifié d’admiration face au combat mené contre les pressions torturantes, les embûches permanentes, les trafics d’influence en haut lieu- (David contre Goliath)
Alors même si l’on devine ou relève çà et là quelques « ratés » (Ito Shiori n’est pas cinéaste !) gardons au moins et précieusement l’image d’un bloc jusque-là immuable, qui se fissure avant d’être ébranlé …à jamais…
Et par-delà le cas exemplaire de la journaliste japonaise Black box diaries rend hommage au courage des victimes qui se battent pour faire changer le monde, à toutes ces femmes qui n’ont d’autres choix que de se soutenir et faire front ensemble, face à une justice qui, trop souvent, les abandonne.
Un documentaire à ne pas rater !
Colette Lallement-Duchoze
"Cela fait quatre ans que je n'ai pas fait hanami avec mes amis», (Shiori Ito interviewée en 2019 par Libération (hanami : regarder les fleurs)