20 janvier 2023 5 20 /01 /janvier /2023 16:26

Une nuit d’hiver à Madrid, deux couples d’amis se retrouvent après s’être perdus de vue. Susana et Dani rayonnent depuis leur installation en banlieue et annoncent l’arrivée prochaine d’un bébé. La nouvelle perturbe Elena et Guillermo qui ont fait d’autres choix de vie. Pourtant au printemps, ils se décident à venir voir.

 

Venez voir

Nous avons répondu à l’injonction de Jonás Trueba ·"venez voir". Injonction qui s’adresse autant au couple madrilène Elena et Guillermo invité par Dani et Susana, à venir les voir, qu’au public ; l’auteur l’avoue sans ambages  "il y a le verbe venir et l’idée de déplacement ; la paresse que ressent le couple à l’idée d’aller voir la maison de leurs amis ressemble à ce que ressentent beaucoup de gens à l’idée d’aller au cinéma"

 

Et qu’avons-nous vu ?

Un film très minimaliste -ténuité de l’intrigue scénaristique, économie de moyens, choix des plans séquences et plans fixes pour évoquer ces petits riens ou ce qu’il est désormais convenu d’appeler  "micro-événements" - avec parfois des dialogues -ou plutôt monologues, à prétention philosophique (à la Rohmer) quand il s’agit de discuter de Peter Sloterdijk ; mais avec un final un peu  "déconcertant"  pour ne pas dire  "discutable". En effet la mise en abyme où on passe sans transition à la fabrique du film en présence de l’équipe technique dont Jonàs Trueba, où le grain de l’image a changé, est peut-être un clin d’œil à certains cinéastes mais dans le contexte de vacuité assumée, elle a les allures de "posture"  (et je ne saurais m'extasier  face à la pseudo révélation malicieuse  vous êtes venu voir, vous avez vu;  ce n’est que du cinéma…)

Or juste avant cette apparente rupture, voici Elena en train d’uriner dans les herbes et, se confondant avec elles, l’œil et l’oreille aux aguets comme pour capter le plus petit indice de Vie, elle esquisse soudainement un sourire dans ce cadre « bucolique » dont la révélation rappelle n’importe quelle épiphanie existentielle (à l’instar de celle vécue par Rilke à la vue d’une sculpture d’Apollon ? tu dois changer ta vie ? ce que rappelait précisément la même Elena lors du déjeuner …)

 

Le film s’ouvre sur l’interprétation de « Limbo » par le pianiste Chano Dominguez ; c’est l’hiver les quatre personnages sont attablés au Café Central de Madrid. La caméra a longtemps caressé le visage d’Elena (et suivi ce geste à peine perceptible de pincement du cou) puis successivement elle s’est posée sur les autres visages (en guise de « présentation » ? certes mais aussi pour marquer , affirmer une distance).

C’est la chanson Let’s Move To The Country de Bill Callahan qui, accompagnant le couple madrilène « venu voir » Susana et Dani, sert de prélude à la deuxième partie après une ellipse de 6 mois

Ainsi au « nocturne » de I succède le « solaire » de II ; à l’écoute quasi religieuse de Chano Dominguez, en I, la flânerie, la partie de ping-pong en II ; et toujours en I et II ces discussions sur la "meilleure façon de vivre"  (avoir ou non un enfant, vivre en ville ou en périphérie, individualisme et collectivité) discussions filmées en champ contrechamp avant que la caméra ne  "réunisse"  les quatre protagonistes en un seul plan large (partie de ping-pong)

 

 

Un conte rohmérien à « venir voir » (ou pas !)

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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