26 juillet 2023 3 26 /07 /juillet /2023 05:36

de Hong Sang-Soo (Corée du Sud 2022)

 

 

avec Ki Joo-bong, Kim Min-hee, Song Se on-mi, Park Mi-so, Kim Seung-yun, Ha Seong-guk

 

Présenté au festival de Cannes 2023  Quinzaine des Cinéastes 

Synopsis : Deux conversations en alternance à Séoul : une ancienne actrice est sollicitée par une débutante tandis qu’un vieux poète reçoit un admirateur. Les deux vedettes esquivent les questions existentielles de leur interlocuteur, la première songe à sa récente reconversion et le second bataille avec son sevrage d’alcool et de tabac.
DE NOS JOURS…, à la manière d’un haïku, invite à guetter ce qui importe intimement, ce qui fait le sel, chaque jour, de notre vie.

De nos jours

J'ai rêvé  qu’une fleur  me parlait  (Sungwon  l’ex actrice) 

 

Deux portraits croisés (une actrice à succès reconvertie dans l’architecture, un poète vieillissant célébré par la jeunesse et qui fait l’objet d’un film documentaire) filmés en une vingtaine de plans, deux récits en alternance, deux conversations apparemment distinctes sur la transmission, mais avec des échos, des points communs ou des effets miroir (les deux appartements, les deux  "apprentis comédiens"  la présence de la guitare, les procédés d’attente, les nouilles pimentées, les questions sur le sens de la vie, les jeux de séduction -terriblement sournois malgré les sourires de circonstance) -

Ainsi d’une séquence à l’autre, d’un appartement à l’autre, d’un trio à l’autre, -et le spectateur est guidé par les informations qui s’affichent en bas de l’écran -encore que parfois il y a discordance entre le texte informatif et la séquence  qui suit…!!, voici des  " situations" qui frappent par leurs  similarités- et comme à l’accoutumée voici une exploration des   "possibilités formelles de la narration cinématographique"  (recadrages, brusques zooms avant, c’est la spécificité du cinéaste sud-coréen). Ici il s’agit de transmission (talent et passion) et alors même que les deux personnages de référence esquiveraient les questions existentielles,  ils s'accordent sur un précepte/principe  "vivre sans se mentir à soi-même", professent un "art de vivre"  de type épicurien , (l'ex actrice est en "post-dépression" et  le poète privé d'alcool et  de tabac peine à respecter son sevrage thérapeutique!!!)  …. Art de vivre teinté d’humour dont témoignent entre autres la séquence du jeu pierre-feu-ciseaux ou le dernier plan avec un zoom avant sur le poète, alors que par-delà sa terrasse s’éploient majestueusement les toits de la ville

 

J’ai vu de jeunes spectateurs quitter la salle…. Il est vrai que le Verbe est primordial, que le dispositif narratif et scénique à la Rohmer peut dérouter, que les questions apparemment naïves du jeune admirateur  comment on transmet les expériences? « Pensez-vous que la poésie est essentielle à notre époque ?« c’est quoi l’amour ? » ou « c’est quoi le sens de la vie ? et qui suscitent un rire moqueur, participent en fait (à) d’une forme d’autodérision,   

 

Même si De nos jours est empreint de  drôlerie (cf les contradictions des personnages "consultés") et qu’il déploie une charte du " savoir-vivre",  ce n’est assurément pas (pour moi tout du moins) le film le plus convaincant de ce réalisateur prolifique (cf Ha ha ha, Turning gate, Un jour avec un jour sans, Hotel by the river et surtout le très beau Le jour d’après où le traitement du noir et blanc  était  digne d’une estampe)

 

Colette Lallement Duchoze

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25 juillet 2023 2 25 /07 /juillet /2023 09:36

de Mani Haghighi (Iran 2022) 

 

avec Taraneh Alidoosti, Navid Mohammadzadeh

A Téhéran, un homme et une femme découvrent par hasard qu’un autre couple leur ressemble trait pour trait. De cette découverte stupéfiante va naitre une histoire d’amour… et de manipulation...

Les ombres persanes

Le thème est séduisant : celui du double,  dont la littérature et le cinéma se sont volontiers emparé.es

Dans le film de Mani Haghughi -et c’est peut-être une « première »- ce sont les deux membres d’un couple qui rencontrent un autre couple, fait de leurs ...sosies !!!  Farzaneh, monitrice d’auto-école, « découvre » le « double » de son mari  Jalal ; afin de se « justifier », ce dernier va « découvrir » le double de sa femme. Taraneh Alidoosti et Navid Mohammadzadeh interprètent les différents rôles, jouant habilement leurs partitions où de légères nuances permettent de « distinguer » sans les caricaturer les 4 personnages ; et le titre ombres persanes est pleinement justifié ; car à l’inverse des ombres chinoises, elles ont un profil moins plein et plus découpé laissant apparaître d'infimes et subtiles dissemblances

Voici deux couples en miroir, deux couples qui « battent » de l’aile, mais au statut social très différent, deux couples interchangeables- malgré cela ?

