6 novembre 2015 5 06 /11 /novembre /2015 20:27

Documentaire réalisé par Patricio Guzmàn (Chili, France, Espagne)

Ours d'argent meilleur scénario Berlinale 2015

Le bouton de nacre

"Si l'eau a une mémoire elle a aussi une voix".

Et pendant le générique de fin nous entendrons la voix d'une descendante des Indiens de Patagonie; (communauté exterminée par les colonisateurs); voix dont la raucité semble s'accorder avec le récitatif en kaweskar . Interviewée plusieurs fois dans le film par le réalisateur, cette  femme  nomade de l'eau  ne trouve pas l'équivalent dans sa langue aux mots "dieu" et "police" (pas besoin...) tout est dit dans cette absence. En filigrane se dessinent deux conceptions de la vie, deux cultures. Mais la plus barbare n'est-elle pas celle qui se prétend "civilisée"?.

Patagonie, Sud Chili . C'est là que nous mène un "bouton de nacre" ultime relique des prisonniers de Pinochet  jetés à la mer, morts ou vifs, attachés par des morceaux de rail! Dans "Nostalgie de la lumière" c'était  le sol craquelé du désert d'Atacama que les survivants interrogaient, à la recherche de leurs morts.

Autre "bouton de nacre"  celui que le colonisateur anglais plus d'un siècle auparavant a payé pour "civiliser" Jemmy Button (mais celui-ci à son retour d'Angleterre aura perdu son identité et la communauté colonisée, sa culture).

Morts indiens, morts de Pinochet. Leur mémoire enfouie dans les profondeurs océanes, Patricio Guzman les fait (re)vivre dans un film fluide comme l'élément liquide, riche en images d'archives, en illustrations et en témoignages, un film où se mêlent harmonieusement science, poésie,  histoire  et  politique ici la plénitude bleutée a remplacé l'aveuglante lumière du désert d'Atacama

Voici un bloc de quartz où perle une goutte  d'eau. Voici des images de la planète. Une voix off commente, tel le  sillage des eaux., elle nous transporte.  Voici  aussi des photos de visages (que le colonisateur assimilait à des monstres). Dépliées à même le sol (et filmées à la verticale) voici des "cartes imaginaires" (qu'à la fin du film on enroulera dans un coffre marqué du sceau "fragile"). Nous entendons le poète Raùl Zurita Homme à la beauté tragique, qui rappelle ce pays (propos du réalisateur) lui qui fut emprisonné au temps de la dictature évoque avec émotion l'histoire de son pays et dénonce entre autres, les fomentateurs du Mal.

Au final laissons-nous porter par ces hommes déguisés en esprits (photos impressionnantes de Martin Gusinde); Que nous chuchotent-ils? "les morts deviendront des étoiles"!!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Un film bien sûr intéressant aussi bien sur la culture disparue de la Patagonie que sur les horreurs de la dictature de Pinochet mais l'ensemble du film fait un peu bric à brac et au fond un peu prétentieux en particulier sur la mémoire de l'eau..

M E  le 9/11/2015

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5 novembre 2015 4 05 /11 /novembre /2015 07:15

de Laszlo Nemes

avec Geza Rhörig, Levente Molnar, Urs Rechn

directeur de la photographie Matyas Erdely; décors de Laszlo Rajk

Grand Prix festival de Cannes

Le fils de Saul

Saul Auslânder -juif hongrois- est membre du Sonderkommando dans le camp d'extermination d'Auschwitz. Son "travail"? À l'arrivée des convois accompagner les déportés jusqu'aux chambres à gaz; contenir le flot humain; inviter à se déshabiller et les conduire doucement --en leur promettant "une tasse de thé" - jusqu'à la Porte ….puis comme les lieux doivent être impeccables pour les exécutions suivantes, il faut récurer les sols, débarrasser les corps gazés, les transporter jusqu'au four crématoire, et disperser les cendres; et ce à un rythme infernal. Aides précieuses pour les nazis, les sonderkommandos seront eux aussi exterminés (dès que leur productivité n'est plus au rendez-vous). Tel était le "fonctionnement normal d'une usine de mort"; les SS désignaient d'ailleurs les corps par le mot "stücke" (les pièces). Laszlo Nemes dit s'être inspiré essentiellement de témoignages écrits (ceux cachés, enterrés avant la rébellion de 1944). ce qui lui a permis de "pénétrer chez les damnés du camp".

