13 mai 2023 6 13 /05 /mai /2023 08:04

de Laura Citarella (Argentine 2022; 4h22)

avec Laura Parades (Laura) Ezequiel Pierri (Chicho) Rafael Spregelburd (Rafa) Cecilia Rainero (Normita) Juliana Muras (Juliana) Elisa Carricajo (Elisa Esperanza) Veronica Llinas (Romina)

 

Grand prix du jury Festival international de Films de Femmes 2023 

Une femme disparaît. Deux hommes partent à sa recherche aux alentours de la ville de Trenque Lauquen. Ils l’aiment tous les deux et chacun a ses propres soupçons quant aux raisons de cette disparition. Les circonstances vont cependant se révéler plus étranges que prévues. En deux parties et douze chapitres, « Trenque Lauquen » croise les récits de ses différents personnages et cartographie une ville. De la découverte d’une ancienne correspondance amoureuse dans une bibliothèque à de mystérieuses apparitions près d’un lac, la pampa n’a pas encore révélé tous ses secrets…

Trenque Lauquen Parties 1 & 2

Ton corps est la carte de ma vie. Sans ton corps je suis perdu 

 

Une narration toute en entrelacs, avec ses échos, ses glissements, ses superpositions, ses fondus enchaînés ; avec ses emboîtements (enchâssement de récits) ses flash-backs et leurs changements ou télescopages de points de vue, ses effets de circularité concentrique (à l’image de ce lac pierre angulaire du Tout) avec ces temps qui s’anamorphosent, ainsi s’éploie Trenque lauquen diptyque dédaléen (chacune des deux parties qui le structurent dure plus de 2h).

Laissons-nous embarquer dans cette aventure que n’aurait pas reniée un Raoul Ruiz par exemple. Le labyrinthe servant de « motif » -il re-lie espace et temps (la ville et ses mystères, la pampa et ses immensités, le château d’eau, ET le labyrinthe de la mémoire) et à l'intérieur de ce labyrinthe une image récurrente , la boucle – celle du lac, et celle qui enserre les ventres ronds des femmes enceintes - dans l’horizontalité du paysage

 

Le chapitre 12  de la deuxième partie nous « ramène » au tout début (I,1)  dans une chronologie inversée. La « fuite » interprétée par un, deux personnages (I,1) est vécue par Laura elle-même (II,12) Quitter définitivement Trenque (intrigue) et simultanément adopter un seul point de vue (narration) : Laura seule (un seul personnage mais évoluant dans des paysages multiples).

 

La réalisatrice se plaît aussi à « mélanger » les genres. Dans la première partie dominent les codes du roman policier et de la romance amoureuse alors qu’en II sont exploités ceux de la SF et du fantastique  (annonce fin I d’une présence suspecte dans le lac ; séquence de la serre d’abord auréolée de mystères en II)  Même si l’errance avec ou sans destination précise (et le lien est très étroit entre nature et aventure) est fondamentale - avec comme accompagnement musical, cette ballade récurrente, La canción de los caminos (La chanson des chemins)

 

La première partie met au premier plan deux hommes Rafa (le compagnon de vie de Laura) et Ezequiel (le compagnon d’enquête, secrètement amoureux) momentanément convertis en « détectives » à la recherche de Laura  - une chercheuse universitaire, botaniste et pigiste dans une radio. Un indice ? le mot sur le pare-brise « adios adios me voy me voy adieu je m’en vais. Or leur quête fait écho (telle une mise en abyme) à l’investigation menée par Ezequiel et Laura concernant une « mystérieuse » disparue Carmen Zuma institutrice dans les années 60,  dont la correspondance avec un « amant » italien a été retrouvée par hasard  (?) dans les pages du livre à la bibliothèque. Cette correspondance serait « vécue » par Rafa comme le miroir de sa propre histoire et par Ezéquiel comme la projection de sa romance secrète (il prête d’ailleurs sa propre "image" à l’amant de la disparue !)

 

Si le film a obtenu le grand prix du meilleur long métrage de fiction au festival de films de femmes de Créteil c’est qu’il fait la part belle (surtout en II) à ces femmes fortes bienveillantes protectrices amantes aimantes : Juliana la directrice du programme radio où travaille Laura -elle-même débusque dans ses recherches les destins hors du commun tel celui de Lady Godiva ; le couple Elisa Romina prenant en charge -secrètement- le « monstre de la lagune », la patronne de la pulqueria (qui va nourrir réchauffer Laura dans sa vertigineuse errance)

La disparition de certaines femmes (Carmen et Laura) est  vécue telle une déshérence par  les "survivants"  (cf extraits de la  correspondance et  le désarroi de l'amant italien)

 

Laura botaniste était venue à Trenque  faire l’inventaire des orchidées ; or dans sa recension, il  en manque une…

Le spectateur lui-même est pris au piège des « omissions » dans ce film-mystère ; omissions  ou  fleurs manquantes ?

 

Laura s’éclipse ; désormais hors du champ de notre vision comme engloutie dans la vastitude du paysage, un monde revisité

 

Va-t-elle disparaître -une seconde fois ?

Définitivement? 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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