Refusant la « veine » fantastique, lui préférant une forme de « réalisme », le réalisateur se plaît à opposer sous forme de contraste (souvent trop appuyé) la violence machiste du mari riche (Moshen) à l’humilité du « pauvre » Jalal d’une part (encore que son sacrifice est plus dicté par l’attirance, l’amour la romance qui ne dit pas son nom), le bovarysme de l’épouse riche Bita à la dépression de Farzaneh, d’autre part ; et après moult jeux de « pistes » et de « combinaisons» , un twist final, sorte de « recomposition » mais ….comme « la vérité sort de la bouche des enfants »  le fils de Moshen  a deviné la supercherie et l'énonce sans  emphase  (dernier plan) 

 

La pluie incessante sur Téhéran tel un écran (ou comme l’alerte d’un dérèglement plus général ?), les plans récurrents sur les escaliers, comme métaphore d’un labyrinthe mental ? la paranoïa (réelle ou fantasmée) comme illustration d’une maladie généralisée, entrave à un questionnement sur le libre arbitre et le déterminisme ? la couleur sombre comme illustration d’une forme d’enténèbrement, une « progression » dramatique sous forme « d’engrenage fatal », tout cela accentué par une bande-son (trop illustrative) fait que bien vite le spectateur (du moins est-ce ce que j’ai ressenti) restera extérieur à ces jeux d’échos (répétitifs) à ces « étirements » inutiles, bref à ces jeux de « substitution » -alors que le film se veut éminemment "politique" (ne serait-ce que par certains  thèmes abordés: vie clandestine, adultère et féminicide)

 

Je vous laisse juge !

 

Colette Lallement-Duchoze

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22 juillet 2023 6 22 /07 /juillet /2023 06:17

de Nanni Moretti (Italie 2022)

 

avec Margherita Buy, Nanni Moretti, Silvio Orlando, Mathieu Amalric

 

 

présenté à Cannes Compétition Officielle 2023

 

Giovanni, cinéaste italien renommé, s’apprête à tourner son nouveau film. Mais entre son couple en crise, son producteur français au bord de la faillite et sa fille qui le délaisse, tout semble jouer contre lui ! Toujours sur la corde raide, Giovanni va devoir repenser sa manière de faire s’il veut mener tout son petit monde vers un avenir radieux...

Vers un avenir radieux

Jeux de miroirs, mises en abyme, références multiples comme autant de réminiscences, hymne au cinéma, et à l’amour, mélange des genres, questionnements politiques -et particulièrement la position du PCI par rapport à la Russie-,  le film de Nanni Moretti est tout cela à la fois– Ce qui pour certains serait  synonyme de fourre-tout et pour d’autres de film-testament- Pourquoi pas? 

Et pourtant !! quelle vitalité, quel humour!

Même si par moments l’auto-congratulation-fût-elle empreinte d’auto dérision- est ( trop) patente  quand le film est (par trop) autoréférencé (rendre hommage aux « maîtres » Demy Fellini dont on voit des extraits de film sur petit écran ; chanter à tue-tête Think d’Aretha Franklin, mimer maladroitement le mélange de comédie musicale et de drame). Ajoutons l’inanité (ou presque) de certains rôles (dont celui du producteur français maladroitement interprété par Mathieu Amalric) ou le portrait (forcément) caricatural d’un jeune réalisateur, qui entachent (mais c’est délibéré) la fluidité du film.

Cela, il est vrai, est largement compensé par la sublime Margherita Buy (déjà partenaire de Moretti dans Mia madre et tre piani ) et par l’incontournable Silvio Orlando, et surtout  par un souffle qui se veut …. « juvénile »  

 

Film dans le film où le fou le désenchanté le faux naïf le bougon celui qui a toujours aimé débattre d’esthétique et d’éthique, oppose plus que jamais un authentique 7ème art à un cinéma « industriel » 

Depuis Caro Diario trois décennies se sont écoulées ; le personnage, certes vieilli, a troqué sa vespa contre une trottinette électrique (cf l’affiche et une courte séquence) mais c’est le même entrain la même force qui se veut persuasive ! Giovanni, double de Moretti, amoureux du cinéma d’auteur, subit les affronts de la plate-forme Netflix -dont les « commerciaux » se comportent en robots-. De même qu’il refuse toujours la violence esthétisée; et lui oppose celle de Kieslowski dans la scène du « meurtre » (tu ne tueras point) dont Giovanni/Moretti restitue les moindres détails face à un public médusé) ; mégalo il tente de téléphoner à Scorsese, il fait venir une historienne de l’art pour composer la scène à la manière d’une peinture de la Renaissance.