 

L'horreur, dans le film de ce jeune réalisateur hongrois (formé par Bela Tarr) n'est jamais montrée frontalement, elle n'est pas "spectaculaire" (comme dans de nombreuses productions...) elle sera hors champ ou dans le flou et ce faisant d'autant plus suggestive. Elle sera aussi audible (cf la vertigineuse bande son, tissu sonore où se croisent musique et langues diverses). Le réalisateur adopte un seul point de vue: celui de Saul. Et la caméra qui le suit de bout en bout est comme vissée à lui; le choix du format 1,33 - étouffant et pour Saul et pour le spectateur- permet d'être toujours à sa hauteur (nuque, visage de face de profil, comme en effigie parfois, en tête à tête avec d'autres; bras et mains qui brossent le sol, corps qui ploie sous le poids du cadavre de "son fils", à l'instar du Christ portant sa Croix). Geza Röhrig l'interprète-qui n'est pas acteur mais écrivain poète- Laszlo Nemes l'a choisi pour sa faculté à "être mouvant" (il est aussi beau et laid, profond et impassible, très vif et très lent); son visage souvent fermé au regard éteint ou hébété (mais les sonderkommandos n'étaient-ils pas devenus des "automates"?) s'illuminera deux fois -il sourit quand il caresse le corps mort de son "fils" et dans la dernière séquence quand- momentanément à l'abri suite à la rébellion-, son regard croise celui de l'adolescent dans la clairière.....( la suite restera hors champ)

 

Loszlo Nemes avoue et ne cesse de le répéter partout où il est invité "le film ne peut pas être beau, il ne doit pas être séduisant, surtout ne pas faire un film d’horreur". Pari certes réussi: la maîtrise technique est parfois glaçante; et l'empathie avec Saul n'est pas la finalité recherchée; mais deux bémols.

Malgré son aspect quasi "documentaire" ou du moins historique Le fils de Saul est avant tout une fiction (le titre est d'ailleurs évocateur): pour éviter à "son fils" une mort déshonorante, Saul recherche un rabbin qui dira le kaddish; quête obsessionnelle beaucoup trop longue même s'il s'agit d'illustrer une forme de résistance, encore que...- De même dans la séquence finale, la fuite de quelques membres du Sonderkommando vire très vite au "film d'action"..

C'est bien l'univers concentrationnaire qui sert de toile de fond à...une autre "démonstration" ou "parabole" c'est selon! 

Alors de grâce,  ne pas comparer avec "Nuit et brouillard" de Resnais!!!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Tout à fait d'accord sur toute l'analyse du film mais une réserve cependant sur le point de départ : la recherche désespérée d'un rabbin alors que Saul était tout à fait apte à dire le "kaddisch". On voit bien que c'est '"argument" du scénario ; c'est la limite d'un film par ailleurs remarquable.

 M E. (9/11/2015)

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2 novembre 2015 1 02 /11 /novembre /2015 06:16

de Yorgos Lanthimos

avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Jessica Barden, Olivia Colman

 

 

 

ArgumentDans un futur proche… Toute personne célibataire est arrêtée, transférée à l’Hôtel et a 45 jours pour trouver l’âme soeur. Passé ce délai, il sera transformé en l'animal de son choix. Pour échapper à ce destin, un homme s'enfuit et rejoint dans les bois un groupe de résistants ; les Solitaires.

The Lobster

Une fois de plus, hélas, le meilleur du film est dans la bande annonce.

Hélas,  parce que si le sujet est très intéressant,  son traitement  caricatural est raté.

En effet montrer par une sorte de fable comment les normes sociales peuvent être étouffantes voire assassines, est un thème qui touche quiconque est malheureux ou heureux en amour, autrement dit la quasi totalité de l’humanité.

Mais le film ne trouve pas sa place, entre quelques touches d’humour et une musique tristement pesante, des couleurs froides et un personnage falot à la fausse moustache ridicule, des dialogues qui ne se répondent pas, des incohérences de scénario, le spectateur reste à distance et pense à d’autres films comme Farenheit 451 autrement réussi sur le thème des sociétés totalitaires.

Le casting international à consonance marketing et le tournage dans des endroits qui sont de partout et nulle part n’ancrent pas le film dans une histoire crédible (même pour une fable) qui nous permettrait de nous identifier. Le metteur en scène nous laisse en route parce que pas assez fou ni poétique, ni drôle ou même tragique. On ressort du cinéma en se disant que finalement la présentation binaire du sujet “être ou ne pas être en couple” est une manière un peu simple et frustrante de poser la problématique.

