De Constance Tsang (USA 2024; langues mandarin et anglais )
avec Lee Kang-sheng (Cheung), Wu Ke-Xi,(Amy) Haipeng Xu (Didi) Min Han Hsieh (Josie)
FESTIVAL DE CANNES, Prix French Touch de la Semaine de la Critique - 2024
Une perte soudaine cimente une relation inattendue entre deux migrants de la communauté chinoise du Queens. Loin de chez eux et travaillant sans relâche pour subvenir à leurs besoins, ils font leur deuil ensemble dans l'espoir de trouver une famille.
Nous sommes dans le quartier chinois de Flushing, dans le Queens à New York. Didi (Haipeng Xu) et Amy (Wu Ke-xi) travaillent dans un salon de massage. Lieu de travail, espace vital légèrement en sous sol, il abrite aussi les amours clandestines de Didi et son amant Cheung (un autre exilé ...dont la femme légitime est restée au pays).
Le film s’ouvre d’ailleurs sur un long plan séquence où les deux « amants » attablés, filmés à hauteur de visage savourent poulet pimenté et promesses d’un futur " heureux" . En écho mais traité différemment, voici le même Cheung avec Amy, dans le même restaurant, proférant les mêmes (?) promesses ...…
C’est qu’entre les deux « séquences » le film a basculé; à la 30ème minute en effet apparaît le générique (soit juste après la « disparition » de Didi lors du nouvel an lunaire, une tragédie inspirée par la vague de haine à l’encontre de la diaspora chinoise aux USA pendant la Covid)
Générique annonciateur d’une rupture et d’un continuum tout à la fois? L’exil la clandestinité le mal-être des déracinés comme "continuum" certes mais l’apparent "naturalisme" » du début se mue en une « fiction » plus douloureuse plus cruelle, sur l’impossible ( ?) deuil ; la sororité (et ses éclats de rires et de lumière) la complicité dans la précarité a cédé la place à un chagrin torturant (Cheung et Amy « pleurent » l’être cher disparu ; revisitent les lieux hantés par sa présence. Peut-on se "reconstruire" en "survivant" à l’absence de l’autre ?
Et la façon de filmer l’exigüité des lieux , de mettre en valeur les voilages, de créer une ambiance vaporeuse aux couleurs plus ou moins délavées, est bien au service de ce douloureux déracinement (les Chinois ne sont pas à l’abri de « meurtres », les Chinoises des abus de mâles prédateurs ) que renforcent les plans prolongés sur les visages les très gros plans sur les perles de sueur.
Optant ainsi pour des plans larges (dans la durée) la réalisatrice sino-américaine rend palpable un enfermement (tant spatial que psychologique) à un point tel que les "échappées" dans la ville de New York seront quasi inexistantes (hormis les deux départs en synchro) Et le plan final c’est celui du visage de Cheung qui envahit tout l’écran…(ne pas spoiler)
Un film à voir c’est une évidence ! tant l’émotion y est contenue, la mélancolie feutrée et l’interprétation exceptionnelle, toute en nuances…
Ce qui n’exclut pas des longueurs …( diront certains spectateurs !)
Colette Lallement-Duchoze