Et dans le défilé final apparait (ah la magie du cinéma !!) la propre mère (comme ressuscitée…) de Nanni Moretti-; un défilé qui signerait la mort du communisme et du … tutti quanti … ? Tous convoqués pour célébrer un « avenir radieux » ? (se méfier des titres antiphrastiques !!!)

 

Mettre en scène (fiction) les atermoiements éthiques d'une antenne du PCI au moment de l'insurrection en 1956 à Budapest et de sa répression par les chars russes, c'est (réalité dans la fiction) mettre à nu ses propres exigences intellectuelles 

 

Vers un avenir radieux : un film à ne pas manquer !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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21 juillet 2023 5 21 /07 /juillet /2023 10:36

de Kamal Lazraq  (Maroc 2023)

 

avec Ayoub Elaïd et Abdellatif Masstouri

 

Festival Cannes 2023 Prix du Jury Un Certain Regard 

Dans les faubourgs populaires de Casablanca. Hassan et Issam, père et fils, tentent de survivre au jour le jour, enchaînant les petits trafics pour la pègre locale. Un soir, un homme qu’ils devaient kidnapper meurt accidentellement dans leur voiture. Hassan et Issam se retrouvent avec un cadavre à faire disparaître. Commence alors une longue nuit à travers les bas-fonds de la ville…

Les meutes

Construit telle une tragédie à l’antique (avec ses unités de temps de lieu et d’action, l’omniprésence du fatum, les meutes dans le rôle des chœurs) ce film (récompensé au festival de Cannes) ira donc bien au-delà de la simple anecdote du cadavre encombrant et de l’aventure nocturne. L’incongruité de départ est exploitée dans ses ressorts  "comiques" (la série de déconvenues auxquelles sont confrontés père et fils, jusqu’au plan final ….ne pas spoiler !) certes mais surtout "tragiques" . D’une part le film (noir) se veut universel ne serait-ce que par les thématiques abordées, traitées ou suggérées : relation père/fils, le combat entre la vie et la mort, le bien et le mal, mais en nous immergeant dans les bas-fonds de Casablanca, les milieux interlopes, en passant d’une station service désaffectée à une maison bourgeoise, le réalisateur nous fait découvrir un Maroc insoupçonné -loin des clichés pour touristes- où dans certains bars l’alcool coule à flot, où la guerre entre clans peut être mortelle, où sévit la prostitution masculine, où triomphe la délinquance, et d’où la femme semble exclue (seul le personnage de la mère, grand-mère que l’on respecte sera visible (immobile ou penchée elle est filmée telle une divinité archaïque) et à travers la relation père/fils éclate la prégnance des structures patriarcales -la virilité dans sa référence normative et ses excès ne se confondrait-elle pas avec l’animalité des …meutes ?

 

Masures, murs fissurés, tags racoleurs, immondices, chiens errants:  c’est le premier plan. Un lieu où s’affrontent des caïds, leurs chiens tenus en laisse, dressés pour des combats ….clandestins…sont comme leur arme de dissuasion et leurs sbires exécutent les ordres, souvent contre leur gré. Ce que feront d’ailleurs Hassan et Issam, le père (ex taulard) et son fils : embarqués dans un sordide règlement de compte !! (Dib, un mafieux, après avoir perdu son chien dans un combat, et  persuadé que le chien de l'adversaire a été drogué, est décidé à se venger ... et il embauche Hassan...) Des acteurs non professionnels Abdellatif Missouri et Ayoub Elaid les incarnent d’une façon à la fois déroutante et convaincante ! et dans leur comportement tout comme dans leurs (rares) dialogues, on devine une profonde  " bonté"  qui les rend sympathiques voire attachants !!!

 

Nuit mouvementée ! le rythme du film épouse la succession rapide des rebondissements ; nuit des peurs ancestrales de la damnation (images cauchemardesques qui s’en viennent hanter l’esprit du père) nuit teintée de religiosité et de mysticisme (la toilette mortuaire, les formules rituelles) nuit où s’inversent les rôles dans la relation père/fils, nuit dont l'obscurité  va céder la place à la lumière aurorale et le plan final, faisant  écho au tout premier, interroge sur la "circularité": serait elle  purement formelle  ou  gage d'une pérennité en Absurdie ?