 

Serge Diaz

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1 novembre 2015 7 01 /11 /novembre /2015 22:10

de Oliver Hirschbiegel

avec Christian Friedel, Katharina Schüttler, Burghat Klausner

 

 

 

Argument : Allemagne, 8 Novembre 1939. Adolf Hitler prononce une allocution devant les dirigeants du parti nazi dans la brasserie Bürgerbräu à Munich. Une bombe explose, mais Hitler ainsi que Joseph Goebbels, Heinrich Himmler, Martin Bormann et d’autres ont quitté les lieux quelques minutes plus tôt. L’attentat est un échec. Rattrapé à la frontière suisse alors qu’il tentait de s’enfuir, Georg Elser est arrêté puis transféré à Munich pour être interrogé. Pour les Nazis, il s’agit d’un complot et on le soupçonne d’être un pion entre les mains d’une puissance étrangère. Rien ne prédestinait Georg Elser, modeste menuisier, à commettre cet acte insensé ; mais son indignation face à la brutalité croissante du régime aura réveillé en lui un héros ordinaire…

Elser, un héros ordinaire

Un grand film que ce film du réalisateur de La chute sur un héros allemand ordinaire.

 

Hormis la qualité de la réalisation sur le jeu des acteurs, les flash-back qui sont des pauses bienvenues entre les séances d’interrogatoire et de torture, la reconstitution historique de l’Allemagne profonde des années 30, les couleurs et la musique qui ne forcent pas le trait de cette sinistre époque, ce film de Oliver Hirschbiegel nous fait profondément réfléchir et nous renvoie à note situation actuelle.

En effet, alors que la force écrasante et féroce du nazisme bat son plein, il est toujours possible de combattre, de refuser la fatalité. Cet homme ordinaire qui aime la vie, incarné si bien par Christian Friedel, nous le prouve.

Autre leçon : quand le peuple choisit par ignorance et bêtise la voie fasciste en politique il le paie très cher au final. Les Français qui se laissent aller à soutenir le FN aujourd’hui ne connaissent pas l’histoire européenne des années 30 à 40 ? Le FN n’est autre que l’héritier de ce fascisme barbare, et son maquillage de dédiabolisation actuel n’y changera rien. L’acte de mémoire utile que nous sert ce film est renforcé par cette information au générique signalant qu’il a fallu des décennies pour reconnaître Georg ELSER comme résistant.

L’Histoire bégaie...mais heureusement il y aura toujours des héros ordanaires qui à 13 minutes près pourraient changer le cours de l’Histoire.

Souhaitons à chacun d’entre nous d’avoir la lucididté et le courage de cet homme ordinaire !

Un film à voir et faire voir.

 

Serge Diaz

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25 octobre 2015 7 25 /10 /octobre /2015 14:59

Film norvégien de Ole Glaever

Avec Ole Glaever, Marte Mgnusdotter Solem, Per Kjerstad

Natür Therapy

Pour échapper le temps d'un week-end à la morosité de son existence, (ah cette morne lassitude!) Martin (interprété par le réalisateur lui-même) part seul. Avec son sac à dos et affublé d'un bonnet, il marche, il court, il se repose au bord de l'eau ou sur un rocher. Nous le suivons qui arpente les paysages (non pas grandioses comme l'affirme le pitch mais aussi lisses que ceux d'un dépliant touristique; lacs tourbières landes rivières). Nous le suivons surtout dans ses pensées: sa voix intérieure (en off bien évidemment) que nous entendons tout au long du film illustre sa vulnérabilité, ses remises en question "suis-je un bon père", ses fantasmes (quand il se masturbe près d'un arbre cul nu, on voit une femme lui faire une fellation, bientôt relayée par un homme) ses "faux"remords (j'aurais dû rester célibataire ne connaître que la magie des rencontres) etc. etc. quoi de plus banal que cette fameuse "crise de la quarantaine"? Un souvenir toutefois le ramène à sa propre enfance dans sa difficile relation au père

 

Le ton était donné dès les premières séquences en ville: sa voix off s'interrogeant sur le chemin tout tracé d'un employé vu à travers une vitre, les propos triviaux d'un couple ami (hors champ), la gêne de retrouver sa femme (et le saumon? Tu ne vas pas le manger toute seule) le rapport sexuel vite fait debout dans la cuisine, tout cela traité comme une succession rapide de tableautins (auxquels Martin est comme étranger), précédant la décision et le départ.