 

Ce qui frappe dans ce film c’est le traitement innovant de la lumière. Avec le chef opérateur Amine Berrada nous nous sommes dit que nous n’allons pas recréer un éclairage artificiel, que nous allons vraiment nous baser sur l’éclairage naturel de la ville. Les visages des comédiens sont très cinégéniques Du coup, parfois, il fallait juste les déplacer au bon endroit pour avoir une image très cinématographique. Et de fait dans le clair-obscur, où la peau brillante couleur ocre contraste avec la noirceur ambiante, ces deux anti-héros n’auraient-ils pas quelques affinités avec des personnages pasoliniens ??

 

Un film que je vous recommande

 

Colette Lallement-Duchoze

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20 juillet 2023 4 20 /07 /juillet /2023 05:18

de Pierre Jolivet (2023)

 

avec Céline Sallette : Inès LéraudNina Meurisse : Judith,  Julie Ferrier : Rosy Auffray Pasquale d'Inca : André Ollivro Clémentine Poidatz : Morgan LargeJonathan Lambert : un député , Adrien Jolivet : Pierre Philippe, l'urgentiste

 

À la suite de morts suspectes, Inès Léraud, jeune journaliste, décide de s’installer en Bretagne pour enquêter sur le phénomène des algues vertes. À travers ses rencontres, elle découvre la fabrique du silence qui entoure ce désastre écologique et social. Face aux pressions, parviendra-t-elle à faire triompher la vérité ?

Les algues vertes

Dès que tu t’approches des algues vertes, ça pue, dans tous les sens du terme

 

Adapté de la bande dessinée réalisée conjointement par la journaliste Inès Léraud et Pierre Van Hove, elle-même tirée de l’enquête menée par la première, le film de Pierre Jolivet est d’abord un hommage à cette lanceuse d’alerte courageuse et pugnace (admirablement interprétée par une Céline Sallette, très convaincante)

 

Certes des scènes « intimes » (relation amoureuse avec sa compagne) versent dans l’anecdotique,  les rôles dévolus aux représentants de la toute puissante FNSEA ou aux agriculteurs « butés » frisent la caricature, et des rôles dits secondaires manquent de tonicité, certes  le didactisme l’emporte souvent sur la « nuance » …

 

Mais ce film (une fiction et non un documentaire) épouse le rythme et les rebondissements d’un thriller, obéit à un « tempo » que scandent les « bains » salvateurs dans les eaux de la Manche et la succession des interviews. Il mêle assez habilement ou du moins fait contraster la beauté sauvage et bucolique de certains paysages et le cauchemar de la pollution due aux déjections de porcs. La « progression » dans l’enquête menée par la journaliste correspond précisément à la découverte de l’enfouissement de la vérité : c’est que l’omerta telle une pieuvre aux immenses tentacules est « planifiée » en haut lieu : pouvoirs publics et lobby agroalimentaire, endoctrinement éhonté, propos comminatoires. Pierre Jolivet « montre » en « démontant » un système, il contextualise (le démembrement, la logique du rendement et celle de l’endettement) met en évidence des rouages (choix politiques au niveau national et européen, relais tous azimuts) et en insistant sur les méfaits (euphémisme !!!) écologiques et sanitaires, il fait œuvre salutaire

 

Les premiers plans sont saisissants : voici une plage des Côtes d’Armor avec ses veinules ses rides ondulantes apparemment majestueuses…MAIS voici des langues verdâtres qui tapissent le sable…. Où le mal s’est niché !  c’est que le sulfure d’hydrogène ce gaz émis lors de la putréfaction des algues vertes est toxique et mortel

 

Hélas on sait que si toutes « les preuves de la culpabilité du modèle agricole productiviste se sont accumulées, on est encore loin de la « résolution » de cette catastrophe écologique et sanitaire (les difficultés rencontrées par la production pour obtenir certaines autorisations de tournage en témoigneraient aisément…)

 

Un film que l’on peut mettre en parallèle avec Dark Waters de Todd Haynes (2020) Dark Waters - Le blog de cinexpressions

Un film à voir ! C’est une évidence !

 

Colette Lallement-Duchoze

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7 juillet 2023 5 07 /07 /juillet /2023 10:14

Documentaire réalisé par Frederick Wiseman  (1975 USA)

 

 

1973. Les problèmes de logement, de santé, de chômage, de maltraitance frappent les Américains les plus pauvres. Dans un bureau d'aide sociale new-yorkais, employés et usagers se retrouvent démunis face à un système qui régit leur travail et leur vie...

Welfare

5 juillet 2023 ouverture du festival d’Avignon avec la représentation de Welfare Cour d'honneur du Palais des Papes (mise en scène de Julie Deliquet que  Frederick Wiseman avait d’ailleurs contactée pour une éventuelle adaptation théâtrale)

Le même jour, sortie en salles du documentaire réalisé en 1975 (soit presque 50 ans après sa réalisation) restauré  récemment en copie numérique 4K, 

Coïncidence ??

 

A l’instar de Julie Deliquet (sortie « sonnée » après avoir vu le film  en 2020) le spectateur aujourd'hui reçoit tel un uppercut, ce témoignage « coup de poing ».

 

Voici un lieu : le centre d’aide sociale new-yorkais, le Welfare Center de Greenwich Village, situé dans le bas Manhattan ; voici une communauté :-demandeurs et travailleurs sociaux. Hormis l’omniprésence de la cigarette, l’absence d’ordinateurs, et la mode vestimentaire, on se croirait presque au XXI° tant les démarches tatillonnes, les parcours kafkaïens, et surtout l’immense précarité semblent très actuel.le.s (et la question de la prise en charge de la misère par la puissance publique qui n’est toujours pas résolue !!!!- que ce soit aux USA ou en France d'ailleurs !!!)

 

Lors de face-à -face,  Frederick Wiseman filme d’abord -et avec empathie- le visage de la personne qui demande  (elle est en quête de nourriture, de logement,  de soins, désire actualiser son dossier ; son récit ?  un plaidoyer pro domo et des liasses de papiers comme gages de sa "bonne foi" ) ; il nous invite à l’écouter, la regarder (des yeux hagards, des lèvres qui tremblent ou qui éructent un verbe haut) puis il "montre" la personne qui répond (certaines sont très patientes "pédagogiques", d’autres sceptiques ou butées appliquant à la lettre le règlement). Quelques mouvements de caméra (zoom avant par exemple) pour ponctuer une scène qui peut être filmée en temps réel (soit plusieurs minutes).

Alors que le dispositif dans un tel " huis clos"  inciterait à la répétition, le cinéaste varie les angles de vue ; et quand il délaisse provisoirement le face-à-face, voici par exemple une profondeur de champ - inattendue- qui décuple la complexité et voici que s’éploie (salle, couloirs, personnes assises ou debout) tel un immense corps « malade »,  le théâtre de la vie cabossée malmenée, lucide ou fanatique, mutique ou loquace, où l’on respire des relents de racisme, où s’affrontent , se confrontent, demandeurs et travailleurs sociaux mais aussi confrontations de cas particuliers avec un système ! Et à ce stade les patients – aux pathologies variées- et les travailleurs sociaux sont comme embarqués dans les mêmes sinuosités dédaléennes « démunis face à un système qui régit leur travail et leur vie »( cf synopsis)

En isolant ou plutôt en mettant sur le devant de la scène quelques cas bien particuliers le documentariste cherche moins à les rendre exemplaires que  "mouvants" -quand précisément tout est mis en œuvre pour les "empêcher "  de  "bouger"  hors du cadre (dans tous les sens du terme)  Ces visages  "ouvrent"  le film, les mêmes vont jouer  le rôle de coda!  Au spectateur d'imaginer leur vie (survie) hors cadre! 

Comble d’ironie -ou de facétie!-  le patient hyper-raciste prêt à dégommer tous les Noirs en leur faisant exploser les couilles, après avoir été expulsé manu militari, ne cesse de tambouriner ….pour « réintégrer » cet enfer qu’il maudissait, où les « gardiens » sont précisément des Noirs ?

On retiendra le propos de M. Hirsch – assis, étranger à tout ce qui l’entoure, le visage filmé en gros plan et nous prenant à partie, il soliloque « j’attends depuis 124 jours, depuis que je suis sorti de l’hôpital j’attends quelque chose…Godot. Mais vous savez ce qui s’est passé dans l’histoire de Godot. Il n’est jamais venu. Voilà ce que j’attends. Quelque chose qui ne viendra jamais »

 

Un documentaire A NE PAS RATER 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

Welfare

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6 juillet 2023 4 06 /07 /juillet /2023 06:18

de Matthias Luthardt (France Allemagne 2022)

 

avec Christa Théret, Luise Aschenbrenner, Leonard Kunz,  Aleksandar Jovanovic
 

Octobre 1918, la guerre s’éternise. Seule dans une ferme au milieu de la forêt vosgienne, Luise, qui vient de perdre sa mère, se retrouve confrontée à deux inconnus : Hélène, une jeune Française qui fuit vers les Pays-Bas et Hermann, un soldat allemand blessé par Hélène. Luise accepte de les cacher alors que l’armée allemande les traque. Isolés, leurs repères sont brouillés par la guerre. Se crée alors un étrange ménage à trois où les cartes sociales, nationales et amoureuses sont rebattues.

Luise

Librement adapté du court roman The fox de D.H. Lawrence, le film de Mathias Luthardt a les défauts de ses qualités.