 

Le seul intérêt du film résiderait dans le contraste entre cette banalité (situation et propos) et l'immensité d'une nature immuable (Martin est à la fois confronté à lui-même -grossissement de ses problèmes pseudo existentiels- et à l'immensité de la nature norvégienne, – qui le réduit à un homoncule-; nature si vivifiante que le personnage en vient à  s'allonger pour la nuit sous un lit de lichen; mais une nature qui n'exclut pas l'usage du smartphone (car il convient de communiquer avec l'épouse, ou de se masturber, en visionnant un porno !!)

 

Alors tout ça pour ça??? Une "thérapie" qui passe par l'enlisement à l'image de Martin malencontreusement embourbé? Par la fausse régression :Martin s'est "oublié" dans le sac de couchage?

 

Colette Lallement-Duchoze

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24 octobre 2015 6 24 /10 /octobre /2015 19:09

De Denis Villeneuve

avec Emily Blunt, Benicio Del Toro, Josh Brolin

présenté en compétition officielle au festival de Cannes

Argument: La zone frontalière entre les Etats-Unis et le Mexique est devenue un territoire de non-droit. Kate, une jeune recrue idéaliste du FBI, y est enrôlée pour aider un groupe d’intervention d’élite dirigé par un agent du gouvernement dans la lutte contre le trafic de drogues. Menée par un consultant énigmatique, l'équipe se lance dans un périple clandestin, obligeant Kate à remettre en question ses convictions pour pouvoir survivre.

Sicario

La fascination pour le sordide était déjà bien tangible dans Prisoners; elle semble inchangée dans cette peinture de la guerre -rondement menée -contre la drogue. (Peinture qui visuellement fascine grâce au  travail du chef opérateur Roger Deakins, le  même que pour Prisoners) .

Voici par exemple des cadavres momifiés dans les entrailles d'une maison, la caméra les montre en gros plans et le spectateur les "voit" par le regard de Kate (jeune recrue du FBI) et comme elle, il est pris de nausée. Voici des visages tuméfiés des corps sanguinolents, et les tortures les plus atroces hors champ n'en sont que plus suggestives. L'aspect "politique" de cette "guerre" est bien patent lui aussi: complicités souvent douteuses entre CIA et police mexicaine et barons de la drogue; en fait, on exécute plus qu'on ne sécurise ou protège les civils. À l'instar de cette région frontalière de "non-droit", les frontières entre légalité et illégalité, entre compromis et compromissions sont bien poreuses, au grand dam de Kate...qui progressivement découvre cette double horreur!

Mais comme dans "Prisoners" l'argument mis en exergue sert en fait de prétexte. Ce qui intéresse le cinéaste c'est l'interrogation sur le mal qui est tapi en chacun de nous, un mal "originel" dont témoignent dans Sicario, l'obsédante couleur noire, (jusque dans cette vue aérienne sur les berlines des forces de police) et la fonction métaphorique des tunnels et des abymes ; et ce malgré la récurrence de plans sur des paysages de montagnes. (ne seraient-ils pas aussi des paysages intérieurs, des états d'âme? )

 

On pourrait affirmer sans faire de déduction hâtive que Sicario - film linéaire qui rompt avec la chronologie éclatée d'Incendies- est le "voyage initiatique" de Kate. En  proie à un dilemme, va-t-elle basculer elle aussi???

 

Sicaire, dit le prologue, désignait dans l'antiquité hébraïque, les activistes juifs, les zélotes opposés aux Romains; au Mexique sicario signifie tueur à gages !

 

Colette Lallement-Duchoze

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22 octobre 2015 4 22 /10 /octobre /2015 15:59

de Samuel Benchetrit

avec Isabelle Huppert, Gustave Kerven, Valeria Bruni Tedeschi Jules Benchetrit

présenté en séance spéciale au festival de Cannes

Asphalte

Argument: Un immeuble dans une cité. Un ascenseur en panne. Trois rencontres. Six personnages. Sternkowtiz quittera-t-il son fauteuil pour trouver l’amour d’une infirmière de nuit ? Charly, l’ado délaissé, réussira-t-il à faire décrocher un rôle à Jeanne Meyer, actrice des années 80 ? Et qu’arrivera-t-il à John McKenzie, astronaute tombé du ciel et recueilli par Madame Hamida ?