La réalisation frappe  par sa sobriété -souvent succession de petites scènes sans l’apport grandiloquent de dialogues-, par la recherche systématique des effets de clair-obscur car l’essentiel se déroulera à l’intérieur; (surtout  ne pas vous fier à la première affiche  où le plan en extérieur sert de conclusion ; dans la seconde, les couleurs mordorées et le visage presque extatique de l'actrice seraient plus proches du récit  ..) ; un huis clos donc où  évolue le trio - la paysanne alsacienne,  la Française en fuite et le soldat allemand (un  "faux  déserteur")  Le recours à trois langues (alsacien allemand et français) est un judicieux  ressort narratif ( au moins plaide-t-il en faveur de la vraisemblance : nous sommes en 1918 dans une  zone frontière).  Les quelques  plans sur la "forêt"  vosgienne en feraient un personnage à part entière (au tout début par exemple sous l’opacité du vert émeraude, frémit et palpite ce qui va bien au-delà des morsures du vent,  ce qui  "se déchire et se démembre" ). 

 

Las !! Que de clichés !

Que de complaisance dans certaines approches (très gros plans sur la plaie du soldat blessé, sur les mains  unies des femmes  avant leur  "accouplement") ; des " arrêts sur image" ou plans fixes travaillés - comme gage  de satisfaction, fierté de qui a réussi son travail -: le lit où repose le corps mort de la mère, le ratissage du foin, le renard en fuite dans la ligne de mire.(on pourrait multiplier les exemples)  On a même parfois la douloureuse impression que Christa Théret, -actrice talentueuse, mais hélas trop rare – n’est vraiment pas à sa place, tant ses déplacements semblent  "empotés"

La longueur du film est un lourd handicap,  quand le "temps" ne crée pas de tempo, favorise l'artificialité,  enferme puis déroule des  "attendus"  (convenus) telle cette attirance entre les deux femmes (le désir et sa concrétisation) et que l’apprentissage de la langue (l’actrice allemande a dû se prêter à cet exercice)  exclut le naturel (les discussions sur l’homosexualité, fatalement entachées de  "religion"  en deviennent grotesques, tout comme l'opposition  entre  l'athéisme revendiqué par la Française et   la  religiosité  des  prières ânonnées,   que partagent le soldat et la jeune paysanne)

 

 

Colette Lallement-Duchoze

Luise

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2 juillet 2023 7 02 /07 /juillet /2023 06:09

Documentaire réalisé par Marusya Syroechkovskaya (2022)

montage Qutaiba Barhamji

 

 festival de Cannes 2022 ACID (association du cinéma indépendant pour sa diffusion) 

Visions du réel 2022 mention spéciale du jury 

Festival international du Film d'Amiens 2022 Grand Prix Long Métrage

 

Synopsis (dépliant ACID) Le jour de ses 16 ans Marusya s'est fait la promesse d'en finir avec la vie avant  l'année écoulée. Mais au cœur de cette  "Russie de la déprime" elle fait la rencontre de Kimi dont elle tombe éperdument amoureuse. Pendant douze ans elle va filmer leur couple, capturer l'euphorie et la dépression, la rage de vivre et le désespoir de leur jeunesse muselée par un régime violent et autocratique

How to save a dead friend

 

 

 

 

 

Chronique d’une mort annoncée, le documentaire de Marusya Syroechkovskaya est précisément encadré par la séquence de l’enterrement de Kimi (toxicomane). La jeune femme -elle a 27 ans en 2016- se rend à l’enterrement de celui qui fut son ami, son amant , son mari, son "âme sœur" -elle l'avait filmé durant plus de 10 ans;  impuissante,  elle avait assisté à son autodestruction !!!. Neige à peine floconneuse. On visse définitivement le cercueil et l’on jette une motte de terre dans le caveau. En écho à la fin -qui est aussi la fin d’un double parcours- la même scène- filmée selon d’autres angles de vue-,  et en voix off l’hommage de Kimi à l’aimée et celui de Marusya au cher disparu.

 

Car par-delà la mort,  Kimi va continuer à VIVRE Comment ? C’est l’enjeu de ce documentaire. La cinéaste est persuadée que s’il y a une vie après la mort, elle est pixellisée   Oui c’est bien par le médium cinématographique  que l’ami mort échappera à l’oubli. Si le "tombeau"  fut le genre poétique -et musical- pour célébrer et faire vivre un disparu, l’image numérique -et tous ses possibles- Marusya Syroechkovskaya l’exploite dans son hommage au "disparu". C'est un film de mémoire, explique-t-elle sur ce que le cinéma permet de garder de la mémoire des gens qui sont partis. Saluons ici l’époustouflant travail du monteur, le Syrien Qutaiba Barhamji, à partir d’archives disparates, d’images provenant de caméras différentes, avec un cadre pas toujours très heureux et un son parfois bancal

Plus qu’un hommage, le documentaire va transformer (pour l’éternité)  Kimi en « musique » ; non seulement « how to save a dead friend » est traversé de musiques (surtout celle du groupe Joy Division et d’ailleurs le couple prénomme …Curtis, un des chats adoptés), non seulement il est habité par les poèmes de Kimi.  MAIS grâce aux outils de « sonification et à l’appli Vosis, des données visuelles se « transforment » en signaux acoustiques – Nous voyons effectivement la cinéaste à plusieurs reprises, se déplacer avec son IPad, toucher et faire glisser délicatement les pixels d’un portrait de Kimi (le logiciel qui les analyse produira un son !!! ) Moment  poétique d’une intensité visuelle et musicale !

Voici des façades d’immeubles géants : la récurrence de ces fenêtres closes, de ces immenses corps urbains désincarnés comme témoin d’une vie claustrale ? celle des invisibles emprisonnés dans leur solitude ? et pourtant l’essentiel de ce que (qui)  fut la VIE du couple,  s’est  "épanoui"  dans ce quartier de Moscou ! Ce ne sera pas pur hasard si le film se clôt sur des images de synthèse qui les font flotter dans le noir....

Est-ce que parce que How to save a dead friend - oxymore et programme tout à la fois- agit comme une autobiographie visuelle, qu’on l’a comparé au travail de Nan Goldin ? les critiques  "adorent"  se  "raccrocher à tout prix à ….quelque chose de connu" Trop de divergences pourtant (contexte travail finalités) mais là n’est pas le propos

Les discours convenus de Dmitri Medvedev et de Poutine -qui scandent le passage à une année nouvelle- frappent surtout par un décalage : et la dissonance par rapport au mal-être de la jeunesse loin de la "galvaniser" l’enferme dans son « tombeau » Or, si ce film a été montré pour la première fois à l'ACID à Cannes  2022 , il faut savoir qu’il a été refusé dans certains festivals -suite à l’invasion de l’Ukraine- - « Certains festivals n’ont pas souhaité sélectionner mon film parce que je suis tout simplement Russe, sans chercher à savoir quel était le sujet. » (interview Première du 28/06/23 par  Yohan Haddad) .....

Un documentaire à ne pas rater !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

PS  pour la genèse voir le dépliant ACID disponible dans le hall de l'Omnia

 

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29 juin 2023 4 29 /06 /juin /2023 06:14

d'Ira Sachs (France, Grande-Bretagne 2022) 

 

avec Franz Rogowski, Ben Whishaw, Adèle Exarchopoulos

 

présenté en compétition à la Berlinale 2023

Tomas et Martin forment un couple gay vivant à Paris. Leur mariage traverse une crise lorsque Tomas entame une liaison avec Agathe, une jeune institutrice. Mais lorsque Martin débute également une liaison, Tomas doit faire face à des décisions qu’il n’est pas prêt ou qu’il n’a pas envie d’affronter

Passages

On dit qu'un  prologue peut encoder un film.

Film dans le film -ou du moins répétition d’une scène - tel se présente le tout début de « Passages » d’Ira Sachs . Un réalisateur Tomas dirige un comédien : celui-ci doit descendre un escalier, se rendre à un comptoir commander une boisson avant de participer à une fête; or sa démarche est empotée, manque de spontanéité ; on répète plusieurs fois la  "descente" des marches, alors que défile le générique. Tomas s’énerve. Le ton monte, celui de la colère intransigeante. Ainsi on "passe" très rapidement de la "direction d’acteurs"  à la volonté d’humilier.

Or c’est précisément ce qu’est Tomas tant dans sa relation avec Martin qu’avec Agathe -malgré des dénégations répétées, de vaines promesses et de torrides rapports sexuels - Non pas simple "distributeur" de rôles,  mais manipulateur, c’est ainsi qu'il sera décrit  dans "sa vie"  au quotidien. Avec ces moments d’indécision -qui font d’ailleurs écho à l’indécision de l’acteur dans la scène liminaire !. La dynamique du film ? la perte progressive d’un pouvoir jupitérien, celui de tout contrôler   

L’escalier sera de toute évidence un motif récurrent : marches que l’on (Tomas) monte et descend avec ou sans vélo, marches que l’on gravit en "passant"  d’un appartement à l’autre- -Martin/Agathe   -et la rapidité épousera aussi celle du pédalier tout comme elle dira  l’essoufflement avant la  "crise"

Plus qu’une énième variation sur le "triangle" amoureux avec un couple d’homosexuels - le trio est porté par un formidable casting !, le film d’Ira Sachs serait une interrogation sur l’impossibilité de  "créer une famille "  quelles qu’en soient les "formes" . Tomas, qui est quasiment de tous les plans, est celui par qui advient naît meurt un « semblant » de « construction ». Le couple qu’il formait avec Martin et leurs projets d’avenir risquent de s’écrouler quand il débute une idylle avec Agathe. Séparations réconciliations tentatives de  ….celles précisément que formulent les parents d’Agathe soucieux de l’avenir de leur fille enceinte  (une scène au comique grinçant !!) ; mais Tomas se défile -une fois de plus tout comme il fonce dans les rues de Paris en empruntant délibérément les accès interdits aux vélos (très belle séquence d’extérieur, avec en écho inversé les séquences des cafés). Nombriliste, égoïste Tomas sera-t-il renvoyé à la "solitude fondamentale"?