 

Oyez ce concert de louanges:

 

C'est un univers à la Jeunet ! !  Ouais! pas vraiment (à cause du fauteuil roulant? Rappelez-vous Pinon) je préfère l'univers décalé du premier

 

Une œuvre "cosmique" Oui si le cosmos se réduit à cette pacotille éjectée de son orbite ou si l'immeuble est une "constellation" ….ou si la "chute" est dans l'interplanétaire

 

Film social! Oui si social signifie déglingué comme cet ascenseur en panne et comme ces trois récits, vrais faux courts métrages

 

Reste(rait) la musique de Raphaël (mais là encore...rien de convaincant)

 

J-M Denis

 

 

Asphalte est un film qui se traîne, on s'ennuie faute de nombreux gags pour un film de ce genre, et sentiment de déjà vu pour tout. Déçu !

Serge Diaz 24/10/2015

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18 octobre 2015 7 18 /10 /octobre /2015 05:37

de Muayad Alayan (Palestine)

avec Sami Metwasi, M. Abu Alhayyat, Ramzi Maqdisi

Amours, larcins et autres complications

Le titre, par la légèreté de son énoncé et l'emploi du pluriel, avertit d'emblée le spectateur; il s'agit d'une comédie -mêlant en les multipliant, amour  et procédés  a priori peu recommandables.  Et de fait, le "héros" de cette comédie grinçante va cumuler, souvent malgré lui, les impairs!

Une situation complexe au départ: vivant dans une banlieue palestinienne de Jérusalem, il est pris en tenaille entre les services secrets israéliens et les milices palestiniennes (contexte politique); il est en outre amoureux d'une femme mariée à qui il rend visite en l'absence du mari (situation de vaudeville).

Son rêve? Quitter -avec l'être aimé-, un pays où l'on "survit" en mendiant afin de ne pas tomber dans le piège de la servilité, comme le père! Mais le "fatum" démoniaque va lui tendre d'autres pièges....(dans le coffre de la voiture qu'il a volée, il découvre un prisonnier israélien ligoté qui gémit... au bord de l'énurésie..); le contexte politique d'alors est dominé par les négociations qui portent sur  les échanges de prisonniers; une aubaine pour l'opportuniste...mais d'autres imprévus vont lui barrer la route (et ce, dans tous les sens de cette expression)

Le réalisateur traite le plus souvent en plans larges et plans séquences les tribulations de Mousa. Tancé par le père, recherché par tous, seul dans son "combat" contre "l'ennemi" aux multiples visages, il sera de tous les plans (dans l'habitacle d'une voiture volée c'est le bricoleur astucieux, de même quand il répare le transistor d'une femme aveugle; il sait mater une chèvre rétive;  à bicyclette il fonce vers ce qu'il croit être une immense porte de sortie,.) Courses poursuites dans les ruelles, situations vaudevillesques (il se planque sous le lit "conjugal"), séances de tabassage, etc. C'est une suite d'impondérables dont l'enchaînement  ne déclenche pas un rire franc mais nous rappelle les scènettes d'un certain cinéma d'antan.

Au final, le parcours de ce "héros" n'est-il pas à l'image d'un peuple, son peuple, constamment pris au piège d'une situation quasi inextricable?.On saura gré au jeune réalisateur Muayad Alayan (malgré de nombreuses maladresses de mise en scène) d'en avoir dénoncé avec malice et auto-dérision, l'absurdité !

 

Colette Lallement-Duchoze

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17 octobre 2015 6 17 /10 /octobre /2015 09:34

De Woody Allen

Avec Joachim Phoenix, Emma Stone, Parker Posey

Présenté au festival de Cannes (hors compétition)

L'Homme irrationnel

Hasard et nécessité? Pulsion et raison? L'enfer et les autres; morale individuelle et morale collective, acte gratuit...A grand renfort de citations, Abe le prof nouvellement débarqué sur un campus, cet "intello à la bite molle" dépressif et alcoolique, va trouver sa raison de "vivre" grâce à un acte "libérateur"; il  bouleverse aussi  le cursus d'une étudiante Jill ("qui a lu tout Dostoïevski") et celui d'une prof quadragénaire Rita ...(réglons juste les problèmes pratiques dit-elle à son compagnon au moment de le quitter définitivement).