Le réalisateur semble exceller dans la rencontre et l’exultation des corps -et certaines scènes dites de « sexe » signent l’apothéose de la sensualité sans verser dans l’érotisme vulgaire ni le voyeurisme. De même s’impose le « rendu » d’appartements ouatés de velours pourpre (qui contraste avec certaines entrées d’immeubles.) Souvent filmé de dos, -comme pour ne pas s’exposer à une lumière qui le condamnerait -Tomas rappelle ces êtres antipathiques à la Pialat …

Et pourtant !!! malgré tout cela,  il y a - presque tout au long du film-  un  je ne sais quoi (clins d’oeil trop appuyés à la « nouvelle vague »  ? poncifs plus ou moins éculés ? théâtralité trop apparente ?) qui empêche une totale adhésion…..

Dommage!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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27 juin 2023 2 27 /06 /juin /2023 11:24

de Jeanne Aslan et Paul Saintillan (2022)

 

avec Céleste Brunnquell (Sophie dite Fifi) , Quentin Dolmaire, (Stéphane) Chloé Mons (la mère)

 

meilleur film de la section Nouveaux réalisateurs du Festival international du film de San Sebastián en 2022

Nancy, début de l’été... et Sophie, dite Fifi, 15 ans, est coincée dans son HLM dans une ambiance familiale chaotique. Quand elle croise par hasard son ancienne amie Jade, sur le point de partir en vacances, Fifi prend en douce les clefs de sa jolie maison du centre-ville désertée pour l’été. Alors qu’elle s’installe, elle tombe sur Stéphane, 23 ans, le frère aîné de Jade, rentré de manière inattendue. Au lieu de la chasser, Stéphane lui laisse porte ouverte et l’autorise à venir se réfugier là quand elle veut.

Fifi

« j’ai voulu faire un film qui avance par le beau et pas par le drame », assure Jeanne Aslan.

Mère démissionnaire, beau-père alcoolo, promiscuité, chamailleries voire engueulades  dans un appartement de la cité assez délabrée des HLM du Haut du Lièvre à Nancy, tel est l’environnement  de Fifi. Les réalisateurs ont eu la pudeur d’éviter le misérabilisme facile dans la peinture de ce milieu. Suffisamment  pour  comprendre la volonté de s’en extirper , en ......squattant la maison d’une camarade. Echappées à vélo ! de la barre HLM vers la ville, traversée de ces  espaces de lumière qui se dilate et se diffracte dans le vert ; avec aux oreillettes le Rappel des oiseaux de Jean-Philippe Rameau. Après l’appartement minuscule, sa promiscuité et ses lits superposés, voici une demeure vaste calme et lumineuse ! où un piano,  Kafka,   Charlie Chaplin et un bain moussant font bon ménage!   

 

Une  parenthèse estivale qui va évoluer au gré des conversations entre Fifi et Stéphane, au gré des non-dits aussi, des attentes secrètes, avec des jeux de caméra qui évitent le champ-contrechamp!  Et  loin des clichés faciles opposant le fils de bourgeois et l' adolescente de la cité ! (même si parfois le trait est « grossi ».) 

Quant à la  "romance" -qui ne dit pas son nom- entre une adolescente de 15 ans et un jeune homme de 23 ans elle est traitée par (avec) la délicatesse des regards, des gestes à peine esquissés comme en suspens ; tout étant dans la nuance ! et le refus des stéréotypes !

Plus proche du roman d’apprentissage, que du documentaire -grâce à un apprivoisement réciproque-, ce film est porté par l’actrice Céleste Brunnquell, au naturel si déconcertant - que nous avions découvert et apprécié dans la série « en thérapie ». Sans oublier bien évidemment le phrasé et la nonchalance de Quentin Dolmaire (qui rappelleraient Charles Denner ?) en harmonie avec les doutes et les remises en question du personnage.

 

Fifi et Stéphane : un couple -impossible-(?)  en quête d’un indicible apaisement (?) 

Fifi n’avait jamais vu la mer ! Le dernier plan élargit l’espace -tout en le limitant au cadre narratif- aux dimensions bien réelles de son rêve !

A voir !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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