Parallèlement le cinéaste promène son spectateur d'une romance amoureuse, d'une comédie de mœurs, vers une comédie ontologique faisant du crime un rempart contre l'ennui de vivre, le fameux taedium vitae des Anciens. Et il aura balisé le parcours par des signes à valeur de signaux: les miroirs déformants (nous ne nous reconnaissons pas nous-mêmes,) le personnage isolé sur un rocher face à la mer (cliché du penseur romantique) le mal être d'une femme victime d'un avocat véreux, les pistes dans la recherche de l'assassin (comme autant de chemins de traverse) et au final si la morale est sauve ce n'est dû qu'à la "malchance" (scène où le tragique se mue en comédie foutraque)

Une voix off (celle de l'étudiante) sert de fil conducteur à l'ensemble du récit; tandis que celle du prof équivaut à un monologue intérieur. Mais rarement les deux vont coïncider (d'ailleurs le pourraient-elles?). En revanche la musique empruntée au groupe Ramsay Lewis Trio illustre le caractère"orageux" des trois protagonistes (dont il convient de saluer au passage l'interprétation)

 

Mais le charme "allenien" n'opère pas (ou plus) ....

 

Colette Lallement-Duchoze

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11 octobre 2015 7 11 /10 /octobre /2015 06:14

De Tarzan et Areb Nasser

Film présenté au festival de  Cannes  (section Semaine de la Critique)

soirée du 9/10/2015

Un film réalisé par deux frères palestiniens, (vivant en Jordanie) produit par la France et le Qatar, tourné en Jordanie (un garage aménagé en salon de coiffure) il n'en a pas fallu plus pour susciter une discussion où visiblement le journaliste/cinéaste palestinien qui animait le débat à l'issue de la projection, peinait à se faire comprendre. À la question "peut-on parler de film palestinien"? il tentait d'affirmer et de prouver qu'on ne saurait donner le label "palestinien", quand la production influe trop sur la création... Qu'il n'y a pas d'infrastructure pour le cinéma en Palestine encore moins à Gaza. Que le réalisme apparent de Dégradé se heurte à la "réalité" (le "quartier de Gaza" censé être reconstitué, l'absence de commentaire en faveur du Hamas -alors que c'est le vote des femmes qui aurait assuré sa victoire en 2007 -l'histoire du lion volé eut lieu précisément cette année-là-; des dialogues absurdes dans le contexte ou stéréotypés, un simulacre de microcosme -les femmes confinées dans le huis clos ne sauraient constituer un panel de la société gazaoui etc. etc.)...Malgré les précautions oratoires d'usage et les prétéritions, on a vite compris que ce film n'a pas eu grâce à ses yeux....et on le comprend!

Dégradé

argument: un salon de coiffure où sont confinées plus de 10 femmes; une famille "mafieuse" qui après avoir dérobé un lion au zoo de Gaza l'exhibe juste en face, pour narguer le "pouvoir" -en l'occurrence le Hamas lequel tentera par la force de mettre fin à ce "cas de figure"; et les femmes enfermées en subiront les effets collatéraux...

 

Un lieu clos donc, (serait-ce la métaphore de la bande de Gaza?); un espace confiné qui se prête ainsi à la théâtralisation; confinement où il est encore plus aisé de poser la caméra sur un visage pour l'isoler, un groupe, faire une vue d'ensemble. Ces femmes -une divorcée, une jeune future épousée, une étrangère, une junkie, une religieuse, la mère et sa fille, une autre sur le point d'accoucher, etc. -  attendent les soins (épilation coiffure massage- , comme dans Venus Beauté??); elles discutent librement (sexe drogue famille conditions de vie) avec humour parfois -quand il s'agit des conditions de sécurité -passages obligés aux check-points-, du rationnement, des coupures d'électricité! Le "dehors"? On l'aperçoit, on le devine (conversations téléphoniques) et surtout on entendra sa rumeur explosive quand il sera investi par les armes. Le salon se fissure emporté par la force sismique des détonations...

Dégradé? Le terme désigne une certaine coupe de cheveux.  Il est vrai qu'au niveau du montage et de la "progression dramatique" le film avance par paliers: et inutile d'être fin expert pour repérer qu'au crescendo dans la narration répondent en écho les "dégradés" des lumières et couleurs (jusqu'à la déflagration)

 

MAIS la surenchère (dialogues puis détonations), les "crépages" de chignon, le choix archétypal de femmes frisant la caricature, celui d'une cible unique (le Hamas et sa mauvaise gestion), le prétexte d'un fait divers datant de 2007 pour ausculter une société plus récente, le négligé ou la facilité dans certains rendus, une facticité évidente, font que ce film (il a suscité l'engouement du public cannois, mais c'était dans le cadre de la Semaine de la Critique....) ne peut prétendre à aucun de ces deux labels : film d'intérieur,  film palestinien!

 

 

CLD

